ITALIE : Conjoncture – Août-Septembre 2016
N°16/233 – 12 septembre 2016 2
La croissance en perte de vitesse au T2
L’économie italienne a cessé de croître au deu-
xième trimestre après une croissance modeste
de 0,3% au premier. Seule une légère accéléra-
tion, prévue au second semestre, permettra
d’atteindre une croissance de 0,8% en moyenne en
2016, notre nouvelle prévision (abaissée de
0,1 point). La demande intérieure a marqué une
pause soudaine, avec un ralentissement de la
consommation privée (+0,1% sur le trimestre
après quatre trimestres à +0,4% en moyenne) et
une baisse de l’investissement (-0,3%), faisant
suite à trois trimestres de redressement. Les entre-
prises ont aussi réduit leurs stocks, signe du
manque de confiance quant aux perspectives de
demande. Seule la reprise des exportations nettes
a évité une baisse du PIB avec une contribution
positive de 0,2 point. Comme la plupart des obser-
vateurs, nous comptions sur une reprise de
l’investissement productif, facteur clef pour enclen-
cher le cercle vertueux d’une croissance plus sou-
tenue. L’investissement bénéficie de conditions de
financement plus favorables et de mesures fiscales
de soutien. Mais la demande d’investissement
reste déprimée par la faible amélioration des
marges et par le moral dégradé des entreprises.
L’indice de production industrielle a baissé au T2
retrouvant en juin le faible niveau de décembre
2015. La dégradation des commandes, à la fois
sur le marché intérieur et sur le marché exté-
rieur, depuis le mois de mai, et la détérioration
des perspectives de production et d’exportation
confirment ce climat morose. L’indice du climat
des affaires de la Commission européenne se dété-
riore en août dans tous les secteurs et l’indice
composite atteint son plus bas niveau depuis février
2015. L’enquête PMI auprès des directeurs
d’achats signale une contraction dans le secteur de
l’industrie, pour la première fois depuis janvier
2015. Côté ménages, l’indice des ventes au dé-
tail reste sur une tendance encourageante
(+0,8% sur un an) et la dégradation de leur con-
fiance concerne le climat économique mais pas leur
situation financière. Les opinions sur le chômage
sont aussi plus pessimistes, mais ce pessimisme
ne se reflète pas autant dans les perspectives
d’embauches des entreprises. Le taux de chômage
a encore baissé en juillet, à 11,4%, mais la crois-
sance de l’emploi s’est arrêtée, du fait principale-
ment de la baisse de l’emploi indépendant. Au
premier semestre, le secteur privé a créé 516 000
nouveaux emplois nets (net des cessations),
110 000 de moins que sur la même période en
2015, lorsque l’embauche en CDI a bénéficié d’un
important dispositif de baisse des charges, plus
limité cette année. 60% des créations d’emplois en
avaient bénéficié en 2015 contre seulement 30%
au S1 2016. Cette perte d’élan de l’emploi a pu
peser sur la croissance, mais ne remet pas en
cause la tendance à la baisse du chômage ni la
résistance de la consommation des ménages qui
justifie une légère accélération de la croissance au
deuxième semestre.
Politique : trouver les leviers
de la relance économique
Nous le savions, l’équation budgétaire pour 2017
est très compliquée. La faiblesse de l’économie au
T2 et l’incertitude croissante liée au Brexit et au
cycle électoral européen amèneront certainement
le gouvernement à réviser à la baisse, autour de
1%, les prévisions de croissance pour 2017, au-
jourd’hui à 1,4%. A ce jour, l’objectif gouverne-
mental de ramener le déficit à 1,8% du PIB en
2017, après les 2,3% attendus en 2016, paraît
inatteignable. L’ajustement structurel à pratiquer
serait de l’ordre de 0,5 point de PIB, impensable
pour une économie qui peine à atteindre 1% de
croissance en 2016 avec une orientation budgé-
taire plutôt expansionniste.
Toutefois, le gouvernement ne s’est pas privé de
préparer l’opinion à une révision à la hausse de
l’objectif de 0,5 point de PIB en plus en 2017, la
faiblesse de la croissance pouvant justement servir
d’argument vis-à-vis des partenaires européens. La
révision à la baisse attendue des prévisions expli-
querait une dégradation du déficit de 0,2 point de
PIB par rapport à l’objectif et justifierait ce déra-
page. La faiblesse du cycle est partagée par les
autres grandes économies de la zone, signe que la
reprise n’est pas tout à fait celle que l’on espérait
lors de la rédaction des Programmes de stabilité en
avril. Et l’Italie peut tirer avantage de la crainte dif-
fuse de voir l’économie stagner. Le risque de
perdre le wagon italien, en termes de croissance
mais aussi de stabilité politique, n’est pas accep-
table pour ses voisins, en plein cycle électoral. Le
gouvernement Renzi pourrait donc trouver les es-
paces de flexibilité qu’une interprétation indulgente
(ou selon d’autres complaisante) des Traités per-
met. Au-delà de l’écart dû à une conjoncture moins
bonne, le gouvernement pourra toujours arguer du
surplus d’investissement lié au plan Juncker et
gagner de la flexibilité pour les nouvelles réformes
structurelles (le grand chantier de la réforme de
l’administration publique a été ouvert). Mais cela ne
suffirait pas à relancer la croissance. Le gouverne-
ment réfléchit ainsi à plusieurs mesures, dont le
coût global est difficile à chiffrer à ce stade et le
financement très partiellement évoqué. Miser sur
des mesures visant à améliorer l’offre et donc plus
facilement acceptables par la Commission, tel est
son credo : la baisse de la fiscalité des sociétés
(dont le taux d’imposition passerait de 27,5% à
24%) serait confirmée ; le suramortissement de
l’investissement productif, à l’instar de la Loi Ma-
cron, passerait de 140% à 200% ; la détaxation du
capital réinvesti serait renforcée ainsi que celle de
la part des hausses de salaire résultant de la négo-
ciation au niveau de l’entreprise. Changement de
cadre donc, du soutien à l’emploi au soutien à
l’investissement. Le débat sur la place à des me-
sures de redistribution et de soutien des ménages
n’est pas lancé et probablement pas aussi
prioritaire.