Diarrhée - pharmaSuisse

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→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
Diarrhée
(J. Dommer Schwaller)
Quel est l’âge du patient?
L’âge du patient joue un rôle décisif dans le triage et le traitement antidiarrhéique. On distinguera à cet égard trois catégories d’âge:
1. Nourrissons et enfants en bas âge
Les nourrissons et les enfants en bas âge réagissent très
sensiblement aux pertes d’eau et d’électrolytes, qui
peuvent rapidement devenir dangereuses. Ceci signifie
qu’il faudra sans tarder consulter le médecin dès l’apparition des premiers signes de déshydratation (perte de
poids, soif inextinguible, pâleur du visage, tachycardie
et signe du pli).
2. Enfants dès 3 ans et adultes <65 ans
Selon l’importance des symptômes, on pourra recommander un traitement antidiarrhéique. A toute étape de
l’évolution de la maladie, le traitement primaire reste la
réhydratation orale, indépendamment des causes de la
diarrhée.
3. Patients âgés >65 ans
Chez le sujet âgé, le risque de déshydratation et de complications graves augmente. C’est pourquoi on usera
d’une prudence particulière et l’on sera amené à rechercher un diagnostic médical plus rapidement que chez le
patient jeune.
Fréquence de l’évacuation des selles; depuis quand cette
diarrhée dure-t-elle?
Même si le patient se plaint d’avoir des diarrhées, il n’est pas
toujours sûr que le symptôme existe. Une diarrhée présuppose plus de trois évacuations de volumes importants de
selles liquides ou pâteuses par jour. Suivant la durée, il est
fait la distinction entre:
• la diarrhée aiguë (<2 semaines),
• la diarrhée persistante (2 à 4 semaines) et
• la diarrhée chronique (>4 semaines).
Sous nos latitudes, la diarrhée est généralement le résultat
d’une infection intestinale (souvent d’origine virale) chez les
adultes. Elle disparaît spontanément dans les 24 heures, sans
perturber l’état de santé général.
Quels autres symptômes sont associés à la diarrhée?
Une diarrhée s’accompagnant de fièvre est l’indice d’une
diarrhée infectieuse ou plus généralement, et notamment
chez le nourrisson et l’enfant en bas âge, d’une maladie infectieuse (en ORL p. ex.).
Si la diarrhée s’accompagne de vomissements, on devra s’attendre à un risque accru de déshydratation.
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Les diarrhées s’accompagnent souvent de douleurs ou de
crampes abdominales. Si c’est nécessaire, on peut recourir à
des spasmolytiques (p. ex. Buscopan®) ou à des analgésiques
(paracétamol).
Si le patient souffre par ailleurs de douleurs localisables dans
le bas-ventre droit ou gauche, il doit être adressé à un médecin pour y subir d’autres investigations (diverticulite, colite,
entéropathie chronique inflammatoire, cancer du côlon, etc.).
La présence de sang dans les selles est généralement le signe
d’un processus inflammatoire (colite ulcéreuse), d’une infection (à Campylobacter, à Shigella ou à Salmonella enteritidis) ou
d’une néoplasie (cancer du côlon). Pour cette raison, le patient
devra consulter un médecin sur-le-champ. Sont exceptés les
petits dépôts de sang dus aux irritations périanales qui sont
fréquentes et sans danger. Des saignements frais lors de la
défécation peuvent aussi provenir d’hémorroïdes ou de fissures anales et ne doivent pas faire l’objet d’une consultation
médicale immédiate, mais à l’occasion. Par contre, un médecin
doit aussi être consulté rapidement lors de selles contenant
du mucus, lors de forte déshydratation ou lors de détérioration
de l’état de santé général (faiblesse, état de confusion).
Qu’est-ce que vous avez mangé récemment?
D’autres personnes de votre entourage présentent-elles
les mêmes symptômes?
Chez le nourrisson, un changement d’alimentation entraîne
facilement une diarrhée. En général, les enfants s’habituent
rapidement à un changement de régime alimentaire, et ces
diarrhées ne sont que transitoires. Parfois, elles sont cependant causées par des intolérances alimentaires. Un exemple
largement répandu est l’intolérance au lactose qui se manifeste par des douleurs abdominales, des ballonnements et de
la diarrhée après la prise d’aliments contenant du lactose. Le
pharmacien devrait pourtant toujours aussi garder en mémoire l’intolérance au gluten (maladie cœliaque) qui n’est pas
si rare (1% de la population) et souvent méconnue.
Si des aliments suspects ont été consommés et si des commensaux présentent les mêmes symptômes, il s’agira d’une
intoxication alimentaire (p. ex. entérotoxines, toxines fongiques) ou d’une infection alimentaire. L’aliment suspect
devrait être confisqué pour une analyse ultérieure.
Les infections par Campylobacter sont la première cause des
infections alimentaires. La campylobactériose, une maladie
à déclaration obligatoire, se signale par une large variété de
manifestations, allant de formes asymptomatiques, aux diarrhées sévères (parfois accompagnées de mucus et de sang)
associées à de la fièvre et des crampes et pouvant entraîner
des complications (rares! p. ex. arthrites réactionnelles, méningites, syndrome de Guillain-Barré). La période d’incubation est de 2 à 5 jours, la transmission est pour la plupart des
cas effectuée par la volaille contaminée, mais aussi par le lait
cru et l’eau contaminée. Les symptômes disparaissent spontanément après 1 à 2 semaines. Le traitement est symptomatique (remplacer les pertes de liquide et d’électrolytes). Dans
les cas graves, les antibiotiques peuvent raccourcir le cours
de la maladie.
Les salmonelles constituent la deuxième cause des affections
bactériennes de l’intestin. Les salmonelloses provoquent de
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→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
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la diarrhée et des maux de ventre, souvent de la fièvre et
occasionnellement des vomissements. Elles se manifestent
12 à 36 heures après un repas (souvent œufs ou volaille). En
général, leur évolution est spontanément favorable après
quelques jours. Le traitement est également symptomatique.
On aura recours aux antibiotiques dans les cas systémiques
graves (septicémie).
Les succédanés de sucre (p. ex. sorbitol, xylitol, mannitol,
isomalt), présents dans les bonbons, les chewing-gums et les
sirops, peuvent aussi provoquer gonflements et diarrhées
s’ils sont consommés en grande quantité.
Si d’autres personnes de l’entourage du patient souffrent des
mêmes symptômes, il faut également songer à la possibilité
d’une grippe intestinale. Chez les adultes, elle est principalement due à des norovirus. Ces derniers sont transmis par
voie fécale-orale ou sous forme d’aérosols. Après une période
d’incubation de 12 à 48 heures, ils provoquent de violents
vomissements explosifs, des diarrhées, des crampes abdominales et des symptômes généraux de type grippal. L’infection
est autolimitante, généralement en l’espace de 2 à 3 jours, et
traitée de façon symptomatique. Chez les nourrissons, les
personnes âgées ou immunosupprimées, elle peut évoluer de
manière plus sévère et entraîner des complications. Chez les
enfants en bas âge, les responsables sont généralement les
rotavirus. Ces derniers entraînent des diarrhées liquides, des
vomissements et des coliques entre 1 et 4 jours après l’infection par des gouttelettes ou des souillures. Dans ce cas également, le traitement est symptomatique (surtout réhydratation). L’infection peut être prévenue par une vaccination (voir
sous «Prophylaxie» à la fin du chapitre).
De quels autres problèmes de santé souffrez-vous?
Chez les personnes avec entéropathie inflammatoire chronique dans l’anamnèse personnelle ou familiale, une diarrhée peut être un signe de réactivation. Si malgré le traitement, les symptômes ne disparaissent pas en l’espace de 2 à
3 jours, il est indiqué de consulter un médecin.
Les patients avec déficience immunitaire connue ou supposée
doivent également consulter un médecin car le recours aux
antibiotiques est indiqué plus vite que chez les personnes en
bonne santé. Chez les patients VIH, la diarrhée est souvent
imputable au traitement antirétroviral, en particulier aux
inhibiteurs de la protéase.
Les patients avec maladie chronique sévère et atteints de
diarrhée doivent aussi subir des examens médicaux. Les diabétiques qui souffrent depuis plus de 6 heures de diarrhée
ou de vomissement devraient également consulter un médecin (p. ex. cancer, anémie hémolytique).
Quels médicaments prenez-vous?
La diarrhée est un effet indésirable (EI) relativement fréquent
(environ 7% de l’ensemble des EI); plus de 700 médicaments
ont été impliqués. Si la personne vient de recevoir un nouveau médicament, il faudrait en rechercher le profil d’effets
indésirables (voir encadré) et éventuellement le remplacer
par un médicament mieux toléré (avec l’accord du médecin
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pour les Rx). Si une antibiothérapie a été prescrite durant les
6 dernières semaines, il faut envisager une infection par Clostridium difficile (voir plus bas). Les patients les plus touchés
par les diarrhées liées à la prise de médicaments sont ceux
d’âge avancé. On distinguera entre diarrhée aiguë et chronique. La diarrhée aiguë apparaît pendant les premiers jours
de traitement, alors que la diarrhée chronique n’intervient
que plus tardivement et dure plus de trois à quatre semaines.
Divers mécanismes, parfois combinés, sont impliqués, p. ex.:
l’action osmotique, l’action sécrétoire, l’action sur la motilité,
le mécanisme exsudatif (atteinte de l’intégrité de la muqueuse), la malabsorption de graisse (stéatorrhée), la prolifération microbienne, la colite.
Médicaments le plus souvent impliqués
Laxatifs, antibiotiques (dans 25% des cas), antiacides
contenant du magnésium, préparations contenant du lactose ou du sorbitol, AINS, prostaglandines, colchicine,
cytostatiques, antiarythmiques et cholinergiques
Autres médicaments connus
Antidiabétiques (acarbose, biguanides), calcitonine, carbamazépine, colestyramine, fructose, hormones thyroïdiennes, immunosuppresseurs, inhibiteurs de la protéase,
lévodopa-bensérazide, métoclopramide, orlistat, ranitidine,
statines, sulfate de fer, etc.
Diarrhée comme signe d’un surdosage
(→ nécessite consultation médicale immédiate)
Méthyldopa, digitaliques, colchicine
Risque augmenté d’une infection par Clostridium difficile
Antibiotiques (risque le plus grand avec les aminopénicillines, céphalosporines de 2e et 3 e génération, clindamycine, fluoroquinolones), inhibiteurs de la pompe à protons,
anti-H 2
Risque augmenté d’une déshydratation
Diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou
sartans
Une diarrhée aiguë sous antibiotiques est souvent inoffensive. Si elle est abondante (≥5× par jour), si elle contient du
mucus, si elle est parfois sanglante, ou si elle est accompagnée de fièvre et de douleurs abdominales, un médecin doit
cependant être consulté en urgence et l’antibiotique stoppé
en raison du soupçon de colite pseudomembraneuse provoquée par la prolifération de Clostridium difficile. Ce germe est
responsable de 15 à 25% des diarrhées survenant après une
antibiothérapie et de plus de 90% des cas de colites pseudomembraneuses. La diarrhée débute un à neuf jours après
l’initiation de l’antibiothérapie, mais peut aussi survenir
3 mois après la fin du traitement. Les inhibiteurs de la pompe
à protons (IPP) semblent également augmenter le risque d’infection par Clostridium difficile. Toute diarrhée liquide persistante associée à des crampes abdominales et à de la fièvre
survenant pendant ou après un traitement par un IPP doit
donner lieu à une consultation médicale. La prudence est
particulièrement de mise chez les personnes âgées ou hos-
→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
pitalisées et lors de prise d’un IPP à long terme. Le risque
semble être le même avec les anti-H 2 et pourrait donc être
imputable à l’effet antiacide.
Certains médicaments (diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme
de conversion ou sartans) aggravent le risque de déshydratation et peuvent éventuellement causer des complications
(insuffisance rénale aiguë). Une diminution de la posologie,
voire l’arrêt provisoire du médicament est à envisager (médecin).
Quels voyages dans des pays à risque (surtout Afrique et
Asie) avez-vous entrepris ­r écemment?
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La diarrhée des voyageurs est une affection très fréquente
qui survient principalement dans les pays chauds. Elle est
causée par des bactéries, des virus ou des protozoaires. Les
symptômes sont assez nets: au minimum trois émissions de
selles liquides par jour, avec au moins un symptôme concomitant tel la fièvre, des convulsions, des nausées ou des vomissements. Elle survient généralement dans les deux premières semaines de vacances et guérit spontanément dans
les trois à cinq jours, mais peut aussi persister au-delà d’une
semaine, voire plus d’un mois dans certains cas. Une diarrhée
accompagnée d’une fièvre élevée (plus de 38,5° C), de
crampes abdominales et/ou de sang dans les selles indique
une forme invasive (dysenterie) et nécessite en général un
examen médical et un traitement. La réhydratation constitue
la principale mesure thérapeutique de la diarrhée aiguë. Au
besoin, il est possible d’administrer en plus du lopéramide,
sauf pour les enfants de moins de 5 ans, en cas de fièvre
supérieure à 38,5° C et/ou de sang dans les selles. Dans les
formes modérées à sévères, l’emploi d’antibiotiques (p. ex.
fluoroquinolones, azithromycine) peut abréger le cours de la
diarrhée des voyageurs et/ou en atténuer la gravité. Il faut
néanmoins recommander aux voyageurs de prendre des antibiotiques uniquement lors de symptômes de dysenterie ou
lors de fièvre, les antibiotiques augmentant sinon nettement
le risque qu’ils deviennent porteurs d’entérobactéries résistantes (BLSE, bêtalactamases à spectre élargi). De plus, le
risque que persistent des perturbations du transit augmente
(syndrome du côlon irritable postinfectieux). L’utilisation
d’antibiotiques à titre prophylactique doit être réservée à des
cas spécifiques. A titre de prévention, le pharmacien doit
recommander d’abord des mesures d’hygiène. Souvent, ces
dernières ne sont toutefois pas respectées. Les probiotiques
et certaines vaccinations peuvent aussi avoir un effet favorable, mais limité sur la prévention de la diarrhée des voyageurs.
Etat de faiblesse, léthargie, confusion
Diarrhée persistante après le début d’une antibiothérapie
Forte diarrhée au retour d’un voyage outre-mer (tout
particulièrement en présence de fièvre)
Alternance entre diarrhée et constipation
Douleurs qui s’aggravent ou qui réapparaissent
Absence d’amélioration des symptômes après traitement
de deux jours par lopéramide
Diarrhée chez le nourrisson >6 heures ou chez le petit
enfant >12 heures
Personnes âgées
Maladie grave (p. ex. déficience immunitaire, valves artificielles cardiaques)
Personne travaillant dans l’industrie alimentaire
Diarrhée du nourrisson et du petit enfant
En raison de la perte hydro-électrolytique, les diarrhées sévères peuvent menacer le pronostic vital des nourrissons et
des petits enfants en l’espace de quelques heures seulement.
C’est pourquoi il faut consulter un médecin dans les heures
qui suivent si des signes de déshydratation apparaissent
(augmentation du risque si >6 selles liquides; voire encadré).
Cave Signes de déshydratation nécessitant une consul­
tation médicale en quelques heures
• Perte de poids (>5% chez le nourrisson, >3% chez
l’enfant plus âgé; >9–10% est le signes d’une déshydratation grave)
• soif (manque en cas de léthargie)
• moins de 4 langes mouillés par jour (peuvent être
moins mouillés que d’habitude)
• globes oculaires enfoncés dans les orbites, fontanelle déprimée
• larmes moins abondantes voire totalement absentes, muqueuses sèches
• agitation voire apathie (l’enfant ne veut plus jouer)
• accélération du pouls et de la respiration
• mauvaise microcirculation (>2 s., jusqu’à ce que la
peau devienne à nouveau rouge après pression avec
l’ongle du doigt)
La toute première mesure thérapeutique consiste à compenser et à normaliser la perte d’eau et d’électrolytes. On administre à cet effet une solution spéciale pour réhydratation
orale, contenant du glucose, du sodium, du potassium et du
chlorure en proportions déterminées (composition selon recommandations de 2002, de l’OMS). a
Le conseil du pharmacien
Quand le patient doit-il consulter un médecin?
• Diarrhées extrêmement fortes et persistantes (>2 jours)
• Sang ou mucus dans les selles
• Fièvre supérieure à 38,5° C, lassitude, violentes coliques
ou douleurs
• Forte déshydratation ou incapacité à absorber du liquide
• Perte de poids chez les enfants et les personnes âgées
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a
En 2002, L’OMS a réduit l’osmolarité de la solution de réhydratation de 311 à
245 mosm/l, l’osmolarité réduite étant plus efficace. Normolytoral® et Oralpädon®
correspondent à ces nouvelles recommandations. Elotrans® correspond encore à
l’ancienne formule de l’OMS.
L’OMS et l’UNICEF recommandent, en plus de la solution de réhydratation, un apport de zinc, qui diminue essentiellement la gravité et la durée des diarrhées. Ils
conseillent 10 à 20 mg de zinc sous forme de sulfate, acétate ou gluconate pendant 10 à 14 jours. En Suisse, il n’y a que des préparations à 20 mg (Rx), mais en
France il existe ZinCfant® (comprimés dispersibles: 10 mg pour les enfants avant
6 mois et 20 mg pour les enfants plus âgés).
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→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
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Formule de solution artisanale des sels de réhydrata­
tion
8 cc de sucre
½ cc de sel
1 verre de jus d’orange
1 litre d’eau fraîchement bouillie et refroidie
Si l’enfant refuse la solution de réhydratation orale, elle peut
être dissoute dans du thé, sucrée avec de l’édulcorant synthétique (ne pas utiliser de sucre ou de succédané de sucre)
ou mélangée avec la boisson préférée (p. ex. env. ¾ de solution
de réhydratation orale et ¼ de coca dégazéifié). En alternative, on peut lui proposer des jus de fruits ou boissons sucrées
diluées (1 verre pour 4 verres d’eau) ou des boissons à base
de lait (à diluer également dans de l’eau 1:1). Les boissons
très sucrées telles que jus de pommes ou autres sont
contre-indiquées, car elles sont hyperosmolaires et risquent
ainsi d’aggraver la diarrhée. Leur contenu en sodium est en
outre insuffisant.
Lors de la remise de sachets pour solution de réhydratation,
le pharmacien doit expliquer les points suivants aux parents
(si possible par écrit): la dilution de la poudre doit être exacte,
conforme à la notice. Un biberon peut être utile à la précision
de la dilution. Mais il vaut mieux proposer la solution à l’enfant par petites quantités, sans le forcer. Si l’enfant ne vomit
pas, il peut boire autant qu’il le souhaite. L’ingestion de
grandes quantités de boissons (plus de 200 ml/h pour un
poids corporel de 10 kg) est toutefois un signe de déshydratation grave, qui nécessite un traitement médical. En cas de
vomissement, la solution doit être administrée régulièrement
en petites quantités (1 cuillère à café toutes les 1 à 2 minutes).
Si les vomissements persistent plus de quelques heures, il
faut conseiller aux parents de consulter un médecin. Dans un
premier temps, la solution de réhydratation peut augmenter
légèrement le volume des selles. Si la diarrhée augmente toujours après 4 heures, une consultation médicale sera nécessaire.
Dès que la soif a été étanchée et que suffisamment d’urine a
été éliminée, il faut reprendre l’alimentation habituelle, à
savoir le lait maternel et le biberon de lait (à partir de la 6 e
heure ou tout du moins dans les 24 heures). L’allaitement
maternel ne devrait pas être interrompu. Au besoin, le lait
que prend habituellement le nourrisson peut être dilué de
moitié avec la solution de réhydratation pendant 6 à 12 heures.
Il existe également des laits diététiques spéciaux (p. ex. Aptamil HN 25, Alfaré), mais leurs avantages ne sont pas clairement prouvés. Il est conseillé de continuer la solution de
réhydratation tant que la diarrhée continue.
Les adsorbants et les antipéristaltiques sont contre-indiqués
chez le petit enfant pour leur inefficacité ou leur relation
risque-bénéfice défavorable. Le lopéramide expose à un
risque d’iléus paralytique et est contre-indiqué chez l’enfant
de moins de deux ans. Les antibiotiques ne seront utilisés
que si le germe responsable est connu.
Diarrhée de l’enfant plus âgé et de l’adulte
La majorité des diarrhées aiguës s’améliorent spontanément
dans les 24 heures et ne requièrent pas de traitement particulier. La déshydratation est rare chez les adultes en bonne
santé. Il en va autrement chez les personnes âgées (>65 ans)
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ou chez les patients prenant certains médicaments (diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou sartans).
Les premiers signes de déshydratation sont une sensation de
soif, une diminution de la diurèse, voire une perte de poids.
L’important est de bien s’hydrater. Lorsque les pertes liquidiennes sont importantes ou en cas de signes de déshydratation, il faut alors les compenser avec des solutions de réhydratation orale. Celles-ci sont en général bien tolérées, mais
doivent être utilisées avec prudence chez certains groupes à
risque tels que les diabétiques, en raison de leur teneur en
glucose, et les patients souffrant d’une diminution de la fonction rénale, d’une insuffisance cardiaque ou d’une hypertonie, en raison de la teneur en sodium.
Il n’est pas nécessaire de se priver de nourriture. Toutefois,
la prise d’aliments peut parfois renforcer la diarrhée de façon
passagère. Il faut recommander des aliments faciles à digérer,
suivant la tolérance individuelle (p. ex. bouillon, riz, pâtes,
pommes de terre, zwieback, bananes, pommes râpées).
Dans la mesure où cela s’avère nécessaire et souhaitable, des
inhibiteurs de la motricité intestinale tels que le lopéramide
peuvent être administrés en complément de la solution de
réhydratation. Le lopéramide présente une efficacité modeste
(une selle en moins durant les 12 premières heures) et ne
prévient pas la déshydratation. La question de savoir si le
lopéramide risque d’entraîner un retard d’élimination de
l’agent pathogène responsable et donc une évolution moins
rapide de la maladie fait toujours l’objet d’une controverse.
La prise d’inhibiteurs de la motricité intestinale devrait en
tout cas être limitée dans le temps et ne s’étendre que sur
deux ou trois jours au maximum. Ces substances sont
contre-indiquées chez les enfants de moins de 2 ans, chez les
patients atteints de troubles graves de la fonction hépatique,
en tant que monothérapie dans le cas de la dysenterie aiguë
et en cas de crises aiguës de colite ulcéreuse ou pseudomembraneuse. Les inhibiteurs de la motricité intestinale ne
peuvent pas non plus être prescrits en cas de suspicion d’infection par E. coli, producteur de vérotoxine (anamnèse, selles
sanglantes avec ou sans fièvre légère) ou de Clostridium. Attention également à l’abus de lopéramide. Utilisé conjointement à des «boosters» (quinidine, antifongiques azolés, vérapamil), l’action systémique du lopéramide est si fortement
augmentée que des effets semblables au fentanyl peuvent être
atteints. Attention aux interactions (dépression respiratoire
avec inhibiteurs de P-glycoprotéine comme la quinidine; obstruction intestinale avec laxatifs mucilagineux).
Le kaolin, la pectine et d’autres adsorbants sont censés lier
et inactiver les toxines bactériennes, un effet qui n’a pourtant
pas pu être confirmé au cours d’essais cliniques. Il en est de
même du charbon activé, qui reste toutefois l’adsorbant de
toxines de première intention dans certaines intoxications.
Le charbon activé peut tout au plus être considéré comme
une recette traditionnelle inoffensive dans les diarrhées sans
problème.
Les probiotiques (p. ex. lactobacilles, bifidobactéries, Saccharomyces boulardii) sont de manière générale recommandés
pour la prophylaxie des diarrhées associées aux antibiotiques
et pour le traitement de diarrhées infectieuses aiguës. Leur
efficacité est cependant remise en question dans des analyses
critiques. En raison d’éventuelles complications septiques,
les probiotiques sont contre-indiqués chez les patients gra-
→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
vement malades et immunosupprimés ainsi que chez les
personnes souffrant de pancréatite aiguë ou traités avec un
cathéter veineux central.
Les antibiotiques doivent être utilisés avec prudence lors de
diarrhée dans la mesure où ils peuvent prolonger la durée de
l’excrétion. Généralement, ils sont uniquement prescrits aux
patients avec fièvre et selles sanglantes ou après la preuve
d’agents particuliers (p. ex. Shigella).
Les causes d’une diarrhée prolongée sont généralement des
troubles graves de la digestion et de l’absorption, qui renvoient à une maladie sous-jacente ou à une intoxication médicamenteuse. La cause d’une diarrhée chronique doit être
recherchée; elle ne relève pas de l’activité-conseil du pharmacien.
Prophylaxie
Les mesures d’hygiène constituent l’essentiel de la prévention chez les voyageurs se rendant dans les pays chauds. Il
s’agit de s’imposer une discipline extrême en renonçant aux
aliments crus, aux glaces et aux salades, ce qui ne se fait guère
en pratique. L’eau sera bouillie, ou on utilisera de l’eau minérale même pour l’hygiène dentaire. On ne consommera
que les fruits que l’on pourra peler soi-même.
Une bonne hygiène des mains est également essentielle (se
laver les mains avant les repas, après un trajet en bus, éviter
les poignées de mains, etc.).
Sous nos latitudes également, on veillera à une bonne hygiène des mains et usera de prudence en consommant des
œufs crus ou à la coque, de la volaille mal cuite, des fruits et
légumes mal lavés.
Les affections intestinales causées par des bactéries du genre
Salmonella sont contagieuses. On usera alors de mesures
d’hygiène particulières, même dans l’entourage familial, et
on consultera impérativement le médecin.
La gastro-entérite due aux norovirus est elle aussi hautement
contagieuse. Le respect des règles d’hygiène des mains (voir
en haut) est donc d’autant plus important. D’après les recommandations de l’OFSP, les objets et surfaces entrés en contact
avec des selles ou des vomissements doivent être nettoyés,
puis désinfectés, p. ex. à l’eau de Javel diluée (0,1%). Les solutions d’eau de Javel destinées au grand public, généralement d’une concentration de 2,5%, doivent être diluées à 0,1%
(mélanger 2½ dl de la solution originale avec 5 l d’eau).
La vaccination s’impose contre le choléra, le typhus et les
rotavirus. Le vaccin contre les rotavirus autorisé en Suisse
est sûr, efficace et bien supporté mais comparativement cher.
Comme les gastroentérites dues aux rotavirus sont de courte
durée, ne laissent pas de séquelles à long terme et ne causent
pratiquement aucun décès en Suisse, la vaccination a été jugée non rentable début 2015 et n’a donc pas été prise dans la
catégorie des vaccinations de base recommandées. Actuellement, cette vaccination fait l’objet d’une réévaluation.
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