Diarrhées bactériennes Jean-Philippe Rasigade ([email protected]) Année universitaire 2016 -2017. 1. Contexte : ITEMS ECN 194 et 302 - Diarrhée aiguë et déshydratation chez le nourrisson, l’enfant et l’adulte ; Diarrhée aiguë chez l’enfant et chez l’adulte (avec le traitement) La diarrhée est définie comme un volume de selles liquides >350 mL/24h avec pertes hydro-électriques Une diarrhée n’est pas toujours infectieuse Elle peut être un signe d’accompagnement d’une autre pathologie (ORL chez l’enfant++, pneumopathie, pyélonéphrite, paludisme etc) L’urgence est la prise en charge de la déshydratation Les diarrhées infectieuses sont plus souvent virales que bactériennes Les pathogènes à porte d’entrée digestive ne causent pas tous une atteinte digestive (ex : Listeria ne cause pas de diarrhée au premier plan) 2. Diarrhée toxinogène et syndrome cholériforme Une toxine préformée dans l’aliment ou produite in situ dans l’intestin agit sur les entérocytes Cliniquement, selles aqueuses avec peu/pas de fièvre Importance diagnostique : on ne recherche la bactérie dans les selles que si la toxine est produite in situ Toxines produites in situ : o Escherichia coli entérotoxinogène (tourista ou diarrhée du voyageur) : risque élevé dans les pays hors OCDE ; risque modéré en Europe du Sud, Turquie, Indonésie o Vibrio cholerae : Inde, Asie, Afrique, Amérique du Sud. Bacille Gram négatif incurvé, sévérité liée à l’importance des pertes hydriques. o Clostridium difficile : portage sain fréquent, infection clinique après sélection par un traitement antibiotique qui altère la flore de barrière (diarrhée post-antibiotiques). Bacille Gram-positif. La contamination est inter-humaine, pas alimentaire. Diagnostic par PCR et/ou immunochromatographie sur demande spécifique. Traitement par arrêt si possible de l’ATB en cours puis métronidazole et/ou vancomycine per os. 1 ANTIBIOTIQUES – Sensibilité et résistance 2 Toxines préformées (inutile de rechercher la bactérie dans les selles) : o Staphylococcus aureus : entérotoxines émétisantes, incubation courte. Aliments : crème pâtissière++ o Bacillus cereus : entérotoxines thermostables, produites après germination des spores résistantes à une cuisson basse température. Bacille Gram positif. Aliments : plats préparés, traiteurs (riz+++) o Clostridium perfringens : entérotoxine thermolabile (détruite à 75°C). Aliments : viandes mal cuites L’exception qui confirme la règle : syndrome cholériforme non toxinique causé par les Escherichia coli entéropathogènes (EPEC). L’EPEC adhère à l’épithélium intestinal et altère les entérocytes, c’est le mécanisme d’ « effacement des villosités » intestinales à l’origine de la diarrhée. 3. Diarrhée invasive et syndrome dysentérique La bactérie envahit et détruit les entérocytes Cliniquement, fièvre et selles avec glaires, sang, pus On recherche la bactérie dans les selles Pathogènes : o Shigella dysenteriae : entérobactérie. Synthèse d’une shigatoxine bloquant l’ARN ribosomal. Colite hémorragique. Risque de forme grave : syndrome hémolytique et urémique (SHU) par altération de l’endothélium vasculaire (microangiopathie thrombotique). Rare. o Campylobacter spp. Bacilles Gram-négatif incurvés. Aliments : volailles. o Salmonella enterica. Entérobactérie. Aliments : œuf et préparations à base d’œuf. o Yersinia enterocolitica. Entérobactérie. Aliments : viande de porc. o E. coli entérohémorragique (EHEC). Souches particulières d’E. coli possédant des toxines shiga-like, responsables de SHU comme Shigella. Diagnostic par PCR à la recherche des gènes des toxines, sur demande spécifique. Classiquement, sérotype (méthode de typage des bactéries à l’intérieur d’une même espèce) O157 :H7 ; plus récemment, sérotype O104 :H4 (graines germées). o Salmonella Typhi et Paratyphi. Formes invasives et bactériémiques (fièvre typhoïde), la diarrhée est au second plan derrière le sepsis et le tableau neurologique (prostration, tuphos). Hémocultures nécessaires devant toute suspicion. 2 4. Prise en charge individuelle Diagnostic bactériologique sur coproculture: la difficulté est d’isoler un pathogène au milieu d’une flore bactérienne riche. o J0 : l’examen direct renseigne sur la présence de sang/pus/mucus (souvent vu macroscopiquement) o L’isolation et l’antibiogramme sont souvent décalés de 24 à 48h par rapport à d’autres prélèvements (nécessité de séparer le pathogène éventuel des autres bactéries) : l’antibiogramme est rarement disponible avant 72h. Hospitalisation devant déshydratation >8% du poids corporel, âge < 3 mois, sepsis ATB indiqués devant Shigella ou formes graves. Traitement par azythromycine, céphalosporine de 3e génération ou fluoroquinolone (sauf pédiatrie) 5. Prise en charge collective Déclaration obligatoire à l’ARS devant o toxi-infection alimentaire collective (TIAC) : au moins deux cas groupés liés au même repas (restaurants, collectivités+++), nécessite enquête o fièvre typhoïde (Salmonella Typhi et Paratyphi) o choléra Déclaration INVS des SHU Vaccination contre Salmonella Typhi avant voyage en pays à risque Autres mesures de prévention : hygiène contre le péril fécal, précautions contact pour les diarrhées à C. difficile. 6. Mots anglais Foodborne illness / food poisoning 3