R é u n i o n Réunion OXYGÈNE, VAISSEAUX ET CANCER

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Réunion
R éunion
Compte-rendu des Premières Rencontres francophones
sur l’angiogenèse tumorale – Avignon, le 24 juin 2006
D'après les présentations de J. Pouysségur, D. Malka, G. Pagès, G. Tobelem, J.P. Delord, F. Tranquart, X. Pivot, J. Balosso
recueillies par L. Aimard (Clinique Clairval, Marseille).
OXYGÈNE, VAISSEAUX ET CANCER
J. Pouysségur (Institut de signalisation, biologie et développement du cancer, Centre A. Lacassagne, Nice)
Le soleil est notre source de vie. Il circule dans nos artères
sous forme d’oxygène. Le soleil transforme le gaz carbonique
en une flore luxuriante. Celle-ci excrète l’oxygène, qui devient
source de vie pour la faune animale. Ainsi, l’astre solaire marie
l’homme au végétal. Alors que nos artères véhiculent tous les
nutriments indispensables à notre croissance et survie, ce sont
les variations de teneur en oxygène d’un organe qui "sculptent”
son réseau vasculaire. Grâce à des détecteurs d’oxygène sophistiqués – proline et asparagine hydroxylases, qui contrôlent
l’activité transcriptionnelle du facteur HIF –, les organes densifient ou élaguent le réseau vasculaire en fonction de la teneur
en oxygène du tissu. Ce phénomène naturel est exploité par les
tumeurs. Leur croissance épuise rapidement l’oxygène local, un
signal déclenchant la vascularisation (angiogenèse tumorale),
le développement de la tumeur et souvent la dissémination des
cellules. Les cancers du côlon et du rein bénéficient depuis peu
de traitements anti-angiogéniques. Nous essayerons d’apporter
lumière et air frais dans ce domaine de la biologie (1).
O
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Pouysségur J, Dayan F, Mazure NM. Hypoxia signalling in cancer and approaches to enforce tumour regression. Nature 2006;441:437-43.
nuer à recevoir l’anti-VEGF en combinaison avec un traitement
de seconde ligne. L’objectif principal de l’étude était la survie
globale. Comme prévu selon le protocole, un troisième bras
(5-FU/AF/B) a été interrompu après vérification de la faisabilité
de la combinaison IFL + B.
Tableau I. Antiangiogéniques en cours de développement.
Agents
Firme
Type (cibles)
Développement
Roche/Genentech
ACM (VEGF-A)
Commercialisé
Regeneron
VEGFR1 soluble
Phase I/II
Bayer/Onyx
IRTK**, IRAFK
Phase III
Novartis/
Schering Plough
IRTK** (VEGFR1/2,
PDGFR, c-KIT)
Phase III
Sirna
Ribozyme
(ARNm VEGFR1/2)
Phase II
AstraZeneca
IRTK**
(VEGFR1/2, EGFR)
Phase II
AG013676
Pfizer
IRTK**
Phase II
SU11248 (sunitinib)
Pfizer
IRTK**
(VEGFR, PDGFR, c-KIT)
Phase I/II
GlaxoSmithKline
IRTK (VEGFR)
Phase I/II
ImClone
ACM (VEGFR2)
Phase I
Bévacizumab*
VEGF-Trap
Antagonistes VEGFR
Bay 43-9006
(sorafenib)
Valatinib
(PTK787/ZK222584)*
Angiozyme
ZD6474
GW786034
LES ANTIANGIOGÉNIQUES
DANS LES CANCERS DIGESTIFS
D. Malka (Institut Gustave-Roussy, Villejuif)
Après avoir rappelé le contexte actuel de la prise en charge
du cancer colorectal (CCR), D. Malka présente les principaux
antiangiogéniques disponibles selon leur mécanisme d’action
et le niveau de leur développement en recherche clinique.
Dans le CCR métastatique, la première molécule antiangiogénique
(et la seule à ce jour) à avoir obtenu une autorisation de mise sur le
marché (AMM) en association avec de la chimiothérapie en première
ligne thérapeutique est Avastin© (bévacizumab) [tableau I].
L’étude d’enregistrement (1) a randomisé 815 patients présentant
un CCR métastatique entre un traitement par IFL (irinotécan,
5-fluoro-uracile [5-FU], acide folinique [AF]) + placebo versus
IFL + bévacizumab (B) [à la dose de 5 mg/kg/14 jours]. L’aveugle
a été levé à la progression, et les patients sous B pouvaient contiLa Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007
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IMC-IC11
ACM : anticorps monoclonal, IRTK : inhibiteur oral de récepteur(s) à tyrosine kinase,
IRAFK : inhibiteur de RAF kinase.
* Résultats en phase III rapportés au cours du CCR.
** Inhibent divers RTK, dont VEGFR1, VEGFR2, PDGFR, c-kit ou Flt-3.
Les patients randomisés dans le bras IFL + B ont eu significativement plus de réponses que ceux du bras IFL + placebo (44,9 %
versus 34,7 % ; p = 0,003) ; la survie sans progression a été significativement améliorée (10,6 mois versus 6,2 mois ; p < 0,00001), ainsi
que la survie globale (20,3 mois versus 15,6 mois ; p = 0,00003).
Un traitement de deuxième ligne a été administré à 53 % des
patients du groupe IFL + placebo et à 61 % de ceux du groupe
IFL + B. Pour les malades traités en seconde ligne par oxaliplatine,
le bénéfice en termes de survie globale persistait dans le groupe
initialement traité par IFL + B (25,1 mois) par rapport à celui
ayant reçu IFL + placebo (22,2 mois).
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Une étude rétrospective a analysé la survie globale observée en
tenant compte des critères de Köhne et al. (statut de performance, nombre de sites tumoraux, phosphatases alcalines,
globules blancs) [2].
Ainsi, la survie globale était significativement améliorée si le
traitement administré était IFL + B (quel que soit le groupe
pronostique) et si le risque était faible (quel que soit le schéma
utilisé). Le bénéfice lié au B était observé même chez les patients
de mauvais pronostic (tableau II).
Tableau II. Survie globale selon la classe de risque pronostique
(d’après [2]).
nouvel événement indésirable n’a été détecté ; les perforations et
les hémorragies digestives sont tumorales dans environ 50 % des
cas, avec un risque accru si le cancer primitif n’est pas réséqué
(fatales : 2,2 % versus 0,3 %) [3-6].
En ce qui concerne les complications de la chirurgie faite avant
ou après la mise sous B, l’analyse issue des données de l’étude
pivotale a été publiée (7). Le tableau IV reprend les résultats.
Tableau IV. Combinaison chimiothérapie (CT) + bévacizumab (B) :
morbidité opératoire.
Chimiothérapie seule Chimiothérapie + B
(n = 516)
(n = 616)
Survie globale médiane (mois)
IFL + placebo
(n = 401)
IFL + B
(n = 411)
faible (n = 233)
19,8
25,7
moyen (n = 493)
15,3
20,1
élevé (n = 86)
10,4
14,3
Risque
Chirurgie avant utilisation de B
Complications
Dans l’étude de Hurwitz et al., en termes de tolérance, au total,
85 % des patients du bras B et 74 % de ceux du bras placebo ont
présenté une toxicité de grade 3-4 (p < 0,01). Les pourcentages
de décès toxiques et de décès dans les 60 premiers jours ne
différaient pas d’un groupe à l’autre (2,5 % versus 2,8 % ; 3 %
versus 4,9 %). Les toxicités principales ont été la diarrhée de
grade 3-4 (33 % versus 25 %) et la neutropénie de grade 3-4 (37 %
versus 31 %). Une attention toute particulière a été portée aux
événements vasculaires : une hypertension artérielle (HTA) a
été plus fréquemment observée sous B (22,4 % versus 8,3 %),
mais les événements thrombo-emboliques (19,3 % versus 16,1 %)
ou hémorragiques (3,1 % versus 2,5 %) n’ont pas différé d’un
groupe à l’autre. Six patients (1,5 %) du bras B ont présenté une
perforation digestive (1).
En termes de tolérance, les observatoires relatifs à l’utilisation
de B dans le cadre des AMM délivrées par la Food and Drug
Administration et l’European Medicines Agency (EMEA) [études
BRiTE et First BEAT] montrent des résultats comparables à ceux
observés dans les essais randomisés (tableau III). Ainsi, aucun
AVF2107g
(États-Unis)
[1]
BRiTE
(États-Unis)
[3]
First BEAT
(Europe, etc.)
[4-6]
IFL + B
(n = 393)
Chimiothérapie
(CT) + B
(n = 1 968)
CT + B
(n = 1 915)
Thrombo-embolies
artérielles
3,3
2,1
0,6
Hémorragies
grade 3-4
3,1
1,9
3,6
36
LK1-BAG_0207.indd 36
1,5
1,7
1 (0,5 %)
3 (1,3 %)
29
75
1 (3,4 %)
10 (13,3 %)
Pour une chirurgie plus spécifique telle que la chirurgie hépatique, plusieurs points sont abordés, mais peu de réponses sont
actuellement disponibles.
Ainsi :
il n’y a pas de données sur la régénération hépatique et antiVEGF ;
l’impact clinique de la toxicité de la chimiothérapie est une
notion controversée ;
les anti-VEGF inhibent la cicatrisation ;
la demi-vie du B est longue (17-21 jours) ;
le délai proposé entre la dernière administration de B et une
chirurgie est de 8 semaines.
Lors du congrès de l’ASCO 2006, deux équipes ont présenté les
résultats de l’utilisation de B dans le contexte de la chirurgie
des métastases hépatiques (tableau V) [8-9].
Tableau V. Combinaison chimiothérapie (CT) + bévacizumab (B) :
morbidité après hépatectomie.
Étude [8]
(n = 19 évaluables/
34 opérés de l’étude)
Étude [9]
(n = 43 opérés/
1 927 pts de l’étude)
Type d’étude
Phase II
First BEAT
Population
Patients potentiellement
opérables
Patients non opérables
Chimiothérapie
XELOX 100 %
Oxaliplatine (60 %),
CPT11 (37 %)
Délai B/chirurgie
5 semaines
8 semaines
Complications
postopératoires
5%
Fuite biliaire
Abcès de paroi
6%
liés au B
(33 % en tout)
Tableau III. Combinaison chimiothérapie (CT) + bévacizumab (B) : toxicité.
Perforations
digestives
230
Chirurgie
au cours de l’utilisation du B
Complications
Effets
indésirables (%)
194
1,5
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Tableau VI. Associations fluoropyrimidine + oxaliplatine : apport du bévacizumab (d’après [11]).
TREE-1
TREE-2
mFOLFOX
bFOL
CAPOX
mFOLFOX + B
bFOL + B
CAPOX + B
Taux de réponse (%)
43
22
35
53
41
48
Temps jusqu'à progression (mois)
8,7
6,9
5,9
9,9
8,3
10,3
Survie globale (mois)
19,2
17,9
17,2
26,0
20,7
27,0
Toxicité grade 3-4 (%)
59
36
67
59
51
56
La conclusion retenue par les différents auteurs est que la
chirurgie hépatique (métastases résécables d’emblée ou secondairement) de patients traités par B paraît possible dans de
bonnes conditions de sécurité, moyennant un délai d’au moins
5 semaines après la dernière administration de B.
Toujours en première ligne de traitement du CCR métastatique,
l’étude TREE-1 compare trois différents schémas d’administration
de fluoropyrimidines et d’oxaliplatine (FOLFOX ou 5-FU
bolus ou capécitabine). Puis l’étude de phase II TREE-2 a suivi,
en gardant les mêmes combinaisons de chimiothérapie (doses
réduites de capécitabine), mais en associant B dans chaque
bras (10).
Même si l’on ne peut effectuer de comparaison méthodologiquement correcte entre ces deux études, on peut retenir que
(tableau VI) :
les trois schémas d’administration sont efficaces, avec un taux
de réponse plus faible et une survie sans progression inférieure
pour l’association avec du 5-FU en bolus (bFCL) ;
l’adjonction de B à chacun des trois schémas augmente le
taux de réponse, le temps jusqu’à progression et la survie globale
sans augmenter la toxicité.
En deuxième ligne de traitement du CCR métastatique, une
étude de phase III randomisée a comparé FOLFOX 4, B monothérapie haute dose (10 mg/kg/15 j) à l’association des deux dans
le CCR avancé ou métastatique prétraité par une chimiothérapie
associant 5-FU et CPT11 (11).
L’objectif principal (amélioration de la survie globale de 7 à
9,8 mois [+ 40 %] par l’adjonction de B au FOLFOX 4) et les
objectifs secondaires (taux de réponse, survie sans progression,
tolérance) ont été atteints, avec une amélioration significative du
taux de réponse (21,8 % versus 9,2 %), de la survie sans maladie
(7,2 mois versus 4,8 mois ; p < 0,001) et de la survie globale
(12,9 mois versus 10,8 mois) dans le bras FOLFOX + B.
Cette étude démontre la supériorité de l’association FOLFOX + B
sur FOLFOX dans le traitement des CCR avancés prétraités
par irinotécan.
Dans cette indication, B en monothérapie (bras thérapeutique
prématurément fermé) n’est pas efficace.
Du point de vue de la tolérance, on observait une augmentation
du risque d’HTA, de saignement et de neuropathie dans le bras
FOLFOX + B. Le taux de perforation digestive a été comparable
à celui observé dans les autres études (1 % bras FOLFOX + B
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versus 1,3 % bras B), et il n’y a pas d’augmentation significative
du risque de thrombose veineuse ou artérielle.
Une autre étude de phase II randomisée a comparé les associations CBI (B + cétuximab [C] + CPT11) et CB chez des patients
atteints d’un CCR métastatique réfractaire à l’irinotécan (12).
La recherche de l’expression d’EGFR n’était pas un prérequis
pour l’inclusion.
Les patients ont été traités, en médiane, en troisième ligne après
progression sous CPT11 dans 100 % des cas et sous oxaliplatine
dans 89 % des cas.
Une augmentation du taux de réponse objective (37 % versus
20 %) et de la survie médiane sans progression (7,9 mois
versus 5,6 mois) a été observée dans le bras CBI par rapport
au bras CB.
La toxicité liée à B et C a été comparable entre les deux bras ;
les autres toxicités ont été plus fréquentes dans le bras CBI
(neutropénie grade 3-4 [22 % versus 0 %], diarrhée grade 3-4
[24 % versus 0 %], asthénie grade 3 [10 % versus 0 %]).
Une comparaison historique avec des patients traités par C seul
ou en association avec CPT11 suggère que l’ajout de B améliore
l’efficacité (chez des patients n’ayant jamais reçu de B auparavant).
Les études cliniques en cours testant l’utilisation des antiangiogéniques dans le traitement adjuvant du CCR sont résumées
dans le tableau VII.
Tableau VII. Combinaisons chimiothérapie (CT) + bévacizumab (B) :
essais en cours en adjuvant.
Essai
Schémas
Effectif
FOLFOX 4
FOLFOX 4 + B
XELOX + B
3 450
NSABP C-08
mFOLFOX 6
mFOLFOX 6 + B
2 600
QUASAR 2
Capécitabine
CAPIRI
CAPIRI + B
3 750
ECOG 5205
FOLFOX 6
FOLFOX 6 + B
3 125
AVANT BO17920
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Enfin, dans le domaine des cancers digestifs non colorectaux
tels que le carcinome hépatocellulaire, le cancer du pancréas
ou de l’estomac, aucun essai de phase III n’est encore disponible
avec les anti-VEGF.
O
CELLULE
CANCÉREUSE
PTEN
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Hurwitz et al. New Engl J Med 2004.
2. Kabbinavar et al. ASCO 2006, abstract 3539.
7. Scappaticci et al. J Surg Oncol 2005;91:173.
11. Giantonio. ASCO 2005, abstract 2.
12. Saltz et al. ASCO GI 2005, abstract 169b.
DÉTERMINANTS CIBLES : VEGF, VEGF-R.
PEUT-ON AIDER LE CLINICIEN DANS LA DÉCISION
D’UN TRAITEMENT PAR ANTIANGIOGÉNIQUE ?
PI3-K/Akt
p42/p44 MAPK
CELLULE
ENDOTHÉLIALE
Survie
Croissance
VEGF
p42/p44 Akt
MAPK PI3-K
R2
R1
Ras
Figure 1. Activation combinée des voies de signalisation PI3
kinase et MAP kinases/ERK dans des cellules cancéreuses et les
cellules endothéliales entraînant leur croissance et leur survie.
Un acteur paracrine majeur, le VEGF, produit par les cellules cancéreuses, provoque un phénomène d'angiogenèse qui amplifie
le développement de la tumeur (d'après [3]).
G. Pagès (université de Nice Sofia Antipolis/Institut de signalisation Biologie et développement du cancer)
Deux voies majeures sont mutées au cours de la carcinogenèse
humaine : Ras-extracellular signal regulated kinases (ERK) et
la phosphatidylinositol-3OH kinase (PI[3]K)-AKT. Elles sont
activées par de nombreux polypeptides facteurs de croissance,
hormones ou protéines de la matrice extra-cellulaire. Les voies
de signalisation Ras/Raf/MEK/ERK et PI(3)K-AKT interviennent
dans l’expression du facteur ubiquiste que représente le VEGF-A,
facteur clé de la vascularisation et de l’angiogenèse. Le but de
cette présentation est de montrer l’impact de la voie ERK sur
l’expression de VEGF-A et sur le développement tumoral.
Voie de signalisation des MAP kinases/ERK et VEGF-A
Les MAP kinases/ERK appartiennent à une grande famille
de sérine/thréonine kinases activées par de multiples signaux
extra-cellulaires, comme des facteurs de croissance, hormones,
lymphokines, facteurs de stress, composants de la matrice extracellulaire. Il existe deux isoformes p42/p44 MAP kinases, également appelées ERK1/ERK2. Elles interviennent de façon majeure
dans l’expression de VEGF-A, en particulier via l’augmentation
de la transcription de son gène par l’intermédiaire de la phosphorylation des facteurs de transcription HIF-1 (1) et Sp1 (2)
[figures 1 et 2].
Les cascades de signalisation des MAP kinases/ERK ainsi que celle
des kinases du stress p38 et JNK interviennent également dans
les processus de stabilisation de l’ARNm du VEGF-A (4).
La voie de signalisation Raf/MEK/ERK, en plus de son importance pour la production du VEGF-A par les cellules tumorales,
est également stimulée à la suite de l’activation de nombreux
récepteurs présents sur les cellules endothéliales, cibles du
VEGF-A, mais aussi sur les cellules tumorales (récepteurs du
VEGF, de l’EGF et du PDGF). Cette voie de signalisation se
révèle être une cible thérapeutique intéressante, son inactivation pouvant à la fois bloquer les mécanismes de prolifération
cellulaire et d’angiogenèse et promouvoir l’apoptose.
38
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Oncogenes
Growth factors
+
+
HIF-1
+
HIF-1α
stabilisation
Hypoxia
p42/p44 MAPK
Sp1
VEGF
αβ
c Jun AP-2
c Fos
+
mRNA
stabilisation
Stress kinases
JNK/p38MAPK
Figure 2. Représentation schématique de la régulation de l'expression du VEGF (d'après [3]). Les aspects majeurs de cette
régulation sont discutés dans le texte et dans les articles 1 à 4.
VEGF et efficacité thérapeutique
Les niveaux de VEGF-A intratumoraux ont été quantifiés par la
technique ELISA sur 54 échantillons de tumeurs ORL humaines
diagnostiquées au centre Antoine-Lacassagne de Nice. Le VEGF
s’est révélé être un facteur pronostique indépendant de survie
sans récidive, mais aussi de survie globale. De même, les niveaux
plasmatiques de VEGF-A sont plus élevés chez des patients
atteints de leucémie myéloïde chronique que chez des personnes
saines. L’efficacité de l’imatinib, une thérapie ciblée sur la chimère
Bcr/Abl, responsable de la maladie, peut être suivie par mesure
des taux de VEGF circulants, ceux-ci devenant normaux chez
des patients en rémission cytogénétique (5). Sur des modèles
cellulaires de cancer du sein ou de la prostate métastatique, il
est relativement aisé d’obtenir des cellules résistantes au docétaxel, un traitement couramment utilisé en clinique. Nous avons
démontré que le docétaxel activait le promoteur du VEGF-A
et induisait des accumulations intracellulaires de VEGF-A. Ces
résultats mettent en évidence l’un des mécanismes potentiels
de résistances. Ils montrent également l’intérêt de l’association
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CCI-779
mTOR
pVHL
HIF - α
HIF - β
Bévacizumab
BAY 43 PTK/2K
SU011248
F
VEG
P13K
Cellule
endothéliale,
péricyte
ou cellule
tumorale
PDCF
R
Ral
MEX
ERK
BAY 43 SU011248
EGF
PLG2
Gefitinib, cétuximab
erlotinib, ABX-EGF
BAY 43 - 9006
- 5132
CI - 1040
Figure 3. Sites d'actions d'agents thérapeutiques ciblés dans le
traitement du carcinome rénal.
docétaxel + bévacizumab, un anticorps monoclonal ciblant le
VEGF-A. De même, dans le cadre du cancer du sein métastatique
surexprimant le récepteur HER-2, l’utilisation du trastuzumab,
anticorps monoclonal ciblant ce récepteur, inhibe la voie de
signalisation Raf/MEK/ERK. Le gefitinib, un inhibiteur de tyrosine kinase ciblant le récepteur de l’EGF, a également montré une
efficacité importante dans le cancer du poumon ou les cancers
ORL et ce, également par inhibition de la voie Raf/MEK/ERK.
L’inhibition de cette voie de signalisation apparaît donc comme
une cible thérapeutique majeure. Des essais précliniques chez la
souris sont en cours pour évaluer l’impact d’inhibiteurs moléculaires ou pharmacologiques spécifiques des membres de cette
voie de signalisation sur le développement de cancers du sein,
du pancréas ou du côlon et de mélanomes.
Perspectives
Une meilleure appréciation de la réceptivité tumorale s’avère
nécessaire pour mieux adapter les différentes thérapeutiques
antiangiogéniques. Pour l’angiogenèse, deux molécules présentent un intérêt thérapeutique évident : le bévacizumab, qui cible
le VEGF-A, et le sunitinib, qui cible plutôt ses récepteurs (VEGFR1 et 2). Il est important de souligner que, lorsque l’expression de
VEGF-A est diminuée, d’autres facteurs angiogéniques prennent
le relai pour continuer à promouvoir une angiogenèse efficace.
Un de ces facteurs “relai” est sans conteste l’interleukine 8, un
facteur de croissance des cellules endothéliales aussi efficace
que le VEGF-A. Ce relai angiogénique pourrait expliquer une
efficacité moins importante qu’attendue des anti-VEGF-A. Un
autre aspect prenant un essor important pour la dissémination
métastatique s’avère être les mécanismes de lymphangiogenèse.
Des facteurs apparentés au VEGF-A sont des acteurs importants
de ce mécanisme. Il s’agit des VEGF-C et VEGF-D et de leur
récepteur, le VEGF-R3. Cependant, aucune molécule ciblant
ces facteurs ou leur récepteur n’est disponible actuellement.
Il est intéressant de noter que la liaison des VEGF-C ou des
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R éunion
VEGF-D au VEGF-R3 active la voie de signalisation Ras/Raf/
MEK/ERK. La multiplicité des voies de signalisation mises en
jeu lors des processus de tumorisation mais aussi l’apparition de
phénomènes d’adaptation lors de traitements faisant intervenir
un seul composé (figure 3) impliquent que les thérapeutiques
combinées vont devenir la règle. Cependant, leur application en
clinique va nécessiter de nombreux travaux pour mieux évaluer
les différentes modalités et périodicités d’administration. O
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Richard DE, Berra E, Gothie E, Roux D, Pouysségur J. P42/p44 mitogenactivated protein kinases phosphorylate hypoxia-inducible factor 1alpha (HIF1alpha) and enhance the transcriptional activity of HIF-1. J Biol Chem 1999;274
(46):32631-7.
2. Milanini-Mongiat J, Pouysségur J, Pagès G. Identification of two Sp1 phosphorylation sites for p42/p44 mitogen-activated protein kinases: their implication
in vascular endothelial growth factor gene transcription. J Biol Chem 2002;
277(23):20631-9.
3. Berra E, Pagès G, Pouysségur J. MAP kinases and hypoxia in the control of
VEGF expression. Cancer Metastasis Rev 2000;19:139-45.
4. Pagès G, Berra E, Milanini-Mongiat J et al. Stress-activated protein kinases
(JNK and p38/HOG) are essential for vascular endothelial growth factor mRNA
stability. J Biol Chem 2000;275(34):26484-91.
5. Legros L, Bourcier C, Jacquel A et al. Imatinib mesylate (STI571) decreases
the vascular endothelial growth factor plasma concentration in patients with
chronic myeloid leukemia. Blood 2004;104(2):495-501.
6. Stadler WM. Targeted agents for the treatment of advanced renal cell carcinoma. Cancer 2005;104:2323-33.
BIOLOGIE DE L’ANGIOGENÈSE
G. Tobelem (Institut des vaisseaux et du sang, Paris)
Historique
Le champ de recherche de l’angiogenèse démarre en 1971 avec la
publication de “Tumor angiogenesis and therapeutic implications”
de Judah Folkman, dans le New England Journal of Medicine.
Cette hypothèse postulait que l’angiogenèse était un phénomène
incontournable pour la progression tumorale, mais également que
les antiangiogènes pourraient entraîner sa régression. J. Folkman
développe alors le concept de switch angiogénique.
Switch angiogénique : les années 1970
La croissance normale et néoplasique est sous la dépendance
de l’angiogenèse.
Des cancers in situ non angiogéniques pourraient chez
l’homme survenir dans plusieurs organes, mais un tout petit
nombre (1 sur 600) basculerait vers un phénotype angiogénique,
donnant ainsi une tumeur détectable.
Des facteurs antiangiogènes naturels contrebalancent les facteurs
angiogènes, mais cet équilibre se rompt dans la maladie cancéreuse
alors qu’il persiste au cours de la cicatrisation ou de l’ovulation.
L’endothélium vasculaire recruté par une tumeur est une cible
thérapeutique secondaire intéressante puisque génétiquement
stable et moins susceptible de résistance (1).
39
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Réunion
R éunion
Les facteurs angiogéniques : les années 1980-1990
La communauté scientifique s’intéresse de plus en plus à la néoangiogenèse. Des modèles in vivo et in vitro sont développés.
Ils permettent de découvrir des facteurs de croissance de
l’angiogenèse tels que le b-FGF (années 1980) et le VEGF
(années 1990). De même, les facteurs antiangiogéniques tels
que l’angiostatine (1994) et l’endostatine (1997) sont découverts
à cette époque (figure).
Récepteurs VEGF
VEGF A
VEGF B
PLGF
VEGF A
VEGF C
VEGF D
VEGF C
VEGF D
VEGF A
PLGF
Flt-1
Flk-1/KDR
Flt-4
NRP-1,2
Angiogenèse
Angiogenèse
Lymphangiogenèse
Angiogenèse ?
Figure. Les récepteurs aux VEGF et leurs ligands d’après Byrne
et al. (J Cell Mol Med 2005;9[4]).
Les données expérimentales qui ont conduit à ces constatations
en font un surrogate marker pour monitorer les thérapeutiques
antiangiogéniques.
Normalisation
Cette néo-angiogenèse anormale est responsable d’une perfusion sanguine anormale, d’une hypertension interstitielle et
d’une hypoxie qui réduisent l’efficacité des cytotoxiques ou des
radiations. Un des objectifs d’une thérapeutique antiangiogénique serait donc de normaliser les néovaisseaux tumoraux
pour rendre plus efficaces les traitements classiques.
Conclusion
Les traitements antiangiogéniques représentent un formidable
espoir : celui de mieux traiter les cancers, mais de nombreuses
questions restent encore sans réponse.
L’inhibition des VEGF est nécessaire mais ne sera peut-être pas
suffisante. Il est vraisemblable que les nouvelles thérapeutiques
devront combiner plusieurs médicaments antiangiogéniques
d’action complémentaire. Quelles combinaisons pour le futur ?
Anti- ou normoangiogénique ? Quel marqueur d’efficacité et de
tolérance ? Quels marqueurs de résistance (1, 2) ?
O
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Folkman J. Angiogenesis. Annu Rev Med 2006;57:1-18.
2. Byrne AM, Bouchier-Hayes DJ, Harmey JH. Angiogenic and cell survival functions of vascular endothelial growth factor (VEGF). J Cell Mol Med 2005;9: 777-94.
Triomphe des thérapeutiques antiangiogéniques :
les années 2000
PHARMACODYNAMIE DES ANTI-VEGF2
ET GESTION DES EFFETS SECONDAIRES ATTENDUS
De nombreux facteurs proangiogénique et antiangiogénique
sont découverts. Les premiers essais thérapeutiques font état
de résultats prometteurs. Les antiangiogènes deviennent la
quatrième possibilité thérapeutique. Le rêve de J. Folkman est
devenu réalité avec le premier anticorps anti-VEGF admis par la
Food and Drug Administration : le bévacizumab, ou Avastin®.
J.P. Delord (Université de Toulouse III, Institut Claudius-Regaud)
Remodelage vasculaire
Le switch angiogénique entraîne une prolifération de vaisseaux
qui perdent leurs caractéristiques normales. Il s’agit d’un remodelage vasculaire dont la fonctionnalité est incomplète. Dans
les modèles expérimentaux d’hépatocarcinome, on peut mettre
en évidence une artériolisation de ces néovaisseaux. La cascade
d’activation par les VEGF passe par Notch 4 et Ephrin B2, qui
induisent l’artériolisation des néovaisseaux. On peut considérer
qu’il s’agit d’un second switch de type artériolaire responsable
d’un remodelage vasculaire.
Marqueurs de l’angiogenèse
Les cellules endothéliales progénitrices (CEP) circulantes
semblent être un marqueur de l’angiogenèse. Ces cellules, qui
contribuent à la formation des vaisseaux tumoraux, pourraient
être génétiquement prédéterminées.
40
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Les effets indésirables nouveaux liés au bévacizumab, et
auxquels les oncologues ne sont pas habitués à faire face, ont
été détaillés, afin d’expliquer comment mieux les gérer au
quotidien.
Très rapidement, J.P. Delord expose les données issues des
études pivotales confirmant que l’adjonction de bévacizumab
à la chimiothérapie n’augmente pas la toxicité de celle-ci
(tableau I).
Tableau I.
AVF 2107
AVF 2192
IFL +
IFL +
5-FU/AF + 5-FU/AF +
placebo bévacizumab placebo bévacizumab
Décès
dans les 60 jours
Médiane de suivi
EIG avec décès
EIG avec arrêt
thérapeutique
4,9 %
3%
13,5 %
5%
28 mois
2,8 %
40 mois
2,6 %
23 mois
6,7 %
31 mois
4,0 %
7,1 %
8,4 %
11,5 %
10,0 %
EIG : événement indésirable grave.
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007
26/02/07 12:19:50
Afin de mieux discuter de la toxicité propre au bévacizumab,,
J.P. Delord reprend quelques bases de physiopathologie relative
au VEGF et à ses récepteurs. Ils sont, en effet, impliqués dans
la physiopathologie :
de l’hypertension artérielle (1) ;
des phénomènes de coagulation au sens large :
– activation plaquettaire,
– modifications des taux de fibrinogène sériques,
– augmentation au cours des cancers du taux de VEGF, du
fibrinogène, des D-Dimères (2, 3),
– diminution au cours des cancers des antiangiogènes (TSP-1, etc.) ;
de la cicatrisation (fibrinogène, matrices EC, cadhérines EC,
VEGF [4]).
Ainsi, en pratique clinique, sous l’action du bévacizumab sont
attendus des effets secondaires “vasculaires” dont la traduction
comprend les manifestations suivantes :
protéinurie (fréquence supérieure à 10 %) ;
hypertension (fréquence supérieure à 10 %) ;
maladie thrombo-embolique artérielle et veineuse (fréquence
inférieure à 10 %) ;
hémorragies (fréquence inférieure à 10 %) ;
perforations intestinales (fréquence inférieure à 10 %) ;
cicatrisation (fréquence inférieure à 10 %).
La protéinurie représente le premier effet indésirable “fréquent”
lié à l’administration de bévacizumab.
Un arbre décisionnel est proposé. Il permet une approche
pragmatique de cet effet secondaire.
Premier contrôle de bandelette urinaire à 2+/3+/4+.
Le traitement est réalisé, mais une protéinurie des 24 heures est
faite à J+15. Si l’on constate une réapparition d’une protéinurie
2+ à la bandelette, un contrôle immédiat de la protéinurie des
24 heures est effectué.
Lors du premier contrôle de la protéinurie des 24 heures,
deux cas de figure se présentent :
– protéinurie 24 h ≤ 2 g : le traitement est réalisé ;
– protéinurie 24 h > 2 g : le traitement est interrompu jusqu’à
un retour de protéinurie à 2 g au plus, ce qui implique de refaire
cette recherche de protéinurie avant la reprise thérapeutique.
Lors du deuxième contrôle de protéinurie, deux cas sont
possibles :
– protéinurie ≤ 2 g : le traitement est réalisé, mais un nouveau
contrôle de la protéinurie des 24 heures s’impose afin de s’assurer
que le taux se maintient à 2 g au plus ;
– protéinurie > 2 g : le traitement est interrompu et un suivi de
la protéinurie est mis en place.
En cas de persistance d’une protéinurie supérieure à 3+, la biopsie
rénale doit être discutée. Devant l’apparition d’un syndrome
néphrotique, le bévacizumab est définitivement interrompu.
L’hypertension artérielle (HTA) représente le deuxième effet
indésirable “fréquent” observé chez les malades traités par
bévacizumab. Au cours de l’étude pivotale publiée par B. Hurwitz (5),
quel que soit son grade, l’HTA est observée dans 22,4 % des cas dans
le bras bévacizumab versus 8,3 % dans le bras placebo. En revanche,
la proportion d’HTA de grade 3 est de 10,9 % versus 2,3 %, sachant
qu’il n’a pas été observé de grade 4 au cours de l’étude.
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007
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Réunion
R éunion
Afin de mieux percevoir ce que représente la gradation de la
sévérité d’une HTA, J.P. Delord fait un rappel des grades :
Grade 1 : HTA asymptomatique, transitoire, qui se manifeste par
une augmentation de 20 mmHg de la diastolique ou une augmentation
supérieure à 150/100 si la tension artérielle basale était auparavant
normale. Le grade 1 n’impose pas de traitement systématique ;
Grade 2 : HTA récurrente ou persistante (> 24 h), se manifestant par une augmentation de 20 mmHg de la diastolique ou
une augmentation supérieure à 150/100 si la tension artérielle
basale était auparavant normale. Le grade 2 implique une monothérapie antihypertensive (inhibiteur de l’enzyme de conversion,
sans groupement thiol, tel que l’énalapril) ;
Grade 3 : HTA nécessitant l’utilisation de plus d’un médicament
antihypertenseur. Le grade 3 impose l’arrêt du bévacizumab ;
Grade 4 : crise hypertensive ayant pour conséquence un arrêt
définitif du bévacizumab.
Sont de ce fait mentionnées dans les résumés des caractéristiques
du produit (RCP) quelques précautions d’emploi vis-à-vis de
cet effet indésirable. Avant l’instauration du bévacizumab,,
l’interrogatoire cherche à déceler l’existence préalable d’une HTA
(contrôlée ou non), un traitement par bévacizumab ne pouvant
être proposé qu’après contrôle d’une éventuelle HTA. Le suivi du
traitement par bévacizumab nécessite une mesure de la pression
artérielle avant chaque administration et, en cas d’HTA sévère
(définie par une tension artérielle systolique ≥ 180 mmHg et/ou
diastolique ≥ 110 mmHg ; ANAES 2000), la suspension du bévacizumab et l’instauration d’un
un traitement médical, jusqu’à l’obtention
d’un contrôle tensionnel adéquat. Un arrêt définitif du traitement
par bévacizumab est recommandé en cas d’HTA non contrôlable
par traitement médical et en cas de crise hypertensive.
Les maladies thromboemboliques artérielle et veineuse sont de
survenue bien moins fréquente que les événements sus-cités.
Leur fréquence dans l’étude pivotale est mentionnée dans le
tableau II.
Tableau II. Résultats préliminaires de l’étude BRITE.
Événements indésirables graves liés au bévacizumab
n (%)
Total
110 (8)
Thromboembolies veineuses
28 (2)
Thromboembolies artérielles
6 (0,4)
D'après Kozloff (Proc ASCO 2005, abstract 3566).
Concernant le risque hémorragique sous bévacizumab,,
sur l’ensemble des patients traités par cette molécule, 4 %
d’événements hémorragiques de grades 3 et 4 (critères NCICTC) ont été observés. Ces événements survenus au cours des
essais cliniques étaient essentiellement des hémorragies associées
à la tumeur laissée en place et des saignements cutanéo-muqueux
mineurs. Au cours des essais cliniques effectués dans le cancer
colorectal métastatique, il n’a pas été observé de différence
significative de l’incidence des événements hémorragiques de
grades 3 et 4 chez les patients traités par bévacizumab (3,1 % à
5,1 %) et dans le groupe témoin (2,5 % à 2,9 %).
41
26/02/07 12:19:50
Réunion
R éunion
Les perforations gastro-intestinales (GI) sont présentes dans
1,6 % des cas (étude de phase III de B. Hurwitz). Les facteurs
de risque de ces perforations, identifiés par les investigateurs
chez 12 des 22 patients (54,5 %) au cours de l’étude BRITE (7),
sont résumés dans le tableau III.
Tableau III. Facteurs de risques au cours de l‘étude BRITE.
Diverticulite aiguë
2
Obstruction GI
4
Tumeur au niveau du site de la perforation
3
Carcinose péritonéale
3
Radiothérapie abdominale ou pelvienne
2
Pas de risque identifié
7
Données manquantes
3
La plupart des perforations GI (68,5 %) sont apparues dans
les 60 premiers jours de traitement sous bévacizumab. Plus de
50 % des patients ayant eu une perforation GI avaient un ou
plusieurs facteurs de risque potentiel. Le profil de tolérance
de bévacizumab de l’analyse préliminaire de ce registre est
comparable à celui observé au cours de l’étude pivotale.
Enfin, en ce qui concerne le phénomène de cicatrisation des plaies
pour les maladies traitées par bévacizumab, la question restait
ouverte, car le VEGF est l’un des facteurs de croissance essentiels
impliqués dans le processus de cicatrisation, intervenant en
augmentant la perméabilité vasculaire, en favorisant l’angiogenèse
et la formation du tissu de granulation.
L’expression du VEGF augmentant au cours de la cicatrisation
normale, son inhibition pouvait donc altérer ou retarder le
processus de cicatrisation.
En fait, chez les patients opérés depuis plus de 28 jours avant
l’instauration du traitement par bévacizumab, l’absence d’augmentation du risque de saignement postopératoire ou de complication
de la cicatrisation des plaies a été notée comparativement au
groupe témoin (étude de phase III de B. Hurwitz). Par ailleurs,
dans la même étude, chez les patients ayant subi une intervention
majeure alors qu’ils étaient traités par bévacizumab, un saignement
postopératoire ou des complications de la cicatrisation des plaies
ont été observés dans 10 à 20 % des cas.
Ainsi, les recommandations proposées, lorsque le bévacizumab
est utilisé alors qu’une intervention chirurgicale doit avoir lieu,
sont les suivantes :
à l’instauration du traitement, le bévacizumab ne doit pas être
administré pendant au moins 28 jours après une intervention
chirurgicale lourde, ou tant que la plaie chirurgicale n’est pas
totalement cicatrisée. En cas de complications de la cicatrisation
d’une plaie pendant le traitement, celui-ci doit être interrompu
jusqu’à la cicatrisation totale ;
lors d’une chirurgie programmée, le bévacizumab doit être
suspendu. En pratique, la recommandation usuelle est d’attendre
3 demi-vies pour obtenir l’élimination d’un produit, ce qui, dans
le cas de bévacizumab, correspond à environ 60 jours ;
42
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lors d’une chirurgie faite en urgence, il existe un risque plus
important de difficultés de cicatrisation, d’où la nécessité d’informer le chirurgien de l’existence d’un traitement par bévacizumab
et l’importance de bien peser le rapport bénéfice/risque de l’intervention.
Si la chirurgie est maintenue, il convient de prendre des précautions particulières dans le suivi de l’hémostase en cours d’intervention, et d’observer une surveillance postopératoire accrue.
En conclusion, la gestion clinique des effets indésirables doit se
faire en temps réel. Il n’existe pas de facteur prédictif de risque
thrombogène ou hémorragique en dehors des contre-indications de “bon sens”.
En revanche, les cliniciens ont besoin de mieux appréhender
les interactions de bévacizumab avec l’endothélium vasculaire
normal et les grands équilibres de la coagulation (principes de
la pharmacodynamie).
O
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Liu MH, Jin HK, Floten HS et al. Vascular endothelial growth factor-mediated endothelium-dependent relaxation is blunted in spontaneously hypertensive
rats. J Pharmacol Exp Ther 2001;296(2):473-7.
2. Caine GJ, Lip GY, Stonelake PS et al. Platelet activation, coagulation and angiogenesis in breast and prostate carcinoma. Thromb Haemost 2004;92(1):185-90.
3. Gonzalez FJ, Rueda A, Sevilla I et al. Shift in the balance between circulating
thrombospondin-1 and vascular endothelial growth factor in cancer patients:
relationship to platelet alpha-granule content and primary activation. Int J Biol
Markers 2004;19(3):221-8.
4. Mosesson MW. Fibrinogen and fibrin structure and functions. J Thromb Haemost 2005;3(8):1894-904.
5. Hurwitz H, Fehrenbacher L, Novotny W et al. Bevacizumab plus irinotecan,
fluorouracil, and leucovorin for metastatic colorectal cancer. N Engl J Med
2004;350(23):2335-42.
6. Anaes 2000.
7. Kozloff M et al. ASCO 2005 - Poster 3566.
MÉTHODES D’ÉTUDES ULTRASONORES
DE LA NÉO-ANGIOGENÈSE TUMORALE
F. Tranquart (hôpital Bretonneau, CHRU Tours)
Compte tenu du nombre d’études en cours sur les thérapeutiques
antiangiogéniques à travers le monde, l’évaluation de l’efficacité
et du monitoring de la réponse tumorale et vasculaire à ces
traitements est un objectif primordial. La quantification des
modifications vasculaires induites par ces traitements permettra
une évaluation comparative de l’activité antiangiogénique de ces
molécules. Dans ce cadre, les ultrasons présentent un avantage
important en raison de leur faible coût, de leur facilité de mise
en œuvre et de leur reproductibilité. Toutefois, jusqu’alors, les
méthodes conventionnelles ne permettaient pas une approche
quantifiée satisfaisante autorisant leur emploi comme méthode
de référence. L’introduction récente des agents de contraste
ultrasonores a révolutionné cette approche.
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007
26/02/07 12:19:51
Méthode non invasive d’évaluation
de la vascularisation tumorale : l’échographie doppler
L’échographie doppler permet d’apporter des informations
morphologiques précises sur les vaisseaux péri- et intratumoraux
ainsi que des informations fonctionnelles portant notamment
sur la vélocité sanguine. Le “doppler énergie” comme le “doppler
couleur” permettent de détecter des vaisseaux d’une taille voisine
de 100 μm au sein desquels la vélocité peut être voisine de
quelques millimètres par seconde. Toutefois, la non-détection
de vaisseaux de taille inférieure à 100 μm ne permet pas de
rendre compte des variations fines de la perfusion tumorale en
relation avec les modifications de densité de néovaisseaux.
L’échographie de contraste
L’introduction des agents de contraste ultrasonores a permis
de combler cette lacune. En effet, la taille des microbulles,
voisine de 3 μm, est adaptée au passage de ces agents au sein
des capillaires, autorisant la possibilité théorique de détection
de ces vaisseaux par échographie non linéaire. Cela offre des
avantages importants en termes de visualisation des néovaisseaux
au sein d’une tumeur.
L’ECUS (échographie de contraste avec microbulles) a démontré
une spécificité et une sensibilité très élevées pour la détection
et la caractérisation de lésions secondaires hépatiques, voisines
ou supérieures à celles des autres modalités, autorisant une
distinction bénin-malin avec une fiabilité voisine de 100 %.
Tous les organes peuvent être explorés par cette méthode
(œil, peau, pelvis, sein, etc.), qui s’applique aussi chez le petit
animal. Le caractère strictement intravasculaire des agents de
contraste ultrasonores permet d’expliquer des différences de
comportement de certaines lésions en comparaison de ce qui
est observé avec les agents de contraste utilisés pour d’autres
modalités. Une corrélation étroite a cependant été rapportée
entre les mesures effectuées en ECUS et en RMN pour la
détermination du débit sanguin tumoral dans un modèle de
tumeur chez la souris, quelle que soit la valeur du débit.
Les différences observées entre densité de microvaisseaux et
ECUS s’expliqueraient par le fait que l’ECUS n’objective que
les vaisseaux fonctionnels au sein de la région. Ces différences
notables renforcent toute la valeur diagnostique de l’échographie
de contraste pour établir le potentiel de croissance tumorale ou
la réponse à une intervention thérapeutique.
La quantification du débit sanguin local ainsi que du volume
sanguin local est possible par cette méthode, et d’un apport
incontestable lors de l’évaluation de la néovascularisation et de
ses modifications sous intervention thérapeutique.
Plus récemment ont été proposées des approches originales
d’imagerie moléculaire fondée sur des microbulles sensibilisées
pour un antigène particulier. Dans le cas de néo-angiogenèse,
l’intégrine alpha (V) bêta 3 a été particulièrement étudiée en raison
de sa spécificité en termes d’identification des néovaisseaux.
Ces approches de la néo-angiogenèse ont ouvert des voies
originales de caractérisation des lésions mais surtout de
quantification de la néovascularisation et de ses modifications
sous thérapie appropriée. La possibilité d’étude morphoLa Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007
LK1-BAG_0207.indd 45
Réunion
R éunion
fonctionnelle offerte par l’échographie de contraste est donc un
avantage certain par rapport aux autres méthodes pour apprécier
de façon objective, répétée, sans inconvénients et pour un coût
faible la croissance tumorale, sa capacité à métastaser et sa
réponse aux agents antitumoraux.
O
LA PLACE DES ANTIANGIOGÉNIQUES
DANS LE CANCER DU SEIN
X. Pivot (CHU de Besançon)
En introduction, X. Pivot expose le rôle prépondérant du VEGF
dans l’angiogenèse impliquée tout au long de la carcinogenèse
mammaire (1). Les travaux de Konecny, également abordés,
montrent combien la présence d’un taux de VEGF élevé sur
tissu tumoral mammaire (surexprimant ou non HER2) est un
facteur de mauvais pronostic ayant une incidence sur la survie
globale (2).
Dans le cancer du sein, deux molécules ont fait l’objet d’études
dont les résultats ont été communiqués. La première est le sunitinib, inhibiteur de tyrosine kinase multicible, administré au
cours d’une phase II (1-4) en monothérapie, chez des malades
présentant un cancer du sein métastatique prétraité. Une étude
de phase III est programmée dans la population de cancer du sein
basaloïde ou basal-like (triple négatif), randomisant sunitinib
versus chimiothérapie.
La deuxième molécule ayant été évaluée dans le cancer du sein
métastatique est le bévacizumab. Cobleigh et al. (3) ont publié
les résultats d’une étude de phase I/II, évaluant le bévacizumab
administré à la dose de 3 mg/kg versus 10 mg/kg versus 20 mg/kg
tous les 15 jours, afin de confirmer que la posologie de 10 mg/kg
tous les 15 jours est la plus efficace et la mieux tolérée dans
cette indication.
Dès 2005 sont publiés (4) les résultats d’une étude de phase III
évaluant l’efficacité de la capécitabine (2 500 mg/m²/j pendant
14 jours puis 1 semaine de repos) versus capécitabine + bévacizumab (15 mg/kg tous les 21 jours) en traitement de cancers
du sein métastatiques prétraités. La randomisation a concerné
426 patients.
En termes d’efficacité, l’association capécitabine + bévacizumab a
permis d’obtenir des taux de réponse significativement améliorés
(30,2 % versus 19,1 % ; p = 0,006), sans que soit notée de différence significative quant à la durée de la réponse (4,96 mois
versus 6,7 mois) et la survie sans progression (SSP) [4,86 mois
versus 4,17 mois]. Le bévacizumab n’a pas modifié les effets
indésirables de la capécitabine, et la toxicité liée à l’anticorps était
faible : hypertension artérielle, thromboembolie, protéinurie.
Au cours de cette année 2005, la même équipe a présenté en
session plénière au congrès de l’ASCO les premiers résultats d’une
étude de phase III comparant en première ligne métastatique une
association paclitaxel hebdomadaire et l’anticorps monoclonal
anti-VEGF bévacizumab au paclitaxel seul. Cette étude a inclus
715 patientes. Les taux de réponse objective sont doublés avec
l’association (28,2 % versus 14,2 % ; p < 0,0001), et la SSP est
45
26/02/07 12:19:53
Réunion
R éunion
nettement améliorée (10,97 mois versus 6,11 mois ; HR = 0,498 ;
p < 0,001). Les données de survie globale ne sont pas encore
suffisamment matures pour être correctement interprétées.
Les premières analyses de l’étude ancillaire (SABCS 2005)
semblent montrer qu’il n’existe pas de corrélation entre les
modifications du taux de VEGF et le taux de réponse.
Désormais, les études de phase III en cours avec le bévacizumab
dans le cancer du sein concernent, en situation métastatique,
en traitement de première ligne chez les malades HER2(-), la
comparaison entre docétaxel en monothérapie versus son association au bévacizumab (testé selon deux doses : 7,5 mg/kg
et 15 mg/kg), ainsi que la même comparaison, mais avec une
chimiothérapie autre qu’un taxane. Dans la même situation, chez
les malades HER2(+), l’adjonction de trastuzumab est envisagée.
Enfin, un groupe coopérateur américain lance un programme
évaluant le bévacizumab en traitement adjuvant de cancer du
O
sein HER2(-), et un essai est programmé en Europe.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Relf et al. Cancer Res 1997;57:963-9.
2. Konecny G et al. Clin Cancer Res 2004;10:1706-16.
3. Cobleigh MA et al. Semin Oncol 2003;30(S16):117-24.
4. Miller KD et al. J Clin Oncol 2005;23:792-9.
LES DONNÉES ET LES RÉFLEXIONS ACTUELLES
SUR LA RADIOTHÉRAPIE
ET LES ANTIANGIOGÉNIQUES
J. Balosso (CHU de Grenoble)
Principe d’action tissulaire de la radiothérapie
Chaque séance de radiothérapie (RT) divise le nombre de cellules
survivantes par un facteur compris entre 1,5 et 2. Entre deux
séances de RT, le nombre de cellules tumorales augmente en
fonction du taux de prolifération. Les cellules en cycle rapide
sont un peu plus radiorésistantes que les cellules quiescentes.
Ainsi, une tumeur très proliférante est plus difficile à détruire
par la RT.
La prolifération ou la repopulation tumorale en cours de traitement
est une cause majeure d’échec de la RT. D’où les conséquences
d’un étalement trop long ou d’un arrêt en cours de RT.
L’endothélium vasculaire normal est totalement quiescent et
particulièrement radiosensible. Ainsi, les conséquences vasculaires et surtout microvasculaires de la RT sont nombreuses :
microangiopathie radique, dystrophie et ischémie chronique,
développement télangiestasique.
La RT a besoin d’une bonne oxygénation tissulaire pour être
efficace. L’hypoxie profonde double la radiorésistance cellulaire.
La nécrose tumorale produit donc des situations d’extrême
radiorésistance.
Ainsi la vascularisation a-t-elle un double effet :
accélération de la prolifération des tumeurs bien vascularisées ;
46
LK1-BAG_0207.indd 46
radiosensibilisation “normale” des tumeurs bien vascularisées.
L’absence de vascularisation présente aussi un double effet :
ralentissement de la prolifération tumorale ;
augmentation de la radiorésistance des tissus tumoraux.
Elle favorise, en outre, la progression du génotype tumoral dont
la perte de fonction p53, angiogenèse, etc.).
De fait, la question qui se pose est la suivante : Qu’est-ce qui
est le plus grave (sur le plan locorégional), une tumeur très
proliférante ou une tumeur très hypoxique ?
Principes de la pharmacomodulation
de la radiothérapie
Les associations chimio-radiothérapie (CT + RT) sont devenues
un standard quasi généralisé, les chimiothérapies anticancéreuses
classiques n’agissant que sur les cellules en cycle. L’apport de la
chimiothérapie dans les CT + RT est essentiellement dirigé sur
les cellules proliférantes (cytotoxicité renforcée sur les cellules
en cycle, limitation de la repopulation tumorale). Ainsi, les
associations CT + RT sont très efficaces pour le traitement des
grosses tumeurs très proliférantes, mais n’apportent guère de
solution pour les tumeurs hypoxiques, qui restent avant tout
des indications chirurgicales…
Effets de la radiothérapie sur la vascularisation
L’endothélium normal est à la fois très radiosensible et très
lentement réactif, car quasi non proliférant. Il n’y a donc pas
de modification visible des vaisseaux normaux au cours de la
RT. Il existe cependant des contre-régulations angiogéniques
stimulées par l’irradiation et pouvant avoir des conséquences
sur la tumeur (1, 2). Pour le radiothérapeute, l’endothélium
normal est le type même du tissu sain à réponse tardive : les
capillaires disparaissent progressivement, une ischémie plus
ou moins profonde s’installe, une réaction de néo-angiogenèse
apparaît, les “gros” vaisseaux ne sont pas touchés.
L’endothélium tumoral est lui aussi très radiosensible (3) [par
exemple, les tumeurs végétantes très hémorragiques localisées
au col, au rectum, à l’oropharynx]. La réponse est également
rapide du fait de l’activité mitotique. Elle se caractérise en général
par le tarissement de l’hémorragie coïncidant avec la régression tumorale. Mais la vascularisation tumorale est profondément pathologique : dysharmonie des facteurs angiogéniques
(effet dominant des facteurs de classe I : VEGF, FGF, etc.),
instabilité des structures, hiérarchisation insuffisante des vaisseaux
avec insuffisance microvasculaire, rhéologie pathologique avec
hyperpression interstitielle. La présence et le développement de
cette vascularisation tumorale, même sans nécrose, ne sont pas un
gage d’eutrophie tumorale et, en particulier, de bonne oxygénation.
Sa régression est concomitante et, en général, harmonieuse par
rapport à celle du tissu tumoral ; il ne se produit ni nécrose, ni
hémorragie. Une suppression précoce et étendue de la vascularisation tumorale pourrait provoquer une nécrose, avec une zone
d’hypoxie marginale radiorésistante, qui serait dommageable en
RT tant pour la qualité du résultat fonctionnel (nécrose) que pour
les chances de guérison locale (hypoxie).
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Actions pharmacologiques sur la vascularisation
On peut distinguer deux approches antiangiogéniques.
Une approche destructrice, antivasculaire, par des agents
dits vascular disrupting agents (4, 5) dont l’objectif est de produire une nécrose spécifique du tissu tumoral en ciblant spécifiquement les vaisseaux tumoraux (par exemple, DMXAA,
combretastatine).
Une approche “inhibitrice” du développement néovasculaire
par des agents dits angiogenesis inhibitors (3, 5, 6) ayant pour
objectif d’empêcher le développement de nouveaux vaisseaux,
et, par conséquent, le développement tumoral (exemple type :
le bévacizumab, qui capte le VEGF).
L’action des antiangiogéniques est bien plus complexe qu’une
simple inhibition de l’angiogenèse car :
les facteurs angiogéniques ont des effets multiples (stimulation
de la croissance cellulaire, etc.) ;
il doit exister une séquence harmonieuse de différentes classes
de facteurs angiogènes ;
ce sont surtout les facteurs de classe I qui sont visés.
Ainsi, l’action du bévacizumab est antiangiogénique et angiomodulatrice, avec un effet sur le déséquilibre entre les différentes
classes de facteurs angiogéniques.
Aussi les effets sont-ils multiples :
diminution de la néo-angiogenèse ;
réduction du lit vasculaire tumoral ;
baisse de la pression interstitielle et, probablement, meilleure
“qualité” de la vascularisation tumorale résiduelle ;
blocage de la contre-régulation radio-induite.
L’identification de l’effet du bévacizumab sur la vascularisation
humaine a été faite au cours d’une étude de phase I avec la mise
en évidence directe des effets antivasculaires de la molécule
dans les cancers du rectum (7).
L’auteur a décrit une régression tumorale de plus de 30 %,
cliniquement évidente (1 patient sur 6), 12 jours après l’administration de bévacizumab. L’évaluation scannographique a
montré une réduction de 40 à 44 % de la perfusion vasculaire
tumorale (n = 4/5 ; p < 0,05), de 16 à 39 % du volume vasculaire
(n = 4/5 ; p < 0,05) et de 25 à 59 % de la densité de microvaisseaux
(n = 5/5 ; p < 0,05).
Effets des associations antiangiogène +
RT sur la tumeur
L’essentiel de l’expérience est préclinique, et nous disposons
d’une excellente revue effectuée par C. Nieder et al. (6). On
constate à ce jour que toutes les associations antiangiogéniques/
antivasculaires agissent en synergie avec l’irradiation en termes
de réduction du volume tumoral et du délai de recroissance, ce
qui n’est pas synonyme de guérison.
Seuls le bévacizumab chez l’homme et l’animal et la combretastatine chez l’animal ont permis une amélioration de l’effet
curateur (6). Que peut-on attendre ? A priori, tout ce qui peut
favoriser la réduction de l’hypoxie tumorale et/ou de la prolifération tumorale est favorable pour la RT.
Les antiangiogéniques “anti-classe I” semblent capables de
satisfaire ces deux conditions, ce qui n’est pas forcément le
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Réunion
R éunion
cas des antivaisseaux. La place des antiangiogéniques dans
les associations CT + RT semble donc prometteuse, avec une
confirmation lors des premiers essais (rectum, pancréas).
Mais la complexité des effets qui peuvent découler de la
pharmacomodulation de la néo-angiogenèse nécessite de
tester chaque nouvelle molécule par rapport aux caractéristiques nécessaires à une association efficace avec la RT, à
savoir l’effet sur l’oxygénation tumorale et sur la prolifération
tumorale ainsi que l’absence d’effets irréversibles vis-à-vis
des tissus sains.
Effets des associations antiangiogène +
RT sur les tissus sains
Les tissus sains sont aussi la cible des traitements. En radiothérapie, leur protection est une nécessité, et une obsession. Le facteur
vasculaire est fondamental dans la constitution des séquelles et
des complications tardives de la RT. Aucune donnée n’existe
actuellement concernant les grands volumes de tissus sains irradiés
à forte dose et le traitement antiangiogène chronique.
On peut s’attendre, en cas de traitement vraiment efficace et
chronique par antiangiogénique, à des modifications de la
réponse tardive des tissus sains irradiés, mais l’on ne sait pas
si celles-ci seront positives pour des grands volumes irradiés à
doses moyennes (réduction de la néo-angiogenèse, cause d’hémorragies rectales, gastriques ou vésicales, etc.) ou négatives,
avec un risque de nécrose, d’ulcération/perforation là où existe
actuellement des risques hémorragiques.
La plus grande prudence sera donc nécessaire pour l’instauration
et la surveillance de tels traitements au long cours, notamment
en situation “adjuvante”. Le caractère réversible (évident pour les
molécules actuelles) de l’effet antiangiogénique est bien entendu
indispensable pour envisager de telles indications.
O
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Chung YL, Jian JJ, Cheng SH et al. Sublethal irradiation induces vascular endothelial growth factor and promotes growth of hepatoma cells: implications for
radiotherapy of hepatocellular carcinoma. Clin Cancer Res 2006;12(9):2706-15.
2. Abdollahi A, Lipson KE, Han X et al. SU5416 and SU6668 attenuate the angiogenic effects of radiation-induced tumor cell growth factor production and amplify the
direct anti-endothelial action of radiation in vitro. Cancer Res 2003; 63(13):3755-63.
3. Bikfalvi A. Angiogenèse tumorale. Bull Cancer 2006:154-64.
4. Gaya AM, Rustin GJ. Vascular disrupting agents: a new class of drug in cancer
therapy. Clin Oncol 2005;17(4):277-90.
5. Eichhorn ME, Strieth S, Dellian M. Anti-vascular tumor therapy: recent advances, pitfalls and clinical perspectives. Drug Resist Updat 2004;7(2):125-38.
6 . Nieder C, Wiedenmann N, Andratschke N, Molls M. Current status of angiogenesis inhibitors combined with radiation therapy. Cancer Treat Rev 2006;17.
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POUR EN SAVOIR PLUS…
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• Raben D, Helfrich B, Bunn PA Jr. Targeted therapies for non-small-cell lung
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