Réunion R éunion Compte-rendu des Premières Rencontres francophones sur l’angiogenèse tumorale – Avignon, le 24 juin 2006 D'après les présentations de J. Pouysségur, D. Malka, G. Pagès, G. Tobelem, J.P. Delord, F. Tranquart, X. Pivot, J. Balosso recueillies par L. Aimard (Clinique Clairval, Marseille). OXYGÈNE, VAISSEAUX ET CANCER J. Pouysségur (Institut de signalisation, biologie et développement du cancer, Centre A. Lacassagne, Nice) Le soleil est notre source de vie. Il circule dans nos artères sous forme d’oxygène. Le soleil transforme le gaz carbonique en une flore luxuriante. Celle-ci excrète l’oxygène, qui devient source de vie pour la faune animale. Ainsi, l’astre solaire marie l’homme au végétal. Alors que nos artères véhiculent tous les nutriments indispensables à notre croissance et survie, ce sont les variations de teneur en oxygène d’un organe qui "sculptent” son réseau vasculaire. Grâce à des détecteurs d’oxygène sophistiqués – proline et asparagine hydroxylases, qui contrôlent l’activité transcriptionnelle du facteur HIF –, les organes densifient ou élaguent le réseau vasculaire en fonction de la teneur en oxygène du tissu. Ce phénomène naturel est exploité par les tumeurs. Leur croissance épuise rapidement l’oxygène local, un signal déclenchant la vascularisation (angiogenèse tumorale), le développement de la tumeur et souvent la dissémination des cellules. Les cancers du côlon et du rein bénéficient depuis peu de traitements anti-angiogéniques. Nous essayerons d’apporter lumière et air frais dans ce domaine de la biologie (1). O RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE 1. Pouysségur J, Dayan F, Mazure NM. Hypoxia signalling in cancer and approaches to enforce tumour regression. Nature 2006;441:437-43. nuer à recevoir l’anti-VEGF en combinaison avec un traitement de seconde ligne. L’objectif principal de l’étude était la survie globale. Comme prévu selon le protocole, un troisième bras (5-FU/AF/B) a été interrompu après vérification de la faisabilité de la combinaison IFL + B. Tableau I. Antiangiogéniques en cours de développement. Agents Firme Type (cibles) Développement Roche/Genentech ACM (VEGF-A) Commercialisé Regeneron VEGFR1 soluble Phase I/II Bayer/Onyx IRTK**, IRAFK Phase III Novartis/ Schering Plough IRTK** (VEGFR1/2, PDGFR, c-KIT) Phase III Sirna Ribozyme (ARNm VEGFR1/2) Phase II AstraZeneca IRTK** (VEGFR1/2, EGFR) Phase II AG013676 Pfizer IRTK** Phase II SU11248 (sunitinib) Pfizer IRTK** (VEGFR, PDGFR, c-KIT) Phase I/II GlaxoSmithKline IRTK (VEGFR) Phase I/II ImClone ACM (VEGFR2) Phase I Bévacizumab* VEGF-Trap Antagonistes VEGFR Bay 43-9006 (sorafenib) Valatinib (PTK787/ZK222584)* Angiozyme ZD6474 GW786034 LES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LES CANCERS DIGESTIFS D. Malka (Institut Gustave-Roussy, Villejuif) Après avoir rappelé le contexte actuel de la prise en charge du cancer colorectal (CCR), D. Malka présente les principaux antiangiogéniques disponibles selon leur mécanisme d’action et le niveau de leur développement en recherche clinique. Dans le CCR métastatique, la première molécule antiangiogénique (et la seule à ce jour) à avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en association avec de la chimiothérapie en première ligne thérapeutique est Avastin© (bévacizumab) [tableau I]. L’étude d’enregistrement (1) a randomisé 815 patients présentant un CCR métastatique entre un traitement par IFL (irinotécan, 5-fluoro-uracile [5-FU], acide folinique [AF]) + placebo versus IFL + bévacizumab (B) [à la dose de 5 mg/kg/14 jours]. L’aveugle a été levé à la progression, et les patients sous B pouvaient contiLa Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 LK1-BAG_0207.indd 35 IMC-IC11 ACM : anticorps monoclonal, IRTK : inhibiteur oral de récepteur(s) à tyrosine kinase, IRAFK : inhibiteur de RAF kinase. * Résultats en phase III rapportés au cours du CCR. ** Inhibent divers RTK, dont VEGFR1, VEGFR2, PDGFR, c-kit ou Flt-3. Les patients randomisés dans le bras IFL + B ont eu significativement plus de réponses que ceux du bras IFL + placebo (44,9 % versus 34,7 % ; p = 0,003) ; la survie sans progression a été significativement améliorée (10,6 mois versus 6,2 mois ; p < 0,00001), ainsi que la survie globale (20,3 mois versus 15,6 mois ; p = 0,00003). Un traitement de deuxième ligne a été administré à 53 % des patients du groupe IFL + placebo et à 61 % de ceux du groupe IFL + B. Pour les malades traités en seconde ligne par oxaliplatine, le bénéfice en termes de survie globale persistait dans le groupe initialement traité par IFL + B (25,1 mois) par rapport à celui ayant reçu IFL + placebo (22,2 mois). 35 26/02/07 12:19:47 Réunion R éunion Une étude rétrospective a analysé la survie globale observée en tenant compte des critères de Köhne et al. (statut de performance, nombre de sites tumoraux, phosphatases alcalines, globules blancs) [2]. Ainsi, la survie globale était significativement améliorée si le traitement administré était IFL + B (quel que soit le groupe pronostique) et si le risque était faible (quel que soit le schéma utilisé). Le bénéfice lié au B était observé même chez les patients de mauvais pronostic (tableau II). Tableau II. Survie globale selon la classe de risque pronostique (d’après [2]). nouvel événement indésirable n’a été détecté ; les perforations et les hémorragies digestives sont tumorales dans environ 50 % des cas, avec un risque accru si le cancer primitif n’est pas réséqué (fatales : 2,2 % versus 0,3 %) [3-6]. En ce qui concerne les complications de la chirurgie faite avant ou après la mise sous B, l’analyse issue des données de l’étude pivotale a été publiée (7). Le tableau IV reprend les résultats. Tableau IV. Combinaison chimiothérapie (CT) + bévacizumab (B) : morbidité opératoire. Chimiothérapie seule Chimiothérapie + B (n = 516) (n = 616) Survie globale médiane (mois) IFL + placebo (n = 401) IFL + B (n = 411) faible (n = 233) 19,8 25,7 moyen (n = 493) 15,3 20,1 élevé (n = 86) 10,4 14,3 Risque Chirurgie avant utilisation de B Complications Dans l’étude de Hurwitz et al., en termes de tolérance, au total, 85 % des patients du bras B et 74 % de ceux du bras placebo ont présenté une toxicité de grade 3-4 (p < 0,01). Les pourcentages de décès toxiques et de décès dans les 60 premiers jours ne différaient pas d’un groupe à l’autre (2,5 % versus 2,8 % ; 3 % versus 4,9 %). Les toxicités principales ont été la diarrhée de grade 3-4 (33 % versus 25 %) et la neutropénie de grade 3-4 (37 % versus 31 %). Une attention toute particulière a été portée aux événements vasculaires : une hypertension artérielle (HTA) a été plus fréquemment observée sous B (22,4 % versus 8,3 %), mais les événements thrombo-emboliques (19,3 % versus 16,1 %) ou hémorragiques (3,1 % versus 2,5 %) n’ont pas différé d’un groupe à l’autre. Six patients (1,5 %) du bras B ont présenté une perforation digestive (1). En termes de tolérance, les observatoires relatifs à l’utilisation de B dans le cadre des AMM délivrées par la Food and Drug Administration et l’European Medicines Agency (EMEA) [études BRiTE et First BEAT] montrent des résultats comparables à ceux observés dans les essais randomisés (tableau III). Ainsi, aucun AVF2107g (États-Unis) [1] BRiTE (États-Unis) [3] First BEAT (Europe, etc.) [4-6] IFL + B (n = 393) Chimiothérapie (CT) + B (n = 1 968) CT + B (n = 1 915) Thrombo-embolies artérielles 3,3 2,1 0,6 Hémorragies grade 3-4 3,1 1,9 3,6 36 LK1-BAG_0207.indd 36 1,5 1,7 1 (0,5 %) 3 (1,3 %) 29 75 1 (3,4 %) 10 (13,3 %) Pour une chirurgie plus spécifique telle que la chirurgie hépatique, plusieurs points sont abordés, mais peu de réponses sont actuellement disponibles. Ainsi : il n’y a pas de données sur la régénération hépatique et antiVEGF ; l’impact clinique de la toxicité de la chimiothérapie est une notion controversée ; les anti-VEGF inhibent la cicatrisation ; la demi-vie du B est longue (17-21 jours) ; le délai proposé entre la dernière administration de B et une chirurgie est de 8 semaines. Lors du congrès de l’ASCO 2006, deux équipes ont présenté les résultats de l’utilisation de B dans le contexte de la chirurgie des métastases hépatiques (tableau V) [8-9]. Tableau V. Combinaison chimiothérapie (CT) + bévacizumab (B) : morbidité après hépatectomie. Étude [8] (n = 19 évaluables/ 34 opérés de l’étude) Étude [9] (n = 43 opérés/ 1 927 pts de l’étude) Type d’étude Phase II First BEAT Population Patients potentiellement opérables Patients non opérables Chimiothérapie XELOX 100 % Oxaliplatine (60 %), CPT11 (37 %) Délai B/chirurgie 5 semaines 8 semaines Complications postopératoires 5% Fuite biliaire Abcès de paroi 6% liés au B (33 % en tout) Tableau III. Combinaison chimiothérapie (CT) + bévacizumab (B) : toxicité. Perforations digestives 230 Chirurgie au cours de l’utilisation du B Complications Effets indésirables (%) 194 1,5 La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 26/02/07 12:19:48 Réunion R éunion Tableau VI. Associations fluoropyrimidine + oxaliplatine : apport du bévacizumab (d’après [11]). TREE-1 TREE-2 mFOLFOX bFOL CAPOX mFOLFOX + B bFOL + B CAPOX + B Taux de réponse (%) 43 22 35 53 41 48 Temps jusqu'à progression (mois) 8,7 6,9 5,9 9,9 8,3 10,3 Survie globale (mois) 19,2 17,9 17,2 26,0 20,7 27,0 Toxicité grade 3-4 (%) 59 36 67 59 51 56 La conclusion retenue par les différents auteurs est que la chirurgie hépatique (métastases résécables d’emblée ou secondairement) de patients traités par B paraît possible dans de bonnes conditions de sécurité, moyennant un délai d’au moins 5 semaines après la dernière administration de B. Toujours en première ligne de traitement du CCR métastatique, l’étude TREE-1 compare trois différents schémas d’administration de fluoropyrimidines et d’oxaliplatine (FOLFOX ou 5-FU bolus ou capécitabine). Puis l’étude de phase II TREE-2 a suivi, en gardant les mêmes combinaisons de chimiothérapie (doses réduites de capécitabine), mais en associant B dans chaque bras (10). Même si l’on ne peut effectuer de comparaison méthodologiquement correcte entre ces deux études, on peut retenir que (tableau VI) : les trois schémas d’administration sont efficaces, avec un taux de réponse plus faible et une survie sans progression inférieure pour l’association avec du 5-FU en bolus (bFCL) ; l’adjonction de B à chacun des trois schémas augmente le taux de réponse, le temps jusqu’à progression et la survie globale sans augmenter la toxicité. En deuxième ligne de traitement du CCR métastatique, une étude de phase III randomisée a comparé FOLFOX 4, B monothérapie haute dose (10 mg/kg/15 j) à l’association des deux dans le CCR avancé ou métastatique prétraité par une chimiothérapie associant 5-FU et CPT11 (11). L’objectif principal (amélioration de la survie globale de 7 à 9,8 mois [+ 40 %] par l’adjonction de B au FOLFOX 4) et les objectifs secondaires (taux de réponse, survie sans progression, tolérance) ont été atteints, avec une amélioration significative du taux de réponse (21,8 % versus 9,2 %), de la survie sans maladie (7,2 mois versus 4,8 mois ; p < 0,001) et de la survie globale (12,9 mois versus 10,8 mois) dans le bras FOLFOX + B. Cette étude démontre la supériorité de l’association FOLFOX + B sur FOLFOX dans le traitement des CCR avancés prétraités par irinotécan. Dans cette indication, B en monothérapie (bras thérapeutique prématurément fermé) n’est pas efficace. Du point de vue de la tolérance, on observait une augmentation du risque d’HTA, de saignement et de neuropathie dans le bras FOLFOX + B. Le taux de perforation digestive a été comparable à celui observé dans les autres études (1 % bras FOLFOX + B La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 LK1-BAG_0207.indd 37 versus 1,3 % bras B), et il n’y a pas d’augmentation significative du risque de thrombose veineuse ou artérielle. Une autre étude de phase II randomisée a comparé les associations CBI (B + cétuximab [C] + CPT11) et CB chez des patients atteints d’un CCR métastatique réfractaire à l’irinotécan (12). La recherche de l’expression d’EGFR n’était pas un prérequis pour l’inclusion. Les patients ont été traités, en médiane, en troisième ligne après progression sous CPT11 dans 100 % des cas et sous oxaliplatine dans 89 % des cas. Une augmentation du taux de réponse objective (37 % versus 20 %) et de la survie médiane sans progression (7,9 mois versus 5,6 mois) a été observée dans le bras CBI par rapport au bras CB. La toxicité liée à B et C a été comparable entre les deux bras ; les autres toxicités ont été plus fréquentes dans le bras CBI (neutropénie grade 3-4 [22 % versus 0 %], diarrhée grade 3-4 [24 % versus 0 %], asthénie grade 3 [10 % versus 0 %]). Une comparaison historique avec des patients traités par C seul ou en association avec CPT11 suggère que l’ajout de B améliore l’efficacité (chez des patients n’ayant jamais reçu de B auparavant). Les études cliniques en cours testant l’utilisation des antiangiogéniques dans le traitement adjuvant du CCR sont résumées dans le tableau VII. Tableau VII. Combinaisons chimiothérapie (CT) + bévacizumab (B) : essais en cours en adjuvant. Essai Schémas Effectif FOLFOX 4 FOLFOX 4 + B XELOX + B 3 450 NSABP C-08 mFOLFOX 6 mFOLFOX 6 + B 2 600 QUASAR 2 Capécitabine CAPIRI CAPIRI + B 3 750 ECOG 5205 FOLFOX 6 FOLFOX 6 + B 3 125 AVANT BO17920 37 26/02/07 12:19:48 Réunion R éunion Enfin, dans le domaine des cancers digestifs non colorectaux tels que le carcinome hépatocellulaire, le cancer du pancréas ou de l’estomac, aucun essai de phase III n’est encore disponible avec les anti-VEGF. O CELLULE CANCÉREUSE PTEN RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Hurwitz et al. New Engl J Med 2004. 2. Kabbinavar et al. ASCO 2006, abstract 3539. 7. Scappaticci et al. J Surg Oncol 2005;91:173. 11. Giantonio. ASCO 2005, abstract 2. 12. Saltz et al. ASCO GI 2005, abstract 169b. DÉTERMINANTS CIBLES : VEGF, VEGF-R. PEUT-ON AIDER LE CLINICIEN DANS LA DÉCISION D’UN TRAITEMENT PAR ANTIANGIOGÉNIQUE ? PI3-K/Akt p42/p44 MAPK CELLULE ENDOTHÉLIALE Survie Croissance VEGF p42/p44 Akt MAPK PI3-K R2 R1 Ras Figure 1. Activation combinée des voies de signalisation PI3 kinase et MAP kinases/ERK dans des cellules cancéreuses et les cellules endothéliales entraînant leur croissance et leur survie. Un acteur paracrine majeur, le VEGF, produit par les cellules cancéreuses, provoque un phénomène d'angiogenèse qui amplifie le développement de la tumeur (d'après [3]). G. Pagès (université de Nice Sofia Antipolis/Institut de signalisation Biologie et développement du cancer) Deux voies majeures sont mutées au cours de la carcinogenèse humaine : Ras-extracellular signal regulated kinases (ERK) et la phosphatidylinositol-3OH kinase (PI[3]K)-AKT. Elles sont activées par de nombreux polypeptides facteurs de croissance, hormones ou protéines de la matrice extra-cellulaire. Les voies de signalisation Ras/Raf/MEK/ERK et PI(3)K-AKT interviennent dans l’expression du facteur ubiquiste que représente le VEGF-A, facteur clé de la vascularisation et de l’angiogenèse. Le but de cette présentation est de montrer l’impact de la voie ERK sur l’expression de VEGF-A et sur le développement tumoral. Voie de signalisation des MAP kinases/ERK et VEGF-A Les MAP kinases/ERK appartiennent à une grande famille de sérine/thréonine kinases activées par de multiples signaux extra-cellulaires, comme des facteurs de croissance, hormones, lymphokines, facteurs de stress, composants de la matrice extracellulaire. Il existe deux isoformes p42/p44 MAP kinases, également appelées ERK1/ERK2. Elles interviennent de façon majeure dans l’expression de VEGF-A, en particulier via l’augmentation de la transcription de son gène par l’intermédiaire de la phosphorylation des facteurs de transcription HIF-1 (1) et Sp1 (2) [figures 1 et 2]. Les cascades de signalisation des MAP kinases/ERK ainsi que celle des kinases du stress p38 et JNK interviennent également dans les processus de stabilisation de l’ARNm du VEGF-A (4). La voie de signalisation Raf/MEK/ERK, en plus de son importance pour la production du VEGF-A par les cellules tumorales, est également stimulée à la suite de l’activation de nombreux récepteurs présents sur les cellules endothéliales, cibles du VEGF-A, mais aussi sur les cellules tumorales (récepteurs du VEGF, de l’EGF et du PDGF). Cette voie de signalisation se révèle être une cible thérapeutique intéressante, son inactivation pouvant à la fois bloquer les mécanismes de prolifération cellulaire et d’angiogenèse et promouvoir l’apoptose. 38 LK1-BAG_0207.indd 38 Oncogenes Growth factors + + HIF-1 + HIF-1α stabilisation Hypoxia p42/p44 MAPK Sp1 VEGF αβ c Jun AP-2 c Fos + mRNA stabilisation Stress kinases JNK/p38MAPK Figure 2. Représentation schématique de la régulation de l'expression du VEGF (d'après [3]). Les aspects majeurs de cette régulation sont discutés dans le texte et dans les articles 1 à 4. VEGF et efficacité thérapeutique Les niveaux de VEGF-A intratumoraux ont été quantifiés par la technique ELISA sur 54 échantillons de tumeurs ORL humaines diagnostiquées au centre Antoine-Lacassagne de Nice. Le VEGF s’est révélé être un facteur pronostique indépendant de survie sans récidive, mais aussi de survie globale. De même, les niveaux plasmatiques de VEGF-A sont plus élevés chez des patients atteints de leucémie myéloïde chronique que chez des personnes saines. L’efficacité de l’imatinib, une thérapie ciblée sur la chimère Bcr/Abl, responsable de la maladie, peut être suivie par mesure des taux de VEGF circulants, ceux-ci devenant normaux chez des patients en rémission cytogénétique (5). Sur des modèles cellulaires de cancer du sein ou de la prostate métastatique, il est relativement aisé d’obtenir des cellules résistantes au docétaxel, un traitement couramment utilisé en clinique. Nous avons démontré que le docétaxel activait le promoteur du VEGF-A et induisait des accumulations intracellulaires de VEGF-A. Ces résultats mettent en évidence l’un des mécanismes potentiels de résistances. Ils montrent également l’intérêt de l’association La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 26/02/07 12:19:49 CCI-779 mTOR pVHL HIF - α HIF - β Bévacizumab BAY 43 PTK/2K SU011248 F VEG P13K Cellule endothéliale, péricyte ou cellule tumorale PDCF R Ral MEX ERK BAY 43 SU011248 EGF PLG2 Gefitinib, cétuximab erlotinib, ABX-EGF BAY 43 - 9006 - 5132 CI - 1040 Figure 3. Sites d'actions d'agents thérapeutiques ciblés dans le traitement du carcinome rénal. docétaxel + bévacizumab, un anticorps monoclonal ciblant le VEGF-A. De même, dans le cadre du cancer du sein métastatique surexprimant le récepteur HER-2, l’utilisation du trastuzumab, anticorps monoclonal ciblant ce récepteur, inhibe la voie de signalisation Raf/MEK/ERK. Le gefitinib, un inhibiteur de tyrosine kinase ciblant le récepteur de l’EGF, a également montré une efficacité importante dans le cancer du poumon ou les cancers ORL et ce, également par inhibition de la voie Raf/MEK/ERK. L’inhibition de cette voie de signalisation apparaît donc comme une cible thérapeutique majeure. Des essais précliniques chez la souris sont en cours pour évaluer l’impact d’inhibiteurs moléculaires ou pharmacologiques spécifiques des membres de cette voie de signalisation sur le développement de cancers du sein, du pancréas ou du côlon et de mélanomes. Perspectives Une meilleure appréciation de la réceptivité tumorale s’avère nécessaire pour mieux adapter les différentes thérapeutiques antiangiogéniques. Pour l’angiogenèse, deux molécules présentent un intérêt thérapeutique évident : le bévacizumab, qui cible le VEGF-A, et le sunitinib, qui cible plutôt ses récepteurs (VEGFR1 et 2). Il est important de souligner que, lorsque l’expression de VEGF-A est diminuée, d’autres facteurs angiogéniques prennent le relai pour continuer à promouvoir une angiogenèse efficace. Un de ces facteurs “relai” est sans conteste l’interleukine 8, un facteur de croissance des cellules endothéliales aussi efficace que le VEGF-A. Ce relai angiogénique pourrait expliquer une efficacité moins importante qu’attendue des anti-VEGF-A. Un autre aspect prenant un essor important pour la dissémination métastatique s’avère être les mécanismes de lymphangiogenèse. Des facteurs apparentés au VEGF-A sont des acteurs importants de ce mécanisme. Il s’agit des VEGF-C et VEGF-D et de leur récepteur, le VEGF-R3. Cependant, aucune molécule ciblant ces facteurs ou leur récepteur n’est disponible actuellement. Il est intéressant de noter que la liaison des VEGF-C ou des La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 LK1-BAG_0207.indd 39 Réunion R éunion VEGF-D au VEGF-R3 active la voie de signalisation Ras/Raf/ MEK/ERK. La multiplicité des voies de signalisation mises en jeu lors des processus de tumorisation mais aussi l’apparition de phénomènes d’adaptation lors de traitements faisant intervenir un seul composé (figure 3) impliquent que les thérapeutiques combinées vont devenir la règle. Cependant, leur application en clinique va nécessiter de nombreux travaux pour mieux évaluer les différentes modalités et périodicités d’administration. O RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Richard DE, Berra E, Gothie E, Roux D, Pouysségur J. P42/p44 mitogenactivated protein kinases phosphorylate hypoxia-inducible factor 1alpha (HIF1alpha) and enhance the transcriptional activity of HIF-1. J Biol Chem 1999;274 (46):32631-7. 2. Milanini-Mongiat J, Pouysségur J, Pagès G. Identification of two Sp1 phosphorylation sites for p42/p44 mitogen-activated protein kinases: their implication in vascular endothelial growth factor gene transcription. J Biol Chem 2002; 277(23):20631-9. 3. Berra E, Pagès G, Pouysségur J. MAP kinases and hypoxia in the control of VEGF expression. Cancer Metastasis Rev 2000;19:139-45. 4. Pagès G, Berra E, Milanini-Mongiat J et al. Stress-activated protein kinases (JNK and p38/HOG) are essential for vascular endothelial growth factor mRNA stability. J Biol Chem 2000;275(34):26484-91. 5. Legros L, Bourcier C, Jacquel A et al. Imatinib mesylate (STI571) decreases the vascular endothelial growth factor plasma concentration in patients with chronic myeloid leukemia. Blood 2004;104(2):495-501. 6. Stadler WM. Targeted agents for the treatment of advanced renal cell carcinoma. Cancer 2005;104:2323-33. BIOLOGIE DE L’ANGIOGENÈSE G. Tobelem (Institut des vaisseaux et du sang, Paris) Historique Le champ de recherche de l’angiogenèse démarre en 1971 avec la publication de “Tumor angiogenesis and therapeutic implications” de Judah Folkman, dans le New England Journal of Medicine. Cette hypothèse postulait que l’angiogenèse était un phénomène incontournable pour la progression tumorale, mais également que les antiangiogènes pourraient entraîner sa régression. J. Folkman développe alors le concept de switch angiogénique. Switch angiogénique : les années 1970 La croissance normale et néoplasique est sous la dépendance de l’angiogenèse. Des cancers in situ non angiogéniques pourraient chez l’homme survenir dans plusieurs organes, mais un tout petit nombre (1 sur 600) basculerait vers un phénotype angiogénique, donnant ainsi une tumeur détectable. Des facteurs antiangiogènes naturels contrebalancent les facteurs angiogènes, mais cet équilibre se rompt dans la maladie cancéreuse alors qu’il persiste au cours de la cicatrisation ou de l’ovulation. L’endothélium vasculaire recruté par une tumeur est une cible thérapeutique secondaire intéressante puisque génétiquement stable et moins susceptible de résistance (1). 39 26/02/07 12:19:49 Réunion R éunion Les facteurs angiogéniques : les années 1980-1990 La communauté scientifique s’intéresse de plus en plus à la néoangiogenèse. Des modèles in vivo et in vitro sont développés. Ils permettent de découvrir des facteurs de croissance de l’angiogenèse tels que le b-FGF (années 1980) et le VEGF (années 1990). De même, les facteurs antiangiogéniques tels que l’angiostatine (1994) et l’endostatine (1997) sont découverts à cette époque (figure). Récepteurs VEGF VEGF A VEGF B PLGF VEGF A VEGF C VEGF D VEGF C VEGF D VEGF A PLGF Flt-1 Flk-1/KDR Flt-4 NRP-1,2 Angiogenèse Angiogenèse Lymphangiogenèse Angiogenèse ? Figure. Les récepteurs aux VEGF et leurs ligands d’après Byrne et al. (J Cell Mol Med 2005;9[4]). Les données expérimentales qui ont conduit à ces constatations en font un surrogate marker pour monitorer les thérapeutiques antiangiogéniques. Normalisation Cette néo-angiogenèse anormale est responsable d’une perfusion sanguine anormale, d’une hypertension interstitielle et d’une hypoxie qui réduisent l’efficacité des cytotoxiques ou des radiations. Un des objectifs d’une thérapeutique antiangiogénique serait donc de normaliser les néovaisseaux tumoraux pour rendre plus efficaces les traitements classiques. Conclusion Les traitements antiangiogéniques représentent un formidable espoir : celui de mieux traiter les cancers, mais de nombreuses questions restent encore sans réponse. L’inhibition des VEGF est nécessaire mais ne sera peut-être pas suffisante. Il est vraisemblable que les nouvelles thérapeutiques devront combiner plusieurs médicaments antiangiogéniques d’action complémentaire. Quelles combinaisons pour le futur ? Anti- ou normoangiogénique ? Quel marqueur d’efficacité et de tolérance ? Quels marqueurs de résistance (1, 2) ? O RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Folkman J. Angiogenesis. Annu Rev Med 2006;57:1-18. 2. Byrne AM, Bouchier-Hayes DJ, Harmey JH. Angiogenic and cell survival functions of vascular endothelial growth factor (VEGF). J Cell Mol Med 2005;9: 777-94. Triomphe des thérapeutiques antiangiogéniques : les années 2000 PHARMACODYNAMIE DES ANTI-VEGF2 ET GESTION DES EFFETS SECONDAIRES ATTENDUS De nombreux facteurs proangiogénique et antiangiogénique sont découverts. Les premiers essais thérapeutiques font état de résultats prometteurs. Les antiangiogènes deviennent la quatrième possibilité thérapeutique. Le rêve de J. Folkman est devenu réalité avec le premier anticorps anti-VEGF admis par la Food and Drug Administration : le bévacizumab, ou Avastin®. J.P. Delord (Université de Toulouse III, Institut Claudius-Regaud) Remodelage vasculaire Le switch angiogénique entraîne une prolifération de vaisseaux qui perdent leurs caractéristiques normales. Il s’agit d’un remodelage vasculaire dont la fonctionnalité est incomplète. Dans les modèles expérimentaux d’hépatocarcinome, on peut mettre en évidence une artériolisation de ces néovaisseaux. La cascade d’activation par les VEGF passe par Notch 4 et Ephrin B2, qui induisent l’artériolisation des néovaisseaux. On peut considérer qu’il s’agit d’un second switch de type artériolaire responsable d’un remodelage vasculaire. Marqueurs de l’angiogenèse Les cellules endothéliales progénitrices (CEP) circulantes semblent être un marqueur de l’angiogenèse. Ces cellules, qui contribuent à la formation des vaisseaux tumoraux, pourraient être génétiquement prédéterminées. 40 LK1-BAG_0207.indd 40 Les effets indésirables nouveaux liés au bévacizumab, et auxquels les oncologues ne sont pas habitués à faire face, ont été détaillés, afin d’expliquer comment mieux les gérer au quotidien. Très rapidement, J.P. Delord expose les données issues des études pivotales confirmant que l’adjonction de bévacizumab à la chimiothérapie n’augmente pas la toxicité de celle-ci (tableau I). Tableau I. AVF 2107 AVF 2192 IFL + IFL + 5-FU/AF + 5-FU/AF + placebo bévacizumab placebo bévacizumab Décès dans les 60 jours Médiane de suivi EIG avec décès EIG avec arrêt thérapeutique 4,9 % 3% 13,5 % 5% 28 mois 2,8 % 40 mois 2,6 % 23 mois 6,7 % 31 mois 4,0 % 7,1 % 8,4 % 11,5 % 10,0 % EIG : événement indésirable grave. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 26/02/07 12:19:50 Afin de mieux discuter de la toxicité propre au bévacizumab,, J.P. Delord reprend quelques bases de physiopathologie relative au VEGF et à ses récepteurs. Ils sont, en effet, impliqués dans la physiopathologie : de l’hypertension artérielle (1) ; des phénomènes de coagulation au sens large : – activation plaquettaire, – modifications des taux de fibrinogène sériques, – augmentation au cours des cancers du taux de VEGF, du fibrinogène, des D-Dimères (2, 3), – diminution au cours des cancers des antiangiogènes (TSP-1, etc.) ; de la cicatrisation (fibrinogène, matrices EC, cadhérines EC, VEGF [4]). Ainsi, en pratique clinique, sous l’action du bévacizumab sont attendus des effets secondaires “vasculaires” dont la traduction comprend les manifestations suivantes : protéinurie (fréquence supérieure à 10 %) ; hypertension (fréquence supérieure à 10 %) ; maladie thrombo-embolique artérielle et veineuse (fréquence inférieure à 10 %) ; hémorragies (fréquence inférieure à 10 %) ; perforations intestinales (fréquence inférieure à 10 %) ; cicatrisation (fréquence inférieure à 10 %). La protéinurie représente le premier effet indésirable “fréquent” lié à l’administration de bévacizumab. Un arbre décisionnel est proposé. Il permet une approche pragmatique de cet effet secondaire. Premier contrôle de bandelette urinaire à 2+/3+/4+. Le traitement est réalisé, mais une protéinurie des 24 heures est faite à J+15. Si l’on constate une réapparition d’une protéinurie 2+ à la bandelette, un contrôle immédiat de la protéinurie des 24 heures est effectué. Lors du premier contrôle de la protéinurie des 24 heures, deux cas de figure se présentent : – protéinurie 24 h ≤ 2 g : le traitement est réalisé ; – protéinurie 24 h > 2 g : le traitement est interrompu jusqu’à un retour de protéinurie à 2 g au plus, ce qui implique de refaire cette recherche de protéinurie avant la reprise thérapeutique. Lors du deuxième contrôle de protéinurie, deux cas sont possibles : – protéinurie ≤ 2 g : le traitement est réalisé, mais un nouveau contrôle de la protéinurie des 24 heures s’impose afin de s’assurer que le taux se maintient à 2 g au plus ; – protéinurie > 2 g : le traitement est interrompu et un suivi de la protéinurie est mis en place. En cas de persistance d’une protéinurie supérieure à 3+, la biopsie rénale doit être discutée. Devant l’apparition d’un syndrome néphrotique, le bévacizumab est définitivement interrompu. L’hypertension artérielle (HTA) représente le deuxième effet indésirable “fréquent” observé chez les malades traités par bévacizumab. Au cours de l’étude pivotale publiée par B. Hurwitz (5), quel que soit son grade, l’HTA est observée dans 22,4 % des cas dans le bras bévacizumab versus 8,3 % dans le bras placebo. En revanche, la proportion d’HTA de grade 3 est de 10,9 % versus 2,3 %, sachant qu’il n’a pas été observé de grade 4 au cours de l’étude. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 LK1-BAG_0207.indd 41 Réunion R éunion Afin de mieux percevoir ce que représente la gradation de la sévérité d’une HTA, J.P. Delord fait un rappel des grades : Grade 1 : HTA asymptomatique, transitoire, qui se manifeste par une augmentation de 20 mmHg de la diastolique ou une augmentation supérieure à 150/100 si la tension artérielle basale était auparavant normale. Le grade 1 n’impose pas de traitement systématique ; Grade 2 : HTA récurrente ou persistante (> 24 h), se manifestant par une augmentation de 20 mmHg de la diastolique ou une augmentation supérieure à 150/100 si la tension artérielle basale était auparavant normale. Le grade 2 implique une monothérapie antihypertensive (inhibiteur de l’enzyme de conversion, sans groupement thiol, tel que l’énalapril) ; Grade 3 : HTA nécessitant l’utilisation de plus d’un médicament antihypertenseur. Le grade 3 impose l’arrêt du bévacizumab ; Grade 4 : crise hypertensive ayant pour conséquence un arrêt définitif du bévacizumab. Sont de ce fait mentionnées dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP) quelques précautions d’emploi vis-à-vis de cet effet indésirable. Avant l’instauration du bévacizumab,, l’interrogatoire cherche à déceler l’existence préalable d’une HTA (contrôlée ou non), un traitement par bévacizumab ne pouvant être proposé qu’après contrôle d’une éventuelle HTA. Le suivi du traitement par bévacizumab nécessite une mesure de la pression artérielle avant chaque administration et, en cas d’HTA sévère (définie par une tension artérielle systolique ≥ 180 mmHg et/ou diastolique ≥ 110 mmHg ; ANAES 2000), la suspension du bévacizumab et l’instauration d’un un traitement médical, jusqu’à l’obtention d’un contrôle tensionnel adéquat. Un arrêt définitif du traitement par bévacizumab est recommandé en cas d’HTA non contrôlable par traitement médical et en cas de crise hypertensive. Les maladies thromboemboliques artérielle et veineuse sont de survenue bien moins fréquente que les événements sus-cités. Leur fréquence dans l’étude pivotale est mentionnée dans le tableau II. Tableau II. Résultats préliminaires de l’étude BRITE. Événements indésirables graves liés au bévacizumab n (%) Total 110 (8) Thromboembolies veineuses 28 (2) Thromboembolies artérielles 6 (0,4) D'après Kozloff (Proc ASCO 2005, abstract 3566). Concernant le risque hémorragique sous bévacizumab,, sur l’ensemble des patients traités par cette molécule, 4 % d’événements hémorragiques de grades 3 et 4 (critères NCICTC) ont été observés. Ces événements survenus au cours des essais cliniques étaient essentiellement des hémorragies associées à la tumeur laissée en place et des saignements cutanéo-muqueux mineurs. Au cours des essais cliniques effectués dans le cancer colorectal métastatique, il n’a pas été observé de différence significative de l’incidence des événements hémorragiques de grades 3 et 4 chez les patients traités par bévacizumab (3,1 % à 5,1 %) et dans le groupe témoin (2,5 % à 2,9 %). 41 26/02/07 12:19:50 Réunion R éunion Les perforations gastro-intestinales (GI) sont présentes dans 1,6 % des cas (étude de phase III de B. Hurwitz). Les facteurs de risque de ces perforations, identifiés par les investigateurs chez 12 des 22 patients (54,5 %) au cours de l’étude BRITE (7), sont résumés dans le tableau III. Tableau III. Facteurs de risques au cours de l‘étude BRITE. Diverticulite aiguë 2 Obstruction GI 4 Tumeur au niveau du site de la perforation 3 Carcinose péritonéale 3 Radiothérapie abdominale ou pelvienne 2 Pas de risque identifié 7 Données manquantes 3 La plupart des perforations GI (68,5 %) sont apparues dans les 60 premiers jours de traitement sous bévacizumab. Plus de 50 % des patients ayant eu une perforation GI avaient un ou plusieurs facteurs de risque potentiel. Le profil de tolérance de bévacizumab de l’analyse préliminaire de ce registre est comparable à celui observé au cours de l’étude pivotale. Enfin, en ce qui concerne le phénomène de cicatrisation des plaies pour les maladies traitées par bévacizumab, la question restait ouverte, car le VEGF est l’un des facteurs de croissance essentiels impliqués dans le processus de cicatrisation, intervenant en augmentant la perméabilité vasculaire, en favorisant l’angiogenèse et la formation du tissu de granulation. L’expression du VEGF augmentant au cours de la cicatrisation normale, son inhibition pouvait donc altérer ou retarder le processus de cicatrisation. En fait, chez les patients opérés depuis plus de 28 jours avant l’instauration du traitement par bévacizumab, l’absence d’augmentation du risque de saignement postopératoire ou de complication de la cicatrisation des plaies a été notée comparativement au groupe témoin (étude de phase III de B. Hurwitz). Par ailleurs, dans la même étude, chez les patients ayant subi une intervention majeure alors qu’ils étaient traités par bévacizumab, un saignement postopératoire ou des complications de la cicatrisation des plaies ont été observés dans 10 à 20 % des cas. Ainsi, les recommandations proposées, lorsque le bévacizumab est utilisé alors qu’une intervention chirurgicale doit avoir lieu, sont les suivantes : à l’instauration du traitement, le bévacizumab ne doit pas être administré pendant au moins 28 jours après une intervention chirurgicale lourde, ou tant que la plaie chirurgicale n’est pas totalement cicatrisée. En cas de complications de la cicatrisation d’une plaie pendant le traitement, celui-ci doit être interrompu jusqu’à la cicatrisation totale ; lors d’une chirurgie programmée, le bévacizumab doit être suspendu. En pratique, la recommandation usuelle est d’attendre 3 demi-vies pour obtenir l’élimination d’un produit, ce qui, dans le cas de bévacizumab, correspond à environ 60 jours ; 42 LK1-BAG_0207.indd 42 lors d’une chirurgie faite en urgence, il existe un risque plus important de difficultés de cicatrisation, d’où la nécessité d’informer le chirurgien de l’existence d’un traitement par bévacizumab et l’importance de bien peser le rapport bénéfice/risque de l’intervention. Si la chirurgie est maintenue, il convient de prendre des précautions particulières dans le suivi de l’hémostase en cours d’intervention, et d’observer une surveillance postopératoire accrue. En conclusion, la gestion clinique des effets indésirables doit se faire en temps réel. Il n’existe pas de facteur prédictif de risque thrombogène ou hémorragique en dehors des contre-indications de “bon sens”. En revanche, les cliniciens ont besoin de mieux appréhender les interactions de bévacizumab avec l’endothélium vasculaire normal et les grands équilibres de la coagulation (principes de la pharmacodynamie). O RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Liu MH, Jin HK, Floten HS et al. Vascular endothelial growth factor-mediated endothelium-dependent relaxation is blunted in spontaneously hypertensive rats. J Pharmacol Exp Ther 2001;296(2):473-7. 2. Caine GJ, Lip GY, Stonelake PS et al. Platelet activation, coagulation and angiogenesis in breast and prostate carcinoma. Thromb Haemost 2004;92(1):185-90. 3. Gonzalez FJ, Rueda A, Sevilla I et al. Shift in the balance between circulating thrombospondin-1 and vascular endothelial growth factor in cancer patients: relationship to platelet alpha-granule content and primary activation. Int J Biol Markers 2004;19(3):221-8. 4. Mosesson MW. Fibrinogen and fibrin structure and functions. J Thromb Haemost 2005;3(8):1894-904. 5. Hurwitz H, Fehrenbacher L, Novotny W et al. Bevacizumab plus irinotecan, fluorouracil, and leucovorin for metastatic colorectal cancer. N Engl J Med 2004;350(23):2335-42. 6. Anaes 2000. 7. Kozloff M et al. ASCO 2005 - Poster 3566. MÉTHODES D’ÉTUDES ULTRASONORES DE LA NÉO-ANGIOGENÈSE TUMORALE F. Tranquart (hôpital Bretonneau, CHRU Tours) Compte tenu du nombre d’études en cours sur les thérapeutiques antiangiogéniques à travers le monde, l’évaluation de l’efficacité et du monitoring de la réponse tumorale et vasculaire à ces traitements est un objectif primordial. La quantification des modifications vasculaires induites par ces traitements permettra une évaluation comparative de l’activité antiangiogénique de ces molécules. Dans ce cadre, les ultrasons présentent un avantage important en raison de leur faible coût, de leur facilité de mise en œuvre et de leur reproductibilité. Toutefois, jusqu’alors, les méthodes conventionnelles ne permettaient pas une approche quantifiée satisfaisante autorisant leur emploi comme méthode de référence. L’introduction récente des agents de contraste ultrasonores a révolutionné cette approche. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 26/02/07 12:19:51 Méthode non invasive d’évaluation de la vascularisation tumorale : l’échographie doppler L’échographie doppler permet d’apporter des informations morphologiques précises sur les vaisseaux péri- et intratumoraux ainsi que des informations fonctionnelles portant notamment sur la vélocité sanguine. Le “doppler énergie” comme le “doppler couleur” permettent de détecter des vaisseaux d’une taille voisine de 100 μm au sein desquels la vélocité peut être voisine de quelques millimètres par seconde. Toutefois, la non-détection de vaisseaux de taille inférieure à 100 μm ne permet pas de rendre compte des variations fines de la perfusion tumorale en relation avec les modifications de densité de néovaisseaux. L’échographie de contraste L’introduction des agents de contraste ultrasonores a permis de combler cette lacune. En effet, la taille des microbulles, voisine de 3 μm, est adaptée au passage de ces agents au sein des capillaires, autorisant la possibilité théorique de détection de ces vaisseaux par échographie non linéaire. Cela offre des avantages importants en termes de visualisation des néovaisseaux au sein d’une tumeur. L’ECUS (échographie de contraste avec microbulles) a démontré une spécificité et une sensibilité très élevées pour la détection et la caractérisation de lésions secondaires hépatiques, voisines ou supérieures à celles des autres modalités, autorisant une distinction bénin-malin avec une fiabilité voisine de 100 %. Tous les organes peuvent être explorés par cette méthode (œil, peau, pelvis, sein, etc.), qui s’applique aussi chez le petit animal. Le caractère strictement intravasculaire des agents de contraste ultrasonores permet d’expliquer des différences de comportement de certaines lésions en comparaison de ce qui est observé avec les agents de contraste utilisés pour d’autres modalités. Une corrélation étroite a cependant été rapportée entre les mesures effectuées en ECUS et en RMN pour la détermination du débit sanguin tumoral dans un modèle de tumeur chez la souris, quelle que soit la valeur du débit. Les différences observées entre densité de microvaisseaux et ECUS s’expliqueraient par le fait que l’ECUS n’objective que les vaisseaux fonctionnels au sein de la région. Ces différences notables renforcent toute la valeur diagnostique de l’échographie de contraste pour établir le potentiel de croissance tumorale ou la réponse à une intervention thérapeutique. La quantification du débit sanguin local ainsi que du volume sanguin local est possible par cette méthode, et d’un apport incontestable lors de l’évaluation de la néovascularisation et de ses modifications sous intervention thérapeutique. Plus récemment ont été proposées des approches originales d’imagerie moléculaire fondée sur des microbulles sensibilisées pour un antigène particulier. Dans le cas de néo-angiogenèse, l’intégrine alpha (V) bêta 3 a été particulièrement étudiée en raison de sa spécificité en termes d’identification des néovaisseaux. Ces approches de la néo-angiogenèse ont ouvert des voies originales de caractérisation des lésions mais surtout de quantification de la néovascularisation et de ses modifications sous thérapie appropriée. La possibilité d’étude morphoLa Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 LK1-BAG_0207.indd 45 Réunion R éunion fonctionnelle offerte par l’échographie de contraste est donc un avantage certain par rapport aux autres méthodes pour apprécier de façon objective, répétée, sans inconvénients et pour un coût faible la croissance tumorale, sa capacité à métastaser et sa réponse aux agents antitumoraux. O LA PLACE DES ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER DU SEIN X. Pivot (CHU de Besançon) En introduction, X. Pivot expose le rôle prépondérant du VEGF dans l’angiogenèse impliquée tout au long de la carcinogenèse mammaire (1). Les travaux de Konecny, également abordés, montrent combien la présence d’un taux de VEGF élevé sur tissu tumoral mammaire (surexprimant ou non HER2) est un facteur de mauvais pronostic ayant une incidence sur la survie globale (2). Dans le cancer du sein, deux molécules ont fait l’objet d’études dont les résultats ont été communiqués. La première est le sunitinib, inhibiteur de tyrosine kinase multicible, administré au cours d’une phase II (1-4) en monothérapie, chez des malades présentant un cancer du sein métastatique prétraité. Une étude de phase III est programmée dans la population de cancer du sein basaloïde ou basal-like (triple négatif), randomisant sunitinib versus chimiothérapie. La deuxième molécule ayant été évaluée dans le cancer du sein métastatique est le bévacizumab. Cobleigh et al. (3) ont publié les résultats d’une étude de phase I/II, évaluant le bévacizumab administré à la dose de 3 mg/kg versus 10 mg/kg versus 20 mg/kg tous les 15 jours, afin de confirmer que la posologie de 10 mg/kg tous les 15 jours est la plus efficace et la mieux tolérée dans cette indication. Dès 2005 sont publiés (4) les résultats d’une étude de phase III évaluant l’efficacité de la capécitabine (2 500 mg/m²/j pendant 14 jours puis 1 semaine de repos) versus capécitabine + bévacizumab (15 mg/kg tous les 21 jours) en traitement de cancers du sein métastatiques prétraités. La randomisation a concerné 426 patients. En termes d’efficacité, l’association capécitabine + bévacizumab a permis d’obtenir des taux de réponse significativement améliorés (30,2 % versus 19,1 % ; p = 0,006), sans que soit notée de différence significative quant à la durée de la réponse (4,96 mois versus 6,7 mois) et la survie sans progression (SSP) [4,86 mois versus 4,17 mois]. Le bévacizumab n’a pas modifié les effets indésirables de la capécitabine, et la toxicité liée à l’anticorps était faible : hypertension artérielle, thromboembolie, protéinurie. Au cours de cette année 2005, la même équipe a présenté en session plénière au congrès de l’ASCO les premiers résultats d’une étude de phase III comparant en première ligne métastatique une association paclitaxel hebdomadaire et l’anticorps monoclonal anti-VEGF bévacizumab au paclitaxel seul. Cette étude a inclus 715 patientes. Les taux de réponse objective sont doublés avec l’association (28,2 % versus 14,2 % ; p < 0,0001), et la SSP est 45 26/02/07 12:19:53 Réunion R éunion nettement améliorée (10,97 mois versus 6,11 mois ; HR = 0,498 ; p < 0,001). Les données de survie globale ne sont pas encore suffisamment matures pour être correctement interprétées. Les premières analyses de l’étude ancillaire (SABCS 2005) semblent montrer qu’il n’existe pas de corrélation entre les modifications du taux de VEGF et le taux de réponse. Désormais, les études de phase III en cours avec le bévacizumab dans le cancer du sein concernent, en situation métastatique, en traitement de première ligne chez les malades HER2(-), la comparaison entre docétaxel en monothérapie versus son association au bévacizumab (testé selon deux doses : 7,5 mg/kg et 15 mg/kg), ainsi que la même comparaison, mais avec une chimiothérapie autre qu’un taxane. Dans la même situation, chez les malades HER2(+), l’adjonction de trastuzumab est envisagée. Enfin, un groupe coopérateur américain lance un programme évaluant le bévacizumab en traitement adjuvant de cancer du O sein HER2(-), et un essai est programmé en Europe. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Relf et al. Cancer Res 1997;57:963-9. 2. Konecny G et al. Clin Cancer Res 2004;10:1706-16. 3. Cobleigh MA et al. Semin Oncol 2003;30(S16):117-24. 4. Miller KD et al. J Clin Oncol 2005;23:792-9. LES DONNÉES ET LES RÉFLEXIONS ACTUELLES SUR LA RADIOTHÉRAPIE ET LES ANTIANGIOGÉNIQUES J. Balosso (CHU de Grenoble) Principe d’action tissulaire de la radiothérapie Chaque séance de radiothérapie (RT) divise le nombre de cellules survivantes par un facteur compris entre 1,5 et 2. Entre deux séances de RT, le nombre de cellules tumorales augmente en fonction du taux de prolifération. Les cellules en cycle rapide sont un peu plus radiorésistantes que les cellules quiescentes. Ainsi, une tumeur très proliférante est plus difficile à détruire par la RT. La prolifération ou la repopulation tumorale en cours de traitement est une cause majeure d’échec de la RT. D’où les conséquences d’un étalement trop long ou d’un arrêt en cours de RT. L’endothélium vasculaire normal est totalement quiescent et particulièrement radiosensible. Ainsi, les conséquences vasculaires et surtout microvasculaires de la RT sont nombreuses : microangiopathie radique, dystrophie et ischémie chronique, développement télangiestasique. La RT a besoin d’une bonne oxygénation tissulaire pour être efficace. L’hypoxie profonde double la radiorésistance cellulaire. La nécrose tumorale produit donc des situations d’extrême radiorésistance. Ainsi la vascularisation a-t-elle un double effet : accélération de la prolifération des tumeurs bien vascularisées ; 46 LK1-BAG_0207.indd 46 radiosensibilisation “normale” des tumeurs bien vascularisées. L’absence de vascularisation présente aussi un double effet : ralentissement de la prolifération tumorale ; augmentation de la radiorésistance des tissus tumoraux. Elle favorise, en outre, la progression du génotype tumoral dont la perte de fonction p53, angiogenèse, etc.). De fait, la question qui se pose est la suivante : Qu’est-ce qui est le plus grave (sur le plan locorégional), une tumeur très proliférante ou une tumeur très hypoxique ? Principes de la pharmacomodulation de la radiothérapie Les associations chimio-radiothérapie (CT + RT) sont devenues un standard quasi généralisé, les chimiothérapies anticancéreuses classiques n’agissant que sur les cellules en cycle. L’apport de la chimiothérapie dans les CT + RT est essentiellement dirigé sur les cellules proliférantes (cytotoxicité renforcée sur les cellules en cycle, limitation de la repopulation tumorale). Ainsi, les associations CT + RT sont très efficaces pour le traitement des grosses tumeurs très proliférantes, mais n’apportent guère de solution pour les tumeurs hypoxiques, qui restent avant tout des indications chirurgicales… Effets de la radiothérapie sur la vascularisation L’endothélium normal est à la fois très radiosensible et très lentement réactif, car quasi non proliférant. Il n’y a donc pas de modification visible des vaisseaux normaux au cours de la RT. Il existe cependant des contre-régulations angiogéniques stimulées par l’irradiation et pouvant avoir des conséquences sur la tumeur (1, 2). Pour le radiothérapeute, l’endothélium normal est le type même du tissu sain à réponse tardive : les capillaires disparaissent progressivement, une ischémie plus ou moins profonde s’installe, une réaction de néo-angiogenèse apparaît, les “gros” vaisseaux ne sont pas touchés. L’endothélium tumoral est lui aussi très radiosensible (3) [par exemple, les tumeurs végétantes très hémorragiques localisées au col, au rectum, à l’oropharynx]. La réponse est également rapide du fait de l’activité mitotique. Elle se caractérise en général par le tarissement de l’hémorragie coïncidant avec la régression tumorale. Mais la vascularisation tumorale est profondément pathologique : dysharmonie des facteurs angiogéniques (effet dominant des facteurs de classe I : VEGF, FGF, etc.), instabilité des structures, hiérarchisation insuffisante des vaisseaux avec insuffisance microvasculaire, rhéologie pathologique avec hyperpression interstitielle. La présence et le développement de cette vascularisation tumorale, même sans nécrose, ne sont pas un gage d’eutrophie tumorale et, en particulier, de bonne oxygénation. Sa régression est concomitante et, en général, harmonieuse par rapport à celle du tissu tumoral ; il ne se produit ni nécrose, ni hémorragie. Une suppression précoce et étendue de la vascularisation tumorale pourrait provoquer une nécrose, avec une zone d’hypoxie marginale radiorésistante, qui serait dommageable en RT tant pour la qualité du résultat fonctionnel (nécrose) que pour les chances de guérison locale (hypoxie). La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 26/02/07 12:19:53 Actions pharmacologiques sur la vascularisation On peut distinguer deux approches antiangiogéniques. Une approche destructrice, antivasculaire, par des agents dits vascular disrupting agents (4, 5) dont l’objectif est de produire une nécrose spécifique du tissu tumoral en ciblant spécifiquement les vaisseaux tumoraux (par exemple, DMXAA, combretastatine). Une approche “inhibitrice” du développement néovasculaire par des agents dits angiogenesis inhibitors (3, 5, 6) ayant pour objectif d’empêcher le développement de nouveaux vaisseaux, et, par conséquent, le développement tumoral (exemple type : le bévacizumab, qui capte le VEGF). L’action des antiangiogéniques est bien plus complexe qu’une simple inhibition de l’angiogenèse car : les facteurs angiogéniques ont des effets multiples (stimulation de la croissance cellulaire, etc.) ; il doit exister une séquence harmonieuse de différentes classes de facteurs angiogènes ; ce sont surtout les facteurs de classe I qui sont visés. Ainsi, l’action du bévacizumab est antiangiogénique et angiomodulatrice, avec un effet sur le déséquilibre entre les différentes classes de facteurs angiogéniques. Aussi les effets sont-ils multiples : diminution de la néo-angiogenèse ; réduction du lit vasculaire tumoral ; baisse de la pression interstitielle et, probablement, meilleure “qualité” de la vascularisation tumorale résiduelle ; blocage de la contre-régulation radio-induite. L’identification de l’effet du bévacizumab sur la vascularisation humaine a été faite au cours d’une étude de phase I avec la mise en évidence directe des effets antivasculaires de la molécule dans les cancers du rectum (7). L’auteur a décrit une régression tumorale de plus de 30 %, cliniquement évidente (1 patient sur 6), 12 jours après l’administration de bévacizumab. L’évaluation scannographique a montré une réduction de 40 à 44 % de la perfusion vasculaire tumorale (n = 4/5 ; p < 0,05), de 16 à 39 % du volume vasculaire (n = 4/5 ; p < 0,05) et de 25 à 59 % de la densité de microvaisseaux (n = 5/5 ; p < 0,05). Effets des associations antiangiogène + RT sur la tumeur L’essentiel de l’expérience est préclinique, et nous disposons d’une excellente revue effectuée par C. Nieder et al. (6). On constate à ce jour que toutes les associations antiangiogéniques/ antivasculaires agissent en synergie avec l’irradiation en termes de réduction du volume tumoral et du délai de recroissance, ce qui n’est pas synonyme de guérison. Seuls le bévacizumab chez l’homme et l’animal et la combretastatine chez l’animal ont permis une amélioration de l’effet curateur (6). Que peut-on attendre ? A priori, tout ce qui peut favoriser la réduction de l’hypoxie tumorale et/ou de la prolifération tumorale est favorable pour la RT. Les antiangiogéniques “anti-classe I” semblent capables de satisfaire ces deux conditions, ce qui n’est pas forcément le La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 1-2 - janvier-février 2007 LK1-BAG_0207.indd 47 Réunion R éunion cas des antivaisseaux. La place des antiangiogéniques dans les associations CT + RT semble donc prometteuse, avec une confirmation lors des premiers essais (rectum, pancréas). Mais la complexité des effets qui peuvent découler de la pharmacomodulation de la néo-angiogenèse nécessite de tester chaque nouvelle molécule par rapport aux caractéristiques nécessaires à une association efficace avec la RT, à savoir l’effet sur l’oxygénation tumorale et sur la prolifération tumorale ainsi que l’absence d’effets irréversibles vis-à-vis des tissus sains. Effets des associations antiangiogène + RT sur les tissus sains Les tissus sains sont aussi la cible des traitements. En radiothérapie, leur protection est une nécessité, et une obsession. Le facteur vasculaire est fondamental dans la constitution des séquelles et des complications tardives de la RT. Aucune donnée n’existe actuellement concernant les grands volumes de tissus sains irradiés à forte dose et le traitement antiangiogène chronique. On peut s’attendre, en cas de traitement vraiment efficace et chronique par antiangiogénique, à des modifications de la réponse tardive des tissus sains irradiés, mais l’on ne sait pas si celles-ci seront positives pour des grands volumes irradiés à doses moyennes (réduction de la néo-angiogenèse, cause d’hémorragies rectales, gastriques ou vésicales, etc.) ou négatives, avec un risque de nécrose, d’ulcération/perforation là où existe actuellement des risques hémorragiques. La plus grande prudence sera donc nécessaire pour l’instauration et la surveillance de tels traitements au long cours, notamment en situation “adjuvante”. Le caractère réversible (évident pour les molécules actuelles) de l’effet antiangiogénique est bien entendu indispensable pour envisager de telles indications. O RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Chung YL, Jian JJ, Cheng SH et al. 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