L Le chondrosarcome de la fosse infratemporale Chondrosarcoma of the infratemporal fossa C

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Le chondrosarcome de la fosse infratemporale
Chondrosarcoma of the infratemporal fossa
● A. Oudidi, H. Hachimi, M.N. Alami*
es chondrosarcomes sont des tumeurs cartilagineuses
malignes caractérisées par la formation de cartilage
– et non de tissu osseux – par les cellules tumorales.
Représentant approximativement 11 % de toutes les néoplasies
des os, ces tumeurs sont rares au niveau cranio-facial, retrouvées
dans moins de 5 % des cas. Le chondrosarcome peut être primitif,
survenant sur un os auparavant sain, ou secondaire, compliquant
l’évolution d’une exostose ostéogénique ou d’un chondrome. Il
présente de multiples formes histologiques, dont l’évolution et
le pronostic, et donc le traitement, sont très différents. À travers
une observation et une revue de la littérature, les auteurs se proposent de rappeler les particularités épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques de cette localisation rare du chondrosarcome.
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de limitation de l’ouverture buccale. La tomodensitométrie
(TDM) révèle l’existence d’un processus ostéolytique de la région
ptérygo-maxillaire droite étendu jusqu’à l’arcade zygomatique
et renfermant des calcifications (figure 2), et la biopsie préopératoire montre la présence de lobules cartilagineux avec des logettes
chondroïdes contenaient plusieurs cellules avec quelques atypies.
Il existait par ailleurs une augmentation de la cellularité à la
périphérie des lobules.
OBSERVATION CLINIQUE
M. S.A., âgé de 29 ans, sans antécédents pathologiques notables,
est admis au service pour tuméfaction de l’hémiface droit évoluant
depuis dix mois. L’examen révèle une tuméfaction en regard de
l’arcade zygomato-malaire droite d’environ 7/5 cm (figure 1), de
consistance dure, indolore, adhérente au plan profond. Le reste
Figure 2. Aspect scanographique en coupe axiale.
La confrontation clinique, radiologique et histologique a permis
de conclure à un chondrosarcome de grade 2.
Le bilan d’extension à distance et à la recherche d’un cancer
primitif s’est révélé négatif. Le traitement a consisté en une exérèse large de la tumeur, plus ou moins limitée en profondeur par
l’extension de la lésion vers la base du crâne. Un mois plus tard,
le malade a bénéficié d’une radiothérapie externe. L’évolution est
satisfaisante avec un recul de 8 mois.
DISCUSSION
Figure 1. Vue préopératoire de face.
de l’examen est sans particularité ; on n’observe notamment pas
de signes neurologiques, pas de trouble de l’oculomotricité et pas
* Service d’ORL, CHU Hassan-II de Fès, Maroc.
La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 5 - septembre-octobre 2005
Le chondrosarcome constitue la seconde tumeur osseuse maligne primitive de l'homme. Il représente 0,1 % de toutes les tumeurs de la
tête et du cou pour B.B. Koch et al. (1) et 6 % de toutes les lésions de
la base du crâne pour J.F. Kveton et al. (2). Il s’agit d’une affection
de l'adulte de 40 à 70 ans par excellence, avec un âge moyen de
58 ans (3). La répartition en fonction du sexe est différemment
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rapportée selon les auteurs. G. Garrington et W. Collet (4) rapportent une prédominance masculine, alors que, pour M. D. Brian Neff
et al. (5), les deux sexes sont touchés de façon égale. Le chondrosarcome peut être primitif, survenant sur un os auparavant sain, ou
secondaire, compliquant l'évolution d'une exostose ostéogénique
ou d'un chondrome. Les signes cliniques, assez variés, ne sont
pas spécifiques. Il s’agit le plus souvent d’une tuméfaction d’évolution lente, de consistance ferme, et habituellement douloureuse
(3, 4). Les névropathies crâniennes multiples sont fréquentes (3, 6)
justifiant l’intérêt d’un examen neurologique complet. La TDM et
l’IRM restent d'une grande utilité pour déterminer la localisation
exacte de la tumeur, ses rapports et son extension locorégionale
(5, 6). Histologiquement, quatre types de chondrosarcome peuvent
être individualisés : conventionnel ou myxoïde, mésenchymateux,
dédifférencié et à cellules claires (4). Par rapport au type conventionnel, le plus fréquent et le plus commun, les trois derniers paraissent
beaucoup plus rares, agressifs et de mauvais pronostic (1). En fonction du degré de différenciation tumorale, trois (grades 1, 2 et 3) de
gravité croissante ont été distingués par Evans (7) À part les chondrosarcomes moyennement différenciés ou indifférenciés (grades
2 et 3), ceux qui sont très bien différenciés (grade 1) peuvent poser
d’énormes problèmes de diagnostic différentiel avec les chondromes
cellulaires bénins (7). Le traitement de choix est une exérèse
tumorale radicale (4, 5). C’est une chirurgie mutilante et agressive
qui se trouve confrontée dans la localisation crâniofaciale à certaines
réticences,vu les conséquences esthétiques et fonctionnelles parfois
graves qu’elle peut engendrer. La place de la radiothérapie et de
la chimiothérapie reste peu précise. Cependant, pour la plupart
(3, 5) des observateurs, ces chondrosarcomes sont radio- et chimio-
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Institut Gustave-Roussy,
39, rue Camille Desmoulins - 94805 Villejuif
ou www.igr.fr
Secrétariat de l’enseignement :
Danièle Hugon
Tél. : 01 42 11 51 04 - Fax : 01 42 11 52 48
Le Pr Jean-Nicolas MUNCK a pris ses fonctions de directeur
général du centre René-Huguenin de lutte contre le cancer
de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) le 1er septembre 2005.
Âgé de 52 ans, il succède au Pr Jacques ROUËSSE
qui vient de prendre sa retraite.
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CONCLUSION
Le chondrosarcome craniôfacial est une tumeur maligne relativement rare,
de diagnostic parfois difficile et souvent tardif. Son traitement curatif
est exclusivement chirurgical. Il est fondé sur des exérèses larges, parfois
mutilantes, et nécessite dans ce genre de localisation une collaboration
multidisciplinaire entre ORL, neurochirurgien et radiothérapeute. ■
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É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Koch BB et al. National Cancer Database report on chondrosarcoma of the
head and neck. Head Neck 2000;22:408-25.
Kveton JF, Brackmann DE, Glasscock ME et al. Chondrosarcoma of the
skull base. Otolaryngol Head Neck Surg 1986;94:23-31.
3. Saito K, Unni K, Wollan PC, Lund BA. Chondrosarcoma of the jaw and
facial bones. Cancer 1995;76:1550-8.
4. Garrington G, Collet W. Chondrosarcoma of the jaw: analysis of 39 cases.
J Oral Pathol 1988;17:12-20.
5. Brian Neff MD et al. Chondrosarcoma of the skull base. Laryngoscope
2002;112:134-9.
6. Watters GWR, Brookes GB. Chondrosarcoma of the temporal bone. Clin
Otolaryngol 1995;20:53-8.
7. Evans HL, Ayala AG, Romsdahl MM. Prognostic factors in chondrosarcoma of bone : a clinicopathologic analysis with emphassis on histologic grading. Cancer 1977;40:818-31.
2.
XXIe Cours de chimiothérapie antitumorale
et traitement médical du cancer
Du 16 au 27 juillet 2006
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résistants. La radiothérapie peut seulement être utilisée à titre palliatif en cas de tumeur résiduelle, récidivante ou inopérable, alors que
la chimiothérapie n’a aucune place dans ce traitement (4-6).
Les chondrosarcomes sont généralement caractérisés par une évolution
lente, mais avec une grande tendance à l’envahissement des structures de voisinage, et un potentiel important de récidives locales (1, 5).
A g en da
Sous la présidence du Dr Didier Bouhassira
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Dépistage du cancer
du col utérin
Auteur : Claude Gompel
Éditions Maloine
Le dépistage du cancer du col utérin est un exemple
des failles qui existent encore dans l’organisation de
notre médecine.
Alors que des méthodes de dépistage et de traitement existent, des milliers de femmes meurent
encore annuellement de ce cancer dans nos pays.
Cet ouvrage qui dresse un « état des lieux » des
connaissances et des données actuelles sur cette
pathologie s’adresse à tous les acteurs du dépistage
: cliniciens généralistes et gynécologues, anatomopathologistes, cytopathologistes et cytotechniciens
qui, très occupés par l’exercice de leur profession,
souhaitent apprendre ou se remémorer les notions
essentielles du dépistage. Le rappel des recommandations cliniques et anatomo-pathologiques simples
(populations à risques, modes de prélèvement
actuels, techniques de dépistage) devrait permettre
de répondre à cette faille inexcusable de la médecine
actuelle.
La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 4 - septembre-octobre 2005
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