La Lettre du Sénologue - n° 34 - octobre-novembre-décembre 2006
Dossier
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Pour montrer la sensibilité de l’IL dans la détection des
cancers du sein, Khan et son équipe (4) ont effectué une IL
chez 39 patientes avant mastectomie (44 seins). Si l’échan-
tillon de l’IL provenant d’un pore contenait assez de cellules
épithéliales, le conduit était alors injecté avec un mélange
de colorant et de produit de contraste radiographique. Les
résultats histologiques étaient analysés en fonction de la
présence ou non de colorant dans le canal galactophore. En
analyse univariée et multivariée, l’examen cytologique avait
une faible sensibilité (17 %) dans la détection du cancer,
mais une spécificité de 100 %. Une des explications de la
faible sensibilité serait l’absence de cathétérisation de l’en-
semble de l’arbre galactophorique. En moyenne, 1,4 pore
par sein était cathétérisé, ce qui est peu.
Il semble, en effet, que le pore le plus large ne draine que
25 % du volume du sein. L’exploration de3à6poresneper-
mettrait d’étudier que 50 à 75 % de l’arbre galactophorique
(5).
Mais cela n’explique pas tout.
La présence de cellules malignes dans les canaux galacto-
phores est aussi controversée. Badve, qui a analysé 801 piè-
ces de mastectomie, a retrouvé une atteinte des canaux ga-
lactophoriques des carcinomes canalaires infiltrants dans
seulement 17 % des cas (6).
Étant donné la faible sensibilité de la cytologie, Zhang et
son équipe (7) proposent une analyse morphologique en
immunofluorescence (FISH) couplée à une cytométrie la-
ser sur deux marqueurs génomiques du cancer du sein :
G-actin et DNA 5c ER. Ils retrouvent respectivement une
sensibilité de 90 % et 100 % et une spécificité de 100 % et
93 % en étudiant une population de 36 patientes dont 13
avaient un diagnostic certain de cancer du sein. Cette étude
préliminaire montre qu’il est possible d’affiner l’utilisation
du liquide d’IL dans le diagnostic du cancer du sein.
D’autres proposent de s’intéresser plus particulièrement
aux modifications génomiques des cellules recueillies dans
le liquide d’IL. En effet, la progression du cancer du sein est
caractérisée par de nombreux changements au niveau des
chromosomes et, en particulier, par une augmentation du
niveau de copie des chromosomes 1, 8, 11 et 17.
King et son équipe, en utilisant des sondes centromériques
immuno-marquées (FISH) sur des cellules en interphase,
ont pu retrouver une différence significative entre un grou-
pe de patientes présentant une néoplasie mammaire (10/14)
par rapport à un groupe de patientes ne présentant pas de
lésion connue (2/18). Ils améliorent le taux de détection du
cancer du sein de 47 % pour la sensibilité et de 79 % pour
la spécificité (cytologie classique) à respectivement 71% et
89 % avec cette technique (8).
En poussant plus loin, certains ont proposé d’effectuer des
analyses de méthylation de l’ADN. C’est, en effet, un phé-
nomène épigénétique qui joue un rôle clé dès les stades pré-
coces de la carcinogenèse. Une méthylation de l’ADN peut
être à l’origine d’une répression des gènes suppresseurs de
tumeurs.
Une étude d’Evron (9) portant sur l’analyse des cellules d’IL
de certains allèles méthylés (cyclines D2, RAR et TWIST) a
montré une suppression de l’expression de ces allèles dans
17 cas sur 20 alors qu’elle n’était retrouvée que dans 5 cas
sur 45 chez les patientes ne présentant pas de néoplasie.
Une étude de Krassentein (10), sur un panel plus large de
gènes de suppression des tumeurs et d’autres gènes connus
pour être hyperméthylés dans le cancer du sein (GSTP1,
RAR, P16inka, p14ARF, RASSFIA et DAPK), a retrouvé une
sensibilité de 82 % avec une spécificité de 100%.
L’analyse du liquide d’IL ne s’arrête pas à l’analyse cellulaire.
Il contient de nombreuses informations sur le microenvi-
ronnement des cellules épithéliales du réseau galactophori-
que, et on fonde de grands espoirs sur l’analyse des éléments
non cellulaires de ce liquide afin d’identifier des marqueurs
de la transformation tumorale.
Plusieurs marqueurs ont ainsi été étudiés.
Le c-erb B2
C’est un marqueur d’agressivité des cancers du sein. Son
dosage dans le liquide d’IL a été effectué chez 65 patientes
présentant une néoplasie mammaire unilatérale et comparé
au sein controlatéral non atteint par une équipe du MD An-
derson hospital (11). Les chercheurs ont ainsi retrouvé une
augmentation significative du taux de c-erb B2 du côté atteint
(653,6 ng/ml versus 101,7 ng/ml ; p = 0,016). Il peut cependant
être exprimé par certaines tumeurs bénignes, ce qui n’en fait
pas un marqueur spécifique de l’atteinte néoplasique, et cela
bien que sa présence semble augmenter le risque de néoplasie
mammaire d’un facteur 7.
Le bFGF et le VEGF
– Le bFGF (basic Fibroblast Growth Factor) est un facteur
impliqué dans l’angiogenèse des tumeurs. Son dosage dans le
liquide d’IL de 10 patientes présentant une néoplasie mam-
maire a été comparé à un groupe de 10 patientes témoins. Les
résultats montrent une augmentation significative du taux de
bFGF (19 ng/l versus 1717 ng/l ; p = 0,027) dans le groupe des
tumeurs du sein (12), avec pour Sartippour une sensibilité de
79,2% avec une spécificité de 82,5% (13).
– Le VEGF, qui est un autre marqueur de l’angiogenèse, a été
testé par Liu sans retrouver de différence significative (12).Ce
qui permet de s’interroger sur la validité du bFGF comme uni-
que facteur de croissance dans le processus tumoral.
ACE
L’ACE (antigène carcinoembryonnaire) est beaucoup plus im-
portant dans le liquide d’AM que dans le sérum. Afin d’identi-
fier son intérêt diagnostique dans le cancer du sein, Zhao est
son équipe (14) ont dosé ce marqueur sur le liquide d’AM. Les
résultats ont montré que le taux était augmenté chez les patien-
tes présentant une néoplasie mammaire de façon significative
(p < 0,01), mais avec une faible sensibilité, la différence n’étant
pas significative en cas de présence de foyer d’hyperplasie ou
de lobulaire in situ par rapport à des patientes saines.
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