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142 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIII - n° 5 - mai 2009
Points forts
La maladie d’Alzheimer est largement sous-diagnostiquée en population. »
Le sous-diagnostic est principalement observé chez les personnes les plus âgées. »
Même quand il est porté, le diagnostic l’est souvent avec retard, à un stade relativement
»
sévère.
Le diagnostic tardif retarde la prise en charge médicale et médico-sociale. »
Actuellement, le diagnostic de maladie d’Alzheimer n’est posé qu’au stade de démence. »
Summary
The number of persons with
Alzheimer’s disease and asso-
ciated disorders is currently
estimated at 850 000 in France.
However, when considering
medical indicators such as
specific medical prescriptions or
persons with long-term illness
declarations (ALD 15), the
figures appear much lower.
The current estimates are
derived from population-
based cohorts. Due to the
underdiagnosis of Alzheimer’s
disease, this study design is
the only valid one to estimate
the number of persons with
Alzheimer’s disease. In the
literature, this underdiagnosis
has been known for many years
in most countries, in particular
at the mild or moderate stage
of the disease. Only half of
the persons with Alzheimer’s
disease are diagnosed today;
this underdiagnosis is particu-
larly predominant among the
oldest old.
Even when persons are diag-
nosed, the diagnosis often
occurs at advanced stages of
the disease, which delays the
medical and medico-social
care. However, this care of the
patient allows to slow down
the progression of the disease
and to reduce the burden for
the families. But for caring the
disease, it is necessary to diag-
nose it first.
Keywords
Alzheimer’s disease
Diagnosis
Care consultation
Elderly
cette prévalence à la population française (par caté-
gories d’âge et de sexe), d’obtenir une estimation
fiable du nombre de personnes malades.
En France, l’étude PAQUID, comme plusieurs autres
cohortes au niveau européen, a commencé entre la
fin des années 1980 et le début des années 1990,
époque à laquelle la MA et les syndromes appa-
rentés n’étaient le plus souvent pas diagnostiqués
et étaient considérés comme un état “normal pour
l’âge”. Si ce type d’étude a été mis en place pour
estimer la prévalence, c’est justement en raison du
sous-diagnostic de la maladie. Même si la situation
a évolué, les données de la littérature montrent
que, aujourd’hui encore, le diagnostic n’est pas
toujours porté ou qu’il l’est à des stades relative-
ment sévères (3, 4). Il n’existe pas actuellement en
France d’indicateur sanitaire fiable, ni de registre
permettant un recensement exhaustif et pérenne des
cas, et l’étude de cohortes est le seul type d’étude
vraiment valide pour obtenir des estimations du
nombre de personnes malades. Les estimations
de prévalence obtenues en France se situent dans
la moyenne de celles relevées dans d’autres pays
européens ou aux États-Unis.
En raison de la méthodologie utilisée et de la répli-
cation des estimations par différentes cohortes dans
différents pays, il est raisonnable de conclure que
l’estimation du nombre de personnes malades est
fiable, et que la discordance entre les estimations
et le nombre de malades réellement pris en charge
est le reflet d’un sous-diagnostic de la maladie. Ce
sous-diagnostic est observé dans la plupart des
pays occidentaux depuis de nombreuses années,
notamment à la phase légère ou modérée de la
maladie (3-6). Seule une démence sur deux est
diagnostiquée, tous stades confondus (3, 6). Aux
stades légers de la maladie, seul un cas sur trois
est connu. Même quand il est posé, le diagnostic
l’est souvent tardivement, à un stade de démence
parfois avancé, ce qui retarde de manière préjudi-
ciable la prise en charge médicale et médico-sociale
des patients et alourdit la charge des familles. Cela
est corroboré par la Facing Dementia Survey, vaste
enquête d’opinion européenne, qui montre que le
délai entre le début de la démence et le diagnostic
est de 24 mois en moyenne en France (7). Ce délai
est de 20 mois au niveau européen, et de 10 mois
seulement en Allemagne, situant la France en
avant-dernière position parmi les 6 pays européens
évalués. La recherche a posteriori des premiers
signes de la maladie est-elle la même dans chaque
pays ? Cela pourrait modifier artificiellement le délai
avant le diagnostic. Ces données ont été recueillies
dans le cadre d’une étude où l’information sur le
début de la maladie était obtenue par entretiens
standardisés. En outre, toujours selon cette étude,
seuls 40 % des patients consultent pour la première
fois à un stade de démence légère, tandis que la
plus grande part (54 %) sont diagnostiqués à un
stade modéré, et certains uniquement à un stade
sévère (7 %).
La situation française ne semble donc pas meilleure
que celle des autres pays. Cependant, il n’existe pas
d’étude spécifique permettant de préciser de façon
certaine l’ampleur du sous-diagnostic en France.
Nous pouvons toutefois en faire une approximation
grâce à l’Étude des trois cités, étude de cohorte en
population générale dont l’objectif était d’étudier
la relation entre pathologie vasculaire et démence.
L’analyse des données de presque 500 personnes
démentes âgées de 65 ans et plus et diagnostiquées
dans cette étude montre qu’environ un tiers de ces
personnes ne se sont jamais plaintes à leur médecin
généraliste et que, parmi les autres, la moitié seule-
ment a ensuite consulté un spécialiste (neurologue,
psychiatre ou gériatre) [figure] (8). La première
prescription de traitement “antidémentiel” étant
réalisée en France par le spécialiste, le recours à ce
dernier est primordial. Le sous-diagnostic de la MA
est principalement observé chez les personnes les
plus âgées : avant 75 ans, près de la moitié des sujets
déments se plaignant à leur médecin traitant consul-
tent également un spécialiste pour leurs troubles,
mais, après 85 ans, seuls 20 % d’entre eux le font
(tableau). Après 85 ans, ce sont donc 4 malades sur
5 qui n’ont pas accès aux procédures diagnostiques
recommandées officiellement. Pourtant, quel que
soit l’âge, les personnes formulent bien une plainte
à leur médecin, mais celle-ci reste sans suite, proba-
blement pour de multiples raisons. Outre l’âge, le
recours au spécialiste est également très dépendant
du niveau d’éducation : les personnes de bas niveau
d’éducation consultent 2 à 3 fois moins souvent un
spécialiste.
Mots-clés
Maladie d’Alzheimer
Diagnostic
Recours aux soins
Personnes âgées