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CONJ: 8/1/98 RCSIO: 8/1/98
signe de la progression de la maladie et l'annonce d'une mort prochaine.
La signification de la maladie peut être influencée par les
croyances culturelles et religieuses, les valeurs, la philosophie de la
vie et les expériences préalables. Les antécédents culturels de la
personne lui dictent comment comprendre les événements de la vie et
comment y réagir. Elle peut hériter de sa culture une réaction
systématique aux changements affectant l'apparence physique, l'état
de santé global, l'état ou le comportement mental, la fonction des
diverses parties du corps ou les émissions corporelles (Donnely,
1995). Les croyances religieuses peuvent influer sur la signification
d'une expérience et changer par là même la perception qu'en aura le
sujet. Les significations pourront varier et pour les cliniciennes et
pour les patients qui tentent de donner un sens à la maladie. Les
significations attribuées à une maladie sont l'apanage de l'individu et
donc subjectives, et elles peuvent être extrêmement difficiles à
évaluer. Kleinman (1988) a présenté un modèle explicatif afin d'aider
à comprendre la signification accordée à la maladie. Le modèle
explicatif comprend une vue d'ensemble de l'étiologie, de l'apparition
et la pathophysiologie de la maladie ainsi que du traitement désiré ou
attendu. Lipowski (1970) définit la signification comme étant le sens
subjectif de l'ensemble de l'information liée à la maladie à laquelle le
patient se trouve confronté. Cet auteur a conceptualisé plusieurs
catégories de significations liées à la maladie à savoir: défi, ennemi,
punition, faiblesse, soulagement, stratégie, perte irréparable et valeur.
Parmi ces significations, les femmes atteintes de cancer du sein
avaient tendance à retenir celles de défi et de valeur (Luker, Beaver,
Leinster, Owens, 1996). Ces femmes sont passées par une phase de
réévaluation de leur existence afin d'essayer de déterminer ce qui lui
donnait encore un sens et les aiderait à établir de nouvelles priorités.
En quelque sorte, elles voyaient dans la maladie un regain de
croissance personnelle. Lorsque la personne attache de la valeur à la
maladie, il est possible d'obtenir une modification au niveau de la
perception qu'elle en a:
"J'ai ce sentiment d'être vraiment en vie, de vivre à fond. L'esprit est
l'énergie qui propulse le véhicule tout entier, c'est l'appétit de vivre,
de vouloir avancer, c'est ça l'énergie, c'est ça l'esprit qui me mène, le
zeste de l'énergie... Je peux vivre ma vie à cent pour cent, même si j'ai
perdu mes capacités physiques. Je peux continuer à vivre mon
existence à fond parce que je la vis du plus profond de mon être."
Par contre, les femmes qui considéraient la maladie comme un
ennemi éprouvaient plus de difficulté à continuer à vivre et
déclaraient: "C'est comme si on est dans l'antichambre de la mort, à
attendre son tour d'y passer".
Les significations personnelles des patients et leur cadre de vie
affectent la signification qu'aura une maladie grave dans leur vie. La
maladie constitue toujours une interruption et la signification ou la
portée de cette interruption dépendent du cheminement de ces patients
dans la vie (Benner, 1989). L'extrait suivant illustre la signification
qu'a tirée de son diagnostic de cancer un jeune homme athlétique.
"Ce jeune homme atteint d'un cancer des os très virulent durant les
premiers temps du diagnostic et du traitement a créé une image pour
représenter le sens du cancer dans sa vie. Il a dessiné un croquis
assez rudimentaire d'un vase fêlé en son milieu. Peu après, ce jeune
homme a redéfini sa raison d'être et a trouvé sa vocation dans l'aide
qu'il pouvait apporter aux autres patients. Plus tard, il a demandé à
compléter le croquis qu'il avait esquissé auparavant. Il y a ajouté des
lignes jaunes qui partaient de la fêlure pour atteindre les bords de la
page. Puis, en montrant ces lignes jaunes, il s'est exclamé: "voilà par
où rayonne la lumière" (Remen, 1996).
En revanche, un employé du chemin de fer d'âge mûr ne voyait
dans son cancer qu'une source de gêne, une chose à laquelle il ne
convenait pas de penser mais dont il fallait se débarrasser (Ryder,
1993). Les efforts produits par les patients pour s'adapter à ces
interruptions et bouleversements les ont amenés à reformuler la
manière dont ils conçoivent leur existence (Carter, 1990) et à essayer
de saisir la signification de la maladie (Steeves, 1992; Barkwell,
1991).
Exploration de la signification
Les personnes atteintes de cancer s'efforcent d'expliquer leur vécu
de la maladie afin d'essayer de donner un sens au chaos. C'est en
donnant une signification à l'expérience de la maladie que ces
personnes définissent leur vécu du cancer et leur vie, et leur attribuent
une fin (O'Connor, Germino, Funk, 1990). Frankl (1959) a identifié la
quête de signification comme étant la force primaire dans la vie et a
avancé que chaque individu donne à la vie une signification
particulière et originale, et qu'il est donc le seul à pouvoir mener sa
quête; ce n'est qu'à ce moment-là que la vie prend une portée qui
répond à sa "soif de signification".
Les personnes atteintes de cancer peuvent se lancer dans une quête
initiale au cours de laquelle ils souhaitent trouver une réponse à
l'existence de leurs symptômes, à la signification des tests et enfin, au
sens de la vie à la lumière de la maladie (Barnard, 1995). Selon
certains auteurs (Thompson, 1991), leur quête pourrait porter sur les
éléments suivants: attributions causales (Pourquoi certains
événements se produisent-ils?), attributions d'incidence sélective
(Pourquoi est-ce moi qui suis frappé et non pas quelqu'un d'autre?),
attributions de responsabilité (responsabilité personnelle liée à
l'événement). Malheureusement, l'auto-incrimination est un des
résultats potentiels de la quête de signification du cancer.
Chercher à comprendre la portée personnelle d'un diagnostic de
cancer pourra également engendrer des significations (O' Connor,
Wicker, Germino, 1990). La découverte de significations à la maladie
peut exiger un changement sur le plan des valeurs et des priorités de
vie. De nombreuses personnes sont capables de repenser et de
redéfinir la signification de leur existence en restructurant leurs
valeurs et leurs attitudes vis-à -vis d'elles-mêmes et des autres et
envers la vie en général. Des femmes qui ressentaient de l'incertitude
face au cancer du sein se sont lancées dans une exploration de la
signification de la vie afin d'être à même d'accepter les multiples
résultats potentiels liés à cette incertitude (Nelson, 1996). Ces
femmes se débattaient avec la signification de leur existence préalable
à la maladie et avec celle de leur avenir incertain, et il leur fallait
apprendre une nouvelle façon d'être sur terre. Pour elles, de nouvelles
significations se faisaient jour lorsqu'elles aidaient les autres.
L'esprit humain est en quête de buts qui ont une signification
personnelle et rehaussent la vie (Frankl, 1959). La signification se
puise dans trois catégories: création (réalisations), expérience (p. ex.
assister à un coucher de soleil) et attitude (adopter une attitude
positive à l'égard d'un destin immuable). Frankl (1959) déclare:
"lorsqu'on fait appel à l'esprit pour faire face aux épreuves de la vie,
il active son pouvoir insolent avec une détermination tenace; il y
réagit par un bouillonnement irrésistible où se mêlent notamment
l'envie de vivre, d'être libre, de comprendre, de jouir, de créer,
d'établir des liens et de se transcender". Les personnes qui réussissent
à attribuer une signification à leur vécu du cancer peuvent vivre une
expérience riche en création et en accomplissement personnel
(Granstrom, 1985).
La souffrance, source de signification
La maladie a été décrite comme étant une expérience à la fois
spirituelle et corporelle, et c'est bien au niveau de l'âme que les
significations voient le jour. "La signification est une des
récompenses intrinsèques les plus puissantes qui soient, et elle parle à
l'âme" (Frankl, 1959). Secretan (1997) ajoute: "l'esprit et les émotions
d'une personne sont autant de fenêtres sur son âme, et celle-ci est
l'esprit, l'être profond ou l'essence de la personne; elle est associée à
une plus grande conscience de soi, un plus haut degré de conscience,