Nouvelles imageries en urologie dossier thématique TEP-TDM à la 18-fluorocholine dans le cancer de la prostate : principes, indications et avenir 18-fluorocholine PET-CT scan for prostatic cancer: state of the art highlights points forts L. Bensimhon*, É. Zerbib* » La tomographie par émission de positons à la 18-fluorocholine est devenue un examen complémentaire incontournable en pathologie néoplasique prostatique, tant dans les bilans d’extension initiaux des cancers prostatiques à score de Gleason élevé que dans les récidives biologiques après traitement radical. la synthèse des membranes cellulaires et possède une affinité pour les cellules prostatiques. Le cancer de la prostate est, quant à lui, le cancer le plus fréquent chez l’homme, et son incidence augmente, compte tenu du vieillissement de la population (tableau I). La 18-fluorocholine présente des propriétés métaboliques qui en font actuellement le traceur de choix dans cette indication. Mots-clés : 18-fluorocholine − TEP − Cancers prostatiques − Carcinome hépatocellulaire. TEP-TDM au 18-FDG 18-fluorocholine positon emission tomography has become an inevitable complementary examination in neoplasic prostatic pathology, for the initial staging of prostatic cancer with high Gleason score as well as in biological recurrence after radical treatment. La TEP-TDM au 18-FDG présente plusieurs limites dans l’exploration de la pathologie néoplasique prostatique : d’une part, la néoplasie prostatique a une faible activité glycolytique, et, d’autre part, la haute concentration urinaire du FDG est responsable d’images de qualité moyenne à l’étage pelvien. Keywords: 18-fluorocholine − PET − Prostatic cancer − Hepatocellular carcinoma. L a tomographie par émission de positons (TEP) est une technique d’imagerie aujourd’hui incontournable dans l’exploration oncologique. Le traceur le plus utilisé et le plus connu est le 18-fluorodésoxyglucose (18-FDG). Ce dernier ne permet pas d’explorer tous les types histologiques et présente notamment des limites dans l’exploration des néoplasies prostatiques. En effet, le FDG n’est pas métabolisé par les cellules prostatiques. La choline, qui est un alcool aminé, est impliquée dans Tableau I. Stratification du risque selon la classification de D’Amico (1, 2). Risque Bas *Centre d’imagerie de médecine nucléaire, Val d’Or, Saint-Cloud. 100 Critères T1c-T2a et PSA < 10 ng/ml et score de Gleason < 7 Intermédiaire T2b ou 10 < PSA < 20 ng/ml ou score de Gleason = 7 Élevé T2c ou PSA > 20 ng/ml ou score de Gleason > 7 Survie à 5 ans (%) 90 70 35 Cancer de la prostate : pourquoi la choline ? Le cancer de la prostate, majoritairement l’adénocarcinome, est constitué de cellules riches en métabolites de la choline. Cette concentration est directement corrélée à la prolifération cellulaire, avec une augmentation du transport et de l’activité de la choline kinase. Lors de la cancérogenèse, et comme le montre la spectroscopie IRM, la choline, composant des phospholipides membranaires et des biomarqueurs de la prolifération cellulaire, présente une altération de son métabolisme, avec une augmentation des phénomènes de pénétration en intracytoplasmique et une hyperactivation de la choline kinase aboutissant à une rétention de la choline (figure 1). L’analogue de la choline présente 3 caractéristiques principales permettant son utilisation dans l’exploration de la pathologie néoplasique prostatique. Tout d’abord, son accumulation dans les cellules cancéreuses est extrêmement rapide, dès la première minute, d’où l’intérêt de réaliser très tôt des images en TEP. Ensuite, cette accumulation est stable au cours du temps, avec une phase en plateau. Enfin, son excrétion urinaire commence 4 minutes après l’injection. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 3 - juillet-août-septembre 2013 TEP-TDM à la 18-fluorocholine dans le cancer de la prostate : principes, indications et avenir A Choline B RTK Membrane cellulaire Transporteurs de la choline SP1 Cytoplasme Choline RAS RALGDS RALGDS PI3K GPC-PDE GPC RAF PI3K HIF1 AP1 SP1 RALGDS RAF Lyso-PLA1 PCho 1-acylglycérophosphocholine RAS PCPLC PCPLD CHK ERK JNK JNK PI3K CCT RAF RAS SP1 ERK CDP-Cho FA DAG PLA2 ERK JNK CHPT1 SREBP HIF1 AP1 SREBP SP1 Noyau Ptd Cho Membrane cellulaire Figure 1. Métabolisme de la choline dans la transformation maligne (3). Principes et déroulement de l’examen par TEP-choline L’on fait une injection de 4 MBq/kg sous la caméra TEP chez un patient à jeun depuis 4 heures avec initialement réalisation d’une acquisition dynamique centrée sur le pelvis afin d’obtenir des images avant l’excrétion urinaire, puis une séquentielle dynamique de 1 minute à 7 minutes, puis sommée de 7 minutes (figure 2). L’on réalise à la suite une acquisition corps entier avec 10 pas de 3 minutes (figure 3, p. 102). Performances et indications de la TEP-choline (tableau II, p. 102) Dans la stadification initiale Au niveau local Cet examen est très utile pour diriger le geste biopsique chez des patients ayant un taux de PSA Figure 2. Acquisitions précoces centrées sur le bassin. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 3 - juillet-août-septembre 2013 101 Nouvelles imageries en urologie dossier thématique élevé persistant malgré des biopsies répétées négatives (4). Cependant, il présente aussi des limites, car il ne permet pas de différencier les lésions néoplasiques des hyperplasies bénignes (5) et des foyers de prostatite (4). Cet examen est également indiqué chez les patients à risque intermédiaire ou élevé avec un taux de PSA supérieur à 10 ng/ml et/ou un score de Gleason supérieur à 7. Au niveau ganglionnaire locorégional La sensibilité globale est de 61 % et la spécificité est de 96 %. Dans les groupes à haut risque, la sensibilité est de 63 % pour les localisations ganglionnaires pelviennes, et de 100 % pour les structures ganglionnaires extrapelviennes (6). F igure 3. Acquisition corps entier tardive et biodistribution de la 18-fluorocholine (glandes salivaires, foie, rate, pancréas, voies urinaires excrétrices). Tableau II. Indications TEP-TDM à la 18-fluorocholine. Guider les biopsies après plusieurs biopsies négatives malgré un PSA élevé persistant Bilan d’extension initial des patients à risque intermédiaire ou élevé PSA > 10 ng/ml ou score de Gleason ≥ 7 Bilan de récidive biologique après un traitement radical Conditions optimales : PSA > 2 ng/ml, temps de doublement des PSA < 6 mois, score de Gleason ≥ 7 Évaluation de la réponse thérapeutique ? 102 Au niveau osseux Cet examen présente une très bonne sensibilité : 100 % dans les groupes à haut risque, contre seulement 67 % pour la TDM (6). La spécificité est également excellente, de l’ordre de 97 % (7). L’étude de M. Picchio et al. (8) a montré que la choline présente une sensibilité de 89 % et une spécificité de 98 à 100 %, une valeur prédictive positive (VPP) de 96 à 100 % et une valeur prédictive négative (VPN) de 95 à 96 %, ainsi qu’une exactitude de 95 à 96 %, alors que la scintigraphie osseuse possède des performances estimées de respectivement 70 à 100 % (sensibilité), 75 à 100 % (spécificité), 68 à 100 % (VPN), 86 à 100 % (spécificité) et 83 à 90 % (efficacité). Les auteurs concluent que la TEP-choline ne doit pas remplacer la scintigraphie osseuse car la sensibilité de la technique est inférieure. En revanche, sa spécificité étant supérieure, une TEP-choline positive est plus en faveur d’une atteinte osseuse secondaire. Dans le cadre des récidives biologiques après traitement radical Actuellement, le seuil de détection recommandé est un taux de PSA supérieur à 2 ng/ml (9). Les conditions de réalisation de sensibilité optimale (10) sont des valeurs de PSA élevées, un temps de doublement du PSA court, de moins de 6 mois, une cinétique des PSA élevée et un score de Gleason initial élevé, supérieur à 7. Toutefois, cet examen ne doit pas être négligé en cas de valeur de PSA inférieure à 2 ng/ml (11, 12). Au niveau local, la sensibilité est de 73 % et la spécificité de 88 % (13). Au niveau régional, la sensibilité est de 64 % et la spécificité de 90 % (14). Il existe peu de données dans la littérature quant à l’intérêt de la TEP-choline dans l’évaluation de la résistance Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 3 - juillet-août-septembre 2013 TEP-TDM à la 18-fluorocholine dans le cancer de la prostate : principes, indications et avenir à l’hormonothérapie ainsi que dans l’appréciation de la réponse tumorale. Cependant, en ce qui concerne la réponse sur les lésions ostéomédullaires, l’association de 2 critères orienterait vers une réponse complète : d’un côté, l’apparition d’une ostéosclérose et, de l’autre, l’absence d’hypercaptation à la choline (7). Les faux positifs Il faut retenir que toute fixation sur un examen en TEPcholine n’est pas forcément à corréler à une pathologie néoplasique prostatique. En effet, d’autres cellules tumorales peuvent fixer la choline. Certaines fixations sont en lien, notamment au niveau hépatique, avec des carcinomes hépatocellulaires, mais également avec des lésions hépatiques bénignes comme les adénomes et les hyperplasies nodulaires focales. Au niveau ganglionnaire, certaines fixations peuvent correspondre à une simple inflammation, ce qui est le cas majoritairement pour les fixations ganglionnaires médiastinales. Enfin, comme nous l’avons déjà signalé, au niveau prostatique, il peut s’agir de foyers de prostatite. ■ Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts. >> ILLUSTRATIONS CLINIQUES suite pages suivantes… A B Illustration 1. Intérêt de la TEP-choline pour guider les gestes biopsiques. Patient âgé de 66 ans, adressé pour orienter le geste biopsique dans un contexte d’élévation du taux de PSA à 63 ng/ml avec biopsies itératives négatives. A. Imagerie précoce entre 0 et 4 minutes : fixation prostatique diffuse. B. Imagerie précoce entre 4 et 6 minutes : renforcement en intensité de l’hypercaptation prostatique. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 3 - juillet-août-septembre 2013 103 Nouvelles imageries en urologie dossier thématique >> ILLUSTRATIONS CLINIQUES …la suite Illustration 2. Intérêt de la TEP-choline dans les bilans d’extension initiaux. Patient âgé de 60 ans, bilan préprostatectomie PSA à 80 ng/ml, score de Gleason = 7 (4 + 3), IRM lésion prostatique, TDM TAP et scintigraphie osseuse normaux. A et B. Temps précoces : foyers prostatiques bilatéraux, foyer osseux de L5. C. Imagerie tardive corps entier : foyers prostatiques bilatéraux, foyers osseux L5 et T4. A B C 104 Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 3 - juillet-août-septembre 2013 TEP-TDM à la 18-fluorocholine dans le cancer de la prostate : principes, indications et avenir A B Illustration 3. Intérêt de la TEP-choline dans les récidives biologiques après traitement radical. A. Patient âgé de 64 ans, prostatectomie en 2006, PSA indétectable en 2007, actuellement à 1,09 ng/ml. Imagerie tardive corps entier : récidive ganglionnaire isolée inter-aortico-cave. B. Patient de 73 ans, prostatectomie en 2009 avec RT, augmentation des PSA à 2,18 ng/ml. Imagerie tardive corps entier : récidive osseuse isolée. Références 1. D’Amico AV, Cote K, Loffredo M et al. 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