INTÉGRALES À PARAMÈTRES
(révisions pour lagrégation)
F. Rouvière, automne 2004
Table des matières
1 Théorèmes “élémentaires” 3
2 Théorèmes “intermédiaires” 4
3 Théorèmes “positifs” 7
4 Théorèmes de Lebesgue 9
5 Intégrales semi-convergentes 17
6 Intégration et dérivation 20
Introduction
Dans de nombreuses situations on souhaite permuter entre eux deux des quatre outils
de l’analyse lim,P,@,R(limite, sommation d’une série, dérivation, intégration), ce qui
pose plusieurs questions : la dérivée de la limite est-elle la limite des dérivées ? l’intégrale
de la somme d’une série est-elle la somme de la série des intégrales ? etc. Pour une réponse
a¢ rmative sous des hypothèses appropriées, on a en principe besoin de 4(4 + 1)=2 = 10
théorèmes tels que @lim = lim @ou RP=PRou @x@y=@y@xetc., selon le tableau
suivant : lim lim Plim @lim Rlim
lim P PP @PRP
lim @P@ @@ R@
lim RPR@R RR
On ne s’intéressera ici qu’aux quatre résultats issus de la dernière ligne ; ils concernent
les intégrales qui comportent, en plus de la variable d’intégration, un paramètre (entier ou
réel). Les résultats utiles sont alors des théorèmes de passage à la limite, sommation de
série, dérivation, ou intégration sous le signe somme. Ils sont liés entre eux : une dérivée,
c’est une limite ; sommer une série, c’est prendre la limite de ses sommes partielles, c’est
aussi intégrer sur l’ensemble des nombres entiers. On pourrait donc espérer réduire à deux
(lim Ret RR) le nombre minimal de théorèmes indispensables...
Il est hélas utile d’en connaître beaucoup plus, directement adaptés à di¤érents cadres
ou à di¤érentes notions d’intégrales. Lorsqu’il s’agit de braves fonctions continues intégrées
sur un banal intervalle compact (chapitre 1), il serait un peu déplacé sans doute de
faire appel à la puissante théorie de Lebesgue, alors qu’on s’en tire si bien avec les outils
élémentaires de l’analyse de deuxième année (convergence uniforme, continuité uniforme).
Ces premiers résultats s’étendent même aisément aux intégrales impropres absolument
1
convergentes sur des intervalles non compacts et conduisent, toujours par des moyens
élémentaires, à des théorèmes simples et e¢ caces dont certains n’ont pas à rougir devant
les énoncés correspondants de Lebesgue (chapitre 2). Les deux chapitres suivants ont
pour cadre l’intégrale de Lebesgue, dont un des mérites est de permettre l’intégration
sur des ensembles “quelconques”de fonctions très peu régulières. Lorsqu’on se limite aux
fonctions positives, certains énoncés (PRet RR) sont alors d’une simplicité si merveilleuse
qu’il eût été bien dommage de ne pas les mettre en lumière (chapitre 3). Les classiques
théorèmes de Lebesgue (convergence dominée, Fubini,...) sont ensuite passés en revue au
chapitre 4, et la puissance de ces outils est illustrée de nombreux exercices.
Ces quatre points de vue conduisent à 4fois 4théorèmes environ1, et même un peu
plus... En e¤et, bien que conséquence directe des théorèmes lim R, la continuité d’une
intégrale à paramètre donne lieu à des énoncés souvent plus agréables, et fort utiles ;
d’autre part le théorème @Rde Lebesgue se simpli…e sensiblement lorsqu’on dérive par
rapport à une variable complexe, ce qui justi…e un énoncé supplémentaire.
Et ce n’est pas tout : les intégrales non absolument convergentes (dont l’exemple le
plus célèbre est R1
0(sin x=x)dx), qui ne sont pas des intégrales de Lebesgue, doivent être
traitées à part ! Mais il n’y a que peu d’outils spéci…ques adaptés à ce cas (chapitre 5),
si ce n’est de tenter un retour vers les rivages rassurants de l’absolue convergence, par
exemple grâce à une intégration par parties.
On donne en…n quelques indications sur le problème des primitives (chapitre 6),
généralement mal connu hormis le cas élémentaire des fonctions continues.
La plupart des théorèmes ci-dessous sont cités sans démonstration (on les trouvera dans
les références), et sans prétendre au maximum de généralité. Une trentaine d’exercices
sont proposés pour les mettre en pratique.
Alors que choisir ? On attendait quatre théorèmes (limR,PR,@R,RR), on en trouve
une vingtaine dans ce qui suit ! Pour guider le choix :
Si on souhaite se passer de la théorie de Lebesgue, on se contentera des chapitres
1 (fonctions continues sur un compact), 2 (intégrales impropres absolument conver-
gentes) et 5 (intégrales impropres non absolument convergentes).
Dans le cadre de la théorie de Lebesgue, on notera l’extrême facilité d’emploi des
théorèmes “positifs” (chapitre 3), strictement réservés aux fonctions... positives.
Quant aux théorèmes de Lebesgue proprement dits (chapitre 4), ce sont des ou-
tils puissants et commodes pour toutes les intégrales absolument convergentes.
Un exemple. Pour montrer que limn!1 R=2
0sinnx dx = 0, on peut envisager les trois
méthodes suivantes. Chacun(e) choisira en son âme et conscience, selon son éthique pro-
fessionnelle :
1. sinnx!0uniformément sur [0;(=2)"], et 0R=2
(=2)"sinnx dx "(convergence
uniforme, théorème 1).
2. 1sinnxest une suite croissante de fonctions positives sur [0; =2] (convergence
monotone, théorème 10).
3. sinnx!0simplement sur [0; =2[, et domination jsinnxj  1(convergence dominée,
théorème 14).
1Pas de théorème @Rdans le chapitre 3 cependant, la dérivation n’ayant aucune raison de respecter la
positivité des fonctions.
2
1 Torèmes “élémentaires”
On intègre ici des fonctions continues sur un compact [a; b], à valeurs réelles ou com-
plexes, avec des hypothèses de convergence uniforme sur [a; b].
Référence : [P] §21.
Théorème 1 (lim R)Si les fnsont continues et convergent uniformément sur [a; b]on a
lim
nZb
a
fn(x)dx=Zb
alim
nfn(x)dx .
Théorème 2 (Continuité de l’intégrale) Si fest continue sur [a; b]I(où Iest un
intervalle quelconque), la fonction
F(t) = Zb
a
f(x; t)dx
est continue en tsur I.
Théorème 3 (PR)Si les unsont continues et si la série Punconverge uniformément
sur [a; b]on a
X
nZb
a
un(x)dx=Zb
a X
n
un(x)!dx .
Théorème 4 (@R)Si fet @f=@t sont continues sur [a; b]I, l’intégrale de fest conti-
nûment dérivable en tsur Iet
d
dt Zb
a
f(x; t)dx=Zb
a
@f
@t (x; t)dx .
Noter que, l’intégrale Rb
af(x; t)dx ne dépendant que de la seule variable t, il n’y a pas lieu
d’utiliser le symbole @=@t de dérivée partielle au premier membre de l’égalité.
Théorème 5 (RR)Si fest continue sur le produit de compacts [a; b][c; d]on a
Zd
cZb
a
f(x; t)dxdt =Zb
aZd
c
f(x; t)dtdx .
Exercice 1.La série magni…que. En développant en série xx=exln x, montrer que
Z1
0
xxdx = 1 1
22+1
331
44+
(“series mirabili”de Johann Bernoulli, 1697).
[Le changement x=etpourra être agréable dans les calculs.]
Application : en s’aidant du théorème des séries alternées, donner la valeur numérique de
l’intégrale à 106près.
Exercice 1 bis. Formule de Simon Plou¤e2. Soit à montrer que
=
1
X
n=0
1
16n4
8n+ 1 2
8n+ 4 1
8n+ 5 1
8n+ 6.
2couverte le 19 septembre 1995 après un mois de tâtonnements, cette formule permet un calcul très
performant des décimales de en base 16 [Delahaye, Le fascinant nombre , Belin 1997]. Le record actuel
(1241 milliards de décimales en base 10) est détenu par Yasumasa Kanada (décembre 2002), par une autre
thode.
3
a. Soit P(x) = 16x,Q(x) = (1 + x2)(1 + 2xx2). En décomposant P=Q sous la forme
P(x)
Q(x)=A(x)
1 + x2+B(x)
1+2xx2,
Aet Bsont des polynômes de degré 1, montrer que I=R1
0
P(x)
Q(x)dx =.
b. Observer que I=R1
0
P(1x)
Q(1x)dx. Développer (P=Q)(1 x)en série entière autour de
l’origine et conclure.
[On conseille de multiplier P(1 x)et Q(1 x)par (2 + x2)(2 + 2x+x2).]
Exercice 2.Division par x([P] p.194, [Gou] p.164) Soit f2C1(R), avec f(0) = 0.
Montrer que la fonction g(x) = f(x)=x, a priori non dé…nie à l’origine, se prolonge en une
fonction C1sur R, et que g(n)(0) = f(n+1)(0)=(n+ 1).
[Considérer R1
0f0(tx)dt].
Exercice 3.Période du pendule. La période des oscillations d’amplitude 2d’un pendule
simple est
T(x) = 4 Z=2
0
d
p1x2sin2, avec x= sin
2.
Montrer que c’est une fonction continue de xsur ]1;1[, et même développable en série
entière (les co cients de la série obtenue font intervenir les classiques intégrales de Wallis
In=R=2
0sin2n:d).
Exercice 4. Un calcul d’intégrale ([LFA] p.465 ; autres méthodes dans [Gou] p.181). Soit
run réel, r6=1. Montrer que
Z2
0
ln 12rcos +r2d =0si jrj<1
4ln jrjsi jrj>1.
[Pour jrj<1la fonction à intégrer est 2 Re ln 1rei=2P1
n=1(rn=n) cos n ; pour
jrj>1, poser r0= 1=r.]
Exercice 5. Preuve élémentaire de Fubini ([V] p.147). Démontrer le théorème 5 :
Zd
cZb
a
f(x; t)dxdt =Zb
aZd
c
f(x; t)dtdx
si fest continue sur [a; b][c; d].
[On pourra remplacer la borne dpar y2[c; d], et comparer la dérivée par rapport à ydes
deux membres grâce aux théorèmes 2 et 4.]
2 Torèmes “intermédiaires”
Le cadre est celui des intégrales impropres absolument convergentes sur un intervalle
non compact, avec des fonctions continues (à valeurs réelles ou complexes) et une hypo-
thèse de convergence uniforme sur tout compact et de domination. Les théorèmes de ce
chapitre sont des versions simpli…ées (et souvent su¢ santes en pratique) des théorèmes
correspondants de Lebesgue. Leur principale qualité est de pouvoir s’obtenir avec des ou-
tils du niveau bac+2. Le principal défaut des théorèmes 6 et 8 est d’obliger à établir une
convergence uniforme ; en revanche les théorèmes 7 et 9 sont, en pratique, presque aussi
puissants que les énoncés de Lebesgue.
4
On note Iun intervalle quelconque (non compact, sinon le chapitre 1 su¢ rait). L’in-
tégrale impropre d’une fonction continue sur Iest dé…nie comme la limite (si elle existe) :
ZI
f(x)dx = lim Zb
a
f(x)dx ,
lorsque a; b 2Itendent vers les bornes respectives de I. Les résultats ci-dessous se dé-
montrent facilement en appliquant les théorèmes élémentaires sur le compact [a; b]et en
passant à la limite ; on esquisse seulement la preuve du premier, les autres sont laissées en
exercice.
Références : [KV] chapitre 4, [LFA] chapitre XI, ou même [Ro] p.112 pour le théorème 9.
Théorème 6 (lim R)On suppose les fncontinues sur Iet
(i) fnconverge uniformément sur tout compact de Iquand n! 1
(ii) domination : il existe g, continue sur Iet indépendante de n, telle que jfn(x)j  g(x)
pour tous n2Net x2I, et RIg(x)dx < 1. Alors
lim
nZI
fn(x)dx=ZIlim
nfn(x)dx .
Preuve. Soit f= lim fn, continue sur I; comme jfj  g, l’intégrale RIfconverge abso-
lument. En écrivant Icomme réunion d’une suite croissante d’intervalles compacts Ik, on
aZI
fZI
fnZInIkjffnj+ZIkjffnj.
L’inégalité jffnj  2get la convergence de RIgmontrent que la première intégrale est
petite pour kassez grand (uniformément par rapport à n) ; l’entier kétant ainsi choisi, la
deuxième intégrale est petite pour nassez grand, grâce à la convergence uniforme sur le
compact Ik, d’ ZI
f= lim ZI
fn.
Théorème 7 (Continuité de l’intégrale) On suppose fcontinue sur IJ(où Jest un
autre intervalle) et la domination : il existe g, continue sur Iet indépendante du paramètre
t, telle que jf(x; t)j  g(x)pour tous x2I,t2Jet RIg(x)dx < 1. Alors la fonction
F(t) = ZI
f(x; t)dx
est continue en tsur J.
Théorème 8 (PR)On suppose les uncontinues sur I, la série Pnun(x)uniformément
convergente sur tout compact de Iet RI(Pnjun(x)j)dx < 1. Alors
X
nZI
un(x)dx=ZI X
n
un(x)!dx .
Le théorème 8 se déduit du théorème 6 en dominant les sommes partielles par la fonction
g(x) = Pnjun(x)j.
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