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par Karine Bilodeau et Louise Bouchard
Abrégé
Cette étude phénoménologique avait pour but de décrire l’expérience
de la sexualité de femmes québécoises au mitan de la vie, atteintes
d’un cancer du col utérin. Dix femmes ont accepté de participer à
l’étude. Les résultats dévoilent un nouveau regard de la sexualité en
raison du repositionnement de ces femmes sur leur vie et leur rela-
tion conjugale et des effets indésirables liés aux traitements. Les par-
ticipantes ont témoigné de leur désir d’unir les sentiments amoureux
aux plaisirs de la sexualité. Toutes ont éprouvé le besoin de parler
des effets gênants et traumatisants des traitements sur leur sexualité.
Ces résultats soulèvent la nécessité pour les infirmières de reconnaî-
tre les préoccupations sexuelles de ces femmes et de poursuivre la
recherche dans ce domaine.
Mots-clés : Sexualité, expérience vécue, cancer du col utérin, radio-
thérapie, effets secondaires, mitan de la vie
L’Organisation mondiale de la santé (Organisation mondiale de la
santé, 1975) définit la sexualité comme un phénomène subjectif et
multidimensionnel, faisant partie de la santé des individus. L’OMS la
désigne sous le vocable de « santé sexuelle » signifiant une intégra-
tion des aspects biologiques, émotionnels et sociaux du soi sexuel et
conduisant à modeler la personnalité, la communication et l’amour.
Le cancer du col utérin affecte l’expression de la sexualité des fem-
mes. Des auteurs rapportent que les dysfonctions sexuelles vécues
par ces femmes peuvent être causées par les effets secondaires des
traitements contre le cancer : rétrécissement et sécheresse du vagin,
modification de la vascularisation et nécrose des tissus vaginaux,
dyspareunie et une ménopause prématurée produisant des bouffées
de chaleur et des changements d’humeur (Langhorne, Fulton & Otto,
2007). Or, les recherches scientifiques conduites auprès de femmes
atteintes de cancer du col utérin ont peu abordé leur sexualité selon
une perspective globale, à l’exception de quelques écrits à devis qua-
litatif. Force est de constater que les écrits scientifiques traitant de
leur sexualité sont plus nombreux à l’avoir étudiée sous un angle
physique et quantitatif qu’expérientiel (Bergmark, Avall-Lundqvist,
Dickman, Henningsohn & Seineck, 1999; Bourgeois-Law & Lototocki,
1999; Heylock & McGinn, 1998). Dans ces études, les chercheurs uti-
lisent des indicateurs comme le nombre d’orgasmes, la fréquence
des relations sexuelles et la satisfaction sexuelle des femmes attein-
tes de cancer du col. Quoique dressant un profil objectif de la sexua-
lité, ces études quantitatives ne permettent pas de comprendre de
façon holistique comment ces femmes vivent cette sexualité dans
leur vie quotidienne et le sens qu’elles y accordent.
À ce jour, des études à devis qualitatif ont exploré l’expérience
vécue de la sexualité de femmes atteintes du cancer du col utérin.
Les résultats de ces études rapportent que la sensualité, l’intimité et
l’image de soi, intimement liées au rôle de mère, de femme et de par-
tenaire, se vivent différemment depuis le diagnostic de cancer. Des
femmes affirment vivre une perte de libido et s’être détachées émo-
tionnellement de l’acte sexuel, lequel acte demeure traumatisant,
même plusieurs années après le diagnostic (Ashing-Giwa et al., 2004;
Burns, Costello, Ryan-Wooley & Davidson, 2007; Butler, Banfield,
Sveinson & Allen, 1998; Juraskova, Butow, Robertson, Sharpe, McLeod
& Hacker, 2003). Ashing-Giwa et al. (2004) abordent une dimension
ethnoculturelle en rapportant que les perceptions liées à la relation
conjugale, à l’intimité sexuelle et aux effets secondaires des traite-
ments dépendent de la provenance ethnique des femmes à l’étude.
D’autres études explorant la sexualide femmes atteintes de divers
cancers gynécologiques révèlent un renouveau affectif avec le con-
joint et des difficultés face à l’intimité et au deuil de la maternité
(Howell, Fitch & Deane, 2003; Pilkington & Mitchell, 2004). Les étu-
des citées plus haut ont été conduites auprès de femmes anglopho-
nes provenant du Canada, des États-Unis ou de l’Europe. À l’instar
d’Ashing-Giwa et collègues (2004), nous croyons que l’étude de la
sexualité de femmes francophones d’origine québécoise peut offrir
une perspective différente de ce phénomène.
Le but de cette étude est de mieux comprendre la sexualité de
femmes québécoises au mitan de la vie, atteintes d’un cancer du col
utérin traité par radiothérapie, en tenant compte de leurs dires, de
leurs valeurs et de leur contexte de vie.
Méthode
Initiée par Husserl (1976) au début du XXe siècle, la phénoménolo-
gie est un courant épistémologique visant la compréhension des expé-
riences vécues comme source de connaissance. La phénoménologie
permet, à partir de matériel narratif, d’entrer dans le monde subjectif
de la personne. Cette personne est, selon les postulats ontologiques
de la phénoménologie, la seule à pouvoir décrire le sens accordé à ses
expériences de vie, et ce, à partir de sa conscience, de son éthique de
vie, de son histoire et de son contexte (Oiler-Boyd, 1981).
Le projet de recherche a été soumis au comité de recherche et
d’éthique d’un centre hospitalier universitaire de Montréal, spécia-
lisé en oncologie gynécologique et en radio-oncologie. Des médecins
et infirmières travaillant dans ces secteurs de soins ont été invités
à recruter des femmes lors des rendez-vous de suivi. L’échantillon
de convenance était composé de dix femmes répondant aux critè-
res suivants : avoir entre 40 et 60 ans; avoir terminé ses traitements
de radiothérapie pour un cancer du col utérin depuis au moins six
mois; être francophone d’origine québécoise de souche depuis au
moins deux générations. La limite liée à l’âge était justifiée par la
prévalence plus marquée du cancer du col chez les femmes âgées
de 40 à 60 ans (Goggin, 2005) et par le cycle de vie qui y correspond,
soit le mitan de la vie ou middle age (Hunter, Sundel & Sundel, 2002).
Dix entrevues, d’une durée moyenne de 60 à 90 minutes, ont été réa-
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La sexualité de femmes québécoises
atteintes d’un cancer du col utérin :
à la recherche d’amour malgré un corps
sexuel traumatisé par la radiothérapie
Au sujet des auteures
Karine Bilodeau, inf., Ph.D(c), CSIO(C), est étudiante
au doctorat en sciences infirmières à l’Université de
Montréal. Cette étude a été conduite dans le cadre
du programme de maîtrise en sciences infirmières
de l’Université de Montréal.
Louise Bouchard, inf., Ph.D., est professeure agrégée
à la Faculté des sciences infirmières de l’Université
de Montréal.
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lisées. Au moment de l’entrevue, neuf étaient en couple depuis plus
de 10 ans. Cinq participantes avaient reçu leur dernier traitement
depuis moins de sept mois alors que les cinq autres l’avaient reçu
depuis plus de deux ans. Toutes avaient reçu des traitements de chi-
miothérapie et de radiothérapie externe et interne (curiethérapie).
Les données transcrites ont fait l’objet d’une analyse thématique
selon la méthode proposée par Giorgi (1997), comportant ces étapes :
1) Retranscrire intégralement les entrevues; 2) S’imprégner du sens
général de la narration des participants; 3) Désigner des unités de
sens en isolant les mots, phrases ou idées 4) Transformer les expres-
sions spontanées des participants en expressions plus abstraites
qui révèlent leur sens; 5) Synthétiser les unités de sens (thèmes) en
une description consistante et invariable (essence) du phénomène à
l’étude. Selon Giorgi (1997), la rigueur scientifique d’une étude phéno-
ménologique se vérifie à l’aide des critères d’authenticité et de crédi-
bilité. L’authenticité, c’est-à-dire la correspondance des résultats avec
l’expérience décrite par les participantes, a été obtenue par l’exercice
de bracketing consistant à mettre en suspens les présuppositions de
l’étudiante chercheuse, par les multiples lectures des entrevues ainsi
que par la validation interjuge, comparant tous les résultats de l’ana-
lyse de l’étudiante avec ceux obtenus par sa directrice de recherche.
La crédibilité, signifiant que les résultats correspondent à la réalité,
s’obtient par une diversité des expériences vécues par les participan-
tes et par l’utilisation des entrevues jusqu’à une certaine redondance
des données recueillies (Giorgi, 1997). Le nombre de 10 femmes s’est
avéré suffisant pour faire émerger une « essence » globale du phéno-
mène de la sexualité, tout en restant fidèle à l’unicité des expérien-
ces vécues de chacune des femmes, comme en témoigneront certains
extraits de verbatim dans la section des résultats. La crédibilité a
également été assurée en comparant les résultats obtenus à ceux
d’auteurs scientifiques connus dans le domaine concerné par l’étude.
Résultats
L’essence globale du phénomène de la sexualité de femmes qué-
bécoises atteintes d’un cancer du col se décrit ainsi : depuis l’avè-
nement du cancer, la sexualité de ces femmes est vécue comme
une expérience intime partagée avec le conjoint et dont la signifi-
cation évolue dans le temps. Passant d’une sexualité davantage per-
çue comme des occasions d’activités sexuelles, elle devient, avec le
temps, l’expression d’une intimité plus appréciée pour ce qu’elle
offre au plan affectif. Toutes précisent cependant que l’acte sexuel,
quoiqu’occupant une place importante dans leur vie, évolue vers
une représentation plus globale de la sexualité, métissant intimité
corporelle et quête d’amour. L’évolution du sens de la sexualité pas-
sant d’une dimension physique à une dimension plus affective serait
influencée par trois phénomènes concomitants : un regard différent
sur la vie, un soutien indéfectible de la part du conjoint et l’émer-
gence d’effets secondaires liés aux traitements. Le temps s’avère
donc une composante importante dans l’expérience de la sexualité
des femmes participantes. Les cinq femmes dont la pose du dia-
gnostic était plus récente disent vivre beaucoup plus d’angoisse, se
questionnent davantage sur les causes du cancer et éprouvent plus
de peur de la récidive que les autres participantes dont le diagnos-
tic date de 2 et 5 ans. Ces dernières se sentent plus en mesure de se
repositionner face à la vie et leur vie sexuelle, malgré le fait qu’elles
vivent aussi des effets secondaires importants.
L’analyse des données a fait émerger trois thèmes centraux : Vivre
un changement global par rapport à la vie; Voir la relation conjugale
autrement; Voir la sexualité autrement. Ce dernier thème comporte
deux sous-thèmes, À la recherche d’amour et Vivre dans un corps
sexuel traumatisé par la radiothérapie.
1. Vivre un changement global par rapport à la vie
Spontanément, en posant les toutes premières questions, les par-
ticipantes recadraient la sexualité par rapport à leur vie et leur rela-
tion conjugale. Selon leurs dires, l’avènement du cancer a provoqué
un changement global et graduel par rapport à leurs valeurs liées
à la vie : les participantes ne voient plus la vie « du même œil », se
centrent davantage sur elles-mêmes et leurs besoins et réévaluent
leurs priorités. L’incertitude et la peur de la récidive décrites par
Hélène** comme une « épée de Damoclès en haut de la tête » sont
vécues chez la plupart des participantes, les invitant à revoir le sens
qu’elles donnent à la vie. Elles disent « profiter carrément de la vie et
ne plus s’arrêter à des pacotilles », apprécient davantage le moment
présent avec la famille et le conjoint. Une participante parle du can-
cer comme d’une renaissance, d’« une claque à la bonne place », lui
permettant d’orienter ses priorités vers la famille et de donner un
nouveau souffle à sa vie. Trois participantes n’ont pas exprimé le
besoin de parler de la vie en général et des changements qu’auraient
pu générer l’expérience du cancer. Leurs propos étaient davantage
centrés sur leur relation conjugale et leur sexualité.
2. Voir la relation conjugale autrement
Ce thème montre comment la relation avec le conjoint s’est avé-
rée essentielle et significative dans le nouveau regard que les parti-
cipantes ont porté sur leur vie et leur sexualité. Apprécier davantage
la vie signifiait apprécier le moment présent avec le conjoint. Huit
participantes ont exprimé l’importance de la présence du conjoint
et leur étonnement quant à l’attention que ce dernier leur a portée
tout au long de leur expérience de vie avec le cancer. Anne parle
d’« évolution de la relation avec son conjoint », Béatrice de « redécou-
verte mutuelle ». Des participantes parlaient de « mon chum, mon
amant à moi » et de leur relation conjugale en joignant leurs mains
pour illustrer ce rapprochement envers leur conjoint depuis l’avène-
ment du cancer, comme en témoignent les extraits suivants :
Ça nous a rapprochés, ça c’est sûr et certain parce que c’est
souvent quand tu vis des périodes émotives comme ça, que tu
te fais annoncer un diagnostic bien c’est là que tu réalises si tu
tiens à l’autre ou l’autre tient à toi ou parce que tu as besoin de
son support. (…) je dirais qu’il faisait plus attention à moi, puis
à mes besoins, pas sexuels. (Danielle)
On a toujours des hauts et des bas, on est fatigué des fois,
mais ce n’est pas grave, je me dis la vie avec lui est assez belle
que je pense que je retournerais avec le cancer pour recom-
mencer ça, parce que c’est trop beau. Avant c’était trop pla-
tonique. C’est qu’à un moment donné tu n’as pas le choix de
t’asseoir et de discuter, de faire face à mon mari avec ma
sexualité à cause du cancer que j’ai eu le cancer a comme
ouvert une porte (à la discussion). (Jeanne)
Deux participantes, Irène et Francine, ont cependant vécu des
difficultés dans leurs relations conjugales. La relation conjugale
d’Irène a pris fin après ses traitements. Elle a « mis une croix » sur
les activités sexuelles et ne parvenait pas à exprimer ses problèmes,
désirs et besoins auprès de son conjoint. Elle croyait que celui-ci
ne comprendrait pas et qu’il ne pourrait pas envisager la sexualité
d’un point de vue autre que celui de l’acte sexuel. De plus, son con-
joint ne voulait pas qu’elle parle de son cancer à sa famille en rai-
son des doutes qui pourraient être portés à son encontre quant à
la transmission du papillomavirus humain (VPH). Trois autres par-
ticipantes, Claudia, Hélène et Jeanne, ont aussi témoigné de leurs
inquiétudes et doutes face à leur passé sexuel et à la fidélité de leur
conjoint. Elles ont éprouvé une gêne à parler du cancer du col utérin
* Les mots rédigés en italique sont tirés d’extraits de verbatim.
** Des pseudonymes sont utilisés pour assurer la confidentialité des participantes : Anne, Béatrice, Claudia, Danielle, Élyse, Francine, Guylaine,
Hélène, Irène et Jeanne. Les propos d’Élyse ne sont pas rapportés dans cet article.
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tabou qui « s’attrape sexuellement ». Il est à noter que, pendant nos
entrevues, l’information sur le VPH et sa transmissibilité sexuelle
était fortement médiatisée. En voici quelques extraits :
J’attrape un cancer (…) un virus qui s’attrape par la sexua-
lité. C’est comme si je m’en veux de m’être laissée aller à cette
sexualité, libératrice, que j’ai eue, avoir autant de plaisir que
ça pour finir par avoir un cancer (…). Peut-être que c’est mon
conjoint parce que (…) il m’a trompée et, c’est sûrement de lui
que j’ai eu (le cancer) (…) j’essaie de me dire que ce n’est pas
de sa faute à lui, et des fois où je me dis que c’est sa faute. Mon
conjoint ne voulait pas que j’en parle… j’ai dit écoute, à la télé-
vision il en parle du vaccin, la famille va le savoir (Francine).
Le médecin te dit : Il faut que tu aies attrapé une maladie
vénérienne pour avoir eu ce cancer. Le seul homme avec qui
j’ai couché, c’est mon mari. Alors, ce n’est pas moi qui a été
le (VPH) chercher. Alors, je lui en ai voulu. (…) Ça m’a pris six
mois à ne plus lui en vouloir. (Jeanne).
3a. Voir la sexualité autrement : à la recherche d’amour
Depuis l’avènement du cancer, les participantes ont graduelle-
ment modifié leur conception de la sexualité en accordant autant
sinon plus d’importance aux dimensions affective, relationnelle et
humaine de la sexualité qu’aux dimensions physiques, comme en
témoignent Anne et Hélène : « Avant c’était juste le sexe. Aujourd’hui,
les caresses m’apportent de la chaleur, un côté humain; c’est plus
vrai » (Anne); « L’important, c’est plus l’affection. C’est de faire
des caresses puis être collé, c’est aussi important que les rapports
sexuels » (Hélène). Huit participantes disent rechercher dans la
sexualité des occasions d’affection, d’amour, d’étreintes, d’intimité,
de faire l’amour, de bien-être, de douceur, de chaleur, de réconfort
et de rapprochement. Les contacts sexuels, désignés par les mots
sexe, pénétration, orgasme, baisers, bestialité et génitalité, ne sont
pas mis à l’écart : « Je veux que la sexualité soit là, qu’il ait encore
envie de moi. Je veux qu’il me trouve belle, je veux qu’il soit beau. Je
veux avoir le goût de lui » (Guylaine), mais pour la plupart des par-
ticipantes, ces contacts sexuels occupent une place différente dans
leur vie. Même si toutes disent se sentir moins actives physique-
ment, avoir moins de relations sexuelles et une libido moins intense
depuis l’avènement du cancer, la sexualité est décrite comme étant
plus épanouie et plus satisfaisante. Les femmes de notre étude
recherchent avant tout une satisfaction sexuelle dans la qualité du
rapport humain et intime avec leur conjoint. Les propos de Béatrice
témoignent de ce changement de sens :
La sexualité est tombée en deuxième et en troisième point… Elle
est importante et présente, mais elle est plus réconfortante, plus
enveloppantec’est couvrant, je suis bien avec ça. Quand on fai-
sait l’amour auparavant, bon c’était pour obtenir un orgasme…
(Aujourd’hui) ça n’a pas besoin d’avoir une relation par pénétra-
tion (…) J’ai découvert avec mon mari…juste se blottir un contre
l’autre… c’est un nouveau genre de relation sexuelle parce que
l’amour est toujours là entre nous (…) c’est sûr que ça l’a (sexua-
lité) quandme une importance (Béatrice)
Les participantes font une différence entre leur façon de conce-
voir leur sexualité et celle de leur conjoint. Selon elles, les conjoints
accordent plus d’importance aux actes sexuels, à la jouissance et à la
fréquence des relations sexuelles. « Notre sexualité, ça va avec notre
cerveau et eux autres c’est vraiment le pénis. » rapporte Danielle. Par
ailleurs, Béatrice attribue le changement de perception de sa sexua-
lité possiblement à la ménopause : « C’est sûr que ma libido a baissé
énormément. C’est peut-être la ménopause; je ne suis pas la femme
de 30 ans qui a eu un cancer. » (Béatrice).
3b. Voir la sexualité autrement : un corps sexuel traumatisé par la
radiothérapie
Pour illustrer ce sous-thème, les participantes sont regroupées
selon le délai entre la fin des traitements de radiothérapie et le
moment de l’entrevue. Les extraits de verbatim portent essentielle-
ment sur les effets secondaires de la curiethérapie, l’expérience de
recevoir ce traitement et les différentes réactions quant aux exerci-
ces de dilatation vaginale.
Claudia, Danielle et Francine font partie des femmes qui ont ter-
miné leur traitement de radiothérapie depuis moins de 8 mois au
moment des entrevues. Claudia décrit sa sexualité comme une « cor-
vée », pendant et après les traitements de radiothérapie : « Je n’avais
pas de libido là, mais pas du tout, zéro, niet ». Claudia a souffert de
pertes vaginales nauséabondes et sanguinolentes suite aux traite-
ments de radiothérapie, ce qui la rendait incapable de s’abandon-
ner lors de relations sexuelles. Elle décrit « Ça me mettait super mal
à l’aise, même si ça fait 20 ans que je suis avec mon mari ». Comme
elle se sent « plus petite à l’intérieur » pour parler de la sténose vagi-
nale, elle ne peut plus adopter d’anciennes positions sexuelles. La
curiethérapie a causé des problèmes vésicaux nécessitant la pose
de sondes urétrales. Claudia a préféré de loin l’utilisation du dila-
tateur vaginal*** à la reprise des activités sexuelles régulières avec
son conjoint. Elle dit que le dilatateur peut être manipulé à tous les
jours, mais « Mon mari je ne l’aurais pas pris tous les jours ».
Suite aux traitements, Danielle avait « peur d’avoir mal » pen-
dant les relations sexuelles, en raison de la sécheresse vaginale et
de la dyspareunie. Elle aussi préférait les exercices de dilatation à la
reprise des activités sexuelles, car elle ne se sentait pas prête à les
amorcer. Danielle décrit avec émotion son expérience de la curiethé-
rapie et l’entrevue a être interrompue afin qu’elle puisse recou-
vrer la maîtrise de ses émotions. Voici son histoire :
C’était douloureux et puis la sonde était trop grande (…), ils
n’avaient pas la bonne sonde (…) là tu entends tout ça, t’es pas
inconsciente et l’infirmière t’envoie du médicament pour te
relaxer (…) et je dis à l’infirmière : c’est-y normal que je sente
tout ça…alors là le docteur dit : donne-lui une autre petite dose
pour me rendre plus molle. Et y a du monde, il y a un interne,
un autre interne, une fille, une infirmière de l’étage qui est
venue pour assister, et il y a un va et vient c’est comme, c’est
pas mêlant, je me sentais comme dans le Métro (…) l’interne dit
à l’autre interne, regarde touche tu vas voir qu’est-ce que c’est
et lui il m’a pas parlé, il m’a pas regardé, m’a pas demandé
qui j’étais, il m’a pas dit bonjour—rien il s’est tout simplement
mis une paire de gants, il a enfilé ça, il m’a pénétrée, il est allé
toucher, merci—bonjour, il s’est reviré de bord, il a enlevé ses
gants et il est parti. Je me sentais comme une poule pas de
tête quand tu vides un poulet, mais exactement ça. Alors t’as
pas le choix tu es pas mal à la merci (…) J’ai dit regarde, fini ils
me touchent plus. Il y en a pu un qui va me toucher fait que je
me suis dit, c’est toi qui décides, c’est ton corps. (Danielle)
Francine dit avoir vécu dans le passé une vie sexuelle active, et
multiorgasmique, et s’être sentie « bien femme » et épanouie avant le
diagnostic de cancer. Après les traitements, Francine ne voyait plus
la sexualité d’un même œil. Elle raconte :
Après les traitements, j’avais une très grosse peur. Je n’ai
pas envie de sexualité, mais pas du tout et je ne ressens abso-
lument rien. Au début ça me brûlait, ça me faisait mal…au
début dans ma tête, moi, je suis brûlée par en dedans. (…) J’ai
pas envie que lui (conjoint) y me fasse jouir parce que j’ai peur
que ça finisse par une pénétration et je n’ai pas envie d’une
pénétration. Le sexe pour moi, pour le moment en tout cas, ce
n’est pas revenu. C’est un cancer qui vient te chercher telle-
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*** Tube de plastique à bout arrondi servant à dilater le vagin. Habituellement, suite aux traitements contre le cancer du col utérin, il est con-
seillé de l’insérer dans le vagin une fois par jour durant 10 minutes, afin de prévenir la sténose vaginale.
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ment dans ton intimité. Maintenant la sexualité y en a moins.
J’ai comme une gêne. Pourtant, j’étais la femme qui parlait de
sexualité comme on parle de manger (rire). Je n’étais vraiment
pas gênée avec ça, mais là peut-être qui faudrait que je lui dise
quoi faire à lui (conjoint) et j’ai peur qu’il le prenne mal. Ça
toujours été moi qui a fait les premiers pas. (Francine)
Francine a déploré le manque d’intimité physique lors des trai-
tements de curiethérapie. Elle s’est sentie seule malgré la présence
d’une infirmière soignante :
Avec la curiethérapie, ça m’a beaucoup beaucoup traumati-
sée, ça m’a fait bien mal. Tu es là, écartillée, dans une salle, il
fait froid, y a plein de monde aux alentours de toi, il te donne
des injections pour que la tête te parte, des médicaments, tu
es branchée par des fils, et tu es écartillée pour une bonne
demi-heure et tu es seule. Il y a toujours l’infirmière. Tu es pas
toute seule, non il y a une infirmière avec toi qui te parle, qui
te demande si ça va bien, mais c’est ton intérieur, je ne sais pas
comment expliquer ça (pleure)—c’est difficile. Ça va te cher-
cher tout le dedans de toi, ils vont te brûler complètement toute
ton intimité. (Francine)
Même après la fin de ces traitements, Francine s’est sentie gênée
lors des rendez-vous de suivi avec un technologue de sexe mascu-
lin qui a exécuté le traitement de curiethérapie. Elle raconte que
dorénavant, cet employé « connaît toute mon intimité alors je n’ai
pas envie qu’il me reconnaisse. (…) Il m’a tout vu au complet. Il sait
tout de moi. » (Francine). Tout comme Claudia et Danielle, Francine
apprécie le contrôle personnel qu’elle peut exercer en utilisant le
dilatateur vaginal.
Ça (dilatateur) me fait pas mal mais c’est moi qui le rentre c’est
moi qui m’en occupe c’est mon affaire à moi parce que ce n’est
pas un pénis. Ce n’est pas la même chose. Si ça fait mal, je l’en-
lève et je ne le mets pas souvent. (Francine)
Même si Anne, Béatrice, Guylaine, Irène et Jeanne ont terminé les
traitements depuis plus de deux ans, elles vivent des effets secondai-
res tardifs qui affectent toujours leur vie sexuelle. Depuis les traite-
ments de radiothérapie, Anne se dit impuissante et « vide de désir »
sexuel. atrice a souffert d’une cystite, décrite comme une « vessie
cimentée », se manifestant par de la douleur abdominale, de la nyc-
turie et de la polyurie et lui occasionnant une crainte d’avoir mal lors
des relations sexuelles par pénétration. Pour elle, le dilatateur vaginal
lui « faisait penser à un pénis », ce qui l’a contrainte à ne pas l’utiliser.
Guylaine se plaint d’irritations et de saignements vaginaux et d’une
grande fatigue qui l’incommodent à chaque fois qu’elle a des relations
sexuelles. Jeanne a vécu un rétrécissement vaginal et de la dyspareu-
nie, ce qui a modéré les relations sexuelles avec son conjoint. Elle a
préféré les relations sexuelles régulières aux exercices de dilatation
vaginale, mais sans succès. Le vagin s’est refermé au point qu’elle se
sentait comme « un enfant de sept ans » et les relations sexuelles sont
devenues très douloureuses. Enfin, Irène a qualifié son traitement de
curiethérapie de traitement violent. Elle a subi une colostomie, ce qui
la rendait moins performante sexuellement : « Si tu n’es pas capable
de bouger, tu es comme un bonhomme de plâtre… ce n’est pas évident
avec l’autre personne, je me sentais mal face à ça ». L’utilisation du
dilatateur vaginal lui causait des douleurs et des peurs de « recauser
des problèmes ». Après les traitements, Irène dit avoir été très fatiguée
et ne plus avoir de désir sexuel. Elle a aussi souffert d’un changement
d’image corporelle par une prise importante de poids; elle dit se sen-
tir moins belle et désirable.
Notre recherche a produit des données inédites quant aux effets
secondaires qu’ont pu causer les traitements sur la sexualité des
participantes à l’étude. Toutes ont éprouvé un vif besoin d’en par-
ler lors des entrevues. Toutes, sans exception, ont vécu des effets
secondaires importants à la suite des traitements de radiothéra-
pie tels de la dyspareunie, une sténose vaginale, de la polyurie, des
écoulements et des saignements vaginaux et une perte de libido.
Des effets secondaires tardifs ont été vécus comme une cystite, une
occlusion intestinale, de la polyurie et l’installation d’une colosto-
mie. Les résultats obtenus sont sans équivoque : immédiatement
après les traitements de radiothérapie, les effets secondaires sont
incommodants et traumatisants et peuvent perdurer pendant une
longue période de temps. Plusieurs femmes renoncent aux relations
sexuelles. Enfin, il est pertinent de noter la diversité de l’expérience
quant à l’acceptabilité et l’utilisation du dilatateur vaginal.
Discussion
Selon les résultats de notre étude, la sexualité des femmes par-
ticipantes atteintes d’un cancer du col utérin, prend un nouveau
cours suite à ce diagnostic. Elle est appréciée et accueillie dans la
vie de ces femmes pour ses qualités relationnelles et affectives. La
sexualité s’inscrit dans un positionnement face à la vie et à la rela-
tion conjugale qui se modifie depuis le diagnostic et les traitements
du cancer. Le soutien du conjoint s’est avéré crucial dans ce chan-
gement de perspective de la sexualité. La plupart des participantes
ont rapporté un rapprochement et une communication plus ouverte
et authentique avec leur partenaire. Ces résultats sont corroborés
par les études de Butler et collègues (1998) et de Juraskova et collè-
gues (2003). Par ailleurs, Burns, Costello, Ryan-Woolley et Davidson
(2007) rapportent des tensions conjugales importantes suite au trai-
tement du cancer du col, ce qui n’est pas supporté par les résultats
de notre étude, à l’exception d’une participante.
Il est troublant de constater jusqu’à quel point les effets secon-
daires des traitements de la radiothérapie ont été débilitants
pour plusieurs femmes de notre étude et dévastateurs sur leur
vie sexuelle. L’expérience de la curiethérapie a été décrite comme
humiliante, angoissante et douloureuse, laissant une blessure dans
cette partie du corps symboliquement associée à leur sexualité et
qui révèle tout sur elle et leur intimité profonde. Cette expression
« ça vient tout chercher ton intérieur » et rapportée par une des par-
ticipantes, résume bien ce que ces femmes ont vécu. Les nombreux
inconforts physiques créés par les traitements de radiothérapie
comme la dyspareunie, les saignements vaginaux, les odeurs nau-
séabondes, la polyurie et le rétrécissement vaginal ont nui considé-
rablement à la reprise des relations sexuelles. Le dilatateur vaginal
recommandé pour prévenir la sténose vaginale a été perçu de façon
différente selon les participantes. Certaines ont dit préférer le dila-
tateur à la reprise des relations sexuelles, car il permettait d’appri-
voiser leur corps et d’exercer un certain pouvoir et affirmation de
soi auprès de leur conjoint en choisissant délibérément le moment
et la façon de reprendre de nouvelles relations sexuelles. D’autres
ont rejeté cet appareil, car il rappelait trop l’organe sexuel de leur
conjoint. Ce résultat fait ressortir le besoin de tenir compte des par-
ticularités et préférences de chacune des femmes quant à la recom-
mandation qui pourrait être faite au sujet du dilatateur.
Un résultat novateur de notre étude a été l’effet médiatique
qu’a pu exercer la publicité du VPH sur les causes du cancer du col.
Certaines participantes ont remis en question leurs relations pas-
sées et celles de leur conjoint ou se disaient gênées de parler de leur
cancer à des proches en raison du blâme possible qu’ils auraient
pu porter sur leur conduite sexuelle ou sur celle de leur conjoint.
Les résultats nous dévoilent la place qu’occupent les médias sur la
construction des représentations sociales que les femmes ont de
leur corps et, dans ce cas-ci, du cancer du col.
Suite à la divulgation des résultats obtenus, les équipes de soins
du centre où s’est déroulée l’étude se sont mobilisées pour repenser
certaines pratiques de soin afin de protéger l’intimité et la pudeur
des femmes traitées en radiothérapie. Des efforts ont été réalisés
pour assurer que l’information sur ce traitement et les effets sur la
sexualité leur soit communiquée selon leur rythme et volonté. Les
infirmières soignantes ont été invitées à aborder la sexualité avec
232 CONJ • RCSIO Fall/Automne 2011 doi:10.5737/1181912x214228232
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ces femmes même si ce sujet est parfois considéré comme sensible
et confidentiel. Dans notre étude, il a été étonnant de constater à
quel point les participantes de notre étude désiraient partager leur
expérience sur la sexualité, de façon spontanée et sans inhibition.
Une recommandation a été proposée à l’équipe soignante pour met-
tre sur pied un groupe de rencontre pour cette population, leur per-
mettant de partager leurs préoccupations sexuelles et de briser des
tabous et croyances en regard de la sexualité.
Certaines limites peuvent être dégagées de notre étude et invitent
à poursuivre les recherches dans ce domaine d’intérêt. Quelques fem-
mes ont refusé de participer à l’étude en raison de leur célibat. Il est
possible que la désirabilité sociale ait exercé un biais dans le recrute-
ment de ces femmes si ces dernières avaient peur de ne pas donner de
réponses cohérentes avec les valeurs socialement acceptées. Il serait
intéressant d’interroger les femmes célibataires sur le sens accordé
à leur sexualidans un contexte elles ne partagent pas leur vie
quotidienne avec un partenaire. Aussi, est-il possible que le mitan de
la vie et le vécu de la ménopause, facteurs rapportés dans les écrits
comme pouvant créer de nouvelles énergies sexuelles (Daniluk, 1998),
aient contribau changement de vision de la sexualité des femmes
participant à l’étude? La ponse à ces questions riterait d’autres
investigations empiriques. Enfin, il n’est pas possible dans le cadre de
cette étude d’affirmer si les femmes québécoises francophones ont
vécu leur sexualité différemment des femmes provenant d’ailleurs.
L’ouverture, le confort et la volubili dans l’expression d’un sujet
aussi sensible et privé qu’est la sexualité témoignent-ils d’une par-
ticularité culturelle de notre étude? Il n’est pas possible de répondre
à cette question pour le moment. Il serait souhaitable de poursuivre
des études de type herméneutique ou ethnographique explorant la
richesse des significations des mots et expressions glanés de la cul-
ture populaire sur la sexualité afin d’élargir le savoir dans ce domaine
d’intérêt. Dans notre étude, le mot sexualité s’est avéré complexe et
polysémique. Enfin, une recherche critique est fortement recomman-
dée afin d’explorer la représentation du corps « intérieur » de femmes
atteintes du cancer du col suite aux procédures intrusives des traite-
ments de radiothérapie et le pouvoir qu’exercent les savoirs experts
et médicaux sur le corps féminin.
Conclusion
Selon les résultats obtenus dans notre étude, l’expérience du can-
cer est un précurseur important d’un processus de changement glo-
bal par rapport à la façon de regarder la vie en général, incluant la
sexualité et la relation conjugale. Les femmes atteintes d’un cancer
du col utérin font face à plusieurs effets secondaires aigus, surtout
causés par la radiothérapie, effets qui affectent directement l’ex-
pression de leur sexualité physique. Suivant leurs traitements con-
tre le cancer du col utérin, la plupart des femmes interviewées ont
témoigné de leur quête d’amour et d’une volonté d’intégrer leurs
sentiments amoureux et leur vie de couple aux plaisirs que leur pro-
curent les relations sexuelles. Nous croyons à la pertinence de cette
recherche pour les sciences infirmières, car les résultats ont permis
d’être plus sensibles et attentives au vécu de ces femmes traitées
pour un cancer du col utérin et de générer de nouvelles façons de
pratiquer le soin auprès d’elles.
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