
20 QUÉBEC PHARMACIE VOL. 54 N° 12 DÉCEMBRE 2007
Les adultes, pour leur part, présentent de la
douleur gastrique dans 17,8 % des cas et de
la régurgitation dans 6 % des cas3. Toute-
fois, la survenue de brûlement gastrique
est influencée par la sensibilité œsopha-
gienne interindividuelle et ne corrèle pas
nécessairement avec la présence de dom-
mages de la muqueuse13. Parmi les autres
complications gastro-intestinales du re-
flux, notons l’œsophagite ainsi que l’œso-
phage de Barrett et l’adénocarcinome ob-
servés à l’âge adulte14,15. L’anémie ferriprive
et l’hématémèse sont des complications
moins communes mais tout aussi préoc-
cupantes7,14.
La présentation des symptômes extraœso-
phagiens n’est pas dépendante de l’âge de
l’enfant, outre les épisodes d’apnée et de
bradycardie. En effet, l’apnée est présente
surtout chez les prématurés et les nourris-
sons. Les manifestations extraœsophagien-
nes les plus fréquentes sont la toux chroni-
que, le bronchospasme, le wheezing et le
stridor récurrent. On a également observé
l’association du reflux avec les érosions den-
taires, la douleur à la gorge, les otites, la la-
ryngite et les sinusites12,16. Une pneumonie
d’aspiration récurrente est également possi-
ble, particulièrement chez les enfants at-
teints de troubles neurologiques concomi-
tants. De rares cas de syndrome de Sandifer
sont observés. Ce syndrome se caractérise
par des mouvements anormaux du corps et
une hyperextension du cou associés à une
modification neurocomportementale17.
Physiopathologie
L’étiologie exacte du RGO n’est pas bien
établie et elle est souvent d’origine multi-
factorielle chez les enfants en santé. Des
épisodes de relaxation transitoire inappro-
priée des muscles lisses du sphincter œso-
phagien inférieur, non coordonnée avec le
processus de déglutition, est le principal
mécanisme responsable du RGO chez la
population pédiatrique. Cette incoordina-
tion permet au contenu de l’estomac de re-
fluer dans l’œsophage11,18,19. Un retard dans
la vidange gastrique pourrait également fa-
voriser le phénomène de reflux en augmen-
tant la distension de l’estomac et la produc-
tion des sécrétions gastriques acides2,18. De
plus, la clairance œsophagienne du maté-
riel refluant est parfois inadéquate. La fré-
quence accrue du reflux chez les jeunes en-
fants concorde avec l’immaturité de leur
système digestif. Les facteurs environne-
mentaux sont souvent contributifs, in-
cluant le régime alimentaire et un position-
nement inapproprié1,3. En particulier, la
grande quantité de liquide prise quotidien-
nement par les nourrissons contribue au
phénomène de reflux. Leur consommation
liquidienne moyenne est deux fois plus im-
portante en quantité que celle des enfants
et des adultes2. Enfin, le stress est un facteur
contributif non négligeable de la percep-
tion des symptômes.
Les complications œsophagiennes possi-
bles lors du RGOP sont attribuables à plu-
sieurs processus survenant en dehors des li-
mites physiologiques usuelles. En effet, le
RGOP peut résulter d’une exposition pro-
longée de l’œsophage au refluant (clairance
inappropriée des sécrétions acides, aug-
mentation de la quantité ou de la fréquence
des reflux), d’une baisse de la résistance de
la muqueuse œsophagienne au contenu
acide de l’estomac ou d’une augmentation
de la sensibilité de celle-ci aux sucs gastri-
ques7,18.
Les symptômes extraœsophagiens s’expli-
quent par trois mécanismes généraux. Tout
d’abord, la présence de refluant dans les
voies respiratoires peut entraîner leur obs-
truction mécanique et entraver leur fonc-
tionnement optimal (p. ex., dysfonction de
la trompe d’Eustache, anomalie du drainage
des sinus). Ensuite, le reflux du contenu
gastrique peut causer des dommages aux
voies respiratoires par une agression chimi-
que directe des tissus. Cette agression favo-
rise la production de médiateurs inflamma-
toires qui pourront ultérieurement entraîner
une obstruction par inflammation des mu-
queuses. Parmi les manifestations cliniques
possibles médiées par ce mécanisme, no-
tons de l’hypertrophie épithéliale, la laryn-
gite et la pneumonite. Enfin, des influx ner-
veux générés par la présence du refluant
dans les voies aériennes ou dans l’œsophage
favorise l’hyperactivité bronchique et la
constriction des muscles lisses bronchiques.
La toux, le laryngospasme et le broncho-
spasme secondaires au reflux sont engen-
drés par ce mécanisme3,20.
Diagnostic
La plupart du temps, les tests diagnosti-
ques spécialisés ne sont pas requis pour
confirmer la présence de RGO. Une histoi-
re médicale exhaustive et un examen phy-
sique suffisent généralement pour établir
le diagnostic, évaluer les complications et
instaurer un traitement approprié. Ainsi,
la nature et la fréquence des symptômes
(gastro-intestinaux et extra-intestinaux),
les facteurs provoquant et soulageant se-
ront clarifiés. Les antécédents médicaux,
familiaux et sociaux sont très importants.
Une réponse positive au traitement est
souvent utilisée comme preuve du dia-
gnostic du reflux et permet d’éviter des
tests plus invasifs. On devrait envisager
une investigation plus poussée lorsque le
diagnostic est incertain, des complications
sont suspectées ou en cas d’échec au traite-
ment pharmacologique7,20.
Diagnostic différentiel
Dans le diagnostic différentiel, les anoma-
lies du tractus digestif telles que la sténose
du pylore, la malrotation, l’allergie aux pro-
téines bovines, l’ulcère peptique et les infec-
tions virales devront être éliminées. Les in-
fections et l’obstruction de l’arbre urinaire
doivent aussi être écartées. Parmi les mala-
dies pouvant avoir des symptômes com-
muns avec le RGOP, citons les troubles neu-
rologiques, les anomalies métaboliques, les
intoxications médicamenteuses et certaines
pathologies respiratoires3.
Monitoring 24 heures du pH œsophagien
L’examen diagnostique considéré comme
le standard d’excellence pour détecter le re-
flux acide est le monitoring du pH œso-
phagien pendant une période continue de
24 heures. Des électrodes placées dans
l’œsophage détecteront les baisses de pH.
Une diminution de ce dernier à une valeur
inférieure à quatre est considérée comme
un épisode de reflux acide. Cet examen
permet de déterminer la fréquence et le
pourcentage d’exposition de l’œsophage au
refluant, et d’obtenir différents scores nous
aidant à confirmer la présence d’un reflux
pathologique. On notera que le traitement
pharmacologique antireflux devrait être
cessé plusieurs jours avant l’examen à
moins que le but soit d’en déterminer l’effi-
cacité clinique7. Ainsi, des indications par-
ticulièrement utiles de la pHmétrie sont de
confirmer un reflux silencieux, d’évaluer la
présence du reflux acide lorsqu’il y a persis-
tance de symptômes sous traitement, et de
corréler les symptômes du patient aux épi-
sodes de reflux.
La spécificité de cet examen est de 95 %.
La sensibilité est de 90 % à 95 % chez les
adultes présentant un reflux accompagné
de lésions endoscopiques et diminue à 50 %
en l’absence de lésions20.
Bien que l’étude du pH œsophagien soit
utile pour confirmer le diagnostic chez cer-
tains sujets, il ne permet pas d’infirmer un
RGOP hors de tout doute. Un enfant peut
présenter des symptômes de reflux malgré
une exposition physiologique de l’œsopha-
ge au contenu de l’estomac. Inversement,
une exposition anormale de l’œsophage au
refluant acide ne se traduira pas nécessaire-
ment en RGOP. Également, aucune donnée
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