Zaki Laïdi, Le reflux de l’Europe, Presses de SciencesPo, 2013, 131 p. L’auteur est directeur de recherches au Centre d’études européennes de Sciences Po Paris. Il a déjà publié en 2005 un essai consacré à l’Union européenne, « La Norme sans la force, l’énigme de la puissance européenne » aux mêmes Presses de Sciences Po. Il s’interrogeait alors sur la nature particulière de l’Union européenne et sa capacité à produire des normes en évaluant ses performances normatives au regard de celles des autres grandes puissances classiques. Il poursuit ici son analyse de l’Europe, pas forcément uniquement de l’Union européenne, mais aussi des Etats européens. Au travers de plusieurs exemples souvent pertinents, l’auteur souhaite montrer qu’on assiste à une forme de reflux de l’Europe intégrée, mais pas forcément des Etats européens. Comme premier exemple, il examine la situation de l’Euro. A son avis l’Euro est bien notre monnaie commune, mais est aussi notre problème. Il partage en cela le point de vue de nombreux économistes. L’Euro n’est pas suffisamment soutenu par un gouvernement économique de l’Europe. En plus, sa construction n’en a fait qu’une monnaie internationale régionale ne concurrençant pas vraiment le dollar comme monnaie de facturation. La crise économique et monétaire ne semble avoir été résolue que temporairement. Le deuxième exemple est la question écologique. L’Europe semble avoir perdu le leadership sur le climat du fait de la bipolarité sino-américaine. Si au sommet de Kyoto, l’Union européenne menait en quelque sorte le débat, elle a perdu ce rôle à celui de Copenhague. Les européens se sont montrés divisés, car d’une certaine manière, ils n’ont pas vu ou voulu voir la dimension de politique internationale pour une vision trop morale ou scientifique. Le dernier exemple est que l’Europe ne semble plus croire à l’OMC et lui préfère la démarche des accords bilatéraux aux accords mondiaux alors qu’elle est encore aujourd’hui la première puissance économique mondiale. On assisterait à un changement de stratégie pour l’Union européenne qui ne pourrait alors plus jouer le rôle de l’avant-garde de la régulation de la mondialisation. Cela expliquerait le retour au bilatéralisme, notamment avec le TTIP avec les Etats-Unis. A son avis ce traité deviendrait en quelque sorte une forme d’OTAN économique face aux pays émergents sans qu’on soit certain que l’Union européenne soit gagnante avec cette stratégie. Enfin, les européens semblent être revenus, sur beaucoup de sujets, à une vision nationale plus classique, du fait du retour des enjeux classiques de la souveraineté. Si les européens continuent à partager des valeurs, ils ne constituent pas un seul peuple. Les Etats membres, notamment les plus importants, ne partagent pas non plus les mêmes cultures stratégiques, comme le montrent les différentes interventions militaires en Afrique de la France ou de la Grande-Bretagne. « L’Europe est un acteur international en panne de créativité stratégique et de volonté politique, à l’inverse des Etats membres qui font entendre leurs voix et qui agissent. Des européens sans l’Europe ? » C’est ainsi que l’auteur propose une conclusion à sa réflexion. Et pourtant, surtout si on se reporte aux tableaux proposés par l’auteur, on peut en déduire qu’unie l’Union européenne est à la première place de l’économie mondiale jusqu’en 2020 et deuxième place derrière la Chine à partir de 2030, qu’en revanche si elle est désunie, seuls certains de ses Etats membres, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France sont en 5e, 6e et 8e place en 2020, la Grande-Bretagne, la France, et l’Allemagne en 7e , 8e et 9e place en 2030. Il y bien une forme de reflux de l’Europe dont il faut prendre la mesure. La démonstration est globalement convaincante. Il faudrait que les responsables politiques européens prennent la mesure de cette prospective sur l’évolution du rêve européen d’intégration. Henri Oberdorff Professeur à l’Université Grenoble-Alpes Président de l’UPEG, le 30 juin 2014