MISE AU POINT Naissance prématurée : évolution et prise en charge respiratoire après la période néonatale Patient born preterm: respiratory evolution and care after the neonatal period S. Blanchon* L e taux de prématurité est en constante augmentation. Le suivi de grandes cohortes a permis d’améliorer la connaissance et la prise en charge des patients nés prématurés. En France, l’étude de la cohorte EPIPAGE, qui a suivi principalement l’évolution neurologique, a eu un fort retentissement dans la communauté médicale, mais également auprès du grand public. L’évolution pulmonaire, bien que déterminante dans la mortalité et la morbidité à court, moyen et long termes, est moins bien connue. Physiologie, définitions, épidémiologie Le poumon est, avec le cerveau, l’organe dont la maturation est la plus tardive. L’organogenèse pulmonaire se développe principalement au troisième trimestre de grossesse et se poursuit plusieurs années après la naissance. Le poumon est fonctionnel à partir du développement des premières barrières alvéolo-capillaires, à 23-25 semaines d’aménorrhée (SA). Les premières alvéoles apparaissent à 30-32 SA, mais leur multiplication se poursuit jusqu’à l’âge de 18 à 24 mois, et la surface d’échange gazeux augmente jusqu’à l’âge adulte. Les complications d’une naissance prématurée sont donc largement représentées par les pathologies pulmonaires. En période néonatale, les conséquences respiratoires d’une naissance prématurée sont une immaturité de l’ensemble de la fonction respiratoire (voies aériennes supérieures, poumon, système cardiovasculaire, système neurologique et musculaire) et une sensibilité accrue aux agressions. Les réponses physiologiques, notamment inflammatoires, à ces agressions sont autant de nouvelles agressions pulmonaires. Après la période néonatale, une inflammation pulmonaire chronique autoentretenue et une alvéolisation, qui se poursuit dans un contexte de contrainte non physiologique de ventilation et de perfusion, persistent. La sévérité de l’atteinte pulmonaire dépend de nombreux facteurs : susceptibilité génétique, degré de prématurité, existence d’une complication néonatale pulmonaire (maladie des membranes hyalines, infection) ou extrapulmonaire (sepsis, canal artériel persistant, cardiopathie, etc.), présence d’une malformation pulmonaire congénitale (hypoplasie, hernie diaphragmatique, etc.), lésions iatrogènes dues à la ventilation mécanique et à l’oxygénothérapie, et état nutritionnel. Cette atteinte pulmonaire peut évoluer vers une absence totale de symptôme ou vers une dysplasie bronchopulmonaire (DBP) de sévérité variable. La DBP a été décrite en 1967 par Northway et al. comme une conséquence de l’oxygénothérapie et de la ventilation assistée chez les enfants prématurés atteints de maladie des membranes hyalines (1). Sur le plan histologique, le poumon se caractérisait alors par des anomalies structurales des bronches terminales, une musculeuse épaissie, un parenchyme hétérogène associant zones d’emphysème, de comblement alvéolaire et de fibrose. Grâce aux * Service de pneumologie pédiatrique ; centre de référence des maladies respiratoires rares, hôpital ArmandTrousseau, Paris. La Lettre du Pneumologue • Vol. XIII - n° 2 - mars-avril 2010 | 53 Points forts Mots-clés Œdème pulmonaire Hyperréactivité bronchique HTAP Décompensations infectieuses Corticothérapie Highlights »» The initial severity of bronchopulmonary dysplasia (BPD) [defined as the level of oxygen requirement at 36 weeks gestational age if born before 32 weeks, or at 56 days if born at/after 32 weeks] gives a good prediction of long term evolution. »» The first 2 years, especially in winter, are at high risk of severe decompensation, usually post infectious. The symptomatology includes the pulmonary oedema, the bronchial hyperreactivity and the pulmonary hypertension. »» The long term evolution is usually good. The most severe patients will be asthmatic even in adulthood. »» The BPD care will need: eviction of the aggravating factors, anti-RSV immunotherapy, oxygen therapy, diuretics, bronchodilatators, corticosteroids that need to be used at minimal dose. Keywords Pulmonary oedema Bronchial hyperreactivity Pulmonary hypertension Infectious decompensations Corticosteroid »» La sévérité initiale de la dysplasie bronchopulmonaire (DBP) [déterminée par les besoins en oxygène à 36 semaines d’aménorrhée (SA) pour une naissance avant 32 SA, ou à 56 jours pour une naissance à partir de 32 SA] est un bon reflet de l’évolution à moyen et long termes. »» Les 2 premières années, notamment l’hiver, sont à haut risque de décompensations sévères, le plus souvent d’origine infectieuse. La pathogénie inclut l’œdème pulmonaire, l’hyperréactivité bronchique et l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). »» L’évolution à long terme est satisfaisante. Un asthme à l’âge adulte persistera dans les cas les plus sévères. »» La prise en charge de la DBP associe une éviction des facteurs aggravants, une immunothérapie anti-VRS, une oxygénothérapie, des diurétiques, des bronchodilatateurs et une corticothérapie, qui doit être limitée aux doses minimales efficaces. progrès thérapeutiques (surfactant exogène, corticothérapie) et à une diminution de la iatrogénie (amélioration des techniques de ventilation, limitation de l’oxygénothérapie), des enfants de plus en plus prématurés et hypotrophes survivent, et les lésions pulmonaires sont modifiées. Depuis 1998 est décrite la “nouvelle DBP” caractérisée par la prédominance de l’atteinte alvéolaire (alvéoles moins nombreuses et plus grandes par défaut de septation, développement moindre du lit capillaire alvéolaire) et par la diminution de l’atteinte des voies aériennes (2). La DBP se définit aujourd’hui par une oxygénodépendance à 28 jours de vie. Sa sévérité est définie par le niveau d’oxygénodépendance à 36 SA pour une naissance avant 32 SA, ou à 56 jours de vie pour une naissance à partir de 32 SA (tableau I) [3]. Cette définition fondée uniquement sur la durée d’oxygénothérapie est critiquable, mais le niveau de sévérité est un bon reflet de l’évolution à moyen et long termes. En France, l’incidence de la prématurité (naissance avant 37 SA) et de la grande prématurité (naissance avant 32 SA) est en constante augmentation : respectivement 4,8 % et 1,0 % en 1998, 7,2 et 1,8 % en 2003. Environ 55 000 enfants naissent prématurément chaque année en France. Le taux de DBP reste étroitement lié au degré de prématurité : 67 % des enfants pour un poids de naissance (PN) inferieur à 750g, 30% pour un PN allant de 750 g à 1 200 g, 1 % pour un PN compris entre 1 200 g et 1 500 g (4). L’incidence de la DBP est globalement stable, mais celle de la DBP sévère est en décroissance (– 11 % par an entre 1994 et 2002 aux ÉtatsUnis) [5]. Tableau I. Définition de la dysplasie bronchopulmonaire. Oxygénodépendance à 28 jours de vie ET Âge gestationnel < 32 SA ≥ 32 SA Point d’évaluation 36 SA 56 j de vie DBP légère Air ambiant DBP modérée DBP sévère Besoin O2 < 30 % Besoin O2 ≥ 30 % ou pression positive DBP : dysplasie bronchopulmonaire ; SA : semaine d’aménorrhée. 54 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIII - n° 2 - mars-avril 2010 Évolution En l’absence de DBP ou en cas de DBP légère, l’évolution à moyen et long termes est très favorable. Les patients sont asymptomatiques, mais gardent une susceptibilité aux infections et un risque accru de décompensation éventuellement sévère. En cas de DBP modérée à sévère, l’évolution à moyen et long termes est marquée par une détresse respiratoire chronique plus ou moins sévère, associant une part de surcharge pulmonaire par œdème lésionnel et une part de spasticité par hyperréactivité bronchique. Cette symptomatologie chronique sera entrecoupée de décompensations par poussées d’œdème pulmonaire, d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) ou de bronchospasme. D’une manière générale, on peut considérer les 2 premières années de vie (notamment les 2 premiers hivers) comme la période à haut risque de décompensation aiguë. Durant ces 2 premières années, le taux d’hospitalisations est d’environ 50 % pour les enfants nés prématurés avec une DBP sévère, de 25 % pour les enfants nés prématurés sans DBP et de 3 % pour les enfants nés à terme sans DBP (tableau II) [6-8]. Le taux d’hospitalisations est identique pour l’“ancienne” et la “nouvelle” DBP (9). Les causes d’hospitalisations avant l’âge de 2 ans des enfants nés prématurés sont respiratoires dans 35 à 65 % des cas, principalement d’origine infectieuse, avec présence du virus respiratoire syncytial (VRS) dans 14 % des cas (10, 11). L’état de ces patients s’améliorera progressivement, notamment grâce à la fabrication régulière de parenchyme pulmonaire sain et à l’augmentation de la surface d’échange gazeux dans les premières années de vie. À long terme, le taux d’hospitalisations est le même quel que soit le terme de naissance ou les antécédents de DBP (12). Mais, plusieurs études montrent qu’une hyperréactivité bronchique persiste jusqu’à l’âge adulte chez les anciens prématurés, notamment s’ils ont présenté une DBP : wheezing, toux chronique, essoufflement, recours aux bronchodilatateurs (tableau III) [6, 12]. Sur le plan radiologique, la caractéristique principale du poumon des enfants nés prématurés est l’hétérogénéité du parenchyme. Elle associe zones de distension ou d’emphysème, zones d’atélectasies, opacités peu systématisées et fibroses localisées (figures 1-3, p. 56). MISE AU POINT Tableau II. Hospitalisations avant 2 ans. Gross, 1998 (6) Études Pas de DBP à terme Population Pas de DBP ≤ 32 SA Chien, 2002 (7) DBP modérée ≤ 32 SA DBP sévère < 1 000 g Pas de DBP < 1 000 g Taux d’ hospitalisation à 1 an Taux d’ hospitalisation à 2 ans Smith, 2004 (8) Pas de DBP ≤ 32 SA DBP modérée ≤ 32 SA 309/1 359 (23 %) 3/108 (3 %) 14/53 (26 %) 23/43 (53 %) 17/27 (63 %) 118/238 (49 %) 17/20 (85 %) Tableau III. Évolution clinique. Études Gross,1998 (6) Vrijlandt, 2005 (12) 7 ans 19 ans Âge Population Terme de naissance ≤ 32 SA Terme de naissance ≤ 32 SA Terme de naissance ≤ 32 SA Terme de naissance ≤ 32SA et/ou PN ≤ 1 500 g et/ou PN ≤ 1 500 g Antécédent de DBP Non DBP modérée Non DBP modérée Critères augmentés (p < 0,05) par rapport aux patients nés à terme et eutrophes Wheezing, toux chronique Wheezing, toux chronique, pneumonie, utilisation de β2+ Wheezing aigu, gêne à l’effort, asthme Wheezing persistant, wheezing aigu - gêne à l’effort, asthme PN : poids de naissance. Tableau IV. Évolution des explorations fonctionnelles respiratoires. Absence de DBP Études Gross, 1998 (6) DBP légère DBP modérée DBP sévère Koumbourlis, 1996 (13) Gross, 1998 (6) Doyle, 1996 (14) Halvorsen, 2004 (15) Robin, 2004 (16) 1 100 g 1 173 g 1 000 g 887 g 900 g Jacob, 1998 (17) PN 1 179 g 1 100 g Terme 28 SA 29 SA 28 SA 27 SA 27 SA 26,4 SA 28 SA VM/O2 6 j/7 j 10 j/40 j 34 j/77 j 23 j/85 j 25 j/72 j 51 j/306 j 56 j/631 j Âge à l’évaluation 7 ans 8 ans 15 ans 7 ans 11 ans 17,7 ans 5,6 ans 10 ans CV 104 % 95 % 103 % 93% – 101 % 91 % 83 % VEMS 98 % 98 % 97 % 83% 89 % 87 % 76 % 63 % DEM25-75 84 % 73 % 77 % 66% 75 % 78 % 74 % 40 % VR 130 % 125 % 113 % 133% 104 % 123 % 124 % 180 % CV : capacité vitale ; DEM : débit expiratoire médian ; PN : poids de naissance ; VEMS : volume expiratoire maximal par seconde ; VM/O2 : durée de ventilation mécanique/ durée d’oxygénothérapie à la naissance ; VR : volume résiduel. Ces lésions s’améliorent progressivement, avec une corrélation radiographie/clinique assez pauvre. Le suivi radiologique est donc peu informatif en dehors de la recherche de cause aiguë de décompensation. La comparaison aux clichés antérieurs est indispensable pour l’interprétation radiologique. Sur le plan fonctionnel, le suivi est fondé sur la pléthysmographie, la spirométrie et les épreuves d’effort. La spirométrie utilise les techniques classiques à partir de 5-7 ans, les techniques d’oscillations forcées et d’interruption de débit à partir de 3 ans et, éventuellement, la technique de compression thoraco-abdominale avant 3 ans. Les épreuves d’effort sont pratiquées à partir de 5-7 ans et utilisent principalement la consommation maximale d’oxygène du corps par minute (VO2max) et le seuil ventilatoire (mesure de l’aptitude aérobie du patient). Ces mesures ayant l’avantage d’être reproductibles, sont intéressantes pour le suivi. Elles permettent de dépister des lésions minimes et d’évaluer le handicap social et la qualité de vie. Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) des enfants nés prématurés peuvent montrer un syndrome obstructif prédominant en distal, une distension thoracique, une diminution de la compliance, une hyperréactivité bronchique parfois réversible et une baisse de la tolérance à l’effort. La fonction respiratoire se normalise progressivement avec l’âge, et les derniers critères à se normaliser sont les débits distaux et le volume résiduel (VR) [tableau IV]. En l’absence de DBP ou en cas d’antécédent de DBP légère, la fonction respiratoire est normale à long terme (6, 13). En cas d’antécédent de DBP modérée, la fonction respiratoire à long terme est peu patholoLa Lettre du Pneumologue • Vol. XIII - n° 2 - mars-avril 2010 | 55 MISE AU POINT Naissance prématurée : évolution et prise en charge respiratoire après la période néonatale Références bibliographiques 1. 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V rijlandt E, Gerritsen J, Boezen HM, Duiverman EJ and à l’âge adulte, avec un syndrome obstructif important (VEMS entre 63 et 76 % de la valeur théorique) et une distension thoracique (VR entre 124,5 et 180 % de la valeur théorique) [16, 17]. Les épreuves d’effort montrent des atteintes fonctionnelles peu liées à la sévérité initiale de la DBP, mais qui sont dans la majorité des cas subnormales à l’âge scolaire (18). Prise en charge Figure 1. DBP sévère chez un enfant âgé de 1 an. Figure 2. DBP sévère chez un enfant âgé de 2 ans. Figure 3. DBP sévère chez un enfant âgé de 6 ans. gique : volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) normal, diminution des débits distaux (DEM25-75 entre 66 et 75 % de la valeur théorique) et, éventuellement, distension thoracique minime (VR entre 104 et 133 % de la valeur théorique) [6, 14, 15]. Ces anomalies se normalisent à l’âge adulte (15). En cas d’antécédent de DBP sévère, la fonction respiratoire reste pathologique 56 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIII - n° 2 - mars-avril 2010 Les patients nés prématurés nécessitent une évaluation clinique et fonctionnelle régulière. Certaines règles de vie sont indispensables : éviction du tabac, mise en collectivité après 6 mois, éviction des malades contagieux de l’entourage, vaccinations antipneumococcique et antigrippale. À chaque consultation, le médecin doit rechercher, en complément de son examen pulmonaire, une hypertension artérielle (HTA), une pathologie ORL (amygdales volumineuses, infections ORL récidivantes), des troubles de la déglutition, un reflux gastro-œsophagien, des difficultés alimentaires qui sont souvent les premiers signes d’une gêne respiratoire et une limitation de l’activité physique. Il doit impérativement évaluer la croissance (effets indésirables d’une corticothérapie, dénutrition par difficultés alimentaires et hypercatabolisme, résistance à la GH (hormone de croissance) des enfants hypercapniques chroniques). L’immunothérapie anti-VRS par palivizumab (Synagis®) a vu ses indications restreintes récemment par la Haute Autorité de santé (19). Elle est administrée en injection intramusculaire de 15 mg/kg toutes les 4 semaines d’octobre à février (5 injections au total). Les indications sont, en France : – enfant né à 32 SA ou moins, âgé de moins de 6 mois au début de l’épidémie de VRS et présentant une DBP ; – enfant né à 32 SA ou moins, âgé de moins de 2 ans au début de l’épidémie de VRS, présentant une DBP ayant nécessité un traitement dans les 6 derniers mois ; – enfant âgé de moins de 2 ans au début de l’épidémie de VRS et présentant une cardiopathie congénitale avec retentissement hémodynamique. Les décompensations aiguës des patients nés prématurés, ayant ou non présenté une DBP, sont potentiellement sévères et brutales, notamment pour les nourrissons les plus jeunes. Elles sont le plus souvent d’origine infectieuse, et nécessitent la réalisation des examens suivants : bilan inflammatoire, bilan microbiologique (recherche de virus et mycoplasme sur sécrétions nasales, hémoculture en cas de fièvre, etc.), gaz du sang ainsi que radiographie de thorax à MISE AU POINT comparer aux clichés antérieurs. Une hospitalisation est préférable. La prise en charge associe un traitement symptomatique (désobstruction rhinopharyngée, kinésithérapie respiratoire, oxygénothérapie ou assistance ventilatoire, arrêt éventuel de l’alimentation, etc.) et éventuellement anti-infectieux (antibiotique, antiviral, immunothérapie anti-VRS hors AMM). En cas de DBP, un traitement spécifique peut être indiqué : – en cas de surcharge pulmonaire : furosémide (Lasilix®) 1 mg/kg en intraveineux direct, à renouveler si besoin, et restriction hydrique ; – en cas de signes spastiques : aérosols de salbutamol (Ventoline®) et/ou d’ipratropium (Atrovent®) dont les fréquences et les durées dépendent de la sévérité et de l’évolution (aucune étude n’a cependant pu démontrer leur efficacité dans ce cadre) ; – quel que soit le mode de décompensation : corticothérapie courte (3 à 5 jours) à 2 mg/kg x 1/j. En cas de DBP symptomatique (symptomatologie chronique, décompensations répétées, hospitalisation), un traitement de fond peut être proposé. Il doit être adapté en permanence à l’évolution clinique du patient, qui, nécessairement, associera des périodes d’aggravation et d’amélioration. Les thérapeutiques à proposer sont : – une oxygénothérapie à domicile en cas d’hypoxie persistante ou d’HTAP. La durée quotidienne (souvent supérieure à 15 h/j) et le débit (souvent faible, inferieur à 1 l/mn) sont adaptés pour une oxymétrie transcutanée cible supérieure à 92 %. Cette oxymétrie est contrôlée 1 fois par mois, éventuellement à domicile, par un enregistrement continu durant des phases d’éveil, d’alimentation et de sommeil (20) ; – une ventilation non invasive en cas d’insuffisance respiratoire chronique sévère hypercapnique ; – des bronchodilatateurs (salbutamol, terbutaline) en cas de symptomatologie spastique. Son efficacité est très variable d’un patient à l’autre, et doit être vérifiée cliniquement avant d’être poursuivie. Son intérêt peut être étayé par des EFR, bien qu’elles soient difficiles à réaliser chez les nourrissons. Les posologies ou les modalités d’administration (nébulisations, aérosol doseurs) sont identiques à celles de la bronchite chronique obstructive (BPCO) ; – une corticothérapie. Elle doit être facilement prescrite dans la première année de vie, puis en cas de dysplasie sévère (plus de 3 épisodes de dyspnée par an, corticothérapie courte, à forte dose et fréquente). Il convient de privilégier les nébulisations aux voies générales et de chercher la posologie minimale efficace. Le praticien doit garder en tête les risques majeurs d’effets indésirables des doses cumulées reçues par les patients atteints de DBP : diminution de l’alvéolisation pulmonaire, HTA, rétinopathie, anomalie neurologique à long terme, retard de croissance, diabète. Les posologies ou les modalités d’administration (voie orale, nébulisations, aérosol doseurs) sont identiques à celles de l’asthme (21) ; – des diurétiques en cas de surcharge pulmonaire chronique ou de décompensations répétées. La spironolactone (Aldactone®, 5 mg/kg/j en 2 prises) a montré son efficacité sur la fonction respiratoire et l’oxygénodépendance dans la première année de vie (22). En seconde intention, l’hydrochlorothiazide (Esidrex®) peut être proposé. La nature et la fréquence du suivi dépendent de l’âge, de la sévérité initiale et de l’évolution clinique. En l’absence de DBP, les enfants nés prématurés ne nécessitent pas de suivi pneumologique spécifique. En cas de DBP, un suivi pneumologique est souhaitable durant les 2 premières années de vie, les plus à risque de décompensations. Les enfants peu ou non symptomatiques nécessitent un suivi pneumologique tous les 4 à 6 mois dans les 2 premières années de vie. Les enfants les plus symptomatiques (traitement de fond, symptomatologie chronique, décompensations répétées, hospitalisations, etc.) ont besoin d’un suivi pneumologique au long cours, tous les 2 à 3 mois dans la première année de vie, puis selon l’évolution. Au-delà de 2-3 ans, seuls les enfants encore symptomatiques nécessitent un suivi particulier, qui sera identique à celui d’un enfant asthmatique. Le rôle du scanner thoracique est controversé et réservé aux enfants les plus symptomatiques étant donné le peu d’impact thérapeutique. De même, en cas de persistance des symptômes respiratoires, des EFR peuvent êtres proposées dès 3-4 ans (mesure des volumes et résistances) et vers 5-7 ans pour des EFR complètes. Conclusion Les conséquences pulmonaires de la prématurité se sont modifiées avec l’arrivée de la “nouvelle DBP”. Ces conséquences ne sont plus seulement la DBP des 2 premières années de vie, mais une “maladie pulmonaire chronique postnéonatale” évoluant jusqu’à l’âge adulte. En effet, la définition de la DBP fondée sur l’unique oxygénodépendance est aujourd’hui très critiquée, notamment parce qu’elle rassemble sous un même nom des pathologies très différentes dans leur présentation et leur évolution. Une meilleure compréhension du développement pulmonaire et des mécanismes d’agression permettra de développer de nouveaux axes thérapeutiques. Il s’agit notamment de diminuer une corticothérapie, certes efficace, mais dont les effets délétères à long terme sont de mieux en mieux connus. ■ the Dutch POPS-19 Collaborative Study Group. Gender differences in respiratory symptoms in 19 years old adults born preterm. Respir Res 2005;13;6:117. 13. Koumbourlis AC, Motoyama EK, Mutich RL et al. Longitudinal follow-up of lung function from childhood to adolescence in prematurely born patients with neonatal chronic lung disease. Pediatr Pulmonol 1996;21(1):2834. 14.Doyle LW, Ford GW, Olinsky A, Knoches AM, Callanan C. Bronchopulmonary dysplasia and very low birthweight: lung function at 11 years of age. J Paediatr Child Health 1996;32(4):339-43. 15. H alvorsen T, Skadberg BT, Eide GE et al. Pulmonary outcome in adolescents of extreme preterm birth: a regional cohort study. Acta Paediatr 2004;93(10):1294-300. 16.Robin B, Kim YJ, Huth J et al. Pulmonary function in bronchopulmonary dysplasia. Pediatr Pulmonol 2004; 37(3):236-42. 17. 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