Médecine
& enfance
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MODE DE PRÉSENTATION
L’ostéome ostéoïde est la tumeur osseu-
se bénigne ostéogène la plus fréquente
chez l’enfant et apparaît le plus souvent
entre cinq et vingt ans. Il affecte plus le
garçon que la fille avec un ratio de 3/1.
Les patients se présentent très souvent
avec des douleurs osseuses localisées,
classiquement plus intenses la nuit et
les réveillant très fréquemment.
Les douleurs peuvent être très invali-
dantes, entraînant une boiterie modé-
rée jusqu’à d’importantes difficultés à la
marche si la tumeur atteint un membre
inférieur. En cas d’atteinte de la colonne
vertébrale, surtout thoracique, plus
d’un patient sur deux développe une
scoliose antalgique.
La tumeur se développe principalement
au niveau des os longs, avec une prédo-
minance pour les membres inférieurs,
même si 10 à 25 % des cas ont été dé-
crits au niveau de la colonne vertébrale.
Les membres supérieurs peuvent être
atteints, mais beaucoup plus rarement.
Les patients associent souvent le début
de leurs douleurs à un traumatisme plus
ou moins récent, ce qui retarde d’autant
le diagnostic [4-5].
MÉTHODES
DIAGNOSTIQUES
Le diagnostic de certitude est fait par
l’imagerie : différents examens complé-
mentaires sont disponibles, chacun avec
ses avantages et ses inconvénients.
La radiographie conventionnelle (figure
1), ciblée sur la zone douloureuse, suffit
la plupart du temps. On observe une zo-
ne de sclérose osseuse, réactionnelle,
autour d’un nidus radio-transparent
parfois très petit et pouvant de ce fait
passer inaperçu. Dans plus de la moitié
des cas, le nidus présente une calcifica-
tion centrale ou est complètement os-
téolytique ; il est plus rare que le nidus
soit entièrement calcifié et radio-
opaque. Cette radiographie simple est
toutefois moins sensible lorsque l’ostéo-
me ostéoïde est localisé au niveau des
os plats ou de la colonne vertébrale, ou
s’il est proche d’une articulation, voire
intra-articulaire. La sclérose réaction-
nelle peut alors être très faible et même
absente.
La scintigraphie osseuse (figure 2) a éga-
lement sa place, montrant une zone
d’hyperfixation au niveau du nidus. Il
s’agit plutôt d’un examen de dépistage,
car la localisation de la tumeur n’est pas
suffisamment précise et nécessite un
autre examen d’imagerie pour préciser
ses rapports anatomiques.
La tomodensitométrie (figure 3) reste
l’examen de choix pour diagnostiquer et
localiser avec précision un ostéome os-
téoïde, en particulier si la lésion se trou-
ve dans des régions peu accessibles
comme la colonne vertébrale, les os
plats ou les articulations. Cet examen
doit être programmé en coupes suffi-
samment fines pour ne pas ignorer de
petits nidus, parfois de quelques milli-
mètres d’épaisseur seulement.
Une imagerie par résonance magnétique
nucléaire pourrait aider au diagnostic
en évitant l’irradiation de la tomodensi-
tométrie, mais les clichés obtenus sont
souvent aspécifiques et ne permettent
pas toujours à eux seuls de confirmer le
diagnostic. Le nidus donne un léger si-
gnal en pondération T1, plus marqué en
pondération T2. La sclérose réactionnel-
le est toujours en hyposignal. Après in-
jection de gadolinium, on peut observer
un rehaussement du nidus.
Enfin, l’efficacité antalgique de l’acide
acétylsalicylique a une valeur diagnos-
tique quasi pathognomonique de la tu-
meur [6-7].
TRAITEMENT
Le traitement de première intention de
l’ostéome ostéoïde est conservateur,
médicamenteux, et repose sur la prise
prolongée d’antalgiques. L’acide acétyl-
salicylique a montré un effet antalgique
nettement supérieur aux autres médica-
ments. Cette efficacité est vraisembla-
blement liée à la présence en quantité
très importante de prostaglandines au
niveau de la tumeur, de l’ordre de cent
à mille fois plus que la normale.
Il est possible d’arrêter le traitement
médicamenteux après quelques années
(en moyenne cinq à six ans), l’évolution
naturelle étant l’involution, surtout si
L’ostéome ostéoïde est la tumeur osseuse bénigne la plus fré-
quente en pédiatrie. Son diagnostic est facile à évoquer de-
vant des douleurs importantes, souvent localisées au niveau
des membres inférieurs et réveillant l’enfant ou l’adolescent
par leur intensité. La prise en charge bien standardisée, médi-
camenteuse en première intention, puis éventuellement chi-
rurgicale, est souvent différée à cause d’un diagnostic tardif.
L’ostéome ostéoïde de l’enfant :
quand y penser ? comment traiter ?
E. Bodart, service de pédiatrie, Université catholique de Louvain, CHU Dinant-Godinne, Yvoir, Belgique
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Figure 1
Radiographie de hanche : ostéome
visualisé au niveau de de la branche
ischiopubienne gauche
Figure 2
Scintigraphie osseuse : ostéome
suspecté (hyperfixation) en regard du
tibia droit
des anti-inflammatoires non stéroïdiens
sont associés à l’acide acétylsalicylique.
Si les médicaments antalgiques ne per-
mettent pas le contrôle des douleurs, la
destruction du nidus doit être envisa-
gée, par excision chirurgicale classique
ou par voie percutanée. Le taux de suc-
cès de ces deux techniques est compa-
rable [1-3].
La chirurgie d’exérèse est néanmoins
délicate si le nidus mesure moins de un
centimètre de diamètre, car il est alors
difficile à localiser avec précision. En
outre, pour être complète, l’exérèse doit
être large et emporte du tissu sain, ce
que permet d’éviter le traitement par
électrocoagulation sous contrôle tomo-
densitométrique par voie percutanée.
Ce dernier ne nécessite par ailleurs
qu’une courte hospitalisation et pour-
rait même être réalisé en chirurgie am-
bulatoire dans une structure de jour. Il
permet aussi un retour aux activités ha-
bituelles, en particulier sportives, plus
rapide. Les douleurs disparaissent en
une à deux semaines. L’inconvénient
principal de cette technique est néan-
moins la récidive des douleurs dans 5 à
10 % des cas, du fait de la résection in-
complète du nidus ou de la présence de
plusieurs nidus. Les douleurs réappa-
raissent classiquement quelques mois
après l’intervention. Une deuxième
séance d’électrocoagulation peut alors
être programmée. On réserve aujour-
d’hui la chirurgie d’exérèse aux os-
téomes ostéoïdes inaccessibles à l’élec-
trocoagulation ou aux cas de rechutes
répétées après électrocoagulation.
D’autres méthodes de traitement percu-
tané ont été décrites, jugées moins inva-
sives que la chirurgie d’exérèse, comme
la photocoagulation au laser ou l’alcoo-
lisation du nidus. Cette dernière métho-
de n’est néanmoins pas sans risque, car
elle peut entraîner une fragilité osseuse
et des lésions de nécrose de voisinage
par extravasation de l’éthanol.
Afin d’éviter une exérèse incomplète ou
trop large en cas de traitement chirurgi-
cal classique, une localisation isoto-
pique peropératoire peut s’avérer utile.
Un marqueur isotopique de la classe des
diphosphonates, radiomarqué au tech-
nétium 99, est injecté au patient avant
l’intervention. Ce marqueur se fixe au
niveau du nidus, qui peut être repéré fa-
cilement en peropératoire grâce à l’utili-
sation d’une sonde de détection. Un
contrôle en fin d’intervention permet de
s’assurer que la totalité du nidus a été
emporté. Une grande prudence est
néanmoins nécessaire dans son utilisa-
tion quand l’ostéome ostéoïde est situé
à côté d’un cartilage de croissance ou en
intra-articulaire, car le marqueur isoto-
pique se fixe au niveau des cartilages de
croissance [8-14].
CONCLUSION
Le diagnostic d’ostéome ostéoïde doit
être rapidement évoqué devant des
douleurs des membres inférieurs ré-
veillant l’enfant ou l’adolescent. Ce
diagnostic peut être confirmé par une
radiographie conventionnelle ciblée
sur la zone douloureuse, même si
d’autres examens (scintigraphie osseu-
se, tomodensitométrie) s’avèrent par-
fois nécessaires. L’acide acétylsalicy-
lique est le traitement antalgique de
première intention et sert aussi de test
diagnostique. En cas de persistance des
Figure 3
Tomodensitométrie : ostéome au niveau
du tibia droit
Résumé
L’ostéome ostéoïde est une tu-
meur osseuse bénigne, dont le diagnostic
est souvent retardé malgré une symptoma-
tologie typique : des douleurs localisées
principalement au niveau des membres in-
férieurs se majorant au cours de la nuit et
réveillant l’enfant. Le diagnostic une fois
posé, le traitement par l’acide acétylsalicy-
lique (aspirine) a bien fait la preuve de son
efficacité antalgique, et la tumeur peut
spontanément involuer.
Si la douleur n’est pas suffisamment contrô-
lée par l’acide acétylsalicylique, éventuelle-
ment couplé à des anti-inflammatoires non
stéroïdiens, l’enfant peut être traité de ma-
nière chirurgicale, avec ou sans repérage
isotopique préalable, ou par électrocoagula-
tion percutanée sous contrôle tomodensito-
métrique. Le taux de succès de ces deux
techniques est comparable.
Mots clés
Ostéome ostéoïde, diagnostic,
prise en charge.
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douleurs, le patient devrait être référé à
une structure de radiologie interven-
tionnelle pour bénéficier d’une électro-
coagulation percutanée, alternative à la
chirurgie d’exérèse, même en cas de ré-
cidive, en raison de son caractère moins
agressif et de son faible taux de compli-
cations. Lorsqu’une chirurgie d’excision
est nécessaire, une détection isotopique
peropératoire prudente permet d’em-
porter la totalité du nidus sans toucher
au tissu sain.
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