Médecine
& enfance
mai 2014
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MODE DE PRÉSENTATION
L’ostéome ostéoïde est la tumeur osseu-
se bénigne ostéogène la plus fréquente
chez l’enfant et apparaît le plus souvent
entre cinq et vingt ans. Il affecte plus le
garçon que la fille avec un ratio de 3/1.
Les patients se présentent très souvent
avec des douleurs osseuses localisées,
classiquement plus intenses la nuit et
les réveillant très fréquemment.
Les douleurs peuvent être très invali-
dantes, entraînant une boiterie modé-
rée jusqu’à d’importantes difficultés à la
marche si la tumeur atteint un membre
inférieur. En cas d’atteinte de la colonne
vertébrale, surtout thoracique, plus
d’un patient sur deux développe une
scoliose antalgique.
La tumeur se développe principalement
au niveau des os longs, avec une prédo-
minance pour les membres inférieurs,
même si 10 à 25 % des cas ont été dé-
crits au niveau de la colonne vertébrale.
Les membres supérieurs peuvent être
atteints, mais beaucoup plus rarement.
Les patients associent souvent le début
de leurs douleurs à un traumatisme plus
ou moins récent, ce qui retarde d’autant
le diagnostic [4-5].
MÉTHODES
DIAGNOSTIQUES
Le diagnostic de certitude est fait par
l’imagerie : différents examens complé-
mentaires sont disponibles, chacun avec
ses avantages et ses inconvénients.
La radiographie conventionnelle (figure
1), ciblée sur la zone douloureuse, suffit
la plupart du temps. On observe une zo-
ne de sclérose osseuse, réactionnelle,
autour d’un nidus radio-transparent
parfois très petit et pouvant de ce fait
passer inaperçu. Dans plus de la moitié
des cas, le nidus présente une calcifica-
tion centrale ou est complètement os-
téolytique ; il est plus rare que le nidus
soit entièrement calcifié et radio-
opaque. Cette radiographie simple est
toutefois moins sensible lorsque l’ostéo-
me ostéoïde est localisé au niveau des
os plats ou de la colonne vertébrale, ou
s’il est proche d’une articulation, voire
intra-articulaire. La sclérose réaction-
nelle peut alors être très faible et même
absente.
La scintigraphie osseuse (figure 2) a éga-
lement sa place, montrant une zone
d’hyperfixation au niveau du nidus. Il
s’agit plutôt d’un examen de dépistage,
car la localisation de la tumeur n’est pas
suffisamment précise et nécessite un
autre examen d’imagerie pour préciser
ses rapports anatomiques.
La tomodensitométrie (figure 3) reste
l’examen de choix pour diagnostiquer et
localiser avec précision un ostéome os-
téoïde, en particulier si la lésion se trou-
ve dans des régions peu accessibles
comme la colonne vertébrale, les os
plats ou les articulations. Cet examen
doit être programmé en coupes suffi-
samment fines pour ne pas ignorer de
petits nidus, parfois de quelques milli-
mètres d’épaisseur seulement.
Une imagerie par résonance magnétique
nucléaire pourrait aider au diagnostic
en évitant l’irradiation de la tomodensi-
tométrie, mais les clichés obtenus sont
souvent aspécifiques et ne permettent
pas toujours à eux seuls de confirmer le
diagnostic. Le nidus donne un léger si-
gnal en pondération T1, plus marqué en
pondération T2. La sclérose réactionnel-
le est toujours en hyposignal. Après in-
jection de gadolinium, on peut observer
un rehaussement du nidus.
Enfin, l’efficacité antalgique de l’acide
acétylsalicylique a une valeur diagnos-
tique quasi pathognomonique de la tu-
meur [6-7].
TRAITEMENT
Le traitement de première intention de
l’ostéome ostéoïde est conservateur,
médicamenteux, et repose sur la prise
prolongée d’antalgiques. L’acide acétyl-
salicylique a montré un effet antalgique
nettement supérieur aux autres médica-
ments. Cette efficacité est vraisembla-
blement liée à la présence en quantité
très importante de prostaglandines au
niveau de la tumeur, de l’ordre de cent
à mille fois plus que la normale.
Il est possible d’arrêter le traitement
médicamenteux après quelques années
(en moyenne cinq à six ans), l’évolution
naturelle étant l’involution, surtout si
L’ostéome ostéoïde est la tumeur osseuse bénigne la plus fré-
quente en pédiatrie. Son diagnostic est facile à évoquer de-
vant des douleurs importantes, souvent localisées au niveau
des membres inférieurs et réveillant l’enfant ou l’adolescent
par leur intensité. La prise en charge bien standardisée, médi-
camenteuse en première intention, puis éventuellement chi-
rurgicale, est souvent différée à cause d’un diagnostic tardif.
L’ostéome ostéoïde de l’enfant :
quand y penser ? comment traiter ?
E. Bodart, service de pédiatrie, Université catholique de Louvain, CHU Dinant-Godinne, Yvoir, Belgique