temps que sa voix redevienne normale.
Trois heures après l’admission à l’hôpi-
tal, six heures après avoir consommé de
l’arachide, il rentre après avis médical à
son domicile.
Observation 3. Louis, onze ans, présente
une allergie alimentaire à l’arachide. Le
dernier incident (urticaire locale puis
gêne inspiratoire) a été provoqué par le
« bisou » d’un adulte ayant mangé de
l’arachide et remonte à 2004. Nous
n’avons plus de nouvelles de Louis de-
puis deux ans, quand, courant 2009, il
est admis aux urgences en état de choc
anaphylactique. Trente minutes après le
repas, Louis a présenté des maux de
gorge et une gêne respiratoire. Il a reçu
rapidement de la loratadine et du salbu-
tamol. Mais des vomissements en jet et
une urticaire diffuse sont apparus, et
l’enfant a perdu connaissance. Le père
de Louis s’apprêtait à lui faire une injec-
tion d’Anapen®, mais a dû y renoncer
car il a constaté que le produit était pé-
rimé. Il a donc, en quelques minutes,
transporté l’enfant aux urgences de
l’hôpital, où l’enfant a récupéré rapide-
ment après injection d’adrénaline et
remplissage vasculaire. L’aliment res-
ponsable de l’accident était du soja
contenu dans des nuggets. Au décours
de cet accident, l’éducation à la gestion
de l’allergie alimentaire est reprise, tant
chez l’enfant que chez les parents. Le
projet d’accueil individualisé est réacti-
vé. Deux mois plus tard, à l’école, après
un repas ne contenant théoriquement
pas d’allergène, l’enfant présente, lors
d’un effort, un prurit diffus, une rou-
geur du dos des mains, une gêne respi-
ratoire. Il prévient les enseignants, de-
mande les médicaments de sa trousse
d’urgence et souhaite se faire son Ana-
pen®, ce qui lui est refusé. Les ensei-
gnants appellent les pompiers, qui au-
raient confirmé l’inutilité de l’injection
d’adrénaline. L’enfant est transporté
aux urgences… où il reçoit immédiate-
ment une injection intramusculaire
d’adrénaline ; l’amélioration est specta-
culaire.
Chacune de ces observations illustre
une carence particulière dans la prise
en charge de l’anaphylaxie.
Médecine
& enfance
octobre 2011
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DISCUSSION
Il ne s’agit pas de stigmatiser les ser-
vices d’urgences et de régulation fran-
çais ; leur travail quotidien est difficile
et remarquable. Ces observations ne
sont pas exceptionnelles, elles ne sont
qu’un échantillon de notre pratique
quotidienne. Les difficultés rencontrées
dans la reconnaissance de l’anaphylaxie
et sa gestion en phase aiguë ne sont pas
propres à la France. Dans une revue de
la littérature, à travers une sélection de
59 études, Kastner et al. relèvent 202
« défaillances » (« gaps ») dans la gestion
de l’anaphylaxie. Les problèmes concer-
nent la reconnaissance et la gestion de
l’anaphylaxie par les patients et les mé-
decins, mais aussi le suivi de l’anaphy-
laxie par les médecins [1].
Les différentes recommandations ont
toutes adopté la même définition de
l’anaphylaxie [2-4] (voir tableau). Ainsi
l’anaphylaxie ne se limite pas au choc
anaphylactique. Dans son expression la
plus modérée, l’anaphylaxie peut
consister en la survenue, après l’exposi-
tion à un allergène connu du patient,
d’un prurit et de vomissements.
Cette définition est importante, car, dans
tous les cas d’anaphylaxie, une injection
intramusculaire d’adrénaline doit être
réalisée. Les recommandations euro-
péennes chez l’enfant précisent que c’est
uniquement en cas d’urticaire ou d’an-
gio-œdème isolé qu’un antihistaminique
seul peut être administré [2] ; mais il est
indiqué que, dans cette situation, il faut
envisager l’injection d’adrénaline s’il
existe des antécédents de réac tion sévère
ou d’asthme associé, et surveiller l’enfant
pendant quatre heures car les signes cu-
tanés isolés peuvent être le signe précoce
d’une anaphylaxie plus grave.
Les traitements associés à l’adrénaline
dépendent des signes : oxygène, rem-
plissage vasculaire, nébulisation d’adré-
naline ou de bêta-2-adrénergiques. Les
corticoïdes oraux ou injectés sont pos-
sibles, mais ils ne sont pas un traite-
ment de première intention de l’ana-
phylaxie, car leur délai d’action est trop
long. De plus, il n’est pas prouvé qu’ils
diminuent le risque de réaction anaphy-
lactique retardée [2]. Ils sont pourtant
encore trop souvent préconisés par les
services d’urgence, comme nous l’avons
vu dans nos observations.
Les recommandations insistent sur la
précocité de l’injection d’adrénaline,
tout particulièrement chez l’enfant, car,
en l’absence de cardiopathie, ce traite-
ment est parfaitement toléré et il est im-
médiatement efficace. Les antihistami-
niques et/ou les corticoïdes, souvent ex-
clusivement prescrits, risquent de mas-
quer le développement de l’anaphylaxie
et de retarder le traitement par adrénali-
ne. Il faut rappeler que des observations
déjà anciennes ont établi un lien entre
L’anaphylaxie est considérée comme hautement probable dans trois situations
1. Survenue rapide d’une urticaire, d’un œdème, d’un prurit, d’un flush et d’au moins un des deux
signes ci-dessous :
– dyspnée, bronchospasme, hypoxémie
– hypotension, choc
2. Exposition à un allergène connu du patient et survenue dans les minutes ou heures suivant cette
exposition de deux des signes ci-dessous :
– urticaire généralisée, œdème, prurit, flush
– dyspnée, bronchospasme, hypoxémie
– hypotension, choc
– douleurs abdominales, vomissements
3. Survenue d’une hypotension dans les minutes ou heures suivant l’exposition à un allergène
connu :
– 1 mois à 1 an : < 70 mmHg
– 1 à 10 ans : < 70 mmHg + (2 x l’âge)
– 11 à 17 ans : < 90 mmHg
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