Forum Med Suisse 2011 ;11(12):206–212 206
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Tr aitement d’urgence du choc anaphylactique
Arthur Helblinga, b,Michael Frickerb, c,Andreas Bircherd,Philippe Eigenmanne,Peter Engf,Alice hli-Wiesnerg,
Gerhard Müllnerh,Werner Pichlerb,Peter Schmid-Grendelmeieri,François Spertinij
Introduction
Le terme «anaphylaxie» n’est pas utilisé de façon uni-
forme. En général, il fait référence à une réaction d’hy-
persensibilité systémique grave et potentiellement
fatale, de survenue rapide [1]. Seuls quelques minutes
peuvent s’écouler entre le début des symptômes et l’ob-
tention d’un tableau clinique complet d’anaphylaxie,
qui peut se solder par le décès du patient [2, 3]. Même
si la plupart des réactions anaphylactiques se déroulent
en l’espace de 30 minutes, un état de choc peut égale-
ment se manifester 1–2heures après le premier contact
[2]. Dans ce cas, des substances ingérées par voie orale
sont le plus souvent en cause. Les déclencheurs les plus
fréquents de réactions anaphylactiques sont les piqures
d’hyménoptères, les médicaments et les denrées ali-
mentaires [2–6]. Il n’est pas rare que des cofacteurs
soient également impliqués (par ex. anaphylaxie ali-
mentaire induite par l’effort; alcool ou anti-inflamma-
toires non stéroïdiens [y compris Aspirin®] conjointe-
ment avec protéines alimentaires et activité physique,
infection virale et contact avec des allergènes) [2, 5, 7].
Les manifestations cliniques, qui concernent tout l’or-
ganisme (tab. 1 p), reposent sur une activation aiguë
des mastocytes et des basophiles. Le mécanisme peut
être IgE-médiée ou non IgE-médiée, ce qui n’est pas dif-
férentiable d’après les manifestations cliniques.
L’incidence des chocs anaphylactiques potentiellement
fatals est estimée à environ 10 cas pour 100000 habi-
tants par an en Suisse [3]. Par tranche d’1 million d’ha-
bitants, 1–3personnes décèdent suite àune réaction al-
lergique grave. L’ anaphylaxie constitue une urgence
médicale, d’où l’importance déterminante d’une prise
en charge médicale précoce. Différentes analyses ré-
trospectives ont révélé que le traitement aigu des réac-
tions allergiques graves différait souvent des directives
et recommandations nationales et internationales [5, 6,
8–11]. Il est regrettable que l’adrénaline, qui est un mé-
dicament essentiel dans le traitement des réactions
allergiques graves, soit utilisée trop rarement et trop
tardivement. Par ailleurs, après un premier choc ana-
phylactiquetraité avec succès, les victimes sont souvent
insuffisamment formées à l’auto-traitement d’urgence
et elles ne sont pas assez rendues attentives à l’impor-
tance d’un suivi avec évaluation allergologique [10–12].
L’anaphylaxie constitue un évènement marquant, à l’is-
sue duquel la qualité de vie peut être massivement alté-
rée. Pour la grande majorité (~94%) des réactions ana-
phylactiques, les causes parviennent à être élucidées
par le biais d’un bilan allergologique [2, 3]. Il est pri-
mordial que les personnes concernées soient correcte-
ment conseillées et informées sur la manière d’éviter
une nouvelle réaction anaphylactique afin qu’elles ne
vivent pas constamment dans la peur [12].
Diagnostic de l’anaphylaxie
Les signes et symptômes d’une réaction allergique sont
le plus souvent caractéristiques, permettant de poser le
diagnostic sur une base clinique (tab. 1) [2]. En se ba-
sant sur les symptômes, le diagnostic peut être supposé
lorsqu’une affection cutanée et/ou muqueuse coexiste
avec une autre dysfonction organique, telle que troubles
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article
à la page 204 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch.
aAllergiestation Zieglerspital, Medizinische Klinik, Spital Netz
Bern AG,Bern; bAllergologisch-Immunologische Poliklinik,
Universitätsklinik für Rheumatologie, Klinische Immunologie
und Allergologie, Inselspital Bern; cPraxisgemeinschaft
Mörigen; dAllergiepoliklinik, Dermatologische Universitäts-
klinik, Basel; eAllergologie diatrique, Hôpital des Enfants –
HUG, Genève; fdiatrische Pneumologie und Allergolo-
gie, Kinderklinik Aarau und Kinderspital Luzern; gAllergo-
logie, Universitätskinderkliniken, Zürich; hAllergologie Luzer-
ner Kantonsspital Luzern, wenpraxis Luzern; iAllergiesta-
tion, Dermatologische Klinik Universitätsspital, Zürich; jService
d’Immunologie et d’Allergie, Centre Hospitalier Universitaire
Vaudois (CHUV), Lausanne
Arthur Helbling
P. Eigenmann
a reçu des
«speaker’s
honoraria» pour
ALK Abello. Les
autres auteurs
certifient qu’aucun
conflit d’intérêt
n’est lié àcet article.
Quintessence
PL’anaphylaxie correspond àune réaction d’hypersensibilité systémique
de survenue rapide et potentiellement fatale, qui nécessite une intervention
thérapeutique rapide en raison de son évolution imprévisible.
PEn situation d’urgence, l’adrénaline en injection intramusculaire im-
médiate (adultes: 0,3–0,5 mg; enfants: 0,01 mg par kg de poids corporel)
constitue le médicament de choix.
PTous les patients qui ont été victimes d’une réaction allergique géné-
ralisée devraient toujours avoir un auto-injecteur d’adrénaline et des
comprimés d’urgence (par ex. 2 x5 mg de lévocétirizine et 2 x50 mg de
prednisolone) à portée de main.
PLes patients doivent être formés à la manipulation de l’auto-injecteur
d’adrénaline et leurs gestes doivent être contrôlés.
PTout patient victime d’une réaction anaphylactique doit être référé
pour une clarification allergologique.
PLe traitement de l’anaphylaxie chez l’enfant repose sur les mêmes
principes que chez l’adulte.
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respiratoires, chute de la pression artérielle ou troubles
gastro-intestinaux inhabituels, et que ces manifesta-
tions surviennent peu de temps après un potentiel
contact avec des allergènes. Bien que la peau soit impli-
quée dans la plupart des cas et que les réactions cuta-
nées comptent parmi les premiers signes d’une réac-
tion allergique, la survenue d’une urticaire à elle seule
n’est pas suffisante pour poser le diagnostic d’anaphy-
laxie. Parfois, la réaction est si fulminante que les
manifestations cutanées passent inaperçues ou passent
au second plan (par ex. asystolie brutale durant une
perfusion, choc intra-opératoire inattendu). En cas de
suspicion d’une réaction allergique aiguë, avant de
prescrire des examens supplémentaires, des mesures
thérapeutiques devraient être initiées sans délai [13–
16]. Pour déterminer s’il y a une activation mastocy-
taire, un dosage de la tryptase sérique peut être réalisé
dans les 1–5 heures suivant le début des symptômes,
indépendamment de la phase de traitement [17]. Pour
pouvoir effectuer une comparaison, un deuxième do-
sage de la tryptase peut être pratiqué au plus tôt après
24 heures ou plus tardivement [18].
Plan de traitement en cas d’anaphylaxie
Le principe thérapeutique des réactions allergiques est
uniforme,indépendamment de l’âge, du facteur déclen-
chant ou du stade d’un épisode aigu évoluant rapide-
ment (tab. 2 p) [11, 13–16]. Toutefois, il n’existe pas
d’études contrôlées ou d’analyses portant sur les stra-
tégies thérapeutiques en cas de réactions allergiques
graves. En règle générale, le traitement est fonction de
l’état clinique du patient et débute par une évaluation
des paramètres vitaux (pression artérielle, pouls, respi-
ration, saturation en oxygène). Il convient de supprimer
le plus rapidement possible la cause soupçonnée ou
certaine (par ex. perfusion) de l’anaphylaxie. Si pos-
sible, de l’oxygène (08 L/min) doit être administré, une
perfusion doit être posée et au besoin, des mesures de
réanimation doivent être initiées. En cas d’œdème la-
ryngé massif, il peut être nécessaire de pratiquer une
coniotomie ou une trachéotomie pour pouvoir assurer
l’approvisionnement en oxygène. Le déroulement entre
le premier symptôme et la résolution d’une réaction al-
lergique est imprévisible. Les patients présentant des
Ta bleau 1. Symptômes cliniques d’une action allergique.
Symptômes cutanés Voies respiratoires Tr actus gastro-intestinal Système circulatoireAutres signes
Erythème, urticaire,
gonflement
Prurit (palmo-plantaire,
zones pileuses, généralisé)
Eternuements violents,
difficultés de respiration
nasale, rhinorrhée, toux,
œdème laryngé, stridor,
sibilance, dyspnée,
sensation d’oppression
thoracique, broncho-
spasme, cyanose, arrêt
respiratoire
Dysphagie, crampes
abdominales, vomissements,
diarrhée
Vertiges, faiblesse,
asthénie, chute de la
pression artérielle,
troubles du rythme
cardiaque, palpitations,
perte de conscience,
incontinence urinaire/
cale, état de choc,
arrêt cardiaque
Spasmes utérins,
métrorragie ou menstrua-
tions précoces;
confusion, rétrécissement
du champ visuel
Ta bleau 2.Tr aitement d’urgence et mesures en cas d’anaphylaxie – premiers soins [10, 13, 14].
Tr aitement médicamenteux Autres mesures
Adrénaline 0,3–0,5 mg i.m.
–Enfants : 0,01 mg/kg de poids corporel
Mise en position de Tr endelenburg et rification de la liberté
des voies respiratoires
Approvisionnement en oxygène via masque/lunettes
Si nécessaire, réanimation, défibrillation
Accès veineux
–Expansion volémique (par ex. NaCl 0,9%, solution électrolytique,
solution colloïdale)
–Enfants: 20 ml/kg (aussi rapidement que possible)
Contrôle des paramètres vitaux (pression artérielle, pouls,
respiration, mesure du débit de point, oxymétrie de pouls)
Antihistaminiques i.v. (injection lente)
–Antagonistes des récepteurs H1: par ex. clémastine 2 mg
–Enfants: 0,025–0,05 mg/kg de poids corporel
–Antagonistes des récepteurs H2: par ex. ranitidine 150 mg
(facultatif,mais en association avecunantagoniste des récepteurs H1)
Glucocorticoïdes i.v.
–Méthylprednisolone: par ex.125–500 mg
–Enfants: 2 mg/kg de poids corporel
Hospitalisation (surveillance durant 4 à 24 heures)
Eventuellement, bêta-2-mimétique à courte durée d’action
par voie inhalée
–Salbutamol en aérosol doseur: 6–12 boufes
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symptômes circulatoires doivent être placés en position
allongée (position de Trendelenburg). En position de-
bout ou assise, en raison d’une hypovolémie, la chute
de pression peut être renforcée et s’accompagner de
dangereux troubles du rythme cardiaque pouvant se
solder par une mort cardiaque subite [19].
L’ adrénaline est le principal médicament
Al’échelle mondiale, l’adrénaline est considérée comme
le principal médicament dans le traitement des réac-
tions allergiques généralisées [13–16, 20, 21]. Les
points de vue divergent néanmoins en ce qui concerne
la posologie initiale et le mode d’administration de
l’adrénaline [21]. En situation d’urgence, l’adrénaline
doit être le premier médicament administré et elle doit
immédiatement être injectée par voie intramusculaire –
si possible, dans la région antéro-latérale de la cuisse
(muscle vaste latéral) – à une dose de 0,3–0,5 mg [13–
15]. Chez les enfants, la dose d’adrénaline à injecter
s’élève à 0,01 mg par kg de poids corporel, la dose
maximale étant de 0,3–0,5 mg [15, 16]. Si cette mesure
n’a pas été fructueuse, une dose ajustée en fonction du
poids, de l’ordre de 0,1 mg/10 kg de poids corporel,
doit ànouveau être injectée par voie intramusculaire ou
être diluée dans un rapport 1:9 avec du NaCl 0,9% et
être administrée par voie intraveineuse à un débit lent
contrôlé. Dans cette situation, il ne faut pas prêter d’at-
tention aux effets indésirables transitoires de l’adréna-
line, tels que pâleur, frissons, anxiété, palpitations et
vertiges. Ces symptômes surviennent fréquemment à la
dose thérapeutique, quelle que soit la voie d’adminis-
tration de l’adrénaline. Les effets indésirables graves de
l’adrénaline, tels qu’œdème pulmonaire ou crise hyper-
tensive, s’observent uniquement après un surdosage
d’adrénaline et surviennent le plus souvent après une
administration intraveineuse [14, 20]. Des effets indési-
rables graves et fatals, comme des troubles du rythme
cardiaque complexes, ont été rapportés dans des cas
isolés aprèsadministration en bolus intraveineux d’une
dose >2,5 mg d’adrénaline.
Aux doses et modes d’administration recommandés,
l’adrénaline s’oppose àlavasodilatation périphérique
par vasoconstriction alpha-adrénergique, ce qui atténue
l’hypotension et faire régresser l’érythème, l’angiœdème
ou l’urticaire [20]. D’un autre côté, les propriétés bêta-
adrénergiques de l’adrénaline 1) provoquent une bron-
chodilatation, 2) renforcent la contractilité myocardique
avec uneaugmentation consécutive du volume d’éjection
et 3) suppriment la libération de médiateurs par les mas-
tocytesetbasophiles.
Chez les patients âgés, des craintes sont parfois émises
concernant les complications cardiaques potentielles,
comme la survenue d’un infarctus du myocarde, après
l’administration d’adrénaline. Ces complications doivent
être mises en balance avec les risques encourus par une
anaphylaxie non traitée. Afaibles doses (0,1 µg/kg),
l’adrénaline peut être àl’origine d’une vasodilatation et
d’une hypotension alors qu’aux doses usuelles, le débit
coronaire est accru [20]. D’après les opinions des experts,
il n’existe pas de contre-indication absolue àl’adminis-
tration d’adrénaline en cas de réaction allergique grave.
Pourquoi ne pas administrer l’adrénaline
par voie sous-cutanée?
A l’heure actuelle, aucune étude d’efficacité ayant éva-
lué les injections intramusculaires et sous-cutanées
d’adrénaline n’a été menée chez des patients victimes
d’anaphylaxie. Néanmoins, l’absorption de l’adrénaline
est plus rapide en cas d’administration intramuscu-
laire, permettant d’obtenir rapidement des concentra-
tions plasmatiques plus élevées qu’après administra-
tion sous-cutanée, ce qui a été démontré chez des
volontaires sains [22, 23]. En cas d’administration
sous-cutanée, la résorption est retardée. En cas de
résistance au traitement, lorsque l’adrénaline est injec-
tée de façon répétée par voie sous-cutanée et qu’elle
s’accumule dans les tissus en raison d’une résorption
insuffisante, la stabilisation circulatoire peut être suivie
d’un afflux d’adrénaline accompagné des effets indési-
rables correspondants. Pour que l’injection au niveau
de la cuisse pénètre au maximum dans le muscle via les
tissus adipeux, la longueur de l’aiguille devrait être
>1,5 cm chez les adultes [24, 25].
Ta bleau 3. Comparaison des auto-injecteurs disponibles
en Suisse en termes de rapidité d’injection de l’adrénaline,
de longueur de l’aiguille et d’épaisseur de l’aiguille [26].
Epipen®et Jext®Anapen®
Dose délivrée en
2,5 secondes
(ml, moyenne 8écart-type)
0,26 80,04
(n = 4)
0,09 80,02
(n = 3)
Longueur de l’aiguille
après activation
(mm, moyenne 8SD)
13,13 80,208
(n=15)
8,02 80,769
(n=15)
Epaisseur de l’aiguille
(mm [jauge])
0,394 [22] 0,191 [27]
Figure 1
Auto-injecteurs d’adrénaline disponibles en Suisse après activation de l’aiguille: Anapen®
0,3 mg, Epipen®0,3 mg et Jext®0,3 mg. Jext®avec protection de l’aiguille après
activation. Les dispositifs «Junior» dosés à 0,15 mg ne sont pas illustrés.
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Auto-injecteurs d’adrénaline
Chez les patients ayant déjà été victimes d’une anaphy-
laxie (par ex. allergie au venin d’insecte ou allergie
alimentaire), des auto-injecteurs contenant 0,15 ou
0,3 mg d’adrénaline peuvent être utilisés pour l’auto-
médication [13–15, 26]. En Suisse, il existe bientôt trois
différents produits, dont la manipulation diffère quelque
peu (fig. 1 x). Ces auto-injecteurs sont globalement
simples d’utilisation et ils peuvent être utilisés à travers
les vêtements en situation d’urgence. Dans certains
pays, il est recommandé de prescrire deux injecteurs
car jusqu’à un tiers des patients nécessitent une se-
conde injection en raison d’un effet thérapeutique
insuffisant [26]. Cet effet insuffisant s’explique souvent
par un sous-dosage relatif en cas de poids corporel
élevé. Ainsi, un injecteur contenant 0,5 mg d’adréna-
line est disponible en Grande-Bretagne (Anapen®
0,5 mg). Il est certain qu’une proportion importante de
la population est en surpoids, ce qui complique l’admi-
nistration intramusculaire car l’épaisseur des tissus
adipeux sous-cutanés est supérieure à la longueur des
aiguilles des auto-injecteurs d’adrénaline (tab. 3 p).
Néanmoins, la distance entre la peau et les muscles de
la cuisse peut être supérieure à la longueur de l’aiguille
de Epipen®(~1,4 cm) même chez les personnes de poids
normal, particulièrement chez les femmes [24, 25, 27].
Par échographie et TDM, il a été montré que l’aiguille
Epipen®(aiguille plus longue que Anapen®) atteignait
les muscles de la partie latérale de la cuisse uniquement
chez environ les trois quarts des volontaires examinés
aléatoirement ! Chez les adultes, des aiguilles plus lon-
gues (01,8 cm) sont donc clairement nécessaires, même
si dans des gels balistiques, la dose d’adrénaline injectée
était déposée plus profondément que la longueur effec-
tive de l’aiguille de l’auto-injecteur [27]. En cas d’injec-
tion àtravers des vêtements, le canal de ponction peut
être réduit de quelques millimètres. Il est cependant fon-
damental que les patients portant avec eux un auto-in-
jecteur soient formés àlamanipulation de ce dispositif et
que leurs gestes soient régulièrement contrôlés. Il est re-
commandé de pratiquer l’injection dans la partie cen-
trale de la face latérale de la cuisse (muscle vaste latéral),
de préférence directement sur la peau [14, 25].
A partir de septembre 2011, l’auto-injecteur Jext®sera
également disponible en Suisse (fig. 1). En plus de pos-
séder un marquage clair de l’extrémité de l’aiguille et
une plus longue durée de conservation, cet auto-injec-
teur est également doté d’une protection qui s’abaisse
sur l’aiguille après utilisation, ce qui devrait permettre
de prévenir les piqures accidentelles [26].
Adnaline inhalable
Depuis le retrait du marché de Medihaler Epi®(3M
Health Care, Ltd. 1997), aucune préparation compa-
rable à base d’adrénaline inhalable n’est disponible en
Europe. Par le biais des pharmacies internationales, il
est possible de se procurer à partir des Etats-Unis Pri-
matene®Mist (Armstrong Pharmaceuticals, Inc. West
Roxbury, MA), un aérosol inhalable dosé à 0,22 mg
d’adrénaline/bouffée. Toutefois, il faut s’attendre à une
modification de ce produit car aux Etats-Unis égale-
ment, seules les préparations ne contenant pas de chlo-
rofluorocarbone pourront encore être commercialisées
à partir de 2012. Avec Medihaler Epi®, il a été montré
qu’un adulte devait inhaler correctement au moins
20 bouffées pour atteindre une concentration sérique
suffisante [13, 14, 27]. Le goût désagréable et les effets
indésirables gastro-intestinaux sont des inconvénients
qui peuvent compliquer l’inhalation de la dose néces-
saire pour traiter une réaction allergique. L’expérience
a montré que pour le traitement d’un œdème laryngé
aigu ou d’un épisode aigu d’asthme, la posologie pou-
vait être plus faible (2–3 bouffées de suite). Les caisses-
maladie ne sont pas obligées de rembourser cet aéro-
sol-doseur à base d’adrénaline (prix public 60.– Fr.).
Même s’il n’existe pas d’études, certains centres admi-
nistrent par inhalation cinq ampoules d’adrénaline non
diluée (1:1000), indépendamment de l’âge et du poids,
en cas de réaction allergique grave, par analogie avec
le traitement d’un faux croup (laryngite sous-glottique).
Les recommandations de médecine interne et de méde-
cine d’urgence préconisent l’administration par inhala-
tion d’adrénaline diluée dans du NaCl 0,9% via un né-
bulisateur (trois ampoules 1:1000 dans 5 ml de NaCl)
[29]. En revanche, toute administration d’adrénaline
sous forme inhalée doit uniquement se faire en pré-
sence d’un médecin, éventuellement sous surveillance
du rythme cardiaque [29].
Expansion volémique
Les patients présentant des symptômes circulatoires
devraientre mis en position allongée, si possible dans
la position de Trendelenburg [13, 15, 19]. En cas de vo-
missements, la position latérale de sécurité est indi-
quée. Dans la mesure où de grands volumes liquidiens
quittent le compartiment central vasculaire durant une
réaction allergique grave, ce déficit volémique doit être
corrigé le plus rapidement possible. Le remplissage vo-
lémique doit être assuré en tenant compte de la fré-
quence cardiaque, de la pression artérielle et également
du débit urinaire. Le déplacement du liquide intravas-
culaire vers les tissus peut être de l’ordre de 35% en
l’espace de 10 minutes [30]. Le choix entre les cristal-
loïdes (solutions électrolytiques, par ex. NaCl 0,9%) ou
les colloïdes (par ex. hydro-éthyl-amidons [HEA]) en
cas de choc anaphylactique est toujours matière à dé-
bat. Le remplissage volémique par HEA a l’avantage de
rester plus longtemps dans le secteur intravasculaire
par rapport aux solutions électrolytiques [13].
Médicaments de second recours
Antihistaminiques
La plupart des recommandations préconisent l’admi-
nistration d’un antagoniste des récepteurs H1 (antihis-
taminique) et d’un corticostéroïde [13, 15, 21]. Néan-
moins, les préparations disponibles et les posologies
recommandées varient en fonction des pays et des
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centres. Les antihistaminiques intraveineux (par ex. di-
phénhydramine ou clémastine) sont souvent utilisés en
cas de survenue de manifestations cutanées, telles
qu’érythème, urticaire ou angiœdème, ou d’un prurit gé-
néralisé ou prononcé. Toutefois, les antihistaminiques ne
permettent pas de venir àbout d’un bronchospasme, de
normaliser la pression artérielle et de remédier àunchoc
anaphylactique [31]. Après prise orale d’un antihistami-
nique, l’entrée en action du médicament interviendra au
plus tôt après 30 minutes; néanmoins, dans la plupart
des cas, cette période de latence est plus longue [32]. Une
régression rapide des symptômes après prise orale d’un
antihistaminique est le plus souvent la conséquence
d’une rémission spontanée. La clémastine devrait être
administrée lentementpar voie intraveineuse, car l’admi-
nistration rapide en bolus entraîne presque systémati-
quement une chute de la pression artérielle [13, 14].
Dans ce cas, il s’agit d’un effet pharmacologique et non
pas d’une allergie, par ex. àdes composants du médica-
ment. Cette (nouvelle) chute tensionnelle ne résulte pas
non plus de la réaction allergique.
Corticostéroïdes
Les corticostéroïdes ne sont pas des médicaments de
première ligne, car ils n’exercent pas d’effets directs
sur les symptômes aigus [13, 15]. Après injection intra-
veineuse, l’action complète du médicament survient au
plus tôt après 1 heure; ce temps de latence s’élève à
4 heures en cas d’administration orale. L’administra-
tion de corticostéroïdes vise à empêcher les réactions
retardées ou tardives liées à l’activation massive des
mastocytes. Il n’existe pas suffisamment de données
permettant de savoir si les corticostéroïdes protègent
réellement contre une évolution biphasique ou retar-
dée. Les corticostéroïdes sont avant tout efficaces dans
le traitement des bronchospasmes. Les recommanda-
tions posologiques et la répétition des doses varient,
mais une dose de 1–2 mg/kg de poids corporel par ad-
ministration devrait être suffisante.
Antihistaminiques H2
Les antagonistes des récepteurs H2, comme la raniti-
dine, doivent uniquement être administrés en associa-
tion avec un antihistaminique H1. Les études démon-
trant un effet après la seule prise d’un antagoniste H2
font défaut. Il n’est pas exclu que des bradycardies ou
une dyspnée puissent survenir en cas de prise d’un an-
tihistaminique H2 seul [13]Bêta-2-mimétiques
Le salbutamol, administré par nébulisation ou via une
chambre d’inhalation, peut être administré en cas de
bronchospasme, de toux ou de dyspnée. Il est essentiel
d’administrer une dose suffisamment élevée (tab. 2)
[13, 16]. Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que les
bêta-2-mimétiques sélectifs n’ont pas d’effet alpha-1
agoniste et qu’ils n’agissent donc pas sur le système
cardiovasculaire.
Marche à suivre après le traitement aigu
En fonction du degré de sévérité, de l’évolution de la
réaction allergique et de la réponse au traitement, le
patient doit être hospitalisé et surveillé après le traite-
ment aigu [13, 16, 17]. A cet égard, la présence de
comorbidités (par ex.broncho-pneumopathie chro-
nique obstructive, asthme, maladies cardio-vasculaires)
joue également un rôle déterminant [33]. Des évolu-
tions retardées ou biphasiques sont rapportées chez
environ un cinquième des adultes et elles sont plus
rares chez les enfants [34]. Ces réactions tardives résul-
tent en partie également d’un traitement primaire in-
suffisant. Les patients traités par bêtabloquants peu-
vent mettre plus de temps à se rétablir, en raison du
blocage des récepteurs bêta et d’une réponse insuffi-
sante à l’apport endogène ou exogène d’adrénaline [13,
33]. Même si tous les patients ne nécessitent pas une
surveillance de 24 heures après une réaction allergique
généralisée, une surveillance d’au minimum 4 heures
devrait tout de même être assurée [13, 16].
Prise en charge des patients
après une anaphylaxie
Après le traitement aigu, tout patient victime d’une
réaction allergique généralisée – quel que soit le degré
de sévérité (tab. 4 p) – devrait disposer de médica-
ments d’urgence, qui peuvent être pris immédiatement
en cas de récidive [17, 20]. Le kit d’urgence est com-
posé d’un antihistaminique (par ex.deux comprimés de
lévocétirizine, cétirizine, fexofénadine) et d’un cortico-
stéroïde (par ex. deux comprimés à 50 mg de predniso-
lone) [13–15, 27]. Au lieu des comprimés, chez les en-
fants en bas âge, les antihistaminiques peuvent être
prescrits sous forme de gouttes (par ex. gouttes de céti-
rizine – 0,25 mg/kg), de sirop (par ex. desloratidine –
1,25–2,5 mg) ou de comprimés hydrosolubles (par ex.
Betnesol – 0,2–0,5 mg/kg) [13, 15]. En fonction du de-
gré de sévérité clinique, des maladies préexistantes
(par ex. asthme) ou de l’allergène incriminé (allergènes
alimentaires cachés), une préparation à base d’adréna-
line doit en plus être prescrite et les patients doivent
être formés à la manipulation de l’auto-injecteur.
Après une réaction allergique généralisée soupçonnée,
tout patient doit être référé pour une consultation aller-
gologique détaillée afin de déterminer la cause et d’en-
seigner au patient les principales règles de conduite
à tenir (par ex. en cas d’allergie médicamenteuse:
connaissance des médicaments alternatifs [12, 15–17,
20]). Dans certains cas (par ex. allergie au venin d’hy-
ménoptères), une immunothérapie spécifique peut per-
mettre d’obtenir un degré élevé de protection en cas de
nouvelle exposition à l’allergène [35]. En fonction de
la cause (par ex. médicaments, latex, aliments spéci-
fiques), le patient recevra un certificat d’urgence, qu’il
peut présenter en cas de besoin. Notre expérience
nous amontré qu’environ un quart des patients sont à
nouveau confrontés au même facteur déclenchant ou
àunfacteur déclenchant similaire en l’espace de
quelques mois/années [2]. En fonction de l’éducation
dispensée aux patients, les médicaments d’urgence
sont utilisés en cas de récidive et deux tiers des pa-
tients utilisent également la préparation àbase d’adré-
naline.
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