DOSSIER
La Lettre du Psychiatre • Vol. XII - n° 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2016 | 89
Prise en charge
Les données actuelles sur l’utilisation des anti-
dépresseurs sont les suivantes.
Certains antidépresseurs tricycliques (clomipramine,
maprotiline, amoxapine) et le bupropion abaisse-
raient le seuil épileptogène et présenteraient des
effets proconvulsivants (19).
Par ailleurs, les antidépresseurs dans leur ensemble
sont des facteurs de risque d’hyponatrémie, en parti-
culier chez les personnes âgées (20).
La survenue d’une crise chez un patient présentant
un épisode dépressif majeur semble relever de l’évo-
lution naturelle du trouble de l’humeur et non faire
partie des effets indésirables des anti dépresseurs (19).
Une méta-analyse met en évidence une incidence
plus faible des crises convulsives chez des patients
présentant un épisode dépressif majeur et recevant
un antidépresseur (inhibiteur sélectif de recapture
de la sérotonine [ISRS], venlafaxine, mirtazapine)
que chez ceux recevant un placebo (21).
De plus, les ISRS semblent sûrs et efficaces dans l’épi-
lepsie, d’après les résultats d’essais ouverts, et semble-
raient diminuer la fréquence des crises (22, 23).
Il existe des interactions pharmacocinétiques entre
les antidépresseurs et les antiépileptiques.
Les ISRS les plus faiblement inhibiteurs du cytochrome
P450 au niveau de ces interactions sont le citalo-
pram et l’escitalopram, suivis de la sertraline (effet
inhibiteur relativement faible), de la paroxétine et
de la fluoxétine (effet inhibiteur modéré), puis de la
fluvoxamine (effet inhibiteur important) [19].
Pour limiter les interactions, il est recommandé
d’utiliser le citalopram ou l’escitalopram, voire la
sertraline, d’en donner les plus faibles doses effi-
caces et de réaliser un monitoring plasmatique.
Il est important de retenir que ces traitements
sont utilisés très couramment chez les patients
souffrant d’épilepsie. À l’heure actuelle, il ne doit
plus exister de résistances à la prescription d’ISRS
chez ces patients.
Inversement, les antiépileptiques de première géné-
ration (phénytoïne, carbamazépine, phénobarbital)
sont des inducteurs du cytochrome P450, à l’origine
d’une concentration plasmatique plus faible des
anti dépresseurs et, donc, d’une diminution de leur
efficacité (24).
Il en est de même pour l’oxcarbazépine et le topi-
ramate à forte dose (19).
En revanche, les antiépileptiques suivants : gabapen-
tine, prégabaline, lamotrigine, lévétiracétam, tiaga-
bine, zonisamide, ézogabine, clobazam, vigabatrine
et pérampanel ne semblent pas interférer avec le
cytochrome P450 (19).
En conclusion, les antidépresseurs sont d’utilisation
sûre chez des patients épileptiques lorsqu’ils sont
pris à doses thérapeutiques.
Il est recommandé de recourir en première intention
aux ISRS et aux inhibiteurs de la recapture de la séro-
tonine et de la noradrénaline (IRSNa). Les copres-
criptions doivent être particulièrement surveillées
dans le traitement des épisodes dépressifs chez les
patients épileptiques. Le monitoring plasmatique
permet d’orienter vers la dose adéquate.
Conclusion
Les syndromes dépressifs sont très fréquents chez
les patients présentant une épilepsie. Cependant,
ne respectant pas toujours les critères du DSM, ils
sont sous-diagnostiqués.
Le risque de ce sous-diagnostic est de négliger la prise
en charge et, plus précisément, le traitement. Or les
2 troubles ont un lien bidirectionnel. Une collabora-
tion entre épileptologie et psychiatrie, fondée sur des
représentations communes et évitant la dichotomie
psychique/organique, est nécessaire. ■
A. Yrondi déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts.
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