Épilepsie : quelle éducation thérapeutique

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Communication
Épilepsies 2008 ; 20 (2) : 107-10
Épilepsie :
quelle éducation
thérapeutique ?
Nathalie de Grissac-Moriez
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Centre de Toul Ar C’hoat, 29150 Châteaulin
Les patients reconnaissent dans différentes enquêtes leurs besoins d’informations complémentaires
Résumé.
concernant la maladie. L’évaluation des connaissances pratiques sur les gestes d’urgences, sur les aspects sociaux ou
de la vie quotidienne et leurs droits et devoirs, montre les insuffisances. La consultation médicale ne suffit pas pour
l’éducation à la maladie et ses traitements. Les associations de patients contribuent à diffuser l’information, et des
documents pédagogiques ont déjà été édités. D’autres moyens et supports ont été développés tels que des
formations spécifiquement destinées aux patients. Ces « écoles de l’épilepsie » doivent être aussi envisagées en
France. L’évaluation des pratiques dans ce domaine est récente. Il a été montré qu’une meilleure gestion des crises
par l’éducation thérapeutique permet de réduire l’anxiété et d’influencer la qualité de vie. La réduction des
hospitalisations d’urgence et des états de mal est un autre objectif attendu qui pourrait réduire les dépenses de santé.
En France, le développement de postes d’infirmières d’éducation dédiées à l’épilepsie est un besoin qui émerge des
différents projets régionaux. Cette nouvelle fonction sera une des solutions à la pénurie de temps médical et aux
demandes croissantes des patients d’être rendus acteurs de leur prise en charge.
Mots clés : épilepsie, éducation thérapeutique
Abstract.
Epilepsy: what type of therapeutic education?
Various enquiries have shown that patients with epilepsy aknowledge a need for eductation on their condition.
Evaluations have stressed inadequate performance on practical knowledge about emergency gestures, aspects of
social adjustment and daily life, and the rights and duties of patients. Medical consultations are not sufficient for
proper education on the disease and its treatment. Patient associations help spread information and teaching
material has already been published. Other means have been developed, e. g. teaching seminars specially aimed at
patients. Such « epilepsy schools » must also be organized in France. Evaluation of practices in this field is very recent.
It has been shown that a better management of seizures after therapeutic education helps reduce anxiety and
improve quality of life. Decreasing emergency hospitalizations and episodes of status is another goal that may lead
to reduced costs. In France, the development of education nurses devoted to epilepsy will be a solution for the scarce
medical availability and the increasing willingness of patients to become actors of their own management.
doi: 10.1684/epi.2008.0150
Key words: epilepsy, therapeutic education
La relation médecin-patient a évolué. Le
médecin n’est plus le seul détenteur d’un savoir
et d’un pouvoir parfois mystérieux. Les patients
ont accès aux connaissances permettant de
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mieux comprendre les pathologies et leurs traitements. La législation a aussi évolué, rendant
nécessaire et obligatoire une information médicale adaptée. Un partenariat s’établit, et l’al-
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N. de Grissac-Moriez
liance thérapeutique est de rigueur. De nouvelles modalités
d’information émergent afin de permettre à chacun de mieux
connaître sa maladie pour mieux la combattre. Les épilepsies
n’échappent pas à cette évolution.
Pour l’épilepsie, les objectifs seraient aussi d’amener le patient à devenir acteur et à adhérer à son projet de soin. L’ambition étant ainsi d’améliorer le vécu, et d’influencer de façon
positive l’évolution de la maladie. L’objectif économique ne
doit pas être perdu de vue. Il est intéressant de pouvoir réduire
les passages aux urgences, les hospitalisations et les états de mal.
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Un besoin accru d’information
Des études ont mis en évidence le souhait des patients ou
des familles d’être mieux informés sur l’épilepsie (Prinjha S et
al., 2005, McNelis AM et al., 2007). Dans l’enquête réalisée en
Bretagne, la majorité des patients déclarent recevoir des informations à chaque consultation. Mais plus d’un tiers des patients
interrogés ne sont pas satisfaits de l’information reçue concernant les traitements, la prévention des blessures, la grossesse,
l’hérédité, les loisirs et les aides sociales. Cependant, seuls 10 %
ne sont pas satisfaits du suivi médical proprement dit (Roué,
2007).
D’autres études confirment l’insuffisance des connaissances
des patients sur la maladie de façon générale et sur leurs droits et
devoirs. Un quart des patients dans l’enquête bretonne ne
savaient pas répondre à la question « Quel type de crise avezvous ? ». Un patient qui pourra donner une information sur son
propre cas fait gagner du temps et de l’efficacité à un soignant
rencontré aux urgences par exemple.
L’éducation thérapeutique est une notion
déjà ancienne
La reconnaissance officielle de l’éducation thérapeutique
vient d’être renforcée par la publication d’un guide méthodologique de la Haute Autorité de santé. L’éducation du patient est
l’un des objectifs majeurs du plan du ministère de la Santé et des
Solidarités pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes
atteintes de maladies chroniques 2007-2011 (avril 2007) (mesures n° 3, 4, 5, 6).
Le nombre de publications sur ce sujet augmente, mais
l’évaluation des programmes fait souvent défaut ou est critiquable.
L’éducation thérapeutique est un « processus permanent,
intégré » dans les soins, « centré » sur le patient. L’éducation
thérapeutique permet d’aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur
vie avec une maladie chronique (définition pour la Haute Autorité de santé). Cette notion de continuité traduit la nécessité de
prolonger le suivi au-delà d’une seule consultation médicale.
Beaucoup d’auteurs s’accordent à dire que la connaissance et la
compréhension de la maladie influencent la capacité du patient
à y faire face. Cela est valable pour différentes pathologies
chroniques.
Dans le diabète, il s’agit d’un « volet fondamental » de la
prise en charge selon les recommandations de l’HAS. Pour la
polyarthrite rhumatoïde, l’éducation thérapeutique est « recommandée » (grade B, HAS 2007). Des programmes pour
l’asthme sont aussi reconnus en particulier chez l’enfant (HAS
2002).
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Une consultation médicale trop brève
Le temps de consultation est souvent limité pour évoquer
tous les paramètres associés à la maladie et permettre aux
patients d’exprimer leur propre questionnement. Le patient
doit être régulièrement informé des risques domestiques, de la
législation en matière de conduite automobile, des modalités de
suivi des grossesses. Certains patients consultent peu, réduisant
encore leur chance d’une mise à jour de leurs connaissances. La
démographie médicale actuelle et future ne permettra pas de
couvrir les besoins, et de nouveaux partenariats seront nécessaires. La majorité des parents et deux tiers des patients interrogés
souhaitent participer à des réunions d’information. Ce souhait
s’exprime indépendamment du contrôle des crises.
Le rôle des associations
Les associations de patients sont des partenaires essentiels.
Elles contribuent à la diffusion des connaissances sous diverses
formes (documents écrits, site Internet, conférences). Elles assurent un soutien des patients et de leur famille en fonction de
leur implication locale. Elles diffusent le savoir-faire des patients. Les associations ont aussi besoin de professionnels de
santé. Les programmes d’éducation thérapeutique ne peuvent
pas s’élaborer sans le point de vue des patients dont les attentes
doivent être connues des soignants.
Les écoles de l’épilepsie
Différents programmes ont été réalisés à l’étranger, et certains d’entre eux ont été évalués.
L’objectif est d’améliorer la prise en charge des patients
concernés par la maladie épileptique en approfondissant leur
connaissance sur la maladie, et d’agir sur les conséquences
médicosociales et leur qualité de vie. Chaque session comporte
des cours sur la connaissance de l’épilepsie, sur l’apprentissage
des gestes pratiques, sur les aspects sociaux de la maladie, sur les
droits et devoirs du patient envers son employeur, son assureur... À Genève, par exemple, cette école a pu démontrer que le
niveau de connaissances et les attitudes des patients influencent
la prévalence de l’état de mal épileptique (Dunand, 2001). Ces
sessions d’éducation chez une population d’adolescents ont
permis une amélioration de l’estime de soi (Regan, Gary, 1993).
L’évaluation d’un programme d’éducation germanique s’adressant à des patients âgés de plus de 16 ans a aussi confirmé les
bénéfices (May et Pfafflin, 2002). Les patients ayant suivi les
sessions d’informations présentent moins de crises. Les patients
estiment avoir plus de connaissances et acceptent mieux leur
pathologie.
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Les modalités de l’éducation thérapeutique sont variables
Il peut s’agir de séances individuelles ou en groupe. De
sessions très didactiques ou plus interactives. L’éducation peut
dépendre d’un médecin, d’une infirmière ou d’une autre personne. La formation des formateurs doit être prédéterminée. La
durée et le nombre de séances proposées sont variables. L’aide
est personnalisée, car les situations sont différentes tant sur les
compétences de départ que sur le type de crises, la réponse au
traitement et les facteurs sociaux.
L’évaluation des programmes est indispensable. Certains
aspects de l’éducation suscitent des avis divergents. Cela
concerne le choix des patients bénéficiant des programmes,
mais aussi les modalités de financement. La cible des programmes ne peut sans doute pas être uniquement des patients
demandeurs, d’emblée plus consciencieux. Cependant, il faut
veiller à respecter les libertés individuelles et rendre le patient
autonome de ses choix. Certains programmes organisés aux
États-Unis ont une attitude plus directive auprès de patients
considérés à risque.
Les modalités de financement sont discutées. L’implication
des laboratoires pharmaceutiques dans les « programmes d’aide
à l’observance » est controversée en raison du risque d’incitation commerciale.
L’infirmier d’éducation, une personne ressource
Il s’agit d’une fonction développée au Royaume-Uni et en
Norvège. Les enquêtes auprès des patients montrent que ceux-ci
apprécient la communication avec l’infirmière. Selon les patients, la communication est meilleure que celle des médecins
pour les informations sur leur maladie. Dans l’étude de Hosking, 60 % des patients la contactent pour un avis médical
urgent (Hosking et al., 2002).
Une étude randomisée évalue l’intérêt d’une infirmière clinicienne chez les patients souffrant d’une épilepsie nouvellement diagnostiquée (Risdale et al., 2000). L’intervention de
l’infirmière est appréciée. Elle est surtout profitable aux patients
ayant la plus faible éducation (Mills et al., 2002). Helde conclut
dans une étude chez des patients dont l’épilepsie n’est pas
contrôlée que l’intervention de l’infirmière clinicienne améliore leur qualité de vie (Helde et al., 2005).
L’enquête bretonne indique que 91 % des patients interrogés pourraient avoir recours à une personne ressource.
Le rôle potentiel d’un infirmier d’éducation n’est pas reconnu de façon unanime par les médecins. Certains y voient
l’occasion d’une aide supplémentaire à l’acceptation d’un traitement au long cours quel que soit l’âge du patient.
D’autres craignent la dilution des responsabilités, la multiplicité des intervenants, ou encore la redondance des supports
d’information.
La notion de gain de temps pour le médecin est discutable.
Il faudrait plutôt y voir une notion d’efficacité.
Au-delà de la relation avec le patient, un rôle complémentaire d’information des personnels des écoles ou des établissements est souhaité. Ces informations permettent le plus sou-
vent d’améliorer l’insertion sociale. La mobilité éventuelle de
l’infirmier est un atout qui peut être développé selon les régions.
Un projet régional
En Bretagne, la création de postes d’infirmiers d’éducation a
été sollicitée auprès de la Direction régionale des réseaux.
L’étude de besoins réalisée en 2007 a confirmé la nécessité
d’améliorer certains aspects de la prise en charge des patients.
Les patients pourront s’inscrire adressés par leur médecin,
les urgences, les associations ou venir de leur propre initiative.
En pratique, chaque nouveau patient diagnostiqué (ou entrant
dans le réseau s’il le souhaite) aurait la possibilité d’assister à des
formations individuelles et/ou en groupes.
Les objectifs seront :
– d’aider à la dédramatisation du diagnostic (limiter l’anxiété
réactionnelle fréquente chez les adolescents, les parents) ;
– de limiter le risque d’arrêt intempestif de traitement, de dette
chronique de sommeil et autres facteurs de risque responsables
de déstabilisation, des crises, voire d’état de mal ;
– d’apprendre les règles de sécurité sur les risques des crises ;
– de limiter les grossesses non planifiées sous antiépileptiques ;
– d’éviter les accidents de la voie publique ;
– de développer l’information sur les aides possibles.
L’infirmier d’un département serait facilement accessible, et
ses coordonnées seraient disponibles sur le site régional. Une
collaboration avec les associations de patients est aussi essentielle.
Cela ne remplacera pas la nécessité de développer des formations pour les professionnels d’établissements médicosociaux en lien avec la Ligue française contre l’épilepsie (modules Épiformation).
Conclusion
L’épilepsie est une maladie aux multiples visages et altérant
souvent la vie quotidienne.
Il nous semble que l’éducation thérapeutique dans l’épilepsie doit être développée en France. Cette réflexion menée par les
professionnels aura besoin de soutien et de l’expertise des associations de patients. Elle devra être réalisée selon des programmes aux objectifs prédéfinis qui seront évalués pour pouvoir
être ensuite pérennisés. M
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