Descente galoisienne sur le groupe de Brauer

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Descente galoisienne sur le groupe de Brauer
Jean-Louis Colliot-Thélène et Alexei N. Skorobogatov
21 juillet 2011/26 septembre 2011
Résumé
Soit X une variété projective et lisse sur un corps k de caractéristique zéro.
Le groupe de Brauer de X s’envoie dans les invariants, sous le groupe de
Galois absolu de k, du groupe de Brauer de la même variété considérée sur
une clôture algébrique de k. Nous montrons que le quotient est fini. Sous des
hypothèses supplémentaires, par exemple sur un corps de nombres, nous donnons des estimations sur l’ordre de ce quotient. L’accouplement d’intersection
entre les groupes de diviseurs et de 1-cycles modulo équivalence numérique
joue ici un rôle important.
Abstract
For a smooth and projective variety X over a field k of characteristic zero we
prove the finiteness of the cokernel of the natural map from the Brauer group
of X to the Galois-invariant subgroup of the Brauer group of the same variety
over an algebraic closure of k. Under further conditions on k, e.g. over number
fields, we give estimates for the order of this cokernel. We emphasise the rôle
played by the exponent of the discriminant groups of the intersection pairing
between the groups of divisors and curves modulo numerical equivalence.
MSC-class : 14F22 ; 14G99, 14C25, 16K50
Introduction
Soit X une variété projective, lisse et géométriquement intègre sur un
corps k de caractéristique zéro. Soit k une clôture algébrique de k. Soient
Γ = Gal(k/k) et X = X ×k k. On a l’application naturelle de groupes de
Brauer :
Br(X)→Br(X).
1
Le noyau de cette application, noté Br1 (X), est appelé groupe de Brauer
algébrique de X. L’image de cette application est appelé groupe de Brauer
transcendant de X. C’est un sous-groupe du groupe des invariants Br(X)Γ .
On a donc l’inclusion
Br(X)/Br1 (X) ⊂ Br(X)Γ .
On voudrait calculer ces groupes, en particulier en vue de l’étude de l’obstruction de Brauer–Manin. La double question suivante a été soulevée dans
[20] et [2].
Si k est un corps de type fini sur Q, chacun des groupes Br(X)/Br1 (X)
et Br(X)Γ est-il un groupe fini ?
Dans cet article nous montrons que cette double question se réduit à une
seule question.
Pour X une variété projective, lisse, et géométriquement intègre sur un
corps k de caractéristique zéro, nous montrons que le conoyau de l’application
naturelle
α : Br(X)→Br(X)Γ
est un groupe fini. Sous des hypothèses supplémentaires sur le corps de base k,
par exemple sur un corps de nombres, nous donnons des estimations pour
l’exposant et l’ordre de ce groupe fini.
Notre principal outil est un complexe naturel (voir le paragraphe 1.3)
β
α
Br(X) −→ Br(X)Γ −→ H2 (k, Pic(X))
qui pour X avec un point rationnel ou pour k un corps de nombres est une
suite exacte. Nous étudions l’image (finie) de β par deux méthodes différentes,
qui mènent à des estimations similaires mais non identiques.
La première méthode fait l’objet du paragraphe 2. L’idée principale est
d’utiliser la fonctorialité du complexe ci-dessus par rapport aux morphismes
de k-variétés et d’utiliser la trivialité du groupe de Brauer des courbes sur un
corps algébriquement clos (théorème de Tsen). Cela montre que la restriction
de l’image de β à toute courbe fermée dans X est nulle. Ceci mène aux
théorèmes 2.1 et 2.2.
La deuxième méthode utilise une remarque générale sur les différentielles
dans la suite spectrale des foncteurs composés. Soit Br0 (X) le sous-groupe
2
divisible maximal de Br(X), et soit NS(X) le groupe de Néron–Severi. Nous
montrons que l’application composée
β
Br0 (X)Γ ,→ Br(X)Γ −→ H2 (k, Pic(X))→H2 (k, NS(X)/tors )
peut se lire comme l’homomorphisme de connexion associé à une certaine
2-extension naturelle de Γ-modules obtenue à partir de la suite de Kummer
(voir le corollaire 3.5). D’après un théorème de Lieberman rappelé au paragraphe 1.1, équivalence numérique et équivalence homologique coı̈ncident
sur les cycles algébriques de dimension 1. (Pour les surfaces, le théorème de
Lieberman est un résultat classique de Matsusaka.) Nous utilisons ce fait
pour montrer à la proposition 4.1 que l’image de l’application composée cidessus est annulée par l’exposant de chacun des deux groupes discriminants
définis par l’accouplement d’intersection entre les groupes de diviseurs et les
groupes de 1-cycles sur X, modulo équivalence numérique. Les bornes pour
le conoyau de α obtenues par cette méthode sont données aux théorèmes 4.2
et 4.3.
Au paragraphe 5 nous donnons des applications aux surfaces K3 et aux
produits de deux courbes. Pour toute telle surface avec un k-point, l’énoncé
est particulièrement simple : le conoyau de α est annulé par l’exposant du
groupe discriminant défini par la forme d’intersection sur NS(X), voir les
propositions 5.1 et 5.2.
T. Szamuely a demandé si le résultat de finitude du théorème 2.1 vaut
encore pour les variétés lisses quasi-projectives. Au paragraphe 6 nous donnons une réponse affirmative lorsque le corps de base k est un corps de type
fini sur Q.
Ce travail a été commencé lors de la conférence “Arithmetic of surfaces”
qui s’est tenue au Centre Lorentz à Leiden en Octobre 2010. Nous en remercions les organisateurs. Nous remercions L. Illusie, B. Kahn, J. Riou pour
leur aide concernant le paragraphe 1.1, et T. Szamuely pour sa question.
1
Préliminaires
Soient k un corps de caractéristique zéro, k une clôture algébrique de k
et Γ = Gal(k/k) le groupe de Galois absolu de k.
Soit X une variété projective, lisse et géométriquement intègre sur k, de
dimension d. Soit X = X ×k k.
3
Pour un groupe abélien A et n > 0 un entier, on note A[n] ⊂ A le
sous-groupe des éléments annulés par n. Pour ` un nombre premier on note
A{`} ⊂ A le sous-groupe de torsion `-primaire.
1.1
Cycles algébriques
Pour tout entier i avec 0 ≤ i ≤ d, soit CHi (X) le groupe de Chow
des cycles de codimension i sur X, c’est-à-dire le groupe des combinaisons linéaires à coefficients entiers de sous-variétés fermées irréductibles de
codimension i modulo l’équivalence rationnelle. Comme X est lisse, on a
Pic(X) = CH1 (X). Soit NS(X) le groupe de Néron–Severi de X. C’est le
quotient de Pic(X) par son sous-groupe divisible maximal Pic0 (X), groupe
des k-points de la variété de Picard de X.
Puisque X est projective, l’intersection définit une forme bilinéaire Γéquivariante
(1)
CHi (X) × CHd−i (X)→Z.
Soit N i = Numi (X) le groupe des cycles de codimension i sur X modulo
équivalence numérique. C’est le quotient de CHi (X) par le noyau (à gauche)
de l’accouplement (1). Écrivons Ni = N d−i . Nous obtenons une forme bilinéaire Γ-équivariante
N i × Ni →Z
(2)
dont les noyaux à gauche et à droite sont triviaux. Pour tout i ≥ 0 le groupe
abélien N i est libre de type fini. Ceci résulte de l’existence d’une cohomologie de Weil, à coefficients dans un corps de caractéristique zéro et munie
d’applications classe de cycle pour lesquelles le cup-produit en cohomologie
est compatible avec l’intersection des cycles [9, Thm. 3.5, p. 379].
Pour i = 1, l’accouplement (2) donne naissance à la suite exact de Γmodules
0→N 1 →Hom(N1 , Z)→D→0,
(3)
qui définit le Γ-module fini D. Ce groupe est l’un des deux groupes discriminants associés à l’accouplement N 1 × N1 →Z.
Pour tout i ≥ 0 on dispose des applications classe de cycle
2i
(X, Z` (i)),
CHi (X) −→ Hét
voir [12, Section VI.9] et [19, Cycle]. Ces applications transforment cupproduit en cohomologie `-adique en intersection des cycles algébriques, voir
4
[12, Prop. VI.9.5]. Introduisons les Γ-modules
N`i = N i ⊗ Z` ,
Ni,` = Ni ⊗ Z` ,
2i
(X, Z` (i))/tors .
H`2i = Hét
Pour toute théorie cohomologique à coefficients dans un corps de caractéristique zéro, avec applications classe de cycle compatibles avec le cup-produit
en cohomologie, l’équivalence homologique implique l’équivalence numérique.
Selon les “conjectures standards”, pour toute bonne théorie cohomologique,
équivalence homologique et équivalence numérique devraient coı̈ncider. Dans
le contexte de la cohomologie `-adique, l’application classe de cycle devrait
se factoriser de la façon suivante :
CHi (X) ⊗ Z` →N`i ,→ H`2i .
(4)
C’est le cas pour i = 1 par un théorème classique de T. Matsusaka [11], qui
montra N 1 = NS(X)/tors .
Pour la cohomologie de Betti, avec applications classe de cycle
CHi (X)→H2i
Betti (X(C), Q(i)),
√
où Z(i) = Z(2π −1)⊗i , ceci fut établi pour i = d − 1 par D. Lieberman
[10, Cor. 1]. Une version plus algébrique de la démonstration fut donnée
par Kleiman [9, Remark 3.10]. Ces deux articles établissent des résultats
pour d’autres valeurs de i, et pour cela font appel au théorème de l’indice
de Hodge. Le cas case i = d − 1 est plus simple, comme nous expliquons
maintenant.
Proposition 1.1 Soit X une variété connexe, projective et lisse sur C. Définissons l’équivalence homologique sur les cycles au moyen de la cohomologie
de Betti à coefficients rationnels. L’homomorphisme naturel
CH1 (X)/hom −→ CH1 (X)/num
est un isomorphisme.
Démonstration. On peut supposer d = dim(X) ≥ 3. Soit L ∈ CH 1 (X) la
classe d’une section hyperplane. Pour A un groupe abélien, on note AQ :=
A ⊗Z Q. La multiplication par Ld−2 ∈ CH d−2 (X) définit un diagramme
commutatif d’espaces vectoriels sur Q :
CH d−1 (X)Q /num ← CH d−1 (X)Q /hom ,→ Hdg d−2 (X, Q) ,→ H 2d−2 (X, Q(d − 1))
↑
↑
↑
↑
1
1
2
2
CH (X)Q /num ← CH (X)Q /hom ,→ Hdg (X, Q) ,→
H (X, Q(1)).
5
Les flèches horizontales pointant vers la gauche sont surjectives. Toutes
les flèches horizontales pointant vers la droite sont par définition injectives.
D’après le théorème de Lefschetz difficile, la quatrième flèche verticale est un
isomorphisme. La décomposition de Hodge des groupes H i (X, C) et le fait que
les classes de type (p, q) s’envoient sur des classes de type (p + d − 2, q + d − 2)
pour p = 0, 1, 2 implique alors que la troisième flèche verticale, qui porte sur
les classes de Hodge, est un isomorphisme. Par le théorème de Lefschetz sur
les classes de type (1, 1), l’application CH 1 (X)Q /hom → Hdg 2 (X, Q) est
un isomorphisme. Tout ceci implique que la deuxième flèche verticale est
aussi un isomorphisme. La flèche verticale de gauche est donc surjective. Par
définition, les deux espaces vectoriels de dimension finie CH 1 (X)Q /num et
CH d−1 (X)Q /num ont la même dimension. La flèche verticale de gauche est
donc un isomorphisme. D’après le théorème de Matsusaka, la flèche inférieure
gauche est un isomorphisme. On conclut que l’application
CH d−1 (X)Q /hom→CH d−1 (X)Q /num
est un isomorphisme. Ceci implique que l’application
CH d−1 (X)/hom→CH d−1 (X)/num
est un isomorphisme de groupes abéliens de type fini sans torsion. QED
Rappelons maintenant comment divers théorèmes de comparaison impliquent (4) pour i = d − 1, où X est une variété projective, lisse, géométriquement intègre sur un corps k de caractéristique zéro. Rappelons que pour
un corps algébriquement clos L contenant k le groupe de Néron–Severi de
XL = X ×k L ne dépend pas du corps L, car c’est le groupe des composantes connexes du schéma de Picard PicXL /L . Nous pouvons donc utiliser la
notation N 1 sans risque d’ambiguı̈té.
Soit C un 1-cycle sur X qui est numériquement équivalent à zéro. Il existe
un sous-corps K ⊂ k de type fini sur Q, une variété X̃ sur K, et un 1-cycle
C̃ sur X̃ tel que X = X̃ ×K k et C = C̃ ×K k. On peut supposer que le
groupe de type fini N 1 est engendré par les classes de diviseurs effectifs,
réduits, absolument irréductibles D1 , . . . , Dr définis sur K. Choisissons un
plongement K ⊂ C. Soit K la clôture algébrique de K dans C, et soient X̃K =
X̃ ×K K, X̃C = X̃ ×K C. Le cycle C a une image nulle dans N1 = Num1 (X)
si et seulement si C a une intersection nulle avec D1 , . . . , Dr . Mais alors C̃ a
une image nulle dans Num1 (X̃C ). D’après la proposition 1.1, le cycle C̃ a une
image nulle dans le groupe de cohomologie de Betti H2d−2 (X̃C , Q(d − 1)).
6
Le théorème de comparaison entre la cohomologie étale et la cohomologie
de Betti ([18, XI, XVI], voir aussi [12, Thm. III.3.12]) donne des isomorphismes naturels
2i
(X̃C , Q` (i)) ∼
Hét
= H2i
Betti (X̃C (C), Q(i)) ⊗Q Q` .
Les applications classe de cycle transforment cup-produit en cohomologie en
accouplement d’intersection sur les groupes de Chow.
Partant de cela, on peut montrer que l’application classe de cycle en
cohomologie de Betti et l’application classe de cycle en cohomologie `-adique
sont compatibles avec ces isomorphismes. Une esquisse de démonstration est
donnée dans [3, p. 21]. J. Riou nous a montré comment une preuve formelle
se déduit de l’énoncé d’unicité pour les applications classe de cycle que l’on
trouve dans [17, Prop. 1.2].
Puisque l’application naturelle
2d−2
2d−2
(X̃C , Q` (d − 1))
Hét
(X̃K , Q` (d − 1)) −→ Hét
est un isomorphisme d’espaces vectoriels sur Q` (cf. [12, Cor. VI.4.3]), l’ap2d−2
plication classe de cycle envoie C̃ sur zéro dans Hét
(X̃K , Q` (d − 1)). Par
changement de corps de base de K à k, on obtient (4) for i = d − 1.
Comme rappelé ci-dessus, l’accouplement (1) est compatible avec le cupproduit
2d−2i
2i
(X, Z` (d − i))→Z`
Hét
(X, Z` (i)) × Hét
via l’application classe de cycle. Nous obtenons donc le diagramme commutatif d’accouplements de Γ-modules
N1 ×
N1
→ Z
↓
↓
↓
2d−2
2
→ Z`
H` × H`
(5)
où les applications verticales sont injectives. Nous utiliserons l’énoncé suivant : l’accouplement inférieur dans (5) est un accouplement parfait, c’est-àdire qu’il induit des isomorphismes
H`2 = HomZ` (H`2d−2 , Z` ),
H`2d−2 = HomZ` (H`2 , Z` ).
L. Illusie nous informe que cet énoncé peut être établi en utilisant le formalisme Z` -adique de Deligne [4, §1.1]. La dualité de Poincaré pour le complexe
7
RΓ(X, Z/`n ) (voir [18, XVIII]) donne naissance à une dualité parfaite pour
les complexes parfaits RΓ(X, Z` ). On utilise ensuite un argument de type
coefficients universels.
La suite (3) donne naissance à la suite exacte
0→N`1 →HomZ` (N1,` , Z` )→D{`}→0,
(6)
où la seconde flèche se factorise de la façon suivante :
2d−2
N`1 →H`2 −→Hom
˜
, Z` )→HomZ` (N1,` , Z` ).
Z` (H`
1.2
Le groupe de Brauer
Rappelons le calcul du groupe de Brauer Br(X) (Grothendieck, [5, III.8,
p. 144-147]). Soit ρ = dimQ (NS(X) ⊗ Q) le nombre de Picard de X, et soit
b2 le second nombre de Betti de X. Notons Br0 (X) le sous-groupe divisible
maximal de Br(X). On a un isomorphisme de groupes abéliens :
Br0 (X) ∼
= (Q/Z)b2 −ρ .
Le quotient Br(X)/Br0 (X) est fini, plus précisément il y a une suite exacte
de Γ-modules
3
0→Br0 (X)→Br(X)→ ⊕` Hét
(X, Z` (1))tors →0,
(7)
où ` parcourt l’ensemble des nombres premiers.
Soit B` le module de Tate `-adique de Br(X), que l’on définit comme la
limite projective des Br(X)[`m ], m ∈ N. C’est un Z` -module libre de type
fini. Le module galoisien B` ne contrôle que le sous-groupe divisible maximal
Br0 (X) ⊂ Br(X), en ce sens que B` est aussi isomorphe au module de Tate de
Br0 (X), et qu’il y a un isomorphisme canonique de Γ-modules (cf. [5, II.8.1,
p. 144]) :
Br0 (X) ∼
= ⊕` (B` ⊗Z` Q` /Z` ).
La suite de Kummer
x7→xn
1→µn →Gm −→ Gm →1
donne naissance aux suites exactes de Γ-modules
2
0→Pic(X)/`m →Hét
(X, µ`m )→Br(X)[`m ]→0.
8
(8)
2
Puisque le groupe divisible Pic0 (X) a une image nulle dans Hét
(X, µ`m ), on
a des suites exactes induites :
2
0→NS(X)/`m →Hét
(X, µ`m )→Br(X)[`m ]→0.
En passant à la limite projective sur m ∈ N, on obtient la suite exacte (8.7)
de [5, III.8.2] :
2
0→NS(X) ⊗ Z` →Hét
(X, Z` (1))→B` →0.
(9)
La deuxième flèche dans (9) induit un isomorphisme sur les groupes de torsion :
2
(X, Z` (1))tors .
(NS(X) ⊗ Z` )tors = Hét
On a donc la suite exacte de Z` [Γ]-modules, libres et de type fini comme
Z` -modules :
0→N`1 →H`2 →B` →0.
(10)
Comme suite de Z` -modules, cette suite est scindée. En particulier, pour tout
premier ` le Z` -sous-module N`1 ⊂ H`2 est primitif, en ce sens que le quotient
H`2 /N`1 est sans torsion.
Tensorisant (10) avec Q` /Z` et prenant la somme directe sur tous les
premiers `, nous obtenons une suite exacte de Γ-modules
0→N 1 ⊗ Q/Z→ ⊕` (H`2 ⊗Z` Q` /Z` )→Br0 (X)→0,
qui donne naissance à une 2-extension de Γ-modules
0→N 1 →N 1 ⊗ Q→ ⊕` (H`2 ⊗Z` Q` /Z` )→Br0 (X)→0.
(11)
On utilisera plus loin le lemme facile suivant.
Lemme 1.2 Soit F un groupe abélien fini `-primaire, et soit n ∈ N. Soit A
un sous-quotient fini de (Q` /Z` )n ⊕ F . Si l’exposant de A est `m , alors l’ordre
de A divise le produit de `mn par l’ordre de F [`m ].
Démonstration. Le groupe A est un quotient de (Q` /Z` )r ⊕F 0 ⊂ (Q` /Z` )n ⊕F ,
où F 0 est un groupe fini. Donc A est un quotient de F 0 /`m . L’ordre de F 0 /`m
est égal à l’ordre de F 0 [`m ], qui est un sous-groupe de (Z/`m )n ⊕ F [`m ]. QED
9
1.3
Une suite exacte fondamentale
Proposition 1.3 Soit X un schéma de type fini sur un corps k de caractéristique zéro.
(i) Il y a un complexe naturel, fonctoriel en X et en k :
β
α
Br(X) −→ Br(X)Γ −→ H2 (k, Pic(X)).
∗
0
(X, Gm ) = k . Supposons de plus que l’application
(ii) Supposons Hét
∗
3
3
Hét (k, k )→Hét (X, Gm )est injective, ce qui est le cas si X possède un k-point
ou si k est un corps de nombres. Alors le complexe ci-dessus est une suite
exacte, et l’on a Im(α) = Ker(β) et Coker(α) = Im(β).
Démonstration. Ceci résulte de la suite spectrale de Leray
p+q
q
(X, Gm ).
E2pq = Hp (k, Hét
(X, Gm )) ⇒ Hét
(12)
∗
3
3
(X, Gm ).
Un k-point sur X définit une section de l’application Hét
(k, k )→Hét
∗
3
Pour un corps de nombres k, on a Hét (k, k ) = 0. QED
1.4
Restriction et corestriction
Le lemme suivant est certainement bien connu.
Lemme 1.4 Soit X un schéma sur un corps k de caractéristique nulle, et
soit L ⊂ k une extension finie de k de degré n. Il existe des homomorphismes
naturels de restriction et de corestriction
resL/k : Br(X)→Br(XL ),
coresL/k : Br(XL )→Br(X),
et l’on a coresL/k (resL/k (x)) = nx. Le diagramme suivant commute :
resL/k
Br(X)
α
Br(X)Γ
/
Br(XL )
αL

Ici ΓL = Gal(k/L), et σ(x) =
des classes Γ/ΓL .
/
P
Br(X)ΓL
coresL/k
/
Br(X)
α
σ
/
Br(X)
σi (x), où les σi ∈ Γ sont des représentants
10
Démonstration. Rappelons la définition de resL/k et coresL/k . Soit f :
Y →X un morphisme fini et plat de k-schémas lisses connexes. Soit n le
degré de f . On dispose alors de morphismes de faisceaux étales
Gm,X →f∗ Gm,Y →Gm,X
définis sur les fibres par l’injection naturelle pour le premier, par la norme
pour le second. Le morphisme composé est l’élévation à la puissance n. Le
foncteur f∗ de la catégorie des faisceaux étales sur Y dans la catégorie des
faisceaux étales sur X est exact [12, Cor. II.3.6]. La suite spectrale de Leray
p
p
donne donc un isomorphisme Hét
(X, f∗ Gm,Y )−→H
˜ ét
(Y, Gm,Y ). On obtient
ainsi les applications
res
cores
p
p
p
Hét
(X, Gm,X ) −−−−−−→ Hét
(Y, Gm,X ) −−−−−−→ Hét
(X, Gm,X )
dont la composée est la multiplication par n.
Soit X un schéma sur un corps k. Soit L ⊂ k un corps tel que [L : k] = n.
n
Soit Y = XL = X ×k L. On a l’isomorphisme L ⊗k k →k
˜ , dont les diverses
composantes correspondent aux n k-plongements de L dans k.
Par changement de base de X à X, on obtient un diagramme commutatif
p
Hét
(X, Gm )
resL/k
p
Hét
(XL , Gm )
/
p
Hét
(X, Gm )n
/
p
Hét
(X, Gm )

coresL/k
/
/
p
Hét
(X, Gm )
p
Hét
(X, Gm )
où les applications dans la ligne inférieure sont le plongement diagonal et
p
le produit. L’action du groupe de Galois Γ sur Hét
(X, Gm )n est induite par
p
l’action naturelle de ΓL sur Hét (X, Gm ). En passant aux sous-groupes Γinvariants, et en prenant p = 2, on obtient l’énoncé du lemme. QED
2
2.1
Démonstration du théorème principal via
le groupe de Brauer des courbes
Finitude
Théorème 2.1 Soit X une variété projective, lisse et géométriquement intègre
sur un corps k de caractéristique zéro. Le conoyau de l’application naturelle
α : Br(X)→Br(X)Γ est fini.
11
Démonstration. D’après le calcul de Grothendieck du groupe Br(X) que nous
avons rappelé au paragraphe 1.2, pour toute puissance `n d’un nombre premier ` et tout sous-quotient B de Br(X) le sous-groupe B[`n ] est fini. Il suffit
donc de montrer que le groupe Coker(α) est d’exposant fini.
Pour cela on peut remplacer k par une extension finie. De fait, si L avec
k ⊂ L ⊂ k, [L : k] = n, est une telle extension, il résulte du lemme 1.4 que
l’on a des applications naturelles
Coker(α)→Coker(αL )→Coker(α),
dont la composée est la multiplication par n. Il suffit donc de montrer que
Coker(αL ) est d’exposant fini.
On peut en particulier supposer que X possède un k-point. D’après la proposition 1.3(ii) on a Coker(α) = Im(β). Montrons que Im(β) est d’exposant
fini.
Si C est une courbe projective, lisse et géométriquement intègre sur k et
si f : C→X est un k-morphisme, les applications f ∗ : Pic(X)→Pic(C) et
f ∗ : Br(X)→Br(C) s’insèrent dans un diagramme commutatif
β
X
Br(X)Γ −→
H2 (k, Pic(X))
↓
↓
β
C
Br(C)Γ −→
H2 (k, Pic(C)).
Le théorème de Tsen implique Br(C) = 0 ([5], Cor. 1.3, p. 90). Ainsi
(∗) Pour tout k-morphisme f : C→X, le groupe Im(βX ) est dans le noyau
de l’application verticale droite du diagramme ci-dessus.
L’application degré Pic(C)→NS(C) = Z donne naissance à la suite exacte
de modules galoisiens
0→Pic0 (C)→Pic(C)→NS(C)→0.
On a donc un diagramme commutatif à lignes exactes
H2 (k, Pic0 (X)) → H2 (k, Pic(X)) → H2 (k, NS(X))
↓
↓
↓
0
2
2
2
0 → H (k, Pic (C)) → H (k, Pic(C)) → H (k, NS(C)).
La nullité de H1 (k, Z) donne le zéro à gauche dans la ligne inférieure.
12
(13)
Comme le corps k est infini, le théorème de Bertini [7] pour les sections hyperplanes des variétés projectives et lisses implique l’existence d’une
courbe C ⊂ X, définie sur k, section linéaire de X, et qui est lisse et
géométriquement connexe. Une combinaison du théorème de Bertini et du
théorème de connexion de Zariski (voir [6, Lemme 2.10, p. 210]) montre alors
que sur une clôture algébrique de k, l’image inverse via f : C→X de tout
revêtement fini étale connexe de X est connexe. Ceci implique en particulier que l’homomorphisme de variétés abéliennes Pic0X/k →Pic0C/k a un noyau
trivial.
Par le théorème de complète réductibilité de Poincaré [15, §19, Thm. 1]
il existe donc une sous-variété abélienne A ⊂ Pic0C/k telle que l’application
naturelle
Pic0X/k × A→Pic0C/k
soit une isogénie de variétés abéliennes sur k.
Puisque l’application H2 (k, Pic0 (C))→H2 (k, Pic(C)) est injective, ceci implique :
(∗∗) Le noyau de l’application composée
H2 (k, Pic0 (X))→H2 (k, Pic(X))→H2 (k, Pic(C))
a un exposant fini.
Puisque N 1 = NS(X)/tors est un groupe abélien libre de type fini, on peut
choisir un nombre fini, disons m, de courbes intègres sur X telles que l’intersection avec ces courbes définit un homomorphisme injectif ι : N 1 ,→ Zm .
Par passage aux normalisations on obtient des morphismes de courbes projectives, lisses, connexes définies sur k, vers X. Pour la présente démonstration
on peut remplacer k par une extension finie sur laquelle chacune des courbes
est définie.
Nous avons donc des k-courbes Ci , i = 1, . . . , m, projectives, lisses, géométriquement intègres et des k-morphismes fi : Ci →X. Les applications
induisent un homomorphisme de Γ-modules
m
NS(X)→ ⊕m
i=1 NS(C i ) = Z .
D’après (13), (∗) et (∗∗), pour établir le résultat annoncé, il suffit de montrer
que le noyau de l’application induite H2 (k, NS(X))→H2 (k, Zm ) est d’exposant fini. Cette application est la composée de deux applications :
H2 (k, NS(X))→H2 (k, N 1 )→H2 (k, Zm ).
13
Il suffit de montrer que le noyau de chacune de ces deux applications est
d’exposant fini.
De la suite exacte de cohomologie associée à la suite exacte de Γ-modules
0→NS(X)tors →NS(X)→N 1 →0
on déduit que l’application
H2 (k, NS(X))→H2 (k, N 1 )
a son noyau annulé par la multiplication par l’exposant du groupe fini NS(X)tors .
Il existe un homomorphisme Zm →N 1 tel que la composition d’homomorphismes de groupes abéliens, avec action triviale du groupe de Galois,
ι
N 1 ,→ Zm →N 1
est la multiplication par un entier strictement positif. Le noyau de l’application
H2 (k, N 1 )→H2 (k, Zm )
est annulé par la multiplication par cet entier. QED
2.2
Majorations, I
Soit δ0 l’exposant du groupe fini D défini dans (3), et soit ν0 l’exposant
du groupe fini NS(X)tors . Soit α l’application naturelle Br(X)→Br(X)Γ .
Théorème 2.2 Soit X une variété projective, lisse et géométriquement intègre sur un corps k de caractéristique zéro. Soit L/k une extension finie telle
que le groupe abélien libre de type fini N1 = Num1 (X) est engendré par les
classes de courbes intègres sur X définies sur L. Soit λ = [L : k].
3
3
(i) Si l’on a H1 (X, OX ) = 0 et si l’application Hét
(k, Gm )→Hét
(X, Gm )
est injective, alors l’exposant de Coker(α) divise λδ0 ν0 .
(ii) Si k est un corps de nombres, l’exposant de Coker(α) divise 2λδ0 ν0 ,
et il divise λδ0 ν0 si k est totalement imaginaire.
Démonstration. Elle consiste à détailler les étapes de la démonstration du
théorème 2.1. On applique d’abord la proposition 1.3. Pour tout corps de
∗
3
nombres k, on a Hét
(k, k ) = 0. Dans ce cas, on a donc Im(α) = Ker(β), et
14
donc Coker(α) = Im(β). Ceci vaut aussi sous l’hypothèse que l’application
3
3
Hét
(k, Gm )→Hét
(X, Gm ) est injective.
On choisit un nombre fini, soit m, de courbes intègres C1 , . . . , Cm sur X
dont les classes engendrent N1 , et on remplace k par une extension finie L
sur laquelle chacune de ces courbes est définie. L’argument de restrictioncorestriction au début de la démonstration du théorème 2.1 montre que si
l’on remplace k par l’extension finie L, de degré λ, l’exposant Coker(α) divise
le produit de l’exposant de Coker(αL ) par l’entier λ. Pour établir le théorème,
il suffit donc de se limiter au cas k = L, c’est-à-dire à λ = 1.
Soit Pic(X)→Zm l’application donnée par restriction aux courbes Ci , suivie de l’application degré sur chaque courbe. La démonstration du théorème
2.1 établit que l’image de β est contenue dans le noyau de l’application induite
H2 (k, Pic(X))→H2 (k, Zm ).
L’application Pic(X)→Zm se factorise comme suit :
Pic(X)→NS(X)→N 1 →Hom(N1 , Z)→Zm .
Nous allons borner l’exposant du noyau de chaque application induite sur
H2 (k, •).
En envoyant chaque courbe Ci sur sa classe dans N1 on obtient une suite
exacte de Γ-modules triviaux
0→Zr →Zm →N1 →0.
En dualisant cette suite on obtient une suite exacte scindée de Γ-modules
triviaux :
0→Hom(N1 , Z)→Zm →Zr →0.
L’application
H2 (k, Hom(N1 , Z))→H2 (k, Zm )
est donc injective. De la suite exacte (3) on tire que le noyau de
H2 (k, N 1 )→H2 (k, Hom(N1 , Z))
est annulé par l’exposant de H1 (k, D), donc par δ0 , l’exposant du groupe D.
Comme on a vu dans la démonstration du théorème précédent, le noyau
de l’application
H2 (k, NS(X))→H2 (k, N 1 )
15
est annulé par l’exposant ν0 de NS(X)tors . Nous avons par ailleurs la suite
exacte
0→Pic0X/k (k)→Pic(X)→NS(X)→0.
Si H1 (X, OX ) = 0, alors Pic0X/k = 0. Si k est un corps de nombres et A
une variété abélienne, on a H2 (k, A) = ⊕v H2 (kv , A), où v parcourt les places
réelles de k [13, Thm. 6.26 (c), p. 92]. Ainsi l’exposant de H2 (k, A) est au
plus 2. Ceci achève la démonstration du théorème. QED
Remarque. Du théorème 2.2 on déduit immédiatement, au moyen du lemme
1.2, une majoration de l’ordre du groupe Coker(α).
3
3.1
Différentielles
Une remarque générale sur les différentielles dans
les suites spectrales
Rappelons le cadre général pour la suite spectrale des foncteurs composés.
Soient A, B, C des catégories abéliennes. Supposons que A and B ont suffisamment d’injectifs. Soient G : A→B and F : B→C des foncteurs additifs
exacts à gauche. Supposons que G envoie les objets injectifs sur des objets
F -acycliques. Alors pour tout objet B ∈ Ob(A) on a la suite spectrale
E2pq = (Rp F )(Rq G)B ⇒ Rp+q (F G)B.
(14)
Pour p ≥ 0 et q ≥ 1, soient
∂p,q : (Rp F )(Rq G)B −→ (Rp+2 F )(Rq−1 G)B
les applications canoniques dans cette suite spectrale.
Soit
0→A→B→C→0
(15)
une suite exacte dans A. Par application des foncteurs dérivés droits de G
on obtient une longue suite exacte dans B. En la tronquant on obtient pour
tout q ≥ 1 une suite exacte
0→B1 →(Rq−1 G)C→(Rq G)A→B2 →0,
16
(16)
une application surjective s : (Rq−1 G)B→B1 , et une application injective
i : B2 →(Rq G)B. Soit ∂ : (Rp F )B2 →(Rp+2 F )B1 l’homorphisme de connexion
défini par (16). Soit
s∗ = (Rp+2 F )(s) : (Rp+2 F )(Rq−1 G)B→(Rp+2 F )B1
l’application induite par s, et, de façon analogue, soit
i∗ = (Rp F )(i) : (Rp F )B2 →(Rp F )(Rq G)B
l’application induite par i.
Lemme 3.1 On a ∂ = s∗ ∂p,q i∗ .
Démonstration. Soit
0→A· →B · →C · →0
une suite exacte de résolutions injectives de A, resp. B, resp. C. Soient an :
An →An+1 les différentielles dans A· , et de même dans B · et C · . On a le
diagramme commutatif de suites exactes
G(Aq−1 )/Im(G(aq−2 )) → G(B q−1 )/Im(G(bq−2 )) → G(C q−1 )/Im(G(cq−2 )) → 0
↓
↓
↓
0 →
Ker(G(aq ))
→
Ker(G(bq ))
→
Ker(G(cq ))
En appliquant le lemme du serpent on obtient la suite exacte
(Rq−1 G)A→(Rq−1 G)B→(Rq−1 G)C→(Rq G)A→(Rq G)B→(Rq G)C.
En la tronquant on obtient (16). En utilisant le lemme 3.2 ci-dessous, on
vérifie que la suite (16) est équivalente à la 2-extension
0→(Rq−1 G)B→G(B q−1 )/ImG(bq−2 )→Ker(G(bq ))→(Rq G)B→0
(17)
tirée en arrière via i : B2 →(Rq G)B et poussée en avant via s : (Rq−1 G)B→B1 .
Par définition, l’application canonique ∂p,q est l’homomorphisme de connexion
(Rp F )(Rq G)B −→ (Rp+2 F )(Rq−1 G)B
défini par (17), donc s∗ ∂p,q i∗ = ∂. QED
17
Lemme 3.2 Soit
L → M → N → 0
↓
↓
↓
0
0
0 → L → M → N0
(18)
un diagramme commutatif à lignes exactes dans une catégorie abélienne, et
soit
K1 →K2 →K3 →K4 →K5 →K6
(19)
la suite exacte obtenue à partir de (18) en appliquant le lemme du serpent.
Soit
0→B1 →K3 →K4 →B2 →0
(20)
la suite exacte obtenue en tronquant (19). Soit s : K2 →B1 l’application surjective naturelle, et soit i : B2 →K5 l’application injective naturelle. Alors la
2-extension (20) est obtenue à partir de la 2-extension
0→K2 →M →M 0 →K5 →0
en tirant par i et en poussant par s.
Démonstration. Soit E le sous-objet de M qui est l’image inverse de l’image
injective de K3 dans N . On laisse au lecteur la vérification facile que le
diagramme évident suivant est commutatif et a ses lignes exactes :
0 → B1 → K3 → K4 → B2 → 0
↑
↑
↑
||
0 → K2 → E → L0 → B2 → 0
||
↓
↓
↓
0
0 → K2 → M → M → K5 → 0
Le lemme résulte alors de ce diagramme. QED
3.2
Applications au groupe de Brauer
De la suite de Kummer (8) on tire la 2-extension de Γ-modules
2
(X, µn )→Br(X)[n]→0,
0→Pic(X)/Pic(X)[n]→Pic(X)→Hét
où la seconde flèche est définie par la multiplication par n sur Pic(X).
18
(21)
Proposition 3.3 Le diagramme suivant commute :
∂
Br(X)[n]Γ −→ H2 (k, Pic(X)/Pic(X)[n])
↓
↑
Br(X)Γ
β
H2 (k, Pic(X))
−→
Ici ∂ est l’homomorphisme de connexion défini par (21), et les flèches verticales sont les applications naturelles évidentes.
Démonstration. Dans le cadre de (14) et du lemme 3.1, soit A la catégorie des
faisceaux étales sur X, soit B la catégorie des Γ-modules continus discrets, et
soit C la catégorie des groupes abéliens. Soit G = π∗ , où π : X→Spec(k) est
le morphisme structural. Soit F (M ) = M Γ . Soit A = µn,X , B = C = Gm,X .
Pour (15), prenons la suite de Kummer (8). Prenons p = 0 et q = 2. La
suite exacte (16) associée est précisément la suite (21). Il reste à appliquer le
lemme 3.1 : la flèche verticale de gauche dans le diagramme est i∗ , la flèche
horizontale inférieure est β = ∂0,2 , et la flèche verticale de droite est s∗ . QED
De la suite exacte
0→Pic0 (X)→Pic(X)→NS(X)→0
on tire facilement la suite exacte
0→Pic0 (X)/Pic0 (X)[n]→Pic(X)/Pic(X)[n]→NS(X)/NS(X)[n]→0.
Le sous-groupe divisible Pic0 (X) ⊂ Pic(X) est contenu dans le noyau de
2
(X, µn ), donc de (21) on tire la 2-extension de Γ-modules
Pic(X)→Hét
2
0→NS(X)/NS(X)[n]→NS(X)→Hét
(X, µn )→Br(X)[n]→0,
(22)
où la seconde flèche est induite par la multiplication par n sur NS(X).
Corollaire 3.4 Le diagramme suivant commute :
∂
Br(X)[n]Γ −→ H2 (k, NS(X)/NS(X)[n])
↓
↑
Br(X)Γ
β
H2 (k, Pic(X))
−→
Dans ce diagramme, ∂ est l’homomorphisme de connexion défini par (22), et
les flèches verticales sont les applications naturelles évidentes.
19
Démonstration. C’est une conséquence immédiate de la proposition 3.3. QED
Corollaire 3.5 Le diagramme suivant commute :
∂
Br0 (X)Γ −→
↓
Br(X)Γ
H2 (k, N 1 )
↑
β
−→ H2 (k, Pic(X))
Dans ce diagramme, ∂ est l’homomorphisme de connexion défini par (11), et
les flèches verticales sont les applications naturelles évidentes.
Démonstration. Soit n un entier positif non nul divisible par l’exposant ν0 de
NS(X)tors . Pour un tel n la suite exacte (22) se lit
2
(X, µn )→Br(X)[n]→0,
0→N 1 →NS(X)→Hét
l’application NQ1 →NS(X) étant induite par la multiplication par n sur NS(X).
Écrivons n = ` n` , où n` est une puissance du nombre premier `.
Soit P` = NS(X){`}, et soit Im(P` ) l’image de P` par l’application composée
2
2
(X, Z` (1))→Hét
(X, µn` ).
NS(X)→Hét
On a le diagramme commutatif suivant de Γ-modules, dont les lignes sont
exactes :
0 → N1
||
0 → N1
||
0 → N1
||
0 → N1
−→ N 1 ⊗ Q
↑
×n
−→
N1
||
×n
−→
N1
↑
×n
−→ NS(X)
⊕` (H`2 ⊗Z` Q` /Z` )
↑
→
⊕` H`2 /n`
↓
2
→ ⊕` Hét (X, µn` )/Im(P` )
↑
2
→
Hét (X, µn )
→
Br0 (X)
↑
0
→ Br (X)[n]
↓
→ Br(X)[n]
||
→ Br(X)[n]
→
→ 0
→ 0
→ 0
→ 0.
La suite exacte de la première ligne est obtenue en tensorisant (10) avec Q` /Z`
puis en prenant la somme directe sur tous les premiers `. Pour construire la
suite exacte de la seconde ligne, on tensorise (10) avec Z/n` , puis on prend la
somme directe sur tous les premiers `. La flèche verticale N 1 →N 1 ⊗ Q envoie
x sur x ⊗ n1 . Toutes les autres flèches verticales sont les flèches naturelles
évidentes.
20
En utilisant ce diagramme, on déduit du corollaire 3.4 que la restriction
de l’application composée
β
Br(X)Γ −→ H2 (k, Pic(X)) −→ H2 (k, N 1 )
à Br0 (X)Γ ⊂ Br(X)Γ est l’homomorphisme de connexion défini par (11), la
2-extension supérieure dans le grand diagramme ci-dessus. QED
4
Démonstration du théorème principal via
les cycles transcendants
Dans tout ce paragraphe, X est une variété projective, lisse et géométriquement
intègre sur un corps k de caractéristique nulle.
4.1
Réseaux de cycles algébriques et de cycles transcendants
Soit ` un nombre premier. Pour M un Z` -module, on note M ∗ = HomZ` (M, Z` ).
Dans le diagramme commutatif d’accouplements Γ-équivariants
N`1 × N1,` → Z`
↓
↓
||
2d−2
2
H` × H`
→ Z`
vu au paragraphe 1.1, les flèches verticales sont injectives (théorèmes de Matsusaka et de Lieberman), En outre, l’accouplement inférieur induit des isomorphismes H`2 = (H`2d−2 )∗ et H`2d−2 = (H`2 )∗ . En utilisant la suite exacte
(6) et la remarque subséquente, on voit que la flèche composée
2d−2 ∗
∗
N`1 →H`2 −→(H
˜
) →N1,`
`
est une application injective de conoyau D{`}, où D est le groupe abélien
fini défini en (3). En particulier, cette application est un isomorphisme si `
ne divise pas l’ordre δ de D.
Comme on a vu au paragraphe 1.2, le sous-groupe N`1 ⊂ H`2 est primitif. Par contre Kollár (voir [22], Thm. 14) a montré que N1,` n’est pas
forcément un sous-groupe primitif de H`2d−2 . Voici comment remédier à cet
état de choses. Tout d’abord, si ` ne divise pas δ, l’application naturelle
21
∗
(H`2d−2 )∗ →N1,`
est surjective, donc N1,` est primitif dans H`2d−2 . Pour tout `,
on définit le Γ-module M` comme le saturé de N1,` dans H`2d−2 . En d’autres
termes,
M` = H`2d−2 ∩ ( N1,` ⊗Z` Q` ) ⊂ H`2d−2 ⊗Z` Q` .
Si ` ne divise pas δ, alors M` = N1,` . Nous définissons ensuite le Γ-module M
comme le sous-groupe de N1 ⊗ Q formé des éléments qui, pour tout premier
`, s’envoient dans M` par l’application naturelle
N1 ⊗ Q −→ N1 ⊗ Q` ∼
= M` ⊗Z` Q` .
On a donc N1 ⊂ M ⊂ N1 ⊗ Q. On obtient aussi une forme bilinéaire Γéquivariante N 1 × M →Q. Par tensorisation avec Z` pour chaque premier `
on voit que c’est en fait une forme bilinéaire entière
N1 × M → Z
qui prolonge l’accouplement d’intersection sur N 1 × N1 . Cela donne la suite
exacte de Γ-modules
0→N 1 →Hom(M, Z)→E→0,
(23)
qui définit le Γ-module fini E, et pour chaque ` cela donne la suite exacte
0→N`1 →M`∗ →E{`}→0.
(24)
Le Γ-module E est un sous-Γ-submodule of D, et D/E = Hom(M/N1 , Q/Z).
Donc |D/E| = |M/N1 |. Notons que si d = 2, c’est-à-dire si X est une surface,
alors N1,` = N`1 ⊂ H`2 est primitif, donc M = N1 et D = E.
Soit S` ⊂ H`2 l’orthogonal de N1,` (ou de M` ) par rapport au cup-produit.
Soit T` ⊂ H`2d−2 l’orthogonal de N`1 par rapport au cup-produit. En dualisant
la suite exacte de Γ-modules, libres et de type fini comme Z` -modules,
0→T` →H`2d−2 →(N`1 )∗ →0
on obtient la suite exacte de Γ-modules, libres et de type fini comme Z` modules,
(25)
0→N`1 →H`2 →T`∗ →0.
Ceci définit une identification canonique T`∗ = B` , où B` est le module de
Tate du groupe de Brauer défini au paragraphe 1.2.
22
Puisque M` ⊂ H`2d−2 est un sous-groupe primitif, le cup-produit donne la
suite exacte suivante :
0→S` →H`2 →M`∗ →0.
(26)
L’application composée N`1 ⊂ H`2 →(H
˜ `2d−2 )∗ →M`∗ →(N1,` )∗ est injective. Ainsi
S` ∩ N`1 = 0. En utilisant (25) and (26) on voit que pour tout premier ` on
a des isomorphismes canoniques de Γ-modules
E{`} = M`∗ /N`1 = H`2 /(N`1 ⊕ S` ) = T`∗ /S` .
On a donc une suite exacte naturelle
0→M`∗ /N`1 →(S` ⊗Z` Q` /Z` ) ⊕ (N`1 ⊗Z` Q` /Z` )→H`2 ⊗Z` Q` /Z` →0.
(27)
Nous ferons usage du diagramme commutatif suivante de Γ-modules, dont
les colonnes et les lignes sont exactes :
0
0
↓
↓
0 →
M`∗ /N`1
→ S` ⊗Z` Q` /Z` → Br0 (X){`} → 0
↓
↓
||
0 → N`1 ⊗Z` Q` /Z` → H`2 ⊗Z` Q` /Z` → Br0 (X){`} → 0
↓
↓
∗
∗
M` ⊗Z` Q` /Z` = M` ⊗Z` Q` /Z`
↓
↓
0
0
(28)
La ligne médiane, respectivement la colonne médiane, est la suite exacte
(25), respectivement la suite exacte (26), tensorisée avec Q` /Z` . Le reste du
diagramme se déduit de (27).
En prenant la somme directe sur tous les premiers `, on déduit de (28)
l’équivalence des 2-extensions
0 → N 1 → Hom(M, Z) → ⊕(S` ⊗Z` Q` /Z` ) → Br0 (X) → 0
||
↓
↓
||
0 → N1 →
N1 ⊗ Q
→ ⊕(H`2 ⊗Z` Q` /Z` ) → Br0 (X) → 0
L’extension supérieure est le produit de Yoneda des 1-extensions de Γ-modules
(23) et
0→E→ ⊕ (S` ⊗Z` Q` /Z` )→Br0 (X)→0.
(29)
Notons ∂1 : Br0 (X)Γ →H1 (k, E) et ∂2 : H1 (k, E)→H2 (k, N 1 ) les différentielles
définies par ces 1-extensions.
23
Proposition 4.1 L’application composée
β
Br0 (X)Γ ,→ Br(X)Γ −→ H2 (k, Pic(X))→H2 (k, N 1 )
coı̈ncide, au signe près, avec l’application composée
∂
∂
1
2
Br0 (X)Γ −→
H1 (k, E) −→
H2 (k, N 1 ).
En particulier l’image de β(Br0 (X)Γ ) dans H2 (k, N 1 ) est annulée par l’exposant de E.
Démonstration. Nous avons vu que (11) est équivalent au produit de Yoneda
de (23) et (29), la proposition résulte donc du corollaire 3.5. QED
4.2
Majorations, II
3
Soit γ l’ordre du groupe fini ⊕` Hét
(X, Z` (1))tors , et soit γ0 son exposant.
Soit ε0 l’exposant du groupe fini E défini en (23). L’entier ε0 divise δ0 , qui
est l’exposant du groupe fini D défini en (3). Rappelons que ν est l’ordre du
groupe fini NS(X)tors , et que ν0 est son exposant.
2
Si d = 2, c’est-à-dire si X est une surface, alors Hét
(X, Z` (1))tors est dual
3
de Hét (X, Z` (1))tors , donc γ = ν et γ0 = ν0 . Dans ce cas N 1 = N1 , et on a
l’accouplement bilinéaire symétrique
N 1 × N 1 →Z,
dont le noyau est trivial. L’entier δ = |D| est alors la valeur absolue du
déterminant de cet accouplement. Toujours dans ce cas, les groupes D et E
coı̈ncident, donc δ = ε et δ0 = ε0 .
Sur un corps quelconque (de caractéristique zéro), nous avons le résultat
suivant.
Théorème 4.2 Soit X une variété projective, lisse et géométriquement intègre
sur un corps k de caractéristique nulle, telle que H1 (X, OX ) = 0. Supposons
∗
3
3
(X, Gm ) est injective (ce qui est
que l’application canonique Hét
(k, k )→Hét
le cas si X possède un k-point). Alors :
(i) L’exposant du conoyau de
α : Br(X)→Br(X)Γ
divise γ0 ε0 ν0 , et l’ordre de Coker(α) divise γ(ε0 ν0 )b2 −ρ .
(ii) Si X est une surface, l’exposant de Coker(α) divise δ0 ν02 , et l’ordre de
Coker(α) divise ν(δ0 ν0 )b2 −ρ .
24
Démonstration. Sous nos hypothèses, Coker(α) = Im(β) d’après la proposition 1.3, il suffit donc d’estimer la taille de β(Br(X)Γ ). De (7) on déduit la
suite exacte
3
0→Br0 (X)Γ →Br(X)Γ → ⊕` Hét
(X, Z` (1))Γtors .
Γ
Ceci implique que |β(Br(X)Γ )| divise γ|β(Br0 (X) )|, et l’exposant de β(Br(X)Γ )
Γ
divise le produit de γ0 par l’exposant de β(Br0 (X) ).
Γ
D’après la proposition 4.1, le groupe ε0 .β(Br0 (X) ) est un sous-groupe
de
Ker[H2 (k, Pic(X))→H2 (k, N 1 )].
On a la suite exacte courte
H2 (k, Pic0 (X))→H2 (k, Pic(X))→H2 (k, NS(X))
et la suite exacte courte
H2 (k, NS(X)tors )→H2 (k, NS(X))→H2 (k, N 1 ).
L’hypothèse H1 (X, OX ) = 0 implique Pic0 (X) = 0, donc l’exposant de
Γ
Γ
ε0 .β(Br0 (X) ) divise ν0 . Ainsi l’exposant de β(Br0 (X) ) divise ε0 .ν0 . Le
Γ
groupe β(Br0 (X) ) est un sous-quotient de (Q/Z)b2 −ρ . Le lemme 1.2 donne
Γ
alors une borne pour l’ordre de β(Br0 (X) ), qui donne la borne annoncée
pour l’ordre de β(Br(X)Γ ) = Coker(α). L’énoncé pour une surface résulte
des faits généraux rappelés au début de ce paragraphe. QED
Lorsque le corps de base k est un corps de nombres, nous pouvons énoncer
un résultat sans la restriction H1 (X, OX ) = 0.
Théorème 4.3 Soit Xune variété projective, lisse et géométriquement intègre
sur un corps de nombres k. Alors :
(i) L’exposant du conoyau de
α : Br(X)→Br(X)Γ
divise 2γ0 ε0 ν0 , et il divise γ0 ε0 ν0 si k est totalement imaginaire. L’ordre de
Coker(α) divise γ(2ε0 ν0 )b2 −ρ , et il divise γ(ε0 ν0 )b2 −ρ si k est totalement imaginaire.
(ii) Si X est une surface, l’exposant de Coker(α) divise 2δ0 ν02 , et il divise
δ0 ν02 si k est totalement imaginaire ; l’ordre de Coker(α) divise ν(2δ0 ν0 )b2 −ρ ,
et il divise ν(δ0 ν0 )b2 −ρ si k est totalement imaginaire.
25
∗
3
Démonstration. Pour un corps de nombres k, on a Hét
(k, k ) = 0. Si l’on suit
la démonstration du théorème 4.2, le résultat provient du fait que le groupe
H2 (k, Pic0 (X)) est un groupe fini d’exposant 2, et que ce groupe est nul si k
est totalement imaginaire. C’est un fait général pour les variétés abéliennes
sur un corps de nombres [13, Thm. 6.26 (c), p. 92]. L’énoncé pour les surfaces
se déduit de l’énoncé général comme dans la précédente démonstration. QED
Remarque On a l’isomorphisme
2
(X, Z` (1))tors .
NS(X)tors = ⊕` Hét
2
(X, Z` (1))tors et
La dualité de Poincaré implique que les groupes finis Hét
2d−1
Hét (X, Z` (d − 1))tors sont duaux l’un de l’autre.
La proposition suivante apporte un complément utile au théorème 4.3.
Pour un corps de nombres k on note kv la complétion de k en une place
non archimédienne v et kvnr l’extension maximale non ramifiée de kv . Pour
S un ensemble fini de places finies de k et E un module galoisien fini, on
note H1S (k, E) le sous-groupe de H1 (k, E) formé des éléments non ramifiés en
dehors de S, c’est-à-dire l’intersection, pour tous les v ∈
/ S, des noyaux des
1
1 nr
applications de restriction naturelles H (k, E)→H (kv , E).
Proposition 4.4 Soit Xune variété projective, lisse et géométriquement intègre sur un corps de nombres k, avec bonne réduction en dehors d’un ensemble fini S de places finies de k. Soit E le Γ-module fini défini en (23).
Soit TE l’ensembles des places finies de k divisant l’ordre de E. Alors
∂1 (Br0 (X)Γ ) ⊂ H1S∪TE (k, E).
Démonstration. Soit Iv = Gal(k v /kv ) le groupe d’inertie. Il est bien connu
que si v est une place de bonne réduction, et si la caractéristique résiduelle
2
est différente de `, alors l’action naturelle de Iv sur Hét
(X, µ`m ), m ≥ 1, et
2
donc sur Hét (X, Z` (1)), est triviale (théorème de changement de base lisse,
voir [12, Cor. VI.4.2]). Via la suite de Kummer, ceci implique que Iv agit
trivialement sur Br(X){`}. Mais Iv agit aussi trivialement sur S` ⊂ H`2 ,
donc la différentielle
∂ : Br0 (X){`}Iv −→ H1 (kvnr , E{`})
définie par la suite exacte de Iv -modules
0→E{`}→S` ⊗Z` Q` /Z` →Br0 (X){`}→0,
26
(ligne supérieure de (28)) est nulle. Donc, pour v ∈
/ S∪TE , l’image de Br0 (X)Γ
1
dans H (k, E) est dans le noyau de l’application de restriction à H1 (kvnr , E).
QED
5
Applications aux surfaces
Proposition 5.1 Soit X une surface K3 sur un corps k de caractéristique
∗
3
3
(X, Gm ) est injective (c’est
nulle. Supposons que l’application Hét
(k, k )→Hét
le cas si k est un corps de nombres ou si X possède un k-point). Soit α
l’application naturelle Br(X)→Br(X)Γ . L’exposant de Coker(α) divise δ0 , et
l’ordre de ce groupe divise δ0b2 −ρ .
Démonstration. Pour X une surface K3, on a H1 (X, OX ) = 0, et le groupe
de Néron–Severi NS(X) est sans torsion, donc ν = 1. L’énoncé est un cas
particulier du théorème 4.2 (ii). QED
Exemples
1. Soit X ⊂ P3k une surface quartique diagonale sur un corps de caractéristique zéro. Il est bien connu que l’on a δ = 64 et δ0 = 8, voir [16]. Ceci
implique déjà que tout élément d’ordre impair de Br(X)Γ vient de Br(X). En
outre, b2 = 22 et ρ = 20. En suivant la démonstration du théorème 4.2, on
voit que Coker(α) est un sous-quotient de (Q2 /Z2 )2 . Puisque son exposant
divise 8, Coker(α) est isomorphe à un sous-groupe de (Z/8)2 .
2. Soit k un corps de caractéristique zéro. Supposons que X ⊂ Pgk est une
surface K3 “très générale”, c’est-à-dire que NS(X) ∼
= Z et est engendré par
la classe d’une section hyperplane H. On a δ = (H.H) = 2g − 2. La suite
exacte (3) se lit alors
0→Z→Z→D→0,
où E = D = Z/(2g−2) avec Γ-action triviale. La démonstration du théorème
4.2 donne une injection
Coker(α) ,→ (Z/(2g − 2))21 .
Comme on a H1 (k, Z) = 0, l’application
∂1 : H1 (k, D)→H2 (k, Z) = H2 (k, NS(X)) = H2 (k, Pic(X))
est injective. Si k est un corps de nombres, S est l’ensemble des places finies
de mauvaise réduction de X, et T l’ensemble des places divisant 2g − 2, alors
27
la proposition 4.4 donne un homomorphisme injectif
Coker(α) ,→ H1S∪T (k, Z/(2g − 2)).
Pour X le produit de deux courbes on a un résultat similaire au théorème
4.2 (ii) bien qu’ici H1 (X, OX ) 6= 0.
Proposition 5.2 Soit X = C1 × C2 le produit de deux courbes projectives,
lisses et géométriquement intègres sur un corps k de caractéristique nulle.
Soit J1 , resp. J2 , la jacobienne de C1 , resp. C2 . Supposons que X possède un
k-point. Alors :
(i) L’exposant du conoyau de Br(X)→Br(X)Γ divise δ0 .
(ii) Si Homk (J 1 , J 2 ) = 0, alors l’application Br(X)→Br(X)Γ est surjective.
Démonstration. Rappelons des faits connus ([14, §1 ; Cor. 6.2]). L’application
naturelle de Γ-modules
(p∗1 , p∗2 ) : Pic(C 1 ) ⊕ Pic(C 2 ) −→ Pic(X)
est une injection scindée, dont une rétraction est donnée par le choix d’un kpoint M = (M1 , M2 ) ∈ X(k) = C1 (k) × C2 (k). Ceci induit un isomorphisme
de Γ-modules
0
˜
(X).
Pic0 (C 1 ) ⊕ Pic0 (C 2 )−→Pic
Le conoyau de (p∗1 , p∗2 ) est le Γ-module Homk−grp (J 1 , J 2 ), qui est libre et de
type fini comme groupe abélien. Il y a une suite exacte induite de Γ-modules
libres et de type fini comme groupes abéliens
0→NS(C 1 ) ⊕ NS(C 2 )→NS(X)→Homk−grp (J 1 , J 2 )→0,
c’est-à-dire
0→Z ⊕ Z→NS(X)→Homk−grp (J 1 , J 2 )→0,
un scindage étant donné par le point M . En utilisant le k-point M ∈ X(k)
on obtient donc un diagramme commutatif
H2 (k, Pic0 (X))
→
H2 (k, Pic(X))
↓'
↓
0
0
2
2
H (k, Pic (C 1 ) ⊕ Pic (C 2 )) ,→ H (k, Pic(C 1 ) ⊕ Pic(C 2 )).
28
(30)
L’injection dans la ligne inférieure vient de la nullité de H1 (k, Z).
Nous suivons la démonstration du théorème 2.1. D’après la proposition
1.3, for i = 1, 2, nous avons des diagrammes commutatifs de suites exactes
β
X
Br(X) → Br(X)Γ −→
↓
↓
H2 (k, Pic(X))
↓
βC
i
Br(Ci ) → Br(C i )Γ −→
H2 (k, Pic(C i )).
Par le théorème de Tsen, on a Br(C i ) = 0. Ainsi
β(Br(X)Γ ) ⊂ Ker[H2 (k, Pic(X))→H2 (k, Pic(C 1 ) ⊕ Pic(C 2 ))].
Puisque NS(X) est sans torsion, on voit (remarque après le théorème 4.3)
3
que Hét
(X, Z` (1)) est sans torsion pour tout `, ce qui implique Br0 (X) =
Br(X). D’après la proposition 4.1, l’image de Br(X)Γ = Br0 (X)Γ dans le
groupe H2 (k, N 1 ) = H2 (k, NS(X)) est annulée par δ0 . Ainsi tout élément
dans δ0 .β(Br(X)Γ ) ⊂ H2 (k, Pic(X)) vient de H2 (k, Pic0 (X)) et a une image
nulle dans H2 (k, Pic(C 1 ) ⊕ Pic(C 2 )). De (30) on déduit δ0 .β(Br(X)Γ ) = 0.
Ceci établit (i).
˜
et δ = 1.
Si Homk−grp (J 1 , J 2 ) = 0, alors NS(C 1 ) ⊕ NS(C 2 )−→NS(X)
QED
Exemples
1. Lorsque C1 = E et C2 = E 0 sont des courbes elliptiques non isogènes,
sur k, on comparera l’énoncé ci-dessus avec [21, Prop. 3.3].
2. Si C1 = C2 est une courbe elliptique E sans multiplication complexe
sur k, alors NS(X) est un groupe abélien libre de rang 3 engendré par les
classes de E ×{0}, de {0}×E et de la diagonale ∆. On a δ = 2, b2 = 6, ρ = 3,
donc le conoyau de α : Br(X)→Br(X)Γ est isomorphe à un sous-groupe de
(Z/2)3 . Dans [21, Prop. 4.3] on trouvera un exemple avec Coker(α) 6= 0.
6
Variétés ouvertes
Nous offrons ici une réponse partielle à une question soulevée par T.
Szamuely.
Proposition 6.1 Soit k un corps de type fini sur Q. Soit U une k-variété
1
quasi-projective et lisse. Le groupe Hét
(U , Q/Z)Γ est fini.
29
Démonstration. Ceci est une reformulation d’un cas particulier d’un résultat
de Katz et Lang [8, Thm. 1, p. 295]. On peut aussi l’établir par la méthode
plus générale suivante. On peut supposer U/k géométriquement connexe. Par
le théorème d’Hironaka, il existe une k-variété projective, lisse et géométriquement intègre X qui contient U comme ouvert dense. Soit Z = X \ U ,
et soit F ⊂ Z le lieu singulier de Z. Soit X 0 = X \ F et soit Z 0 = Z \ F .
Puisque X 0 et F 0 sont lisses, les suites de localisation pour la cohomologie
étale à coefficients finis et le théorème de pureté donnent des suites exactes
de Γ-modules
0
0
1
1
(U , Q` /Z` )→H0 (Z , Q` /Z` (−1)).
0→Hét
(X , Q` /Z` )→Hét
Puisque F est de codimension au moins 2 dans X, l’inclusion X 0 →X induit
un isomorphisme
0
1
1
(X , Q` /Z` ).
Hét
(X, Q` /Z` ) = Hét
On a donc une suite exacte
0
1
1
0→Hét
(X, Q` /Z` )Γ →Hét
(U , Q` /Z` )Γ →H0 (Z , Q` /Z` (−1))Γ .
La k-variété lisse Z 0 se décompose comme union disjointe Z 0 = ∪i Zi de kvariétés lisses connexes. Soit ki la fermeture intégrale de k dans le corps de
fonctions k(Zi ). Choisissons un k-plongement ki ⊂ k. Soit Γi = Gal(k/ki ). Le
0
groupe H0 (Z , Q` /Z` (−1))Γ est la somme directe des groupes ⊕i (Q` /Z` (−1))Γi .
Chaque groupe (Q` /Z` (−1))Γi est fini ; de plus, il est nul pour presque tout `.
De fait, cet énoncé se ramène immédiatement à l’énoncé suivant : si k est un
corps de nombres et Γ = Gal(k/k), alors (Q` /Z` (−1))Γ est fini, et nul pour
1
presque tout `. On est donc ramené à vérifier que Hét
(X, Q` /Z` )Γ est fini et
nul pour presque tout `. Ceci résulte du théorème de changement de base
propre et des conjectures de Weil (cf. [1, Thm. 1.5]). QED
Théorème 6.2 Soit k un corps de type fini sur Q et soit U une k-variété
quasi-projective, lisse et géométriquement intègre sur k. Alors :
(i) Le quotient Br(U )Γ /Im(Br(U )) est un groupe fini.
(ii) Si U est une surface, et si la conjecture de Tate `-adique pour les
diviseurs vaut pour une compactification lisse de U , Br(U ){`}Γ is finite.
(iii) Si la conjecture de Tate `-adique pour les diviseurs vaut pour une
2
compactification lisse de U , et si de plus le module galoisien Hét
(X, Q` (1))
Γ
est semi-simple, alors Br(U ){`} est fini.
30
Démonstration. Nous suivons la démonstration de la proposition 6.1 et nous
utilisons les mêmes notations. Les suites exactes de localisation pour la cohomologie étale à coefficients finis et le théorème de pureté donnent naissance
à la suite exacte de Γ-modules
0
0
1
(F , Q/Z).
0→Br(X )→Br(U )→Hét
Comme la codimension de F dans X est au moins 2, le théorème de pureté
pour le groupe de Brauer montre que l’application de restriction
0
Br(X)→Br(X )
est un isomorphisme. On a donc la suite exacte de Γ-modules
0
1
0→Br(X)→Br(U )→Hét
(F , Q/Z).
En prenant les invariants sous Γ, on obtient une suite exacte
0
1
0→Br(X)Γ →Br(U )Γ →Hét
(F , Q/Z)Γ .
0
1
(F , Q/Z)Γ est fini. Les énoncés (ii)
D’après la proposition 6.1, le groupe Hét
and (iii) sont alors une conséquence de la finitude de Br(X){`}Γ , laquelle
vaut sous les hypothèses de (ii) ou (iii), cf. [2, Prop. 4.1].
Par fonctorialité on a un diagramme commutatif de suites exactes
0
1
0 → Br(X)Γ → Br(U )Γ → Hét
(F , Q/Z)Γ
↑
↑
Br(X) → Br(U )
.
D’après le théorème 2.1, le quotient Br(X)Γ /Im(Br(X)) est fini. D’après
0
1
la proposition 6.1, le groupe Hét
(F , Q/Z)Γ est fini. Ceci implique que le
quotient Br(U )Γ /Im(Br(U )) est aussi fini, ce qui est l’énoncé (i). QED
Remarque Nous ne savons pas si (i) vaut sur tout corps k de caractéristique
nulle.
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CNRS, UMR 8628, Mathématiques, Bâtiment 425, Université Paris-Sud, F91405 Orsay, France
[email protected]
Department of Mathematics, South Kensington Campus, Imperial College
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Institute for the Information Transmission Problems, Russian Academy of
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[email protected]
33
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