
population, rendent compte de la frĂ©quence aujourdâhui observĂ©e
des EI sur lésions dystrophiques ou dégénératives de la valve
mitrale et de lâoriïŹce aortique. Chez le sujet ĂągĂ©, on observe parfois
une vĂ©ritable fonte purulente de lâanneau calciïŹĂ© de la valve mitrale
et souvent celle des bourrelets calcaires du rétrécissement aortique.
La nécrose suppurée des massifs calcaires sigmoïdiens aortiques les
ramollit, en « sucre mouillé », et entraßne des perforations
sigmoĂŻdiennes avec crĂ©ation dâune importante insuffisance aortique
et contamination seconde de la valve mitrale
[32]
. Les abcĂšs
périannulaires sont particuliÚrement fréquents dans les EI sur
stĂ©nose aortique (cf infra). La notion dâEI sur cĆur sain,
communĂ©ment admise dâaprĂšs les donnĂ©es Ă©tioĂ©pidĂ©miologiques (cf
supra), est plus discutable sur le plan anatomique. Lâexamen
peropératoire ou post mortem permet trÚs souvent de retrouver des
lésions valvulaires préexistantes discrÚtes, cliniquement silencieuses,
quâil sâagisse de lĂ©sions dâorigine inïŹammatoire, dystrophique,
dégénérative, ou de malformations mineures, en particulier
bicuspidie aortique méconnue. Les rares EI sur valves présumées
antĂ©rieurement saines sont celles que lâon observe en cas de
septicopyohémie grave, notamment chez les toxicomanes : dans la
série autopsique de 80 EI observées chez des drogués, Dressler et
Roberts notent que les valves étaient antérieurement saines dans
65 cas
[36]
.
Les lĂ©sions diffĂšrent enïŹn en fonction du micro-organisme causal.
Le staphylocoque doré donne souvent des lésions trÚs mutilantes :
larges perforations, section de cordages, végétations exubérantes. De
telles vĂ©gĂ©tations sâobservent Ă©galement dans les EI brucelliennes,
chlamydiennes et fungiques, mais aussi dans les EI Ă streptocoques
dĂ©ïŹcients. Lâexamen histologique des piĂšces opĂ©ratoires ou
autopsiques concourt dâailleurs Ă lâidentiïŹcation des micro-
organismes causaux, cela grĂące Ă lâutilisation de colorations spĂ©ciales
et des méthodes histo-immunologiques.
¶Endocardites infectieuses sur prothÚse valvulaire
Les EI sur prothĂšse valvulaire reprĂ©sentent aujourdâhui un
pourcentage Ă©levĂ© de lâensemble des EI : 22 % dans lâenquĂȘte
épidémiologique française de 1991
[29]
, 29,5 % dans la série de
DĂŒsseldorf
[57]
. La greffe bactérienne sur prothÚse biologique peut
entraĂźner de petites perforations, difficiles Ă distinguer des ruptures
localisées aseptiques souvent observées sur les hétérogreffes,
lorsquâelles sont momiïŹĂ©es et incrustĂ©es de microcalciïŹcations
plusieurs années aprÚs leur implantation. Plus rarement, à ces
perforations sâajoutent des vĂ©gĂ©tations exubĂ©rantes rĂ©trĂ©cissant
lâoriïŹce. Lâinfection reste limitĂ©e aux cuspides dans la majoritĂ© des
cas : 59 % des EI sur bioprothÚse ayant imposé une réintervention
dans la série de la Cleveland Clinic
[80]
nâavaient pas dâextension de
lâinfection aux structures pĂ©riprothĂ©tiques. Les prothĂšses
mécaniques, non attaquées par les agents infectieux au niveau de
leur Ă©lĂ©ment mobile, peuvent au contraire ĂȘtre le siĂšge dâune greffe
bactĂ©rienne au niveau de leur collerette dâimplantation, autour des
ïŹls de suture. Lâinfection se propage dans plus de 80 % des cas
[80]
Ă
lâanneau valvulaire et aux structures myocardiques adjacentes. Les
abcÚs annulaires, particuliÚrement fréquents ici, désinsÚrent plus ou
moins largement la prothĂšse, engendrant ainsi une dysfonction
oriïŹcielle qui favorise la formation de thromboses. Les thrombus,
colonisés par les micro-organismes voisins, se transforment en
vĂ©gĂ©tations infectĂ©es qui sâĂ©tendent Ă la surface de lâĂ©lĂ©ment mobile
de la prothĂšse, gĂȘnant ou bloquant son fonctionnement.
ENDOCARDITES INFECTIEUSES PARIĂTALES,
PRIMITIVES OU SECONDAIRES
La greffe infectieuse sur lâendocarde pariĂ©tal, en dehors des cas oĂč
elle se localise alentour dâun dĂ©faut septal congĂ©nital
(communication interventriculaire notamment), est trĂšs rarement
primitive. On lâobserve surtout dans les septicopyohĂ©mies fungiques
des immunodéprimés, de volumineuses végétations pouvant alors
combler plus ou moins complÚtement les cavités cardiaques. Ces EI
aspergillaires pariétales sont observées chez 3,4 % des patients morts
aprĂšs transplantation cardiaque
[78]
. Plus souvent, lâendocarde
pariĂ©tal est contaminĂ© par le jet dâun sang qui sâest chargĂ© de micro-
organismes au passage dâun oriïŹce infectĂ©. Dans les insuffisances
aortiques oslériennes, le jet régurgitant inocule le septum
interventriculaire au niveau des poches endocardiques quâil a
contribué à former (cela sans oublier les atteintes de la grande valve
mitrale et des cordages tendineux décrites ci-dessus). Dans les EI
sur stĂ©nose aortique, le jet dâĂ©jection aortique inocule la racine de
lâaorte ascendante et peut crĂ©er Ă ce niveau un anĂ©vrisme infectieux.
Dans les insuffisances mitrales oslériennes, le jet régurgitant mitral
inocule lâendocarde de lâoreillette gauche. EnïŹn, lâendocarde pariĂ©tal
peut sâinfecter au contact dâune sonde intracardiaque (sonde de
stimulation intracavitaire notamment).
LĂSIONS CARDIAQUES DES ENDOCARDITES
INFECTIEUSES COMPLIQUĂES
Aux lĂ©sions de lâendocarde sâassocient souvent des lĂ©sions des autres
structures cardiaques, atteintes soit par extension de proche en
proche de lâinfection Ă partir de son foyer valvulaire, prothĂ©tique ou
pariĂ©tal, soit Ă distance par embolie dâun fragment de vĂ©gĂ©tation
dans une artĂšre coronaire.
¶AbcÚs cardiaques
Ils sont liĂ©s Ă la propagation directe de lâinfection valvulaire Ă
lâanneau ïŹbreux valvulaire, puis Ă©ventuellement au myocarde
voisin. Les statistiques anatomiques classiques les observent dans
un peu moins de 30 % des cas dâEI sur valves natives, aortiques
beaucoup plus souvent que mitrales
[3, 75]
. Ils sont particuliĂšrement
frĂ©quents dans les EI sur stĂ©nose aortique calciïŹĂ©e oĂč nous les avons
observés dans 18 cas sur 37
[32]
. Les observations chirurgicales
rĂ©centes sont conïŹrmatives : Mullany et al
[92]
observent la présence
dâabcĂšs chez 21 de leurs 86 patients opĂ©rĂ©s dâEI sur valves natives.
Les abcÚs sont beaucoup plus fréquents dans les EI sur prothÚse que
dans les EI sur valves natives, notĂ©s dans 51 % de lâensemble des EI
sur prothÚses opérées de Mullany et al
[92]
et dans 50 % des cas des
EI sur prothÚses aortiques opérées de Stchepinsky et al
[116]
.
Lâextension de lâinfection de lâoriïŹce aortique vers le noyau ïŹbreux
central et la partie haute du septum interventriculaire rend compte
des troubles conductifs qui sâobservent dans6Ă 10%descasau
cours de lâĂ©volution de lâEI : le nĆud atrioventriculaire, le faisceau
de His et la partie proximale de ses branches peuvent ĂȘtre ainsi
atteints. Les petits inïŹltrats inïŹammatoires peuvent rĂ©gresser sous
antibiothérapie. Mais dans la plupart des cas, les abcÚs septaux
entraßnent une destruction totale et irréversible des voies de
conduction, avec bloc auriculoventriculaire dĂ©ïŹnitif. Lâaspect
macroscopique des abcÚs, tel que le décrivent le chirurgien ou le
pathologiste, est variable. Le chirurgien dĂ©couvre souvent, lĂ oĂč
lâĂ©chographiste lâa localisĂ©e, une cavitĂ© nĂ©oformĂ©e, Ă parois Ă©paisses,
plus ou moins détergée, ouverte dans la cavité ventriculaire gauche.
Le pathologiste repĂšre lâabcĂšs sous forme dâune masse ovoĂŻde dont
le grand diamĂštre atteint2Ă 3centimĂštres. Cette masse est de teinte
blanc grisĂątre, Ă limites nettes ou plus souvent ïŹoues, en « carte de
géographie ». Souvent, la partie centrale de la zone abcédée est
occupée par un magma purulent hémorragique. Le caractÚre
gangreneux extensif de certains abcĂšs les oppose aux formes mieux
collectĂ©es ayant une membrane pyogĂšne bien circonscrite. LâabcĂšs
peut sâouvrir dans une cavitĂ© cardiaque, crĂ©ant une ïŹstule
intracardiaque ou aortocamérale : perforation du septum
interventriculaire (ïŹg 4), crĂ©ant, soit une communication
interventriculaire, soit, si la perforation siĂšge Ă la partie haute du
septum membraneux, une communication entre ventricule gauche
et oreillette droite (assimilée à sa forme congénitale dite « defect de
Gerbode ») ; ïŹstule ventricule gauche-oreillette gauche, crĂ©Ă©e par un
abcĂšs de la jonction aortomitrale ; ïŹstule entre lâaorte et lâoreillette
gauche, en regard dâun sinus de Valsalva abcĂ©dĂ©. Dans leur Ă©tude
des EI « compliquées » sur prothÚse aortique, Dossche et al
[35]
notent
la prĂ©sence dâun abcĂšs annulaire ou sous-annulaire chez 26 de leurs
32 opĂ©rĂ©s. Les lĂ©sions observĂ©es au cours de lâintervention entraĂźnent
une discontinuité ventricule gauche-aorte chez 11 patients, une
discontinuité aortomitrale chez 14. Ceci explique la difficulté du
geste chirurgical réparateur.
Cardiologie Endocardite infectieuse 11-013-B-10
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