“ L La chirurgie valvulaire précoce améliore-t-elle le pronostic

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ÉDITORIAL
La chirurgie valvulaire précoce
améliore-t-elle le pronostic
de l’endocardite infectieuse ?
Does early valve surgery improve the outcome
of infective endocarditis?
“
L
a question de l’indication et de la date de réalisation de la chirurgie valvulaire
dans le traitement de l’endocardite infectieuse (EI) est une préoccupation
constante des équipes multidisciplinaires confrontées à la prise en charge
de patients atteints d’EI.
B. Hoen*,
C. Chirouze*,
X. Duval**
Association pour l’étude
et la prévention de l’endocardite
infectieuse (AEPEI)
* Service des maladies ­infectieuses
et tropicales, CHU de Besançon.
** CIC-Inserm 007,
hôpital Bichat, Paris.
1. Selton-Suty C, Célard M,
Le Moing V et al. Preeminence of
Staphylococcus aureus in infective
endocarditis: a 1-year population-based survey. Clin Infect Dis
2012;54:1230-9.
2. Habib G, Hoen B, Tornos P et al.
Guidelines on the ­prevention,
diagnosis, and treatment of infective
­endocarditis (new version 2009):
The Task Force on the prevention,
diagnosis, and treatment of infective
endocarditis of the European Society
of Cardiology (ESC). Eur Heart J
2009;30:2369-413.
3. Bannay A, Hoen B, Duval X et al.
The impact of valve surgery on shortand long-term mortality in left-sided
infective endocarditis: do differences
in methodological approaches
explain previous conflicting results?
Eur Heart J 2011;32:2003-15.
Dans les études contemporaines, environ 50 % des patients reçoivent
une chirurgie valvulaire précoce (1), réalisée à la phase active de l’EI, c’est-àdire pendant la durée de son antibiothérapie. Les 3 principales indications de
la chirurgie valvulaire précoce dans l’EI sont l’insuffisance cardiaque, laquelle
résulte le plus souvent des dégâts valvulaires, le non-contrôle de l’infection et la
prévention des accidents emboliques. Les indications et le degré d’urgence de la
réalisation de la chirurgie valvulaire font l’objet de recommandations d’experts (2),
­essentiellement fondées sur des résultats d’études observationnelles et ­l’opinion
de leurs auteurs. La question “faut-il opérer plus tôt ou plus ­systématiquement
les patients atteints d’EI” reste très controversée aujourd’hui. Cinq études
­observationnelles avec analyse de propension ont été conduites pour tenter
de répondre à cette question, mais elles ont abouti à des résultats discordants. Il a
été montré, depuis, que ces discordances résultent principalement de l’hétérogénéité
des méthodes statistiques employées (3). Quand on utilise des méthodes appropriées
pour limiter les biais (analyse multivariée avec modèle de Cox, chirurgie entrée
dans le modèle comme une variable dépendant du temps, période de suivi d’au moins
1 an), on arrive à montrer que la chirurgie valvulaire précoce est associée à une
diminution de la mortalité de l’EI à long terme, au prix toutefois d’une surmortalité
postopératoire immédiate, ce qui nécessite un suivi d’au moins 6 mois pour mettre
en évidence le bénéfice de survie (3).
Une nouvelle étude observationnelle avec analyse de propension, incluant
291 adultes présentant une EI certaine et opérés à la phase active de l’EI, a montré
qu’une chirurgie valvulaire réalisée dans la première semaine de l’antibiothérapie est
associée à une diminution de la mortalité à 6 mois, notamment chez les patients les
plus jeunes, atteints d’une EI à Staphylococcus aureus compliquée d’une insuffisance
cardiaque et/ou de grosses végétations, mais au prix d’une fréquence plus élevée
de rechute ou de désinsertion prothétique (4).
Les résultats récemment publiés dans le New England Journal of Medicine
du premier essai randomisé comparant la chirurgie valvulaire ultra-précoce
(réalisée dans les 48 heures suivant la randomisation, 37 patients) à un traitement c­ onventionnel (chirurgie à la demande, fondée sur les recommandations,
39 patients) chez des patients présentant une EI grave du cœur gauche (fuite sévère
et ­végétation > 10 mm) mais sans indication de chirurgie en urgence, apportent
182 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVII - n° 5 - septembre-octobre 2012 ÉDITORIAL
des éléments nouveaux de réflexion (5). Dans cette étude, le critère de
­jugement principal combinait mortalité hospitalière et événements ­emboliques
­symptomatiques dans les 6 semaines suivant la randomisation. Ce critère
de jugement principal a été observé chez 1 patient du bras chirurgie valvulaire
précoce (1 décès) et chez 9 patients du bras traitement conventionnel (8 accidents emboliques et 1 décès ; p = 0,01 en comparaison de fréquences,
p = 0,009 en comparaison de courbes de survie). La mortalité à 6 mois n’était pas
différente dans les 2 bras (3 versus 5 % ; p = 0,59).
4. Thuny F, Beurtheret S,
Mancini J et al. The timing of
surgery influences ­mortality
and morbidity in adults
with severe complicated
infective endocarditis: a
propensity analysis. Eur Heart
J 2011;32:2027-33.
5. Kang DH, Kim YJ, Kim SH
et al. Early surgery versus
conventional treatment for
infective endocarditis. N Engl
J Med 2012;366:2466-73.
On peut sans doute émettre un certain nombre de critiques à l’égard de cette
étude monocentrique dont le recrutement a pris près de 5 ans ; les patients
étaient jeunes, avec probablement peu de comorbidités, et leur effectif
­relativement faible ; 77 % des patients randomisés dans le bras ­traitement
­conventionnel ont été opérés pendant la phase aiguë de l’EI ; dans plus de
60 % des cas, l’EI était due à un streptocoque, ce qui n’est pas le reflet de
­l’épidémiologie actuelle, dominée par S. aureus ; le bénéfice a été observé sur
la seule composante embolique du critère de jugement ­principal ; le taux de
­mortalité hospitalière était étonnamment faible (3 % alors qu’il est de l’ordre
de 20 % dans les études ­observationnelles contemporaines). Ce dernier point
résulte très probablement des critères de sélection dans l’étude et laisse à penser
que les résultats observés dans la population étudiée ne sont pas extrapolables à
­l’ensemble des patients atteints d’EI.
Ces critiques ne doivent toutefois pas occulter les authentiques mérites
de cette étude qui démontre qu’il est possible de conduire un essai ­randomisé
6. Dickerman SA, Abrutyn E,
évaluant un traitement chirurgical dans une maladie à la fois rare et grave
Barsic B et al. The relationship
between the initiation of
comme l’EI. Surtout, cette étude fait la démonstration que, chez des patients
antimicrobial therapy and the
qui devraient pour la plupart être opérés en raison de la gravité de la
incidence of stroke in infective
endocarditis: an analysis from
­dysfonction valvulaire, l’intervention ultra-précoce permet d’éviter des ­accidents
the ICE Prospective Cohort
­emboliques dont la gravité peut être redoutable, sans ­surmortalité ni surrisque
Study (ICE-PCS). Am Heart
J 2007;154:1086-94.
de rechute ou de désinsertion de prothèse. En effet, l’étude de Kang et al. (5),
comme d’autres précédemment (6), montre que les ­accidents
­emboliques surviennent dans les premiers jours de la
prise en charge. Ainsi donc, à défaut d’apporter une
AVIS AUX LECTEURS
réponse universelle et définitive, cette étude
Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique
apporte des arguments forts en faveur de
et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef.
Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (chercheurs, hospila chirurgie ultra-précoce dans l’EI du
taliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui représentent, dans
cœur gauche à haut risque embolique
leur diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la
­(végétation > 10 mm). Enfin, cette
discipline. L’équipe se réunit 2 ou 3 fois par an pour débattre des sujets et des auteurs à publier.
La qualité des textes est garantie par la sollicitation systématique d’une relecture scientifique en
étude illustre que tout patient
double aveugle, l’implication d’un service de rédaction/révision in situ et la validation des épreuves
atteint d’EI doit être rapproché
par les auteurs et les rédacteurs en chef.
sans délai d’un centre s­ pécialisé
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· déclaration publique de liens d’intérêts demandée à nos auteurs,
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des EI.
”
La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVII - n° 5 - septembre-octobre 2012 | 183
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