Nutrition & Hydratation artificielles en fin de vie : réflexions et pratiques palliatives

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Nutrition & Hydratation
artificielles en fin de vie :
réflexions et pratiques
palliatives
Bernard DEVALOIS –
USP Puteaux (92)
Réseau LINUT – 12.10.2010
Alimentation : symbole de vie
♦  S’alimenter c’est le plaisir : du lait
maternel aux plaisirs de la chair !
♦  S’alimenter c’est acquiescer à la
vie, mal se nourrir c’est mal vivre
(anorexie/boulimie)
♦  Partager la nourriture c’est
l’affection et la complicité, la
convivialité.
♦  Assurer la nourriture de celui qui
meurt c’est s’occuper de lui, être
attentif à lui (sinon culpabilité).
♦  Manger c’est vivre encore !
Alimentation : symbole de vie
Dimension psychoaffective +++ de la
nutrition et/ou de
l’hydratation !
De quoi parle-t-on ici ?
♦  NA : parentérale ou entérale
♦  HA : IV s/cutanée (voire SNG, voie rectale)
♦ Pas les compléments nutritionnels, les ttt
orexigènes, l’assistance alimentaire.
♦  Fin de vie : on compte en jours ou en heures
♦ Pas les EVC ou pauci relationnels, pas les
déments, …
Pour y voir clair : ne pas tout mélanger !
Mme X
♦  Cancer ovaire polymétas, 45 ans, occlusion
digestive complète en fin de vie, dénutrie.
Stop tout ttt à visée curative, transfert en
USP pour fin de vie. IK 20 %
♦  750 ml d’Oli Clinomel + G 5 % avec Nonan
+ KCl et NaCl
♦  Symptômes digestifs stabilisés sous TTT
♦  Toute absorption per os impossible (nausées
vomissements)
Mme X
♦  Cancer ovaire polymétas, 45 ans, occlusion digestive complète en fin
de vie, dénutrie. Stop tout ttt à visée curative, transfert en USP pour fin
de vie. IK 20 %
♦  750 ml d’OliClinomel + SG avec Nonan + KCl et NaCl
♦  Symptômes digestifs stabilisés sous TTT
♦  Toute absorption per os impossible (nausées vomissements)
♦  FAUT- IL POURSUIVRE LA NA ?
1.  OUI puisque elle ne mange plus assez
2.  NON parce les traitements curatifs sont arrêtés
3.  Pas assez d’éléments pour répondre.
Questions à la salle :
ELEMENTS COMPLEMENTAIRES
Mme X faible mais consciente exprime son
ras le bol et son souhait « d’en finir vite »
Le mari (désigné comme référent) veut
absolument le maintien « du liquide blanc »
dans la perfusion
♦  FAUT- IL POURSUIVRE LA NA ?
1.  OUI puisque son mari le réclame
2.  NON parce que son IK est <²30 %
3.  Pas assez d’éléments pour répondre
Questions à la salle :
ELEMENTS COMPLEMENTAIRES
Mme X faible mais consciente exprime son
ras le bol et son souhait « d’en finir vite »
Le mari (désigné comme personne de
confiance) veut absolument le maintien
« du liquide blanc » dans la perfusion.
♦  FAUT- IL POURSUIVRE LA NA ?
1. 
2. 
3. 
4. 
OUI puisque c’est l’avis de la personne de confiance
NON puisqu’elle veut « en finir vite »
Il faudrait une procédure collégiale au sens de la loi 2005
Pas assez d’éléments pour répondre
Questions à la salle :
ELEMENTS COMPLEMENATIRES
Mme X est désorientée, confuse. Elle tient
des propos incompréhensibles
Le mari (désigné comme personne de
confiance) veut absolument le maintien
« du liquide blanc » dans la perfusion
♦ 
FAUT- IL POURSUIVRE LA NA ?
1.  OUI puisqu’elle ne peut plus décider pour elle et que la
personne de confiance le réclame
2.  NON parce que ce serait une « euthanasie passive indirecte »
3.  C’est au médecin référent de décider en appliquant les
procédures prévues par la loi de 2005
4.  Pas assez d’éléments pour répondre
Mais alors
comment faire
pour prendre une
décision ???
Quelques pistes possibles pour tenter
de trouver une réponse …
♦ Paternalisme et éthique de
conviction
♦ Médecine basée sur les preuves
♦ Encadrement par la loi
♦ Éthique de la discussion
Le paternalisme médical
♦  « On ne va quand même pas
demander leur avis aux
malades ! »
♦  Nous médecins, savons ce qui
est bon pour nos patients et
nous faisons « en notre âme
et conscience »
♦  ALORS ?
– 
– 
– 
– 
On continue !
On arrête !
On continue !
On arrête !
Le phantasme médico-légal
De la judiciarisation à l’irruption du
politique ou du religieux : T Schiavo
Le recours à des recommandations
professionnelles
♦  National Council for Hospice and Specialist
Palliative Care Services (août 97)
♦  BMA : Withholding and withdrawing life
prolonging medical treatment (2000)
♦  ANA : position statements : Foregoing
Nutrition and hydratation
♦  ANZSPM : Ethical guideline
♦  ADA : legal and ethical issues in feeding
permanently unconscious patients (JADA.
1995;95:231-234.)
Le recours à des recommandations
professionnelles
Et en France ?
♦ SOR Nutrition en phase palliative ou
terminale de l ’adulte porteur de
cancer primitif
Bull Cancer 2001;88(10):985-1006.
Nutrition parentérale
♦  Standards :
– si occlusion ou intolérance alimentaire
(C)
♦  Recommandations :
– re évaluation régulière et si complications
(experts)
– Si IK < 50 % : NON (experts)
IK = Indice de Karnovsky
L’approche juridique
♦  Tradition anglo saxone : importance des
juges qui disent le droit (vs système latin)
♦  Jurisprudence T Bland (Angleterre) Stop
NHA pour les patients en EVC : avis
nécessaire de la chambre des Lords + 2007
Mental Capacity Act
♦  Idem USA (Quinlan, Cruzan, …) Patient
Self-Determination Act (91) + Affaire
récente de Terri Schiavo (QS)
Et en France ?
Avant Loi 2005 :
♦ flou artistique sur la question. Patient a
le droit de refuser un traitement (mais
NHA = ttt ?).
♦ Aucune jurisprudence
Et en France ?
Après Loi 2005 :
Cadre législatif précis définissant la
procédure à suivre selon
–  patient conscient ou non
–  Patient en fin de vie ou en situation de
maintien artificiel en vie
Dans tous les cas : assurer des soins
palliatifs pour le confort et traçabilité des
décisions.
4 situations différentes
Patient en
capacité
d’exprimer sa
volonté
Patient pas en
capacité
d’exprimer sa
volonté
1 : Obligation de
Patient maintenu
2 : Possibilité de
respect de la
artificiellement
limitation ou arrêt.
Décision du
en vie
Décision collégiale
malade
Patient en phase
avancée ou
terminale d’une
affection grave et
incurable
3 : Obligation de
4 : Possibilité de
respect de la
limitation ou arrêt.
Décision du
Décision collégiale
malade
Allo les éthic(h)iens de garde ?
♦  Exemple nord américain : Éthiciens dans
l’hôpital
♦  Débouché pour les étudiants en philosophie
♦  Mise en œuvre de procédures d ’aide à la
décision + Conseil en éthique …
♦  Risque de décharger les soignants de toutes
implications ...
« Alors je débranche ou pas, Monsieur
l’Éthicien ? »
Une méthode pour régler les dilemmes :
l’éthique de la discussion
•  Associer tous les acteurs à la
décision, pour qu’elle soit
acceptable (et acceptée)
•  Se doter des outils
nécessaires à la prise de
décision
•  Bien connaître l’ensemble
de la problématique posée
Réflexion/discussion en 4 étapes
1.  Analyse de la situation :
2.  Réflexion sur le sens :
3.  Place dans la trajectoire de
maladie :
4.  Cadre législatif :
Réflexion/discussion en 4 étapes
1.  Analyse de la situation :
2.  Réflexion sur le sens :
3.  Place dans la trajectoire de
maladie :
4.  Cadre législatif :
1. Analyse de la situation
Ce qui peut causer la mort
♦  Cachexie terminale : patient anorexique et
cachectique en phase agonique. Mort
inéluctable non liée à la dénutrition
♦  Dénutrition liée à une fonction nutritive
défaillante : compression K, troubles
déglutition, occlusion digestive
intermittente, malabsorption… Maintien en
vie par la NHA.
Réflexion/discussion en 4 étapes
1.  Analyse de la situation :
2.  Réflexion sur le sens :
3.  Place dans la trajectoire de
maladie :
4.  Cadre législatif :
2. Clarification du sens
♦  Alimentation naturelle est un soin de
confort.
♦  Nutrition artificielle est un soin actif à
visée curative, en suppléance à une
fonction vitale défaillante et dans l’espoir
d’une amélioration obtenue par des
traitements spécifiques (idem ventilation ou
hémodialyse).
Réflexion/discussion en 4 étapes
1.  Analyse de la situation :
2.  Réflexion sur le sens :
3.  Place dans la trajectoire de
maladie :
4.  Cadre législatif :
3. Situation dans la trajectoire
de maladie
Phase curative
Phase palliative
Phase terminale
Décès
♦  è Nutrition Artificielle = soins actifs de la
catégorie des traitements de réanimation capable de
suppléer les fonctions vitales défaillantes.
♦  è Alimentation = soins de confort (plaisir et non
contrainte)
Réflexion/discussion en 4 étapes
1.  Analyse de la situation :
2.  Réflexion sur le sens :
3.  Place dans la trajectoire de
maladie :
4.  Cadre législatif :
4. Intégration du cadre législatif
è Fin de vie et patient conscient :
•  Impératif légal de ne pas proposer un ttt
déraisonnable
•  Obligation de respecter l’éventuel refus du patient
(nécessité du consentement). C’est le malade qui
juge en dernier ressort du caractère déraisonnable.
•  Pas d’obligation de mise en œuvre à la demande
du patient d’un ttt déraisonnable
4. Intégration du cadre législatif
è Fin de vie et patient non conscient :
•  Impératif légal de ne pas proposer un ttt
déraisonnable
•  C’est le médecin qui juge en dernier ressort du
caractère déraisonnable ou non en respectant la
procédure définie et en s’appuyant sur les données
scientifiques et les recommandations
•  Importance de l’anticipation et des discussions
avec les proches (documents explicatifs éventuels)
4. Intégration du cadre législatif
è Maintien en vie et patient conscient : Le
patient a le droit d’exiger l’arrêt du TTT qui le
maintient en vie (QS)
è Maintien en vie et patient non conscient :
Obligation légale et éthique de ne pas maintenir un
ttt déraisonnable pour prolonger artificiellement la
vie. C’est le médecin qui juge du caractère
déraisonnable ou non en respectant la procédure
définie et en s’appuyant sur les données
scientifiques et les recommandations
professionnelles
Hydratation artificielle en
phase terminale/agonique
♦  Peur de laisser le patient « mourir de soif »
♦  Soins de confort ou pas ? Nombreuses études
montrant en phase terminale l’absence d’effets
délétères de la déshydratation, mais par contre les
effets délétères éventuels de l’hyperhydratation
JPSM 1990, JAMA 94, Clinics in Ger Med 96
♦  Il n’existe aucune justification palliative à
l’hydratation systématique en fin de vie :
nécessité d’explication et action au cas par cas
…
Congrès EAPC Budapest 2007
Pour ou contre l’hydratation
Contre
● Pas de soif si SDB
● Moins d’urine, moins de
vomissements, moins de
secrétions bronchiques, moins
d’œdème
● Risque de confusion si hyper
hydratation
● Pas de prolongement
« artificiel », pas de tentation
de contention
Pour
●  Meilleur confort ? (pour
l’entourage plus que pour le
patient)
●  Risque de confusion si
troubles HE (hypoNa majeure)
●  L’arrêt de l’HA s’apparente à
un geste visant à accélérer la
mort
Soif et hydratation
♦  Un malade bien hydraté peut avoir soif /
bouche sèche
♦  Un malade déshydraté ne présente pas
forcément soif / bouche sèche
♦  La sensation de soif semble moins fréquente
en phase agonique
♦  Ne pas confondre hypovolémie,
déshydratation, soif …
Processus de décision :
hydratation en phase agonique
§  Information sur la possibilité de non mise en œuvre ou de
§ 
§ 
§ 
§ 
§ 
retrait de l’hydratation
Éventuelle mise en œuvre limitée dans le temps
(réévaluation avantages/inconvénients)
Intégrer la dimension psycho émotionnelle de la décision
(soignants, famille)
Intégrer le souhait du patient (si compétent) ou des proches
si incompétent
Intégrer l’influence de l’hyperhydratation sur l’origine
iatrogène des états confusionnels
Expliquer et mettre en œuvre les méthodes
d’humidification des muqueuses avec implication des
proches
Même cadre réflexif que pour NA
♦  Analyse de la situation : sécheresse de bouche,
hypovolémie avec IRF, déshydratation …
♦  Réflexion sur le sens : quel confort et pour qui ?
♦  Place dans la trajectoire de maladie : phase
agonique ?
♦  Cadre législatif : interdiction de l’obstination
déraisonnable, situation de FDV ou de MAV,
patient conscient ou non
Attention à l’ambivalence
Face à un patient en fin de vie, incapable
de manger et de boire suffisamment :
hydrater sans nourrir, c’est condamner
le patient à « vivre pleinement et
jusqu’au bout » sa dénutrition !
Attention à l’ambivalence
Face à un patient en fin de vie, incapable de manger et de boire
suffisamment : hydrater sans nourrir, c’est condamner le patient à
« vivre pleinement et jusqu’au bout » sa dénutrition !
Pas de NHA
HA sans NA
Décès attendu
en une semaine
Décès attendu en 3
à 4 semaines
Attention à l’ambivalence si mise
en œuvre d’une NHA en fin de vie
♦  Soit on met en place une véritable nutrition
artificielle : apports calorico-azootée mais
aussi vitamines et OE en quantité suffisante
et conformément aux recommandations
è Prescription spécifique et complexe avec le
soutien d’une équipe spécialisée en NA
Attention à l’ambivalence si mise
en œuvre d’une NHA en FDV
Soit on se contente de la dimension
symbolique d’une nutrition étique (et
pas éthique) pour repousser la fin (et
pas la faim)
è 750 ml ou 1 000 ml de « liquide
blanc » et parfois même en IVP voire
en sous-cutané (exemple vécu !)
Attention à l’ambivalence si mise
en œuvre d’une HA en FDV
Soit on décide de la non-poursuite d’un
traitement «futile», dépourvu de sens
puisque visant à maintenir une fonction
vitale défaillante dans un contexte de fin de
vie.
è On va être obligé de passer beaucoup de
temps à parler avec le malade et son
entourage y compris de ce qui fâche : la
mort prochaine !
La quadrature du cercle ?
♦  Comment passer de l’Éthique (« viser à la vie
bonne, avec et pour l’autre, dans des institutions
justes ») à la Morale et de la Morale à la Sagesse
pratique ? (P Ricoeur).
♦  « Si ton activité consiste à appliquer des règles de
conduite générales aux cas particuliers qui se
présentent dans la vie courante, alors tu te
retrouveras paralysé, car aucune règle ne peut
soutenir le vent de la pensée ». (H Arendt)
Des procédures et pas des protocoles !
Ethique et Science : des vues
contradictoires ou étroitement
complémentaires ?
♦  « Tout ce qui n’est pas scientifique n’est pas
éthique ! » J Bernard
♦  « Souvenons-nous que le malade a besoin
d’un médecin qui soit à la fois compétent et
généreux. L’honneur de la médecine et sa
difficulté sont dans une alliance du devoir
de science et du devoir d’humanité » J Bernard
♦  « Science sans conscience … » Rabelais
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