que les principales banques centrales se sont rapidement situées dans la trappe à liqui-
dité après la baisse des taux directeurs impulsée à l’automne 2008. Si l’année 2007 avait
montré quelques signes avant-coureurs de la fragilité du système financier mondial, les
banques centrales n’ont véritablement engagé de politique accommodante qu’à la fin de
l’année 2008 suite à la faillite de la Banque Lehman Brothers, étincelle d’une future crise
systémique. Les gouverneurs des banques centrales ont alors été contraints, devant le gel
du circuit interbancaire, l’illiquidité de certains segments de marchés monétaires et la
fragilité des institutions bancaires et financières, de mobiliser des instruments alternatifs
qualifiés de non-conventionnels afin de réactiver les canaux de transmission de la politique
monétaire. Parmi ces mesures, on peut citer les nombreux programmes d’achats d’actifs
financiers publics et privés réalisés par la Banque d’Angeterre (Asset Purchase Facility),
la Federal Reserve (quantitative easing 1 et 2), la Banque Centrale Européenne (covered
bond purchase programme,securities market programme). On doit également mentionner
la modification des procédures d’injection de liquidités : plus fréquentes, à plus long terme,
plus conséquentes, complètes, contre des actifs éligibles de moindre qualités 3.
Les banques centrales ont, dans leur ensemble, joué le rôle de prêteur en dernier ressort
au coeur de la crise financière parfois en dépit de l’indépendance impliquant une certaine
constance dans l’utilisation des instruments de politique économique. La politique de taux
d’intérêt à laquelle s’était astreinte la majorité des banques centrales s’inscrivait parfaite-
ment dans un cadre institutionnel devenu la référence : celui de l’indépendance vis-à-vis
de la sphère politique. Ce cadre s’est progressivement imposé comme une condition suf-
fisante de la stabilité monétaire. L’indépendance de la banque centrale revient à laisser
à l’autorité monétaire la liberté de formuler et conduire la politique monétaire (choix
des objectifs intermédiaires et des instruments) sans intervention politique sur les plans
organisationnel et opérationnel. L’indépendance des banques centrales prend ses racines
dans les travaux des économistes de la la nouvelle macroéconomie classique et notam-
ment de Kydland & Prescott (1977) proposant l’adoption de règles permettant d’éviter
l’incohérence temporelle des politiques économiques discrétionnaires. 4. Barro & Gordon
(1983) puis Rogoff (1985) ont ensuite prolongé ce travail. Les premiers démontrent qu’il
peut exister un équilibre reposant sur la réputation de l’autorité monétaire sans néces-
sairement adopter de règles. Le second valide le bienfondé réputationnel en proposant la
déconnexion de la politique monétaire et de la Banque centrale au pouvoir politique en
rendant la première indépendante. Le recours à des instruments non-conventionnels de
politique monétaire vient troubler le fonctionnement habituel reposant sur une règle mo-
3. Ceci permet de rendre plus liquides certains segments de marché mais aussi de récupérer les actifs toxiques
afin d’assainir les bilans des banques resuscitant la confiance dans le circuit interbancaire.
4. Ce concept suggère qu’une politique économique discrétionnaire en réaction à un évènement passé risque
de devenir inadéquate au moment où elle est mise en oeuvre, principalement à cause des anticipations rationelles
des agents. Ces derniers vont anticiper les effets attendus de la politique et ajuster leur comportement. Ainsi
toute politique de relance est vouée à l’inflation puisque les agents, conscients des effets inflationnistes, réclament
immédiatement une augmentation de salaire qui va annuler les bénéfices attendus en termes d’emplois et de
production en réhaussant les salaires réels. La règle facilite la lecture des politiques économiques par les agents
qui savent désormais quand les autorités vont intervenir et quels en seront les effets.
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