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La néphropathie tubulointerstitielle aiguë :
une cause rare d’insuff isance rénale aiguë
A. Bouquegneau (1), J. Longton (1), C. Bovy (2), J.M. Krzesinski (3)
RÉSUMÉ : Nous rapportons le cas d’une insuffisance rénale
aiguë secondaire à une Néphropathie Tubulo-Interstitielle
Aiguë (NTIA) sur prise d’Anti-Inflammatoires Non-Stéroïdiens (AINS). Cette pathologie est une cause rare d’insuffisance
rénale aiguë. Elle est importante à reconnaître du fait du danger immédiat de morbidité engendré et de son risque évolutif
vers l’insuffisance rénale chronique. Le diagnostic différentiel
de celle-ci avec les autres causes d’insuffisance rénale aiguë
est essentiel au vu de la prise en charge thérapeutique différente. Dans cet article, nous tendrons à rappeler brièvement la
démarche diagnostique à adopter lors d’une insuffisance rénale
aiguë.
M ot - clés : Néphropathie tubulo-interstitielle aiguë insuffisance rénale aiguë - AINS
I n t ro d u c t i o n
La Néphropathie Tubulo-Interstitielle Aiguë
(NTIA) représente seulement 2 à 3% des causes
d’Insuffisance Rénale Aiguë (IRA). Elle peut
évoluer vers une Insuffisance Rénale Chronique
(IRC), si elle n’est pas précocement diagnostiquée et traitée. La NTIA sous-tend en effet
une thérapeutique spécifique. L’IRA expose par
ailleurs à un risque de morbi-mortalité accrue en
phase aiguë.
Pour rappel, l’étiologie principale des IRA
en dehors du milieu hospitalier, est l’origine
pré-rénale dite fonctionnelle, c’est-à-dire un
trouble de la perfusion rénale. Ensuite viennent
les origines parenchymateuses, parmi lesquelles on retrouve les causes glomérulaires et surtout tubulaires, notamment la NTIA. Les causes
plus rares sont les IRA post-rénales, liées à un
obstacle sur les voies urinaires. Ces différentes
formes d’IRA sous-tendent des démarches diagnostiques et thérapeutiques spécifiques.
La NTIA est une pathologie méconnue et
souvent mal étiquetée, dont le pronostic dépend
essentiellement de la rapidité du traitement.
Nous illustrons cette pathologie par un cas clinique classique, afin de discuter de la prise en
charge optimale à adopter.
P r é s e n tat i o n d u c a s
Il s’agit d’une patiente de 19 ans, admise
au Service des Urgences pour douleur abdominale depuis 48h, avec nausées et vomissements. La douleur est centrée sur la Fosse
(1) Etudiant, Université de Liège.
(2) Chef de clinique, (3) Professeur, Chef de Service,
Service de Néphrologie-Dialyse-Hypertension, CHU de
Liège.
Rev Med Liège 2010; 65 : 7-8 : 459-463
A rare cause of acute renal failure, acute
tubulo-interstitial nephritis
SUMMARY : We report the case of an acute renal failure due
to an acute interstitial nephropathy (ATIN) induced by non
steroidal anti-inflammatory drugs (NSAID). Even though this
pathology is a rare cause of acute renal failure, it still requires
special attention in view of the fact that it induces a high risk of
acute morbidity but it also can evolve into chronic renal failure.
Its differential diagnosis with other causes of acute renal failure
becomes essential because of the different therapeutic care. In
this article, we are going to briefly sum up the reasoning to
adopt in order to diagnose an acute renal failure.
Keywords : Acute tubulo-interstitial nephritis - Acute renal
failure - NSAID
Iliaque Droite (FID) et irradie vers la région
para-lombaire droite. La symptomatologie
s’accompagne d’une anorexie et de la restriction importante de prise hydrique depuis ces
deux derniers jours. Il n’y a pas de plaintes
urinaires, ni de fièvre.
Les antécédents sont sans particularité. On
note la prise d’Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS) depuis 3 à 4 jours pour des
céphalées en «casque».
L’examen clinique est normal, la pression
artérielle de 120/70mmHg et la température
de 37,1°C.
L’abdomen est souple, tympanique avec
cependant une sensibilité dans la région épigastrique et la FID. Le point costo-musculaire
droit est douloureux à la percussion.
A la biologie, la créatininémie est de 12,4
mg/L, avec une filtration glomérulaire estimée
par la formule du MDRD à 56 mL/min/1,73
m². La CRP est dosée à 15 mg/L (N<6 mg/L)
mais ne s’accompagne pas d’hyperleucocytose. La bandelette urinaire est positive pour
le sang et les protéines qui sont dosées à 1.090
mg/g de créatinine urinaire. Le sédiment urinaire révèle une hématurie microscopique
avec leucocyturie. Aucun cylindre pathologique n’est détecté. La culture urinaire est,
quant à elle, négative.
L’électrophorèse des protéines urinaires
montre une atteinte mixte, glomérulaire et
tubulaire, avec albumine à 49% et une majoration de la fraction des protéines de faible
poids moléculaire (ß-globulines) à 26%. La
fraction excrétée de sodium est de 4% (rapport entre la clairance de sodium et celle de
459
A. Bouquegneau et coll.
créatinine). L’échographie abdominale et la
tomodensitométrie abdomino-pelvienne sont
sans grande particularité.
Après 24h, l’insuffisance rénale s’aggrave
ainsi que le syndrome inflammatoire avec créatininémie à 16,9 mg/L et une GFR estimée à 39
mL/min/1,73m² et une CRP à 27,7 mg/L.
En présence d’une IRA avec hématurie, leucocyturie et protéinurie à profil mixte, une biopsie rénale est indiquée et réalisée. Elle démontre
une image de néphropathie tubulo-interstitielle
aiguë, caractérisée par un infiltrat inflammatoire
interstitiel formé de lymphocytes et de macrophages. Un certain degré de dilatation tubulaire
est observé, avec microvacuolisation de l’épithélium. Aucune lésion vasculaire ou glomérulaire
n’est démontrée.
Le bilan complet des étiologies des NTIA
est alors entrepris. Les sérologies infectieuses,
notamment celle de l’hantavirose, se révèlent
être négatives. Le bilan immunologique revient
négatif. En définitive, seule l’origine «toxique»,
et principalement celle liée aux AINS pris par la
patiente avant le début de sa symptomatologie,
est retenue. L’état clinique ainsi que la biologie
de la patiente se normalisent rapidement après
arrêt des AINS et réhydratation.
Discussion
Bien que la NTIA soit une cause rare d’IRA
avec divers mécanismes pathogéniques, une origine médicamenteuse est importante à rechercher, car de plus en plus fréquente. Il n’est, par
ailleurs, pas toujours aisé de faire la différence
entre les trois formes d’IRA, bien que ceci soit
essentiel au vu de la prise en charge différente.
Dans cet esprit, il nous apparaît utile de rappeler
les différents éléments qui orientent la démarche diagnostique face à une IRA. Ensuite, nous
rappellerons les différentes étiologies des NTIA.
Pour finir, nous aborderons le traitement ainsi
que le pronostic de l’affection.
Orientation
diagnostique face à une
IRA
Les récents critères de l’Acute Kiney Injury
Network (AKIN) (1) résument la définition de
l’IRA comme toute augmentation aiguë (dans les
48 h) de la créatininémie de plus de 0,3 mg/dL
par rapport à la valeur de base, ou encore comme
une augmentation de plus de 50% de créatininémie, ou, pour finir, comme une oligurie de moins
de 0,5 mL/kg/h pendant plus de 6 heures. Ensuite
la sévérité de l’IRA peut être appréciée selon
la classification RIFLE (Risk; Injury; Failure;
Loss; End stage renal disease). Cette classification permet d’évaluer le pronostic de l’IRA et est
présentée dans le tableau I (2, 3).
L’IRA complique 5% des hospitalisations et
jusqu’à 30% des admissions en réanimation. Elle
peut être divisée conventionnellement en trois
catégories comprenant: les pathologies entraînant
un déficit de perfusion rénale ne compromettant
pas initialement l’intégrité du parenchyme rénal
(IRA fonctionnelle ou pré-rénale) (55%), celles
qui impliquent directement le parenchyme rénal
(IRA organique) (40%), et enfin celles associées
à une obstruction des voies urinaires (IRA postrénale) (5%). Le diagnostic différentiel des trois
formes d’IRA est rappelé au tableau II.
Diagnostic
étiologique de l’IRA organique
On retrouve dans l’IRA organique (ou parenchymateuse) quatre grandes origines.
La Nécrose Tubulaire Aiguë (NTA) qui représente 70% des IRA organiques. Elle peut être
d’origine ischémique et/ou toxique (hypotension
systémique prolongée, séquelle de rhabdomyolyse, aminosides, produits de contraste iodés,
cisplatine, amphotéricine B,...).
Une origine glomérulaire peut également être
présente (15%), souvent liée à une forme rapidement progressive de la glomérulonéphrite.
Dans 5% des cas, l’IRA organique est d’origine vasculaire (thrombose artérielle ou veineuse, embolies systémiques).
Tableau I. Classification clinique et biologique de l’insuffisance
rénale aiguë, basée sur l’intensité et la durée de la réduction du
débit urinaire ainsi que sur l’élévation de la créatininémie
(classification RIFLE).
Stade
Critère sanguin (TFG)
Critère urinaire
(débit)
Risk (R)
-augmentation de la
créatininémie >1,5x
par rapport aux valeurs
de base
-chute du TFG >25%
-<0,5mL/kg/h sur 6h
Injury (I)
-augmentation de la créatininémie >2x
par rapport aux valeurs
de base
-chute de TFG >50%
-<0,5mL/kg/h sur 12h
Failure (F)
-augmentation de la créatininémie >3x par rapport aux valeurs de base
-chute de TFG >75%
-<0,5mL/kg/h sur 24h
ou
-anurie sur 12h
Loss (L)
-IRA persistante
-perte complète de la fonction rénale
>4semaines nécessitant une thérapeutique
de suppléance
ESRD (E)
-End stage renal disease
-perte de la fonction rénale >3mois nécessitant une thérapeutique de suppléance
TFG: Taux de filtration glomérulaire.
460
Rev Med Liège 2010; 65 : 7-8 : 459-463
Néphropathie tubulo-interstitielle aiguë
Tableau II. Éléments biologiques et urinaires du diagnostic
différentiel des différentes formes d’insuffisance rénale aiguë
IRA pré-rénaleIRA organiqueIRA post-rénale
Biologie :
- Urée (mg/L)/
créatinine (mg/L) sérique>40
- PCr augmente moins rapidement
Chimie urinaire
- Urée (mg/L)/
créatinine (mg/L)
sérique=ou<20
- PCr augmente
de 0,3 à 0,5x
la valeur
de départ
FeNa + (%)
< 1
> 1
FeUrée (%)
<35
>35
U Na + (mmol/l)
<20
>40
U Cl - (mmol/l)
<20
>40
U Cr/ PCr
>40
<20
Osmolalité
urinaire
(mOsm/kg)
>500
<350
RUSU
négatif
protéinurie; cellules; cylindres
Diurèse
- Fonction de
l’étiologie :
hyperuricémie
hypercalcémie
majoration des
LDH
parfois
cristaux
d’acides
uriques ou d’oxalates
oligo-anurie
souvent
(<500ml/j)
conservée
et urines
foncées Échographie reins
augmentation rénale
normaux
de volume rénal
augmentation
de la taille des reins avec dila-
tation des cavi-
tés excrétrices
Cr : créatinine; P : concentration plasmatique; U : concentration urinaire;
Fe : fraction excrétée; RUSU : réaction urinaire et sédiment urinaire.
La NTIA représente environ 10% des IRA
organiques, soit 2 à 3% des cas d’IRA. La présentation typique est une soudaine altération de
la fonction rénale avec oligurie. Une douleur
du flanc est présente dans 50% des cas, avec
des symptômes gastro-intestinaux (nausées,
vomissements, diarrhée). La pression artérielle
est normale. Les œdèmes sont généralement
absents. Les signes allergiques (rash, fièvre ou
arthralgie) sont fréquents (4), surtout dans les
origines liées à une hypersensibilité aux pénicillines, mais leur absence n’exclut pas le diagnostic de NTIA, notamment lié aux AINS (5). Le
délai d’apparition des symptômes se situe entre
1 jour et 18 mois !
Les analyses biochimiques révèlent une éosinophilie sanguine et/ou urinaire, avec majoration des taux sanguins d’IgE surtout dans les
phénomènes d’hypersensibilité. Les lymphocytes prédominent dans les NTIA secondaires aux
AINS (6).
Rev Med Liège 2010; 65 : 7-8 : 459-463
La moitié des patients présentent une leucocyturie stérile, et les cylindres leucocytaires sont
fréquents. L’hématurie apparaît également dans
50% des cas, mais pratiquement jamais sous
la forme de cylindres hématiques. Bien que la
découverte de tels cylindres ait été rapportée
au cours de NTIA, leur présence doit toujours
prioritairement faire rechercher une origine
glomérulaire, notamment observée dans la glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique. La
protéinurie fréquemment associée est souvent
inférieure à 1g/g de créatininurie et est de type
tubulaire (normalement < 30% albumine et >
70% de globulines). Des acidoses tubulaires sont
également décrites, témoignant de l’altération de
la fonction tubulaire.
Il faut rester attentif au fait qu’une protéinurie majeure peut également être présente, chez
le patient qui développe de façon combinée
une NTIA «allergique» et une glomérulopathie à lésions glomérulaires minimes. Ceci est
retrouvé parfois dans les suites d’un traitement
par AINS et semble lié aux cytokines produites
par les lymphocytes infiltrant le rein qui augmentent la perméabilité de la membrane basale
glomérulaire.
L’échographie révèle habituellement des reins
de taille normale, voire légèrement supérieure à
la normale, avec une échogénicité corticale plus
importante.
La biopsie rénale est habituellement indiquée lorsque l’origine de l’IRA n’est pas claire.
Celle-ci démontre la présence typique d’un
œdème interstitiel, avec infiltration leucocytaire
(polymorphonucléaires neutrophiles et/ou éosinophiles, lymphocytes) et des foyers de nécrose
tubulaire. Dans de rares cas (notamment secondaires à une sarcoïdose) on peut retrouver des
granulomes.
La figure 1 résume la démarche diagnostique
à adopter face à la découverte d’une IRA.
Étiologies
des
NTIA
Les NTIA peuvent être d’origine médicamenteuses, infectieuses ou associées à des maladies
auto-immunes. Dans 10% des cas, aucune cause
n’est décrite et elles sont dites alors idiopathiques. Les NTIA secondaires à la prise de médicaments représentent 85% des cas (6). Leur
présentation clinique est fort proche de celle
décrite ci-dessus. En ce qui concerne les autres
formes de NTIA, la présentation clinique est
souvent plus spectaculaire. En effet, lorsqu’elles
sont secondaires à une infection, la présentation
clinique dépend essentiellement de l’infection
sous-jacente. Ainsi, les symptômes extra-rénaux,
notamment la fièvre, des douleurs abdomina461
A. Bouquegneau et coll.
Figure 1. Résumé de la démarche diagnostique à adopter face à une IRA
les, des vomissements et une thrombocytopénie
sont au premier plan. Cette dernière est parfois
responsable de complications hémorragiques,
typiques en cas d’infection par Hantavirus (7).
Une protéinurie plus importante est souvent
retrouvée, et ce en raison de l’atteinte glomérulaire plus fréquente. En cas d’affection immunologique (par exemple le lupus érythémateux),
la clinique est dominée par la symptomatologie
correspondante. Les manifestations urinaires
sont le plus souvent une IRA avec protéinurie
modérée et leucocyturie stérile.
Le tableau III reprend une liste non exhaustive des étiologies des NTIA.
Traitement
Le traitement de première ligne est l’arrêt de
l’agent inducteur ou le traitement étiologique
de l’affection sous-jacente. Si aucune amélioration de la fonction rénale n’est observée dans le
décours, un traitement immunosuppresseur est
utile. Les glucocorticoïdes sont les plus utilisés.
Ils permettent de réduire la durée de l’insuffisance rénale et d’améliorer la récupération de la
fonction rénale (6). A noter que les NTIA liées
aux AINS ne répondent que faiblement aux glucocorticoïdes, particulièrement si le diagnostic
est tardif.
Les recommandations actuelles préconisent
la prescription de corticoïdes s’il n’y a pas
d’amélioration de la fonction rénale 3 à 7 jours
après l’arrêt de la thérapeutique inductrice (dose
initiale de 1 mg/kg par jour pour une durée
minimale de 1 à 2 semaines et une diminution
progressive des doses de corticoïdes sur 2 à 3
462
mois). En cas d’altération sévère de la fonction
rénale, un traitement par bolus intra-veineux de
méthylprednisolone (0,5 à 1 g/j) pendant 3 jours
avec relais per os est utile.
L’utilisation du mycophénolate mofétil (Cellcept®) a démontré une certaine efficacité, en cas
de corticorésistance (8).
Pronostic
La récupération d’une fonction rénale correcte
est observée dans la majorité des cas de NTIA
secondaires à la prise de méthicilline et ce, après
l’arrêt de celle-ci, avec ou sans corticothérapie
(10). Le niveau de récupération de la fonction
rénale semble plus faible pour les autres médicaments. On observe fréquemment la nécessité
Tableau III. Étiologies des NTIA
Médicamenteuses :
Infectieuses :
- Antibiotiques (pénicillines et céphalosporines; rifampicine; sulfamidés; ciprofloxacine)
- AINS, y compris les COX-2 sélectifs
- Oméprazole; Lansoprazole; Cimétidine
- Furosémide; Bumétanide; Hydrochlorothiazide
- 5-aminosalicylates; Indanavir; Allopurinol
- Bactériennes (Streptococcus spp.; Legionella spp.; Corynebacterium diphteriæ)
- Virales (Hantavirus; Cytomegalovirus; HIV; HBV)
- Mycètes (Histoplasma spp.)
- Parasites (Leishmania; Toxoplasme)
Associé à des maladies - Sarcoïdose
auto-immunes :
- Syndrome de Sjögren
- Lupus érythémateux dissiminé
- Granulomatose de Wegener
Causes rares :
- TINU : association d’une uvéite et d’une NTIA
Idiopathique :
Rev Med Liège 2010; 65 : 7-8 : 459-463
Néphropathie tubulo-interstitielle aiguë
d’une dialyse au stade aigu si le diagnostic est
retardé, mais seulement 10% des patients nécessitent une épuration extra-rénale au long cours
(11). La récupération de la fonction rénale est
alors incomplète, avec dans près de 40% des cas,
le maintien à des valeurs au-dessus de la normale
de la créatininémie avec un risque d’évolutivité
vers l’insuffisance rénale chronique (4).
Certains éléments cliniques sont des éléments
de pronostic. En effet, une IRA prolongée (supérieure à 3 semaines), les NTIA associées à la
prise d’AINS et certains aspects histologiques
de l’affection, notamment la présence de granulomes et de la fibrose interstitielle importante,
sont des facteurs de mauvais pronostic (12).
Rappel du rôle des AINS en pathologie rénale aiguë
Outre la NTIA, les AINS peuvent provoquer
une IRA fonctionnelle (pré-rénale), des troubles
ioniques (hyponatriémie et hyperkaliémie), ou
encore un syndrome néphrotique.
L’IRA fonctionnelle se développe principalement chez des patients avec une diminution
du volume circulant effectif (insuffisance cardiaque, cirrhose, prise d’inhibiteur d’enzyme de
conversion), ou en déplétion volumique vraie
(déplétion hydrosodée, hémorragie, etc). En
effet les prostaglandines produites en intra-rénal
dans cette situation d’hypovolémie relative ou
réelle diminuent les résistances vasculaires préglomérulaires, afin de maintenir un débit de perfusion rénale adéquat. Les AINS bloquent cette
production intra-rénale de prostaglandines. Bien
que les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 protègent contre les effets indésirables digestifs, ils ne
sont pas pour autant inoffensifs pour le rein, qui
exprime la COX-2 de manière constitutive (9).
Lorsque les AINS provoquent un syndrome
néphrotique, on peut retrouver alors soit une
image de lésions glomérulaires minimes (la néphrose lipoïdique ou «minimal change disease»),
soit une glomérulopathie membraneuse.
Conclusion
La NTIA est une pathologie de présentation
protéiforme peu spécifique. Dans le cas présenté,
la patiente, a posteriori, a développé une symptomatologie plutôt typique d’une origine toxique
liée aux AINS. En effet, la symptomatologie à
l’avant-plan était digestive, et les symptômes de
type allergique étaient absents.
La présentation clinique de cette pathologie
est souvent peu évocatrice. De plus, les médicaments responsables sont très usités, souvent
non signalés lors de l’anamnèse systématique.
Par conséquent, il y a un risque élevé de négliger
ces affections, donc de ne pas les traiter. Ceci
peut avoir des conséquences relativement imporRev Med Liège 2010; 65 : 7-8 : 459-463
tantes sur la fonction rénale et sur le pronostic à
long terme pour le patient.
Les analyses urinaires sont indispensables pour
orienter le diagnostic en présence d’une créatininémie accrue. Elles ne sont cependant pas suffisamment spécifiques pour établir un diagnostic
de certitude de NTIA. Actuellement, la biopsie
rénale garde toujours une place importante dans
la recherche étiologique des IRA organiques.
L’amélioration clinique et biologique dès l’arrêt
de la thérapeutique inductrice sert également de
test diagnostique.
Les étiologies médicamenteuses de NTIA
nous rappellent la nécessité d’une prudence dans
nos prescriptions ainsi que le danger potentiel de
l’automédication. Les causes infectieuses sont,
en fréquence, de loin dépassées par les causes
médicamenteuses dont les AINS. Le recours à
ces derniers doit toujours être réfléchi. «Primum
non nocere» doit rester au centre de notre attitude de prescripteur.
B ib l i o g r a p h i e
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Les demandes de tirés à part sont à adresser au
Pr. J.M. Krzesinski, Service de Néphrologie-DialyseHypertension, CHU de Liège, 4000 Liège, Belgique.
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