CONGRÈS RÉUNION 19e réunion nationale du Groupe de réflexion sur la cardiologie interventionnelle Paris, 28-30 novembre 2012 F. Descoutures*, A. Fassa* Le Groupe de réflexion sur la cardiologie interventionnelle (GRCI) 2012 a eu lieu du 28 au 30 novembre 2012 à Paris avec la participation de 750 congressistes (médicaux, paramédicaux et industriels). Le GRCI a proposé aux participants un programme permettant à chacun de situer ses pratiques, tout en assurant une information sur les études et les recommandations les plus récentes. Le cardiologue interventionnel a vu ces dernières années son champ d’activité potentielle s’élargir au-delà de la sphère cardiologique. Cette évolution nécessite une formation complémentaire continue afin d’assurer les soins les plus performants. De nombreuses thématiques ont donc été abordées lors du GRCI 2012, concernant bien entendu la maladie coronaire mais aussi les valvulopathies, les cardiopathies structurales et les pathologies vasculaires périphériques, sans oublier le traitement de l’HTA réfractaire. Session sur le traitement interventionnel de l’HTA * Service de cardiologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris. Depuis les résultats très prometteurs des études SIMPLICITY HTN-1 et HTN-2 concernant la dénervation rénale par voie endovasculaire pour l’HTA mal contrôlée, certaines séries ont émis des doutes sur la reproductibilité de ce bénéfice chez tous les patients. Récemment, une étude portant sur 12 patients n’a pas retrouvé de baisse significative de la pression artérielle (PA) et de l’activité musculaire sympathique 3 à 6 mois après une dénervation rénale (Brinkmann et al. Hypertension 2012). Bien que le nombre de patients inclus soit faible, ce résultat pose la question de la sélection des patients, sujet traité par le Pr X. Girerd (Paris). Récemment, un groupe d’experts issus des Sociétés françaises d’hypertension artérielle, de cardiologie et de radiologie a rédigé un texte de consensus sur la dénervation rénale (Arch Cardiovasc Dis 2012). Dans ce document, sont décrites les indications actuellement raisonnables 22 | La Lettre du Cardiologue • n° 463 - mars 2013 (encadré). Cette intervention doit être réservée aux patients qui ont une HTA essentielle non contrôlée sous quadrithérapie ou plus, avec un traitement comportant au moins un diurétique. Il est rappelé à ce sujet que l’efficacité de la spironolactone à la dose de 25 mg doit être toujours testée. Ce dernier critère découle de l’étude ASPIRANT, qui avait démontré l’efficacité d’un tel traitement chez des patients avec une HTA résistante (Hypertension 2011). Cependant, au-delà des indications décrites, il semble que certaines caractéristiques du profil tensionnel puissent prédire l’efficacité d’une dénervation rénale. Ces critères pourraient comprendre : ➤➤ une pression différentielle moyenne (valeur moyenne de la différence entre la PA systolique et diastolique, aussi appelée pression pulsée) < 60 mmHg sur une mesure ambulatoire de la PA sur 24 heures ; ➤➤ une élévation tensionnelle de repos (c’est-à-dire lors du sommeil) persistante. Il est à espérer que les résultats des études à venir permettront de confirmer l’hypothèse de ces critères de sélection afin d’identifier au mieux les patients répondeurs à une dénervation rénale par voie endovasculaire. “La dénervation rénale, un traitement d’avenir” Interview du Dr T. Unterseeh (Quincy-sous-Sénart) qui a présenté les résultats d’une série monocentrique de 33 patients traités par dénervation rénale : ➤➤ Pouvez-vous brièvement décrire le déroulement d’une procédure de dénervation rénale ? Cela se passe comme pour une angioplastie rénale par un abord fémoral 6F minimum. On canule d’abord l’artère rénale droite avec une sonde permet- CONGRÈS RÉUNION tant un appui suffisant (le plus souvent de type RCB). On administre de l’héparine par voie générale, puis on injecte des dérivés nitrés une fois que l’on est sélectif dans l’artère rénale. On introduit alors le cathéter de radiofréquence (figure 1) jusqu’à la bifurcation rénale au niveau du hile. On réalise alors le premier tir que l’on répète en se retirant point par point tous les 5 mm jusqu’à la partie proximale de l’artère. Puis on reproduit la procédure pour l’artère rénale gauche. ➤➤ Combien de temps dure une procédure ? Chaque tir dure 2 minutes. Il y a donc un temps de tir incompressible d’environ 30 minutes. Ensuite, il peut y avoir des variations en fonction de l’anatomie rénale. En moyenne, une procédure dure une heure. ➤➤ La procédure est-elle douloureuse ? Oui, c’est très douloureux. Les premiers patients chez qui nous avons effectué la procédure n’avaient pas une sédation optimale et étaient très algiques. C’est pourquoi on fait maintenant cette intervention sous une neuranalgésie profonde avec des morphiniques et des sédatifs. En 2012, le consensus d’experts limite l’indication de la technique de dénervation rénale aux patients qui ont une HTA essentielle non contrôlée sous quadrithérapie ou plus : – avec un traitement comportant au moins un diurétique ; – la spironolactone à la dose de 25 mg ayant été inefficace ; – avec au moins une PAS > 160 mmHg et/ou une PAD > 100 mmHg en consultation ; – et confirmation d’une PAS > 135 mmHg et d’une PAD > 85 mmHg en AMT ou par MAPA (période diurne) ; – avec débit de filtration glomérulaire > 45 ml/mn/1,73 m2 ; – avec anatomie des artères rénales compatible avec l’intervention ; – avec la présence de 2 reins fonctionnels de taille ≥ 90 mm ; – ayant bénéficié, avant la procédure, d’une exploration des artères rénales par une technique d’imagerie radiologique (angio-TDM, angio-IRM ou artériographie) ; – avec une absence d’antécédents d’angioplastie/stent sur les artères rénales cibles ; – avec une voie d’abord compatible avec l’intervention ; – avec une indication posée après discussion multidisciplinaire incluant un médecin ayant une pratique et une compétence dans la prise en charge des patients avec HTA. La technique de dénervation rénale ne peut s’appliquer chez les patients hypertendus ayant : – une sténose d’une artère rénale > 30 % ; – une dysplasie fibromusculaire artérielle rénale ; – un âge de moins de 18 ans ; – une grossesse en cours. Encadré. Indications de la dénervation rénale par voie endovasculaire dans le traitement de l’HTA, selon le consensus d’experts français (Arch Cardiovasc Dis 2012). ➤➤ Quelles sont les complications possibles ? Nous n’avons pas observé de complications dans notre série de patients. Cependant, celles décrites dans la littérature comprennent les complications habituelles d’une ponction fémorale. Des dissections de l’artère rénale ont également été rapportées. Toutefois, il faut signaler que l’extrémité de la sonde est très souple et que la dénervation rénale par voie endovasculaire reste une procédure sûre. ➤➤ Quel est le taux de succès de la procédure ? On ne peut pas parler de succès ou d’échec en fin de procédure, car on n’a pas de critère d’efficacité immédiate avec une PA déjà abaissée par la neuralgésie. Seul le suivi peut nous l’indiquer. Dans notre série, nous avons eu 85 % de répondeurs avec une amélioration plus ou moins importante des profils tensionnels. ➤➤ Y a-t-il eu des cas de récidive d’HTA réfractaire après une bonne réponse initiale ? Non, tous les patients répondeurs ont eu une persistance de l’amélioration sur le plan tensionnel, et nous n’avons pas observé de récidive après une bonne réponse initiale. Cependant, il est arrivé que les médecins allègent le traitement des patients, ce qui peut créer un biais dans l’évaluation du suivi. En effet, il est indispensable Figure 1. Contrôle angiographique de la position d’un cathéter de radiofréquence (flèche) dans l’artère rénale droite. actuellement de ne pas modifier le traitement en cours afin de pouvoir juger de l’efficacité de l’intervention endovasculaire. La Lettre du Cardiologue • n° 463 - mars 2013 | 23 CONGRÈS RÉUNION ➤➤ La procédure est-elle techniquement réalisable chez tous les patients ? La difficulté principale est de mettre le cathéter de radiofréquence en bonne position dans l’artère rénale. Des variations anatomiques ou des artères rénales très tortueuses peuvent constituer une contre-indication à l’intervention. C’est pourquoi le consensus d’experts français recommande la réalisation d’une imagerie non invasive avant l’intervention. On peut avoir recours à des techniques complémentaires comme l’emploi d’un guide d’angioplastie rigide pour faire progresser le cathéter de radiofréquence. ➤➤ Les résultats de votre série sont-ils semblables à ceux publiés dans la littérature ? Oui, c’est même surprenant, car nos résultats sont superposables à ceux de l’étude SIMPLICITY HTN-2. Les mesures ambulatoires de la PA et les consultations à 6 mois montrent les mêmes améliorations. ➤➤ La dénervation rénale pourra-t-elle devenir un jour un traitement important de l’HTA ? Il y a en effet toutes les chances que cela se produise. Notre équipe y croit beaucoup, car nous observons les mêmes résultats que dans les études randomisées faites rigoureusement. Il est néanmoins important de bien sélectionner les patients. Par ailleurs, l’industrie travaille activement sur des cathéters plus simples permettant une procédure plus courte, ce qui va encore augmenter les chances d’en faire une technique d’avenir. Session sur les techniques de recanalisation artérielle L’analyse angiographique d’une occlusion coronaire chronique (Chronic Total Occlusion [CTO]) est un temps essentiel lorsqu’une recanalisation est envisagée, comme l’a rappelé le Dr S. El Hadad (Lagnysur-Marne). Le traitement percutané des CTO a connu de grands progrès au cours des dernières années, notamment grâce aux performances accrues des matériaux dédiés, au développement de nouvelles techniques d’angioplastie, à la sélection rigoureuse des patients, ainsi qu’à l’élaboration préalable d’une stratégie. L’indication à la tentative de recanalisation de la CTO dépendra de l’analyse détaillée de la coronarographie et de l’évaluation du rapport risque/bénéfice qui doit être très favorable. Le bénéfice sera d’autant plus important que 24 | La Lettre du Cardiologue • n° 463 - mars 2013 le patient est symptomatique et/ou que la zone ischémique est importante. Sur la base d’études rétrospectives, la recanalisation d’une CTO améliore la qualité de vie en réduisant la symptomatologie, améliore la fonction du ventricule gauche, réduit le recours à la chirurgie, augmente la tolérance par rapport à un éventuel syndrome coronarien aigu et améliore la survie en cas de traitement de CTO de l’artère interventriculaire antérieure. L’évaluation angiographique avant procédure de recanalisation passe par une relecture attentive et détaillée de la coronarographie diagnostique afin d’analyser et de comprendre l’anatomie de la CTO et la circulation collatérale. L’angioplastie ad hoc n’est jamais recommandée, car il faut prendre le temps de planifier la stratégie la plus adaptée. Lors de l’angiographie d’une CTO, il est important de réaliser l’examen avec le plus faible grossissement (champ de 25 cm) afin d’avoir une meilleure définition de l’image. De plus, cela permet de voir les collatérales sans déplacement de table. La réalisation d’une injection bilatérale est souhaitable. Pour cela, il faut d’abord injecter dans l’artère donneuse, puis injecter l’artère occluse avec un retard de 2 à 3 secondes. Il faut également veiller à filmer suffisamment longtemps jusqu’à ce que le contraste soit complètement éliminé dans l’artère occluse. L’analyse de l’occlusion comprend la visualisation du segment proximal de l’occlusion, la recherche d’un moignon clairement visible et de calcifications, l’analyse de la longueur de l’occlusion et du diamètre de référence en aval et en amont de l’occlusion et enfin des tortuosités de l’artère. De plus, il est important de vérifier la présence de branches accessoires pour l’éventualité d’un “anchoring-balloon" et la faisabilité d’une approche rétrograde. Pour cette dernière, il faut bien évaluer l’état de l’artère donneuse et la présence de vaisseaux collatéraux adaptés entre les systèmes coronaires gauche et droit (figure 2). En cas d’atteinte athéromateuse significative, il conviendra de traiter l’artère donneuse avant de traiter la CTO. Session sur les cardiopathies structurales Fermer un FOP après un AVC : une décision collégiale Interview du Dr J.M. Juliard (Paris) après sa présentation sur la fermeture endovasculaire du CONGRÈS RÉUNION foramen ovale perméable (FOP) et les résultats de l’étude RESPECT présentée récemment au TCT 2012. A B Quelles sont aujourd’hui les indications les plus fréquentes d’une fermeture de FOP ? L’indication principale est la prévention de récidive d’accident vasculaire cérébral (AVC) après un premier AVC de cause inconnue. Viennent ensuite le syndrome platypnée-orthodéoxie, puis les embolies paradoxales probables quand l’accident artériel embolique a été contemporain d’une thrombose veineuse profonde. 1,00 A 0,99 0,98 Probabilité de survie sans événement Quels sont les résultats des études randomisées concernant la fermeture de FOP après AVC ? Dans l’étude randomisée CLOSURE 1, la supériorité de la fermeture avec un dispositif STARFlex® n’a pas été démontrée en comparaison du traitement médical. Il y avait une tendance à une réduction non significative de la récidive d’accident ischémique transitoire (AIT) et d’AVC dans le groupe fermeture. Il faut noter que le recrutement a été très long avec des biais probables de sélection. De plus, l’AIT, qui n’est probablement pas un critère robuste d’inclusion et de jugement, devrait être évité. Finalement, la prothèse STARFlex® a été retirée du marché, et n’était probablement pas le meilleur dispositif disponible (risque de thrombose sur la prothèse paraissant plus élevé que pour les autres dispositifs). Plus récemment ont été rapportés les résultats de l’étude RESPECT, qui a randomisé 980 patients après un AVC cryptogénique entre une fermeture de FOP par le dispositif Amplatzer® PFO Occluder et un traitement médical dit optimal. Il y a eu une tendance non significative de réduction du risque d’AVC dans le groupe fermeture en “intention de traiter”. Cependant, en analyse per protocole, la réduction des AVC était significative dans le groupe fermeture endovasculaire (figure 3). La réduction d’AVC était également très significative en faveur d’une fermeture endovasculaire en cas de shunt important ou d’anévrisme du septum interauriculaire associé, formes anatomiques reconnues à risque. Figure 2. Exemple de collatéralités (flèches) intramyocardique (A)et épicardique ( B) entre les réseaux coronaires droit et gauche. 0,97 0,96 Fermeture endovasculaire n=9 0,95 0,94 0,93 0,92 HR : 0,492 Log-rank p-value : 0,0825 0,91 Traitement médical n = 16 IC95 : 0,217-1,114 0,90 0 Probabilité de survie sans événement Ces indications sont-elles toutes reconnues par la Haute Autorité de santé ? Une seule indication est actuellement retenue par la Haute Autorité de santé (HAS) : le syndrome platypnée-orthodéoxie. Les autres indications n’ont pour l’instant pas été validées par des preuves scientifiques sur la base d’études randomisées. 1 2 3 4 5 Nombre d’années jusqu’à l’événement 1,00 0,99 0,98 0,97 0,96 0,95 0,94 0,93 0,92 HR : 0,366 Log-rank p-value : 0,0321 0,91 0,90 IC95 : 0,141-0,955 6 7 B Fermeture endovasculaire n=6 0 1 Traitement médical n = 14 2 3 4 5 Nombre d’années jusqu’à l’événement 6 7 Figure 3. Absence de récidive d’AVC dans l’étude RESPECT en comparant la fermeture endovasculaire de FOP au traitement médical, en analyse “intention de traiter” ( A)et “per protocole” ( B). La Lettre du Cardiologue • n° 463 - mars 2013 | 25 CONGRÈS RÉUNION Pouvez-vous décrire l’étude française CLOSE ? CLOSE est un essai randomisé français actuellement en cours, comparant la fermeture percutanée de FOP au traitement médicamenteux après un AVC cryptogénique chez des patients de moins de 60 ans avec une anatomie à risque (shunt important ou anévrisme associé) vérifiée dans un core-lab échographique avant l’inclusion. Dans cette étude, l’AVC est vraiment le critère d’inclusion et de jugement. À ce jour, 500 patients ont déjà été inclus, avec un objectif final de 900 patients. P E T I T E Annoncez vous ! me Une deuxiè e ratuit insertion g pour és les abonn Contactez Valérie Glatin au 01 46 67 62 77 ou faites parvenir votre annonce par mail à [email protected] Compte tenu des résultats des études randomisées, doit-on encore fermer un FOP après un AVC ? Il faut d’abord essayer d’inclure les patients dans l’étude CLOSE si les critères de sélection sont réunis. Sinon, hors protocole, la décision de fermeture doit être prise en concertation avec nos collègues neurologues, et le patient doit bénéficier d’une information claire concernant le rapport risque/bénéfice du traitement endovasculaire et du traitement antithrombotique. Enfin, la décision collégiale doit absolument figurer dans le dossier du patient. ■ A N N O N C E Tarifs insertions MODULES COLLECTIVITÉS PARTICULIERS 1/16 de page L 50 mm x H 55 mm 289,65 € 144,83 € 1/8 de page L 50 mm x H 110 mm 579,30 € 289,65 € 1/4 de page L 90 mm x H 110 mm 1 082,39 € 541,20 € 1/2 de page L 182 mm x H 110 mm 2 058,06 € 1 029,03 € * Abonnés particuliers : profitez d’une deuxième insertion gratuite. * Collectivités : dégressif à partir de deux insertions, nous consulter. * Quadri offerte. 26 | La Lettre du Cardiologue • n° 463 - mars 2013 Annonces gracieuses pour les étudiants abonnés Pour réserver cet emplacement, contactez dès maintenant le service Annonces professionnelles (Valérie Glatin) au tél. : 01 46 67 62 77 - fax : 01 46 67 63 10