1. L`Histoire : un matériau d`inspiration peu recommandable

THÉÂTRE ET HISTOIRE
NACRe. Intervention de Julie Sermon autour de Notre Terreur.
1. L’Histoire : un matériau d’inspiration peu recommandable
L’Histoire, dans ce qu’elle a de plus violent et de plus tragique, paraît s’offrir comme une
source d’inspiration privilégiée pour les auteurs dramatiques. Pourtant, elle a pendant
longtemps était tenue à distance de la scène théâtrale.
Ainsi, dans l’Antiquité, le théâtre tragique ne représente jamais l'actualité politique ou
historique : ce sont les grands mythes qui constituent le terreau d’inspiration des auteurs
de tragédie, jamais l’histoire contemporaine, à deux exceptions près :
- Peu après la prise de Milet (= colonie athénienne située en Asie Mineure) par les
Perses, en 493 av. J.-C., Phrynikhos composa La Prise de Milet, dont la
représentation émut le public jusqu’aux larmes. L’auteur fut condamné à payer
une amende de 1000 drachmes « pour avoir rappelé les malheurs du peuple »,
après quoi il fut décrété que plus aucune pièce sur le sujet ne devait être
produite. En 476, en revanche, Les Phéniciennes, l’auteur célèbre la victoire
des Grecs contre les Perses lors de la bataille de Salamine (= île grecque, 480 av
JC), fut un grand succès.
- C’est d’ailleurs le début de cette pièce qui inspira à Eschyle, quelques années plus
tard, une autre pièce sur le même sujet historique (la seule qui nous soit
parvenue de l’Antiquité) : Les Perses (472 av JC). La singularité de cette tragédie
est d’adopter le point de vue des vaincus : au lieu de célébrer la grandeur des
Grecs, Eschyle met en avant la douleur de ceux qu’ils ont anéantis.
La comédie, elle, ne se prive pas d’allusions sarcastiques voire clairement pamphlétaires
à la vie contemporaine de la cité athénienne. Ainsi, Les Cavaliers (424), Aristophane
attaque ouvertement Cléon, le tout puissant démagogue ; dans Les Guêpes (422), il
tourne en ridicule l'organisation des tribunaux athéniens et les manies des juges)
Mais les auteurs de tragédie, pour leur part, ont un devoir de réserve : il se tiennent à
distance respectueuse de l’Histoire, et s’ils évoquent les problèmes de la cité, c’est
toujours sur le mode du détour, de la parabole via les mythes fondateurs de la
civilisation.
Au siècle suivant (vers 330 av JC), Aristote échafaude sa Poétique, il consigne les
règles pratiques en usage au siècle d’or du théâtre athénien.
Au 9
ème
chapitre de cet ouvrage, le philosophe compare le travail du poète et celui de
l’historien, et décide d’accorder toutes ses faveurs au premier, au nom d’un argument
qui, aujourd’hui, nous paraît quelque peu étrange. Pour Aristote, en effet, la poésie est
plus philosophique, et donc plus vraie que le récit historique (pour les Anciens, la Vérité
appartient au monde des Idées, et non au monde de l’enquête et de l’observation
scientifiques…)
- Ainsi, Aristote commence par noter que ce qui différencie le poète et l’historien,
ce n’est pas « le fait qu’ils font leurs récits l’un en vers l’autre en prose », mais le
fait que l’un raconte « les choses réellement arrivées », tandis que l’autre
« raconte ce qui pourrait arriver ».
- Aristote poursuit : « Aussi la poésie est-elle plus philosophique et d’un caractère
plus élevé que l’histoire ; car la poésie raconte plutôt le général, l’histoire le
particulier. Le général, c’est-à-dire que telle ou telle sorte d’homme dira ou fera
telles ou telles choses vraisemblablement ou nécessairement »
Ces notions de vraisemblance et de nécessité sont fondamentales : alors que l’historien
ne fait que rapporter ce qui existe, le poète est celui qui organise des mondes possibles.
Peu importe que les faits soient véridiques ou pas, pourvu qu’ils soient crédibles du point
de vue de la rationalité. Par les fables qu’il compose, le poète offre au spectateur des
modèles de compréhension de l’homme et du monde.
D’ailleurs, la Poétique conseille aux auteurs dramatiques de toujours préférer le
« vraisemblable » au « vrai », même s’ils s’inspirent de faits réels. L’histoire n’étant pas
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ce qu’il y a de plus rationnel, c’est la tâche du poète que d’arranger les faits de sorte à ce
qu’ils emportent la conviction et suscitent la réflexion du spectateur (au lieu de le sidérer
par leur violence ou leur invraisemblance).
Ce modèle prévaudra largement, en Europe continentale, jusqu’à la fin du
XVIIème siècle : si le théâtre est cet art de l’ici-maintenant, la fable dramatique,
elle, doit toujours renvoyer à un ailleurs-autrefois.
2. L’exception shakespearienne
À la fin du XVIe siècle, l'Angleterre, petite île de quelques millions d'habitants, est en
pleine expansion politique, économique et artistique. On assiste alors à un véritable
engouement pour le théâtre et à une prolifération de dramaturges, qui tous s’essayent
au drame historique, qui connaît une vogue considérable.
Les rois et les grands, qui ont façonné le destin national au prix de tant d'efforts et de
sang versé, sont en effet présents au cœur de chacun par leur visage, leurs hauts-faits
ou leur déchéance. Au théâtre, par la mise en scène de son histoire, la nation vient se
pencher sur son passé, elle revient sur sa destinée, et en envisage les promesses
d’avenir. Tous les dramaturges élisabéthains font des propositions de drames historiques,
mais Shakespeare est celui qui s’y illustre le plus.
Les pièces historiques de Shakespeare couvrent une vaste période, qui s'étend du Moyen
Âge, règne et capitule le roi Jean (début du XIIIe siècle) aux truculences de Henry
VIII, le fondateur de l'Angleterre moderne (il règne de 1509 à 1547). Pour les composer,
l’auteur puise ses renseignements chez les historiens. Mais, par-delà les grandes actions,
bassesses et crimes authentiques que rapportent ces tragédies historiques, c’est la
dimension humaine des personnages shakespeariens qui retient l’attention.
En effet, davantage que rapporter des faits, c’est déplier les réflexions individuelles qui
précèdent, accompagnent ou suivent l’action devant une situation historique donnée, qui
intéresse l’auteur : dans les pièces de Shakespeare, le personnage historique n’est plus
seulement un instrument du destin, il devient un être humain.
Ainsi, dans ses deux grandes tétralogies (c'est le terme, traditionnel) des Henry IV
(Richard II, 1 et 2 Henry IV, Henry V) et des Henry VI (1, 2, 3 Henry VI, Richard III), où
Shakespeare réinvente une histoire de famille tragique (comme celle des Atrides), le plus
humble spectateur peut se reconnaître ou reconnaître un des siens : le monde des
grands et de l’Histoire se trouve inextricablement mêlé aux figures et aux préoccupations
quotidiennes. Cette capacité à rendre l’histoire vivante, ancrée dans l’ordinaire et le
concret, explique sans doute le fait que cette œuvre n’ait rien perdu de sa force d'impact
sur le spectateur moderne.
> Au XIXème siècle, où, sur le continent, la dramaturgie et la scène décident de
s’articuler au « théâtre du monde », la génération romantique opposera le modèle
shakespearien aux pesanteurs du modèle aristotélicien, et l’érigera en nouvel idéal.
3. La révolution romantique
Prélude : le théâtre et la Révolution
La littérature de la Révolution française a longtemps été négligée au profit des
événements politiques. Des travaux récents sont parvenus à renverser ce préjugé et à
mettre en valeur la richesse littéraire de cette période transitoire entre les Lumières et le
Romantisme.
Pour ce qui du champ théâtral, on compte ainsi quelques 200 pièces écrites en 1789 et
1799, mais c’est un répertoire que la critique a, jusqu’à récemment, très clairement
dénigré :
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« Ce théâtre d’actualité, abêti par l’obligation d’un apostolat continu et d’un panégérisme
aveugle pour la plus grande gloire du gouvernement terroriste, est navrant de banalité et
d’insignifiance au point de vue de l’art dramatique » (P. D’Estrée, Le théâtre sous la
Terreur, le théâtre de la peur, 1913)
« Dans ce domaine (celui du théâtre), il faut avouer que son influence (celle de la
révolution) fut exécrable, rien ne dépassant la sottise des productions servies au public de
1790 à 1795. » (J. Robiquet, La vie quotidienne sous la Révolution, 1938).
Depuis la célébration du Bicentenaire de la Révolution, en 1989, en revanche, on note un
nouvel intérêt pour cette période, dont les deux principaux questionnements sont les
suivants :
- dans quelle mesure le théâtre de la Révolution française a-t-il subi l’impact et
l’influence des bouleversements socio-économiques qui ont caractérisé cette
époque ?
- ce théâtre est-il en soi révolutionnaire ou non, c’est-à-dire, en rupture ou en
continuité avec la production théâtrale du 18
ème
siècle ?
Si l’on tente de répondre à ces questions du point de vue des thèmes, il apparaît qu’un
certain nombre d’entre eux se trouvaient déjà en moins accentués dans le répertoire
du 18
ème
siècle : égalité de tous devant la loi, anticléricalisme, exaltation de l’orgueil
national… Apparaissent cependant des thèmes spécifiquement révolutionnaires :
opposition entre bons et mauvais citoyens, mise en parallèle des vertus publiques et
domestiques, patriotisme exemplaire…
Cela dit, il faut noter que, si les dramaturges sont alors conviés à se mettre au service de
la Révolution (culturelle), on se tourne volontiers vers le répertoire classique – en veillant
cependant à exclure toutes les pièces qui pourraient sembler trop royalistes (ainsi, on
préfère nettement Corneille et Molière à Racine). En 1794, un décret va même passer,
qui oblige, d’une part, à remplacer tous les termes à connotation nobiliaire par des
termes révolutionnaires (on dit « citoyen », et non plus « monsieur » et peu importe
les rimes et la métrique !), d’autre part, qui exige de supprimer tous les signes religieux
(les croix qui ornaient les gorges des ingénues…) et de mettre les personnages à la mode
sans-culotte (les protagonistes antiques se trouvant dès lors affublés de costumes aux
couleurs nationales, de cocardes tricolores et de bonnets phrygiens !). C’est Robespierre
qui, heurté dans son goût et son sens du ridicule, fera rapidement révoquer le décret,
décidant de ne le maintenir que pour les œuvres modernes.
Parmi les autres caractéristiques du théâtre révolutionnaire pouvant prolonger les
héritages du siècle des Lumières, il faut mentionner la figure de l’auteur « engagé » (qui
prend position dans ses écrits et qui contribue à faire évoluer la société et les idées),
ainsi que la volonté d’offrir aux spectateurs un théâtre éducatif : le théâtre ne doit pas
être seulement un divertissement, il doit avoir une utilité sociale (> drame bourgeois).
Cette ambition va se trouver radicaliser aux lendemains de 1789.
Dans un décret datant de 1791, Mirabeau fait ainsi du Théâtre un des éléments de
l’Instruction Publique, au même titre que les Sciences. L’art théâtral devient un outil
d’éducation politique et une école de morale civique, voire un instrument de
propagande : il s’agit de diffuser les valeurs de la Révolution, de préparer les citoyens à
la nouvelle société, en mettant en scène les abus de l’Ancien Régime et faisant
comprendre aux spectateurs les bienfaits de la République naissante.
> On pourrait résumer en disant que le théâtre se voit confier, aux lendemains de la
Révolution, une double mission, spéculaire (les pièces sont un miroir des événements
politiques) et pédagogique (elles doivent éduquer le peuple et contribuer à la création de
« l’homme nouveau »). Certains spécialistes de la période affinent, en distinguant, dans
les productions théâtrales florissantes, deux formes concurrentes, le modèle jacobin
(centralisme républicain) et le modèle « sans-culotte » (plus populaire). Ces deux
modèles posent la question essentielle du dialogue établi entre le théâtre et le peuple,
qu’il s’agit, soit d’éduquer, soit de glorifier.
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Simultanément, il faut encore pointer le fait, que si la révolution se théâtralise, ce n’est
pas seulement dans les théâtres. Ainsi, les représentants du peuple organisent
d’immenses fêtes civiques, qui sont vouées à célébrer les nouvelles institutions, la
mémoire des héros de la Révolution, l’unides citoyens voir, notamment, la fête de
l’Être Suprême… Plus généralement, on peut dire que, si l’histoire et la politique font leur
entrée sur les scènes, la politique elle-même est devenue un théâtre, avec ses héros
positifs (les révolutionnaires, qui se mettent en scène avec force rhétorique), et ses
héros négatifs (les contre-révolutionnaires et leur scène tragique : la guillotine).
Dernières choses à noter, qui concerne davantage la question juridique :
- Aux lendemains de la Révolution, les comédiens reçoivent les mêmes droits que
les autres individus, alors que depuis l’avènement du christianisme, ils sont des
parias, excommuniés par l’Eglise (qui ne lèvera l’excommunication qu’en 1844).
- De même, le monopole de l’exploitation théâtrale se voit levée : alors que seules
la Comédie-Française, l’Odéon et l’Opéra-comique avaient le droit de jouer des
textes (les théâtres de Foire étant, depuis les années 1770-1780, des théâtres de
pantomimes et de marionnettes), une loi datant du 13 janvier 1791 autorise
« tout citoyen [à] élever un théâtre public et y représenter des pièces de tous les
genres ». Fleurissent alors un nombre considérable de lieux de théâtre, et
notamment, des « café-théâtre » (où l’on a droit, pour un prix très accessible, à la
boisson et au spectacle) et surtout, les « théâtres de boulevard », va
s’épanouir un nouveau genre, le mélodrame.
Boulevard et lodrame : du théâtre de la Révolution au théâtre
conformiste
Au cours des trois décennies qui précèdent la Révolution, sont nés les théâtres des
boulevards, qui prolongent la tradition des théâtres de la foire, dont ils reprennent le
répertoire et le public, et qui exploitent avec succès une veine facile et populaire :
spectacles d'enfants, marionnettes, parodies d’œuvres dérobées au répertoire, chansons,
petites farces, pantomimes, tours de force, animaux savants, ballets et musique. Ces
spectacles très courts (on jouait plusieurs pièces par soirée) attirent un public simple,
neuf et quelque peu ingénu.
Dès 1789, mais surtout, après que le décret du 13 janvier 1791 eut aboli le monopole
des théâtres nationaux, les petites salles des boulevards connaissent une période faste,
période d'expansion, de création effervescente, de vitalité. Pendant deux décennies, les
petits théâtres ne désemplissent pas. Certains soirs, on peut compter à Paris jusqu'à
quarante-trois spectacles différents. En pleine Terreur, on va rire aux lazzis d'Arlequin,
ou pleurer à une comédie larmoyante. Cette période prendra fin brusquement lorsque
Napoléon, en 1807, restaurera et renforcera les anciens privilèges.
Ce qu’on appelle « mélodrame » est un genre nouveau, fondé sur le mélange du rire et
des larmes (vs partition classique tragédie / comédie) : il prolonge en cela la théorie du
drame bourgeois (« comédie larmoyante », « tragédie domestique »), promu par Diderot
dès 1750.
Le mélodrame naît en même temps que la Révolution de 1789 comme si l'intervention
de l'histoire dans la vie concrète des hommes de la rue, et le droit nouveau du tiers état
aux privilèges de la culture, étendaient le champ d'action du théâtre. Tous les historiens
du mélodrame insistent en effet sur le rôle terminant de la Révolution. Au début du
19
ème
siècle, l’écrivain Charles Nodier analysera même le mélodrame comme « la
moralité de la Révolution » :
« À ces spectateurs qui sentaient la poudre et le sang, il fallait des émotions analogues à
celles dont le retour à l'ordre les avait sevrés. Il leur fallait des conspirations, des cachots,
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des échafauds ; des champs de bataille, de la poudre et du sang. [...] Il fallait leur rappeler
dans un thème toujours nouveau de contexture, toujours uniforme de résultats, cette
grande leçon dans laquelle se résument toutes les philosophies, appuyées sur toutes les
religions : que même ici-bas la vertu n'est jamais sans récompense, le crime n'est jamais
sans châtiment. Et que l'on n'aille pas s'y tromper ! Ce n'était pas peu de chose que le
mélodrame ! C'était la moralité de la Révolution. »
Le grand moment du mélodrame se situe après 1794, et même après 1800, sous le
Consulat et l'Empire. C'est que, dans sa forme la plus aboutie, le mélodrame n'est pas
seulement lié à la Révolution : il est marqué par le régicide et la mort de Louis XVI
(guillotiné en 1793). Certains historiens interprètent ainsi le mélodrame comme une
réécriture fantasmatique de l'histoire, qui nie le parricide en replaçant dans ses droits le
père déchu ou martyrisé.
D’une forme initialement liée à la Révolution, et qui est le genre privilégié du théâtre des
Sans-Culottes, le mélodrame évolue ainsi rapidement vers une forme consensuelle, qui
célèbre les bons sentiments et obtient l'unanimité des classes sociales. Parce que le
mélodrame est le premier, en France, à abandonner le système des 3 unités classiques
et à oser le mélange des genres, il va cependant jouer un rôle crucial dans l’avènement,
dans les deux décennies suivantes, du drame romantique.
Le drame romantique
Le drame romantique est d’abord lié à l’esprit d’une génération : la jeunesse de l’après
1789, qui entre en révolte contre la société de son temps et en conteste les valeurs. Ce
mouvement, qui s’étend et se généralise aux lendemains de la Révolution, trouve sa
source la plus influente dans un mouvement allemand, le Sturm und Drang (Tempête et
Passion), mouvement politique et littéraire qui se constitue, dès les années 1770, en
réaction à la philosophie des Lumières et à leur rationalisme scientifique.
- le Sturm und Drang
Le Sturm und Drang est un mouvement qu’on qualifierait, aujourd’hui, de « contestataire
de gauche ». Ses partisans (pour l’essentiel, des jeunes gens cultivés et de jeunes
auteurs) dénoncent en effet les valeurs étriquées de la morale et de la société
bourgeoises, contestent les puissants et les autorités, et souhaitent opposer, au
rationalisme dominant – idéologie jugée réductrice et desséchante pour l’individu –
l’expression du moi sensible, l’exaltation des émotions et des passions.
Plaçant la liberté et les droits de l’homme au cœur de leurs revendications, contestant la
vision de l’homme comme être essentiellement raisonnable, les jeunes artistes qui
animent ce mouvement donnent forme à des œuvres
où ils s’engagent avec passion dans la dénonciation des injustices,
où ils prennent position avec virulence dans les débats qui animent la société ou les
conflits qui traversent l’histoire
à moins qu’ils ne mettent en scène des héros solitaires, idéalistes, révoltés, des
individus aux prises avec une société qu’ils ne comprennent pas, dont ils se sentent
exclu, ne leur laissant parfois d’autre choix que de se replier sur leur subjectivi
tourmentée.
Goethe (1749-1832) et Schiller (1759-1805) sont les figures les plus illustres de ce
mouvement « préromantique ». Leur œuvre théâtrale – tant théorique que poétique va
poser les fondements d’une nouvelle esthétique, qui jouera un rôle déterminant dans
l’histoire et la pensée du théâtre au XIX
ème
siècle.
Portés par le désir de revivifier l’art théâtral, ces auteurs pensent en effet qu’il est
nécessaire de rompre avec les canons figés et les règles contraignantes hérités du
classicisme. Se plaçant sous la coupe, non plus d’Aristote, mais de Shakespeare, Goethe
et Schiller revendiquent ainsi pour le poète dramatique le droit
de multiplier les personnages, les lieux et les actions,
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