Le Naturalisme au théâtre Émile Zola Préface de Bernard Dort Éditions Complex Le naturalisme Notre théâtre aurait tant besoin d’un homme nouveau. Attente du génie. « Il bâtirait son monument au milieu du désert de médiocrité que nous traversons […] Le domaine du roman est encombré; le domaine du théâtre est libre. A cette heure, en France, une gloire impérissable attend l’homme de génie qui, reprenant l’œuvre de Molière, trouvera en plein dans la réalité la comédie vivante, le drame vrai de la société moderne. » (p.43) Art dramatique actuel muré « […] je constate que le romantisme fut au théâtre une simple émeute, l’invasion d’une bande victorieuse, qui entrait violemment sur la scène, tambours battants et drapeau déployé. Dans cette première heure, les combattants songèrent surtout à frapper les esprits par une forme neuve; ils opposèrent une rhétorique, le Moyen Âge à l’Antiquité, l’exaltation de la passion à l’exaltation du devoir. » (p.36) Épuisement du drame, des pièces ridicules et ennuyeuses qui ont peu à peu succédé aux œuvres puissantes de 1830. Plus d’acteurs et peu de scènes : l’Ambigu et le Théâtre-Historique. Transformer le drame comme la tragédie fut transformée dans la première moitié du siècle. « La bataille doit être aujourd’hui entre le drame romantique et le drame naturaliste. » (p.38) drame romantique = pièce qui se moque de la vérité, des faits, des personnages; pastiche de Shakespeare et d’Hugo. âge de méthode, de science expérimentale, analyse exacte : retour à l’homme et la nature vs nouvelle tradition. Genre historique = recherches, conscience, talent profond d’intuition et de résurrection sont le plus nécessaires. Mais Zola se méfie / drame à panache, grand spectacle, grands mots, pièce menteuse, parade, antiquaille. Besoin de réalité du public : « il viendra un jour où le public voudra la vérité. » (p.39) Formule classique et formule romantique = amputation systématique du vrai. On a posé le principe que le vrai est indigne […] « il faut expurger et agrandir la nature. » (p.39) « Les classiques avaient adopté le péplum, les romantiques ont fait une révolution pour imposer la cotte de mailles et le pourpoint. […] le carnaval de la nature continue. Mais, aujourd’hui, les naturalistes arrivent et déclarent que le vrai n’a pas besoin de draperies; il doit marcher dans sa nudité. Là, je le répète, est la querelle. » (p.39) idéaliste = mensonge = généralisation = personnages-sentiments, arguments ( idées abstraites ), passions déduites et raisonnées ( le devoir, le patriotisme, la superstition, l’amour ) = épopée, légende, l’Histoire. Pièce historique. poésie est dans passé et abstraction, idéalisation. Cf. Les Danicheff du russe Pierre de Corvin, adaptée par Dumas fils, sous pseudonyme Pierre Newsky, jouée le 8.01.1876 à l’Odéon. Rome vaincue d’Alexandre Parodi, jouée le 27.09.1876 à la Comédie-Française ( succès-triomphe de Sarah Berrnhardt ) « L’avenir est au naturalisme. » (p.42) naturaliste = vérité = individualisation = homme en chair et en os = analyse complète d’un organisme-nature Poésie est partout, dans le présent et le réel. Poésie = signifier l’agrandissement et l’épanouissement de toutes les vérités. Recherche de la formule de la vie réelle sur la scène + la loi d’optique nécessaire au théâtre. Difficulté de passer du grotesque quotidien, contemporain au sublime / Remise en question de la figure du héros. « Et qu’on ne nie pas cette poésie vraie de l’humanité; elle a été dégagée dans le roman, elle peut l’être au théâtre; il n’y a là qu’une adaptation à trouver. » (p.41-42) CRITIQUE drame romantique (Hugo) = procédés d’outrance, rhétorique, théorie de l’action / analyse des caractères = opéra à grand spectacle tragédie (Corneille, Racine) = rhétorique, système de confidents, déclamation, récits interminables drame naturaliste ( ? ) MAIS revenir « à la simplicité de l’action et à l’unique étude psychologique et physiologique des personnages. Le cadre tragique ainsi entendu est excellent : un fait se déroulant dans sa réalité et soulevant chez les personnages des passions et des sentiments, dont l’analyse exacte serait le seul intérêt de la pièce. Et cela dans le milieu contemporain, avec le peuple qui nous entoure. » (p.42-43) Le don « Comme ce monde du théâtre gratte et exaspère la vanité ! Il n’y a pas que les comédiens qui se haussent sur les planches et se donnent en continuel spectacle. Voilà les auteurs dramatiques gagnés par cette fièvre. Ils veulent être exceptionnels, ils ont des secrets comme les francs-maçons […] » (p.45) « On met en avant la théorie que le théâtre est une synthèse, que le parfait auteur dramatique doit dire en un mot ce que le romancier dit en une page. « On prétend qu’il ne faut pas de description au théâtre : en voilà pourtant une, et d’une belle longueur, et dans un de nos chefs-d’œuvre [Récit de Théramène / Racine ou Corneille]. » (p.46) En France, « jolies mécaniques bien construites » pièces d’exportation vs Shakespeare, le théâtre russe, Shiller, les espagnoles, les italiens, accent propre… « Du moment où l’absolu n’existe pas dans un art, le don prend un caractère plus large et plus souple. » (p.47) Auteurs les plus applaudis de la bourgeoisie triomphante du XIX ème s: Victorien Sardou (1831-1908), auteur dramatique français, le « Napoléon de l’art dramatique ». 40 pièces entre 1854-1907, de la comédie réaliste au pseudo-drame romantique : Les Bourgeois de Pont-Arcy, Madame Sans-Gêne, la Taverne des étudiants. Eugène Scribe (1791-1861) , auteur dramatique fécond de pièces faciles qui triomphaient au théâtre du Gymnase. Dennery ou d’Ennery (1811-1899), auteur de drame à grand spectacle. « Phèdre est tombée à la première représentation. Dès qu’un auteur apporte une nouvelle formule, il blesse le public, il y a bataille sur son œuvre. Dans dix ans, on l’applaudira. » (p.49) Les jeunes « […] quand on veut faire du théâtre, il s’agit d’oublier la vie et de manœuvrer ses personnages d’après une tactique particulière, dont on apprend les règles. » (p.52) « Quand ils [les débutants] évoquent l’idée de théâtre, toute une longue suite de vaudevilles et de mélodrames défilent et les écrasent. Ils ont dans le sang la tradition. » (p.53) France influence l’Europe : « Le roman-feuilleton a eu un pareil succès en Europe. » (p.54) Engouement de l’Europe pour le répertoire français / Angleterre, Russie. France infecte ! « […] les chefs-d’œuvre dramatiques des autres nations prouvent que notre théâtre contemporain, loin d’être une formule absolue, n’est qu’un enfant bâtard et bien peigné. Il est l’expression d’une décadence […] » (p.54) « […] est-il grand temps de le retremper aux sources de l’art, dans l’étude de l’homme et dans le respect de la réalité. » (p.54) Les deux morales