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« C’est pas la peine »
Par Alain Raviart dans Actu , le 22 septembre 2011
Dans 6 heures et 40 minutes, un homme va commencer à mourir. La formule est morbide. Elle est
absurde. Quand donc la mort d’un être humain peut-elle être absolument prévisible ? Dans deux
cas. La condamnation d’un tribunal d’Etat et l’euthanasie.
Troy Davis n’est pas malade. Lui. Il s’agit en l’occurrence d’un attentat d’Etat. L’outrage ne connaît
pas de limite. 20 ans après les faits, la peine capitale, irraisonnable en soi, n’est pas appliquée dans
un délai raisonnable. Comment pourrait-il d’ailleurs en être ainsi ?
20 ans après la mort d’un policier, l’affaire Troy Davis s’est dégonflée ; un, deux, trois, quatre,
cinq, six, sept témoins sur neuf se sont rétractés au fil des années. Peu importe, il y a l’autorité de
la chose jugée.
La peine capitale ne soucie pas de l’erreur judiciaire. C’est sa principale tare. C’est pourquoi elle
est barbare. L’erreur, dans tous les cas d’espèce, ne peut être que fatale.
Pas d’armes du crime, pas de traces d’ADN, pas d’empreintes, une police semble-t-il partiale. La
scène du crime est devenue le théâtre d’une parodie de justice dite humaine. Bienvenue en
Géorgie. Etats-Unis.
Bien sûr, une partie du monde hurle. Et nous avons entendu Barak Obama. Il est « contre la peine
de mort dans certains cas ». Cette convulsion sémantique et de communication est le signe d’un
malaise profond sur une question qui, à l’évidence, a trouvé une très mauvaise réponse. On est
pour ou on est contre la peine de mort. Il n’y a pas de chemin intermédiaire. Parce qu’il ne
manquerait plus que la peine de mort puisse s’appliquer dans tous les cas. Les élus favorables à la
peine de mort doivent donc assumer aussi leur hygiène de l’assassin.
L’ambiance est plombée cette semaine. On voudrait bien vous parler du nouvel accord
institutionnel en Belgique. Bruxelles n’aura plus de gouverneur. Top info : Bruxelles avait un
gouverneur. On voudrait bien vous parler de Sabine Laruelle qui se défile quand Fabrice Grosfilley,
décoré de sa plus vilaine cravate à fleurs, lui demande ce matin si la séparation du MR et du FDF
ne serait jamais arrivée avec Didier Reynders. On aurait bien voulu vous parler du festival de la
philosophie au Stade de Genk où les supporters ont clamé que : « les Wallons c’est du caca ! ».
Mais, aujourd’hui, on n’a pas le cœur à ça car c’est une semaine horrible pour l’humanisme.
Les autorités européennes veulent réduire de 75 % le budget du Programme d’aide aux plus
démunis. Ce sont des centaines de millions de repas qui ne seront plus distribués. La crise
économique ne suffit pas. Il faut appauvrir les pauvres. Spéculons jusqu’à plus soif, aucune pitié
pour les crève-la-faim, 100 % des gagnants ont tenté leur chance. Ils n’ont qu’à la saisir, les
manants. On est toujours le pauvre de quelqu’un ! Non, Monsieur ! On est toujours le riche, le très
riche de quelqu’un. Ainsi va le monde mondialisé.
Troy Davis se retrouve pour la quatrième fois dans le couloir de la mort. Le supplice jusqu’à la lie.
Pourtant, une société se grandit à la dignité de la punition qu’elle réserve même aux pires de ses
bourreaux. L’Etat, sachant qu’il ne se condamnera jamais à mort, l’Etat ne craint pas les sentences
mortifères qu’elle promulgue.
Troy Davis clame, là, maintenant, son innocence, encore et toujours : « Je me battrai jusqu’à mon
dernier souffle ». On retient le nôtre. Dans 6 heures et 37 minutes, un homme va commencer à
mourir. Il est peut-être innocent. Il est peut-être coupable. Et tout est dans ce « peut-être ».
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