La
ménade
"tueuse"
et
le
lancer
de
l'ômophagion
"La
musique a une fonction précise dans le chamanisme
...
: c'est le cri déclencheur
de
la transe, comme la respiration est déclenchée à la naissance dans le cri".
Pascal Quignard,
Le
haine
de
la
musique,
1996,
p.
132.
Le
comportement
ménadique
est
un
état
de
transe,
transitoire
et
provoquée
par
le
sujet
lui-même.
C'est
dire
qu'il
s'apparente
à
des
pratiques
connues
de
l'anthropologie
moderne,
vivantes
il
y a
peu
en
Mrique,
telles
le
zar
et
le
bori,
qui
avaient
été
naguère
mises
en
relation
avec
le
délire
dionysiaque
par
H.
Jeanmaire
1.
Cliniquement,
ces compor-
tements
relèvent
de
l'attaque
épileptoïde
à
laquelle
s'apparentent
toutes
les
expériences
extatiques.
Moyens
techniques
pour
y
parvenir
et
signes
cliniques
de
la
transe,
décrits
tant
par
les
médecins
que
par
les
anthropologues,
sont
en
tous
points
semblables
à
ceux
que
l'iconographie
et
le
théâtre
antiques
(plus
particulièrement
les
Bacchantes
d'Euripide,
la
pièce
qui,
en
ce
domaine,
constitue
le
texte
de
référence)
dépeignirent.
Il
convient
de
s'arrêter
sur
l'adéquation
entre
les
techniques
et
les
symptômes
de
l'hystérie,
des
rituels
orgiaques
et
ômophagiques
africains,
et
du
ménadisme
que
l'on
souhaite
inversement
aujourd'hui
prudemment
circonscrire
aux
domaines
du
mythe
ou
de
"l'imaginaire
dionysiaque"2.
A
en
juger
par
la
double
lecture
des
images
attiques
et
du
1 H.
Jeanmaire,
Dionysos,
1951,
p.
131
à
273,
abrégé
Jeanmaire
; E.R. Dodds, Les Grecs
et
l'irrationnel, 1959,
p.
265
;
M.
Eliade, Le chamanisme et les techniques de l'extase,
1974.
En
cela
le
ménadisme se distingue
des
folies
et
possessions
suscitées
par
des
divinités
spécifiques, telles que Pan,
les
Nymphes, la
Grande
Mère, Poséidon, Hécate, Apollon
Nomios,
qui
s'emparent
des
esprits
et
qui
ont
été
cataloguées
dans
le Corpus
Hippo-
cratique,
Sur
la maladie sacrée
(cf
note 9).
2
1.
Chirassi
Colombo, "Dionisos Bakhos e
la
città
estetica", Dionysos, Mito e mistero,
Commachio 1989, 1991,
p.
349, donne raison
aux
auteurs
modernes
qui
ont
"avec
prudence"
relégué
la
figure de
la
ménade, "pazza, prodigiosa e cannibale", à "l'immaginario
dioni-
siaco".
Je
n'ai
pas,
pour
ma
part,
le
sentiment
de
rétrograder
en
reprenant
la
voie
tracée
dans
les
années
50
par
H.
Jeanmaire
et
E.
R.
Dodds
que
L
Chirassi
Colombo, p.
347,
juge
d'ailleurs
"essentielle",
mais
qui
doit
être
aujourd'hui
"per
co
si
dire
riproposta".
Pour
quelles
raisons,
au
demeurant,
verrait-on
dans
les
Bacchantes
d'Euripide
une
relation
à
ce
point révélatrice
du
dionysisme que l'on
est
allé
jusqu'à
évoquer
un
nouveau Dionysos,
suscité
par
le texte tragique (Ibid., p. 347), alors que
la
mise
en
images (plus dérange
an-
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