assemble
furieusement : les contradictions
entrent
en
collision avec les
contradictions, l'adoration avec le blasphème,
la
vie quotidienne avec le
rituel. Il
en
a assez de faire
la
morale,
il
se
rend
compte que
la
partie
avec
les
dieux
est
définitivement hors jeu. Les
commentateurs
ont
parlé
de
la
fatigue
du
vieux poète. C'est le contraire.
La
lourde sculpture
d'Euripide
représente
les hommes, les dieux
et
le monde pris
dans
un
implacable
et
absurde
mouvement sous
un
ciel vide.
Les Bacchantes témoigne
du
courage qu'il y a à
briser
les
moules."2
C'est
pourquoi
certains
ont
vu
dans
la
mise
en
scène que Bergman
propose des Bacchantes son œuvre
théâtrale
testamentaire,
car
il
y
retrouvait
et
développait
tous
ses motifs favoris.
2-1
L'aliénation
La
folie
est
au
centre de l'œuvre cinématographique de Bergman
et
il
a
même
déjà
traité
dans
A travers
le
miroir (1961)
d'un
cas de "schizo-
phrénie
d'ordre religieux", qu'il explique
ainsi:
"Un dieu descend
dans
une
personne
et
il
établit
une
demeure
en
elle.
Ensuite,
il
l'abandonne, il
la
laisse
vide
et
consumée,
sans
aucune possibilité de continuer à vivre
dans
le
monde."3
On
ne
peut
s'empêcher de
penser
à Agavé lorsqu'elle
sort
de
son illusion
et
s'aperçoit qu'elle a
tué
son fils. Mais contrairement
à l'héroïne
du
film vouée à
une
mort
annoncée
dans
un
hôpital
psychiatrique, Agavè relève
la
tête
et
part
accomplir son
destin:
la
folie,
chez Euripide,
ne
conduit
pas
nécessairement à
la
mort (voir
par
exemple Héraklès)
2-,2
L'obsession
des
jeux
de
masques
et
de
mensonges
Bergman
dit
de
lui-même:
"Je
ne
suis
pas
celui
que
l'on croit
que
je
Sllis.
Je
ne
suis
pas
non
plus
celui que
je
crois être." Comment
ne
serait-
il:pas fasciné
par
le
personnage de Dionysos, dieu
travesti
en
homme ?
TI
a renforcé
dans
sa
mise
en
scène l'ambiguïté
du
personnage
en
lui
donnant
l'aspect
d'un
androgyne joué
par
une
femme capable de séduire
aussi
bien
d'autres
femmes que des hommes comme Penthée.
Pour
souligner son mystère,
Bergman
utilise
un
demi-masque
neutre
argenté,
d'aspect métallique,
aux
moments
où
il
apparaît
sous
sa
forme
divine:
il
porte
ce
masque
dans
le prologue où
il
se
présente
aux
spectateurs
et
il
l'enlève
sur
ces
paroles:
"J'ai
pris
la
forme
d'un
mortel". Il le porte à
nouveau
lorsqu'il
sort
de
sa
prison
après
avoir
détruit
le palais de
Penthée.
Il l'enlève
en
pénétrant
dans
le cercle des Bacchantes qui
sont
à ce
moment-là
couchées, visage contre terre,
ce
qui semble signifier
que
l'on
ne
saurait
affronter le visage
du
dieu. Enfin,
il
apparaît
masqué
lorsqu'Agavè a
pris
conscience de son crime
et
qu'elle lui demande des
2 I. BERGMAN, Laterna magica, pp.
335-336.
3 Interview
de
Bergman citée dans BINH, N.T., Ingmar Bergman, le magicien
du
Nord,
p.69.
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