Le Courrier de la Transplantation - Vol. XII - n° 2 - avril-mai-juin 2012
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Dossier thématique
Critères d’accès
à la transplantation
pour les groupes difficiles
des cas, le CHC survient sur une cirrhose compensée
et le pronostic est lié à l’agressivité de la tumeur. Les
critères de Milan, critères habituellement retenus pour
l’indication de TH, sélectionnent des candidats ayant
un faible risque de récidive tumorale après transplanta-
tion, de l’ordre de 10 %. Quelques tumeurs n’excèdent
toutefois pas les critères de Milan mais font encourir un
risque élevé de récidive après TH. À l’inverse, certaines
tumeurs au-delà des critères de Milan peuvent être à
très faible risque de récidive après TH et constituer
de bonnes indications (8). Depuis quelques années,
l’α-fœtoprotéine (AFP), qui est un bon marqueur
d’agressivité tumorale et de récidive après TH, suscite
un regain d’intérêt. Les Américains ont choisi de ne
pas accorder de points supplémentaires aux patients
ayant un CHC avec une AFP supérieure à 500 (5). En
France, il a été également proposé d’intégrer l’AFP au
score, les patients ayant une AFP très élevée (au-delà
de 1 000) ne pouvant pas accéder à un greffon (9). Les
autres éléments pronostiques connus (différenciation
cellulaire, micro-invasion vasculaire et nodules satellites)
ne peuvent être pris en compte dans un système de
sélection des candidats, puisqu’ils ne sont déterminés
que sur l’explant (ou, occasionnellement, après résec-
tion tumorale chirurgicale).
Alternatives à la transplantation
Puisque tous les patients ne pourront être transplantés,
faute de donneurs, il faut essayer de proposer des alter-
natives à la TH acceptables, qui permettent d’obtenir
des résultats proches. Certaines complications de la
cirrhose peuvent être traitées de façon non chirurgicale.
Le TIPS (Transjugular Intrahepatic Portosystemic Shunt),
par exemple, est un traitement efficace de l’ascite réfrac-
taire. Il n’améliore toutefois pas la survie des patients
et est contre-indiqué chez ceux qui ont une insuffi-
sance hépatique avancée (score MELD supérieur à 15).
Cette option ne concerne, en outre, qu’une minorité
de patients. En pratique, il n’existe pas d’alternative à la
TH chez les patients ayant une cirrhose décompensée.
En dehors de la TH, il existe des traitements curatifs
du CHC. La chirurgie de résection donne de bons
résultats, avec des taux de survie à 5 ans de l’ordre de
70 à 75 % (10). Cette chirurgie n’est réalisable que chez
les patients ayant une tumeur unique, une cirrhose
compensée et ne présentant pas ou ne présentant
que peu d’hypertension portale. On estime que seuls
20 % des patients ne vont pas récidiver à long terme
(ce qui représente un nombre de greffons épargnés
non négligeable) et que 80 % des patients récidive-
ront (11). Environ 50 % de ces derniers récidivent dans
les critères de Milan et sont donc des candidats à la
transplantation (transplantation dite “de sauvetage”).
Enfin, 25 % récidivent au-delà des critères et ne sont
plus transplantables. Les facteurs associés à ce risque
évolutif sont un âge supérieur à 60 ans, une tumeur
sur la pièce d’hépatectomie de plus de 3 cm, avec des
nodules satellites, et une mauvaise différenciation
tumorale. Pour ces malades, il faut donc proposer la
TH avant que ne survienne une récidive. Dans les autres
cas, la TH de sauvetage peut être proposée (12). Ces
données sont confortées par les résultats d’une étude
américaine récente (registre United Network of Organ
Sharing [UNOS]) qui a montré que, à 5 ans, la TH, com-
parativement à la chirurgie de résection ou au traite-
ment percutané par radiofréquence, n’augmentait la
survie que d’environ 3 et 6 mois, respectivement (13).
Le tableau II résume les situations pouvant permettre
d’“épargner” des greffons.
L’âge du receveur est un sujet débattu. Il n’y a pas for-
mellement de limite d’âge pour la TH, mais la plupart
des équipes sont réticentes à transplanter des patients
âgés de plus de 65 ans. Toutefois, depuis quelques
années, l’âge moyen des candidats TH augmente pro-
gressivement : il est passé, en France, de 2005 à 2010,
de 48 ans à 51 ans, et la proportion de patients de
plus de 65 ans a plus que doublé pendant la même
période, passant de 3,4 à 8,4 %. Même si les résultats à
5 ans sont bons dans la plupart des séries, la mortalité
à long terme est plus élevée (14, 15). Ces données
justifient d’envisager le plus souvent possible dans
cette population, en particulier chez les patients ayant
un CHC, les traitements conservateurs qui donnent
de bons résultats.
Tableau II. Bonnes indications de transplantation hépatique et indications plus discutables en
période de pénurie de donneurs.
Cirrhose CHC
Bons candidats à la TH,
à haut risque de décès sans TH
MELD > 15
Limite supérieure ?*
CHC sur cirrhose
décompensée (inaccessible
à un traitement d’attente)
Mauvais candidats à la TH,
à risque plus élevé de décès
après TH que sans TH
MELD < 15 (sauf pour
les exceptions au MELD)
CHC au-delà des critères
à l’inscription ou
progressant sur la liste
d’attente au-delà
des critères
Patients pouvant obtenir
une survie acceptable sans
TH**
MELD < 15 et
alternative médicale
(TIPS pour une ascite
réfractaire)
CHC sur cirrhose compensée
susceptible d’avoir des
traitements alternatifs
curatifs
CHC : carcinome hépatocellulaire ; TH : transplantation hépatique ; TIPS : Transjugular Intrahepatic Postsystemic Shunt.
*Les patients à MELD très élevé ont de plus mauvais résultats après TH, mais la limite de MELD n’est pas définie. Les
patients en situation de défaillance multiviscérale sont de mauvais candidats à cause du risque élevé de décès après TH.
**La TH peut être envisagée dans un deuxième temps, en cas d’échec du traitement conservateur.