Le Courrier de la Transplantation - Vol. XIII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 149
prise en charge par un centre expert (en collaboration
avec le centre référent), à même de proposer toutes
les options médicales et chirurgicales, avant celle de
la TI. Les délais sont toujours longs, entre évaluation et
attente, et l’enfant ne doit pas être adressé au centre de
greffe lors d’une complication mettant sa vie en jeu à
court terme, mais dès que la question de la TI est posée.
L’aspect définitif de l’insuffisance intestinale est évident
pour un grêle ultracourt ou une entéropathie congéni-
tale comme l’atrophie microvillositaire, mais beaucoup
moins pour un grêle pas si court qui peut s’adapter, une
pseudo-obstruction intestinale chronique évoluant de
façon très variable ou d’autres entéropathies. Même
sur liste d’attente, aucun laxisme quant à la NPAD ne
doit être toléré, compte tenu des délais d’attente et
des risques de complications pouvant compromettre
la réalisation de la TI.
Étiologie de l’insuffisance intestinale
D’après le registre international, l’indication principale
(50 à 70 %) est le grêle court. Dans notre expérience,
les 3 groupes d’indications suivants sont également
représentés (car le grêle court du prématuré bien pris
en charge est rarement une indication en France) :
a. syndrome du grêle court : atrésie du grêle, résection
après entérocolite du prématuré, laparoschisis, volvulus,
accident, tumeur desmoïde ;
b. maladies de la muqueuse ou entéropathies congéni-
tales héréditaires : atrophie microvillositaire, dysplasie
épithéliale intestinale (tufting enteropathy) ;
c. maladies de la motricité : maladie de Hirschsprung
étendue au grêle, syndrome de pseudo-obstruction
intestinale chronique.
Complications de la NPAD empêchant
sa poursuite à long terme
✓
Impossibilité de la réaliser à domicile, soit pour des
raisons sociales, soit du fait de pertes hydroélectroly-
tiques majeures ; l’hospitalisation permanente d’un
enfant est une indication formelle, avant le développe-
ment de troubles psychologiques irréversibles.
✓Instabilité due aux pertes hydroélectrolytiques.
✓
Perte des accès vasculaires ; le nombre de troncs
veineux dont la thrombose compromet à terme la
NPAD n’est pas défini, mais il ne faut pas attendre le
“dernier cathéter”.
✓
Infections répétées, dont l’origine peut être le cathé-
ter ou le tube digestif.
✓Hépatopathie progressive : là encore, la discussion
doit avoir lieu avant l’apparition des complications de
la cirrhose.
✓
Retard de croissance malgré des apports caloriques
adaptés, en particulier si le développement d’une hépa-
topathie oblige à une restriction des apports lipidiques.
✓Intolérance psychologique à la NPAD : difficile indi-
cation ! Les familles voient la TI comme la disparition
des contraintes de la NPAD (“un chien en laisse”), et
n’entendent de celles de la TI (“la laisse est transparente”)
que ce qui leur convient. Mais si la NPAD est insuppor-
table, les soins risquent d’être moins suivis. Il est donc
important de donner des explications et du temps.
Évaluation prétransplantation
1. Évaluation générale, comme pour une autre Tx d’or-
gane. Une particularité est la rareté des centres de TI, et
par conséquent l’origine géographique très variable des
patients. Encore moins que pour d’autres organes, la TI
n’est une guérison, et elle est déraisonnable si le suivi
ne peut être bien assuré. L’évaluation psychosociale est
indispensable, chez ces patients au lourd passé, dans
la perspective d’une attente, et de semaines d’hospi-
talisation souvent bien difficiles.
2. Le foie. Le type de TI dépend du degré de fibrose
hépatique, une cirrhose décompensée étant devenue
rare. Une biopsie hépatique est indispensable, répétée
si l’attente est longue. On envisage une Tx combinée
du foie et du grêle si le degré de fibrose est égal ou
supérieur à F3 (score Métavir). La recherche d’une
hypertension portale par cathétérisme sus-hépatique
peut guider la décision. Le rôle protecteur du foie sur
le rejet, donc la survie du greffon à long terme, fait
discuter l’élargissement des critères de Tx combinée ;
toutefois, les résultats du registre international, qui ne
sont pas si clairs, la difficulté à évaluer de petites séries
sur de longues durées et la pénurie de greffons rendent
cette discussion théorique.
3. Entéropathies congénitales et maladies de la motri-
cité. Le côlon droit est inclus dans 30 % des greffes,
quand l’enfant n’a pas de côlon fonctionnel propre.
4. Un greffon multiviscéral, de l’estomac au côlon, est
indispensable si l’indication est une maladie de la motri-
cité avec des troubles de la vidange gastrique. Sans le
foie, on parle de Tx multiviscérale modifiée. Avec le
foie, c’est aussi l’intervention de choix chez un enfant
avec hypertension portale ou adhérences majeures,
car le remplacement en bloc de tous les organes intra-
abdominaux peut être réalisé en clampant les gros
vaisseaux. La rate est enlevée ou incluse dans le greffon,
qui contient aussi tout ou partie du pancréas.
5. Reins. Il faut évaluer leur fonction par mesure (et
non calcul) du débit de filtration glomérulaire, étant
donné la toxicité des traitements et les autres facteurs
de risque si fréquents après TI.
Transplantation intestinale chez l’enfant