
Le devenir des troubles envahissants du développement après l’adolescence S55
autistique est aujourd’hui plus communément intégré dans
la sphère des troubles envahissants du développement
(TED), regroupant l’autisme, le syndrome d’Asperger, le
syndrome de Rett, le trouble désintégratif de l’enfance et
le trouble envahissant du développement non spécié [1].
La clinique actuelle s’est développée autour d’un spectre
autistique variant de l’autisme de Kanner à l’autisme de
« haut niveau » ou syndrome d’Asperger, caractérisant des
jeunes patients souffrant d’une symptomatologie autisti-
que sans retard de langage et possédant un niveau intellec-
tuel normal, voire supérieur à la moyenne.
Les chiffres de prévalence des TED ont subi au cours des
deux dernières décennies une revue à la hausse unique dans
l’histoire de la médecine. Ces troubles concernaient moins
d’un enfant sur mille en 1988 (11,6/10 000) [10]. La préva-
lence a depuis été multipliée par 10 puisque une étude
anglaise sur une population de 57 000 habitants a retrouvé
une prévalence de plus d’1 % de TED (116,1/10 000) [4]. La
prévalence ofcielle française, selon la haute autorité de la
santé est de 0,7 %, soit plus de 400 000 personnes [11].
Il existe une extrême variabilité en termes de gravité
et de sévérité de la symptomatologie autistique, et donc
de son devenir. Évaluer le pronostic évolutif des enfants
souffrant d’un TED à l’âge adulte sous-entend la prise en
compte de patient évoluant d’un extrême à l’autre du spec-
tre autistique. Il est particulièrement délicat de comparer
l’évolution d’un enfant souffrant d’un autisme de Kanner,
totalement replié sur lui-même, présentant une absence de
langage, des auto-mutilations, des troubles du comporte-
ment et celle d’un enfant souffrant d’un syndrome d’Asper-
ger, adressé en consultation en raison de symptômes semblant
s’intégrer autour de traits originaux de la personnalité et de
bizarreries dans les contacts sociaux.
Quoi qu’il en soit, une revue exhaustive de la littéra-
ture médicale nous permet de constater que les études
prospectives consacrées au devenir des jeunes patients
sont très rares : seules 21 études très hétérogènes sur le
plan méthodologique ont été retrouvées [19].
Les études prospectives courtes conrment la stabilité du
diagnostic : 88 % de très jeunes patients diagnostiqués à l’âge
de 2 ans présentent toujours le même diagnostic d’autisme à
l’âge de 9 ans [21]. Les études prospectives plus longues ren-
forcent cette notion de stabilité diagnostique. 46 patients
autistes sur 48 (95 %) suivis depuis la petite enfance, présen-
tent toujours les critères diagnostiques de leur maladie à
l’âge adulte, même si leur symptomatologie s’est atténuée
notamment au cours de l’adolescence [17]. Un suivi de
68 enfants autistes jusqu’à l’âge adulte a permis d’établir le
fait qu’une majorité des patients devenus adultes restent
dépendants de leur famille, des structures sociales et soignan-
tes. L’amélioration des symptômes et de l’insertion sociale fut
jugée pauvre à très pauvre pour 68 % des patients [12]. Une
seconde étude très proche sur le plan méthodologique évoque
une évolution péjorative pour 94 patients sur 120 (78 %) [5].
Au total, cette revue exhaustive de la littérature
concernant l’évolution à l’âge adulte d’enfants souffrant
d’autisme entraîne deux principales conclusions : la stabi-
lité du diagnostic et le mauvais pronostic évolutif lié aux
facteurs pronostiques.
De la génétique à la connectique cérébrale
Dix à 25 % des patients souffrent d’autisme syndromique,
c’est-à-dire d’un trouble autistique associé à une maladie
génétique reconnue, telle que la sclérose tubéreuse, le
syndrome de l’X fragile ou le syndrome de Rett [13].
Lorsqu’un jumeau souffre d’un TED, l’autre jumeau sera
concordant cliniquement dans 90 % des cas s’il est mono-
zygote et dans moins de 5 % des cas s’il est dizygote, conr-
mant ainsi la forte héritabilité génétique de ce trouble [6].
L’agrégation familiale est forte dans l’autisme de Kanner
puisque le risque de troubles autistiques dans la fratrie est
de 10,9 % soit bien supérieur à la prévalence en population
générale [7]. L’origine génétique est ainsi reconnue et a
surtout été enrichie depuis quelques années par de nom-
breuses publications faisant état d’anomalies impliquant
tout particulièrement les synapses. De fait, la grande majo-
rité des anomalies génétiques retrouvées dans des cohortes
familiales de patients souffrant de troubles autistiques
incriminent des gènes impliqués dans la structuration ou la
transmission synaptique [18]. Ainsi, deux gènes codant pour
les neuroligines 3 et 4 situés sur le chromosome X ont été
mis en évidence [14]. Ces protéines jouent un rôle majeur
au niveau des axones et dendrites périsynaptiques en les
agrégeant et en stabilisant ainsi les transmissions neurona-
les. Les troubles autistiques seraient donc liés à des trou-
bles de la connectique cérébrale d’origine génétique.
À partir de ces données issues de la génétique, il est
donc possible de bâtir un modèle neurophysiopathologique
basé sur un dysfonctionnement des connexions synapti-
ques. Les enfants souffrant d’un TED présenteraient à
divers degrés des difcultés à traiter en ligne les événe-
ments de leur environnement et à produire en temps réel
des ajustements sensorimoteurs, psychiques et cognitifs
[8]. Selon ces auteurs, le monde environnemental change-
rait trop vite pour être traité en temps réel par le cerveau
des personnes souffrant d’autisme, ce qui génère leurs
désordres communicatifs, cognitifs et imitatifs ainsi que
stratégies compensatoires et adaptatives [9]. De nombreu-
ses études récentes de neuro-imagerie fonctionnelle sont
depuis venues corroborer les anomalies qualitatives et
quantitatives de connexions entre différentes zones céré-
brales chez les patients souffrant de troubles autistiques
[15]. En résumé, l’étiopathogénie des troubles autistiques
n’a jamais été aussi précise ; établissant un continuum
entre des anomalies polygéniques modiant les structura-
tions synaptiques et à plus grande échelle des troubles de
connexion entre différentes aires cérébrales impliquées
notamment dans la reconnaissance des émotions, les inte-
ractions sociales, la communication.
De l’étiopathogénie aux thérapies
La clarication des mécanismes génétiques et neurophysiopa-
thologiques impliqués dans les TED ouvre une voie royale à de
nouvelles stratégies thérapeutiques, à la fois en pharmacolo-
gie mais également dans le domaine des psychothérapies.
Sur le plan pharmacologique, les anomalies au niveau
des neuroligines sus-décrites entraînent des modications