L’Encéphale (2010) Supplément 3, S46–S53

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L’Encéphale (2010) Supplément 3, S46–S53
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Quel parcours de soins pour les adolescents
présentant des troubles des conduites ?
Which course of medical care to provide for teenagers
with behavioural disorders?
C. Baldacci
Centre Hospitalier Sainte-Anne, Secteur 13, 1, rue Cabanis, 75014 Paris
Mots clés
Adolescence ;
Troubles des
conduites ; Errance
et claustration ;
Parcours de soins
coordonné
KEYWORDS
Teenage;
Behavioural disorders;
Claustration
and wandering;
Course of coordinated
medical care
Résumé La claustration et l’errance à l’adolescence posent des problèmes spécifiques, à la fois
diagnostiques et thérapeutiques, en raison du rapport particulier de ces adolescents à l’espace et au
temps.
Un parcours de soins coordonné (accueil en urgence, hospitalisation, soins de suite) leur est proposé,
ainsi qu’à leur famille, selon certaines modalités, au sein d’un service de psychiatrie adulte.
© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés.
Abstract Teenage claustration and wandering entail specific issues, in connection with the diagnosis
and the therapy involved, because of the particular relationship of these teenagers with time and
space.
A course of specific coordinated medical care (emergency admission, hospitalization, follow-up care) is
offered to them as well as to their family, according to certain modalities within a department of
psychiatry for adults.
© L’Encéphale, Paris, 2010. All rights reserved.
Depuis plus de 15 ans, dans un service de secteur adulte de
l’Hôpital Sainte-Anne, nous accueillons des adolescents au
sein d’une unité d’hospitalisation d’adulte où des lits leur
sont réservés. Parmi les adolescents que nous traitons certains expriment leur souffrance non sur le mode d’une
forme psychopathologique précise mais par des agirs plus
ou moins définis qui peuvent entrer dans le vaste ensemble
que nous appelons trouble des conduites.
Correspondance.
E-mail : [email protected]
L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts.
© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés.
Classiquement, suivant les définitions aussi bien dans le
DSM-IV [1] que dans la CIM 10, les troubles des conduites
sont caractérisés par la répétition d’une conduite transgressive. La catégorie F91 de CIM 10 définit les troubles des
conduites comme « un ensemble de conduites répétitives
et persistantes dans lesquelles sont bafoués soit les droits
fondamentaux d’autrui soit les normes et les règles sociales
correspondant à l’âge du sujet » sur une durée suffisante
de 6 mois pour porter le diagnostic.
Quel parcours de soins pour les adolescents présentant des troubles des conduites ?
Cette référence à la durée pose le problème classique
de savoir si le trouble débutant va ou non se fixer et devenir, comme on dit en médecine, subaigu ou chronique. Le
diagnostic ne pourrait alors se faire qu’après coup, en fonction de l’évolution. De plus, quelle que soit la durée du
trouble, ces définitions ont l’inconvénient d’isoler ce trouble de tout axe psychopathologique.
Dans la version révisée de la Classification française des
troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent, les auteurs
indiquent au chapitre 7 correspondant au Trouble des
conduites et des comportements qu’il est essentiel de
rechercher s’il s’intègre à l’une des 4 premières catégories,
(1) autisme et troubles psychotiques, 2) troubles névrotiques, 3) Pathologie limite ou 4) troubles réactionnels). Ce
caractère trans-nosographique renforce la valeur du facteur
environnemental qui est de fait présent dans le trouble des
conduites, les diverses définitions insistant sur la notion de
transgression des droits et des normes sociales.
De ce fait l’adolescence sera un moment de prédilection d’éclosion des troubles des conduites car l’interpellation de l’environnement par l’adolescent se fait souvent
sur un mode provocateur et quelquefois destructeur.
Cette interpellation ne s’adresse pas seulement aux
lieux et aux objets ou aux personnes mais elle vise aussi
leur fonction culturelle, ainsi de la cellule familiale, de
l’école ou du groupe de copains.
En provoquant l’environnement, ces adolescents appellent une réponse qui pourrait les aider à articuler leur
monde psychique interne et la réalité, et leur permettre
ainsi de construire une identité originale. Or, les formes de
réponse de l’environnement peuvent soit faire caisse de
résonance aux provocations psychiques de l’adolescent,
soit permettre la reprise de sa construction identitaire.
C’est dire que le trouble des conduites n’est pas d’emblée
fixé mais qu’il implique l’aléatoire de la réponse et qu’il
peut faire partie intégrante de la maturation d’une personnalité.
Il paraît donc important, dès le début, pour éviter une
évolution maligne de réfléchir à une réponse médico-sociale
ajustée et ce quelle que soit la référence psycho-pathologique sous-jacente.
Pour illustrer ce travail, nous suivrons le parcours de
soins d’adolescents qui présentent des alternances de
claustrations et de conduites de fugue puis d’errance. En
effet ces symptômes qui rentrent dans le cadre de trouble
des conduites sont de plus en plus fréquents et interrogent
de façon paradigmatique la fonction de l’espace chez
l’adolescent et en particulier de l’espace thérapeutique.
Épidémiologie
Sur le plan épidémiologique, l’évaluation des conduites de
fugues et d’errance est peu nombreuse. Les sources sont
essentiellement policières. Ce que l’on peut, toutefois,
noter c’est l’augmentation constante des fugues et des
conduites d’errance. En 2003, on a recensé 60 000 fugues,
en 2007 87 000 (Rapport de la direction centrale de la
sécurité publique publié le 11 avril 2008).
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Ce recensement concerne exclusivement des jeunes
entre 13 et 18 ans avec 55 % de filles. Une étude épidémiologique réalisée en 1993 par Marie Choquet [3] en France,
retrouve une incidence de 3,7 % des fugues par an chez les
11-18 ans. Aux États-Unis [6] cette incidence est estimée
entre 5 % et 7,6 % des adolescents. Par ailleurs, plusieurs
études [2, 6, 12] concernant ces patients insistent sur la vulnérabilité de cette population d’adolescents et sur la gravité
du pronostic à court terme tant sur le plan somatique (malnutrition, addiction, infection VIH, conduite à risque sexuel,
grossesse), que psychique (abus sexuel, prostitution, effondrement dépressif avec une incidence importante de tentative de suicide).
Pour notre part, nous avons constaté dans le service
l’augmentation de l’hospitalisation de ces adolescents qui
posent des problèmes multiples de prise en charge.
Sur le plan psycho-dynamique
Errance et claustration montrent l’importance de l’usage
de l’espace à l’adolescence lorsque la temporalité au sens
de l’écoulement du temps n’a pas encore pris de valeur
psychique structurante.
De la quête du Graal des chevaliers du Moyen Âge, au
Grand Tour des fils de famille en passant par le Tour de
France des Compagnons jusqu’au séjour Erasmus de nos
étudiants actuels, à toutes les époques, l’errance a représenté une étape nécessaire, souvent initiatique susceptible
de transformer le voyage, en départ puis en passage.
L’errance, socialement admise et codifiée par ces rites,
prend une valeur initiatique mais pour certains adolescents, cette tentative de passage de l’enfance à l’âge
adulte se trouve entravée par différents facteurs. L’errance
n’aboutit pas, elle ne peut se transformer en vrai départ.
Tentative échouée, l’errance se fixe jusqu’à la clochardisation conférant à ces adolescents un statut de SDF.
L’adolescent errant, a d’abord été considéré comme un
délinquant - la réponse était alors exclusivement judiciaire –, puis comme un mineur à protéger avec une réponse
éducative. Il faudra attendre les années 1950 avec Georges
Heuyer [7] et son article sur la définition psychiatrique de
« la fugue et du vagabondage » pour que l’aspect psychodynamique et trans-nosographique de la conduite soit prise
en compte.
La psychiatrie classique, Henri Ey [4] ou Bernard Lafont
[9], jusqu’alors intégrait ces conduites dans les cadres
nosographiques classiques (le voyage pathologique du schizophrène, fugue de l’épileptique ou de dément), mais ne
considérait pas cette conduite comme susceptible d’accompagner l’adolescence. Daniel Marcelli et Alain
Braconnier [11] dans leur manuel de psychopathologie de
l’adolescence font de la fugue et de l’errance un mode
d’expression de l’angoisse et des conflits des adolescents
marquant la rupture de l’adolescent avec son milieu.
Ainsi voit-on, après ces brèves considérations historiques et épidémiologiques, que l’errance peut être structurante à la condition de relever de codes socialement définis
mais qu’à l’inverse elle peut devenir une conduite à risque
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lorsque la relation à l’espace a perdu son inscription dans
le groupe. Elle devient alors l’expression d’une adolescence
en crise.
La question est de savoir comment transformer l’errance et son corollaire, la claustration, en passage réussi
vers l’âge adulte.
Adolescence et passage
Dans notre culture, la fugue, les conduites d’errance se
sont définies comme pathologiques, au fur et à mesure de
la constitution de la notion de cellule familiale nucléaire.
Ce rapport errance/famille, souligne l’importance du
travail psychique de séparation que doit effectuer l’adolescent avec sa famille. Dans ce travail, la difficulté la plus
déroutante pour l’adolescent est de s’apercevoir qu’il ne
pourra se séparer de son enfance et de ses parents que s’il
peut supporter une dépendance bien tempérée à l’autre.
En effet l’adolescent traverse une situation paradoxale :
d’un côté, il est confronté à une vie pulsionnelle sexuelle
et agressive renforcée, qui lui impose activité et prise d’indépendance, et de l’autre côté, il cherche appui et dépendance pour faire face à ce qu’il ne peut plus maîtriser. Le
couple activité/passivité, dans les paradoxes sans solutions
qu’il impose, remet en question son estime de lui-même et
menace son identité. Comment peut-il se dégager de ces
forces contradictoires qui écartèlent sa vie psychique et en
menacent sa cohésion ?
Devant ces oppositions binaires, l’adolescent investit
des espaces de transition qui laissent place au hasard, au
tâtonnement, à l’hésitation. La possibilité d’investir le
champ culturel avec l’ouverture sur différents groupes
(école, sports, loisir, groupe d’adolescents) ou l’investissement du monde des idées peut permettre de déplacer sur
la scène psychique cette conflictualité.
Mais en absence de tels espaces, l’agir devient une tentative de dégagement de ces paradoxes. Il condense alors
le plus souvent des mouvements ambivalents d’affranchissement et de dépendance. Ainsi par exemple, de la fugue
qui peut conduire à la claustration ou de l’errance à l’incarcération ou à l’hospitalisation en service fermé. L’agir
permet de lutter contre la passivité et de nier la dépendance aux dépens de la réalité elle-même. Dans l’agir l’impensable du paradoxe reste un « pot au noir » rendant
l’adolescent aveugle à ses propres angoisses. La répétition
à l’infini de ces conduites agies (que ce soit sur le corps ou
dans le comportement) tente d’apaiser cette source d’angoisse sans y parvenir. Les agirs éloignent et coupent de
plus en plus l’adolescent de sa vie psychique, l’enfermant
dans des comportements apparemment vides de sens
comme la toxicomanie, les troubles des conduites alimentaires ou les auto-mutilations.
L’errance et la claustration sont des conduites quant à
elles, qui mettent en acte de façon caricaturale les difficultés liées au changement d’équilibre à l’adolescence entre
de dehors et de dedans. L’errance permet de lutter contre
la passivité qui s’impose à l’adolescent avec l’espoir simultané de la retrouver. Partir, errer, lui donne le sentiment
C. Baldacci
d’échapper magiquement à l’angoisse intérieure, de retrouver un rôle actif mais jusqu’à l’épuisement.
Dans l’errance, il tente non seulement d’échapper à un
Dehors représenté par l’espace familial devenu trop excitant et inquiétant mais aussi d’échapper à lui-même, fuir
sa tension intérieure, son Dedans. Une sorte de « fuite de
soi-même » comme le décrit D. Lagache [10] à propos de la
fugue.
L’errance, comme la claustration, est un moyen de se
constituer un isolement, une sorte de pare-excitation qui
s’opposerait à l’envahissement par le monde intérieur et
extérieur. Moins l’espace psychique est constitué plus
l’adolescent étouffe, plus il a besoin d’échapper. Pour certains adolescents, cette conduite devient une véritable
addiction. Mais cette sauvegarde narcissique impose le
refus de l’autre, comme une sorte de fonction anti-objectale, la fugue, puis l’errance témoigne alors de l’attaque
du lien proche d’un fonctionnement psychotique.
En effet, on pourrait penser que l’adolescent errant part
à la recherche de nouvelles rencontres qui seraient source
de nouvelles identifications, mais en fait, il part au devant
de rencontres sans véritable objet, où l’autre est interchangeable, évacué, renforçant une discontinuité psychique qui
menace sa cohésion identitaire et le contraint à nouveau à
repartir. Cette contrainte à répéter l’enferme dans une
conduite unique qui devient l’unique réponse à toute situation angoissante. L’errance devient alors un enfermement,
où le temps n’existe pas, c’est le règne de l’immédiateté,
de la décharge ; l’adolescent ne s’inscrit plus dans un avant
et un après. Une sorte de « meurtre du temps » selon l’expression d’A. Green [5] quand il parle de l’agir.
Il s’enferme de plus en plus dans une vie sans objet,
sans contenu psychique et hors du temps où seule la déambulation lui donne l’illusion d’exister.
À l’opposé de l’errance, on trouve la claustration qui en
est le versus inhibé. L’adolescent qui se cloître dans sa chambre, d’abord quelques heures dans la journée, alterne souvent des moments de fugue, d’errance et de claustration. Puis
la porte de la chambre et de l’appartement se referment sur
lui, il s’immobilise dans l’espace. Les murs de la chambre,
sorte de grand masque le protègent du regard de l’autre.
De sa chambre, il entretient bien souvent des relations
virtuelles par Internet (s’agit-il d’errance virtuelle ?) ou
encore joue des heures à des jeux vidéo comme le décrivent
nos collègues japonais dans le syndrome Kikomori, réduisant
de plus en plus ses déplacements aux aller et retour du réfrigérateur ou à l’épicerie du coin à sa chambre.
Mais lorsqu’une porte d’adolescent se referme, cela ne
traduit pas seulement son désir d’intimité et sa volonté de
protection du monde extérieur en le maintenant à distance.
Comme dans l’errance, il cherche aussi à se protéger de
son monde intérieur et de ses moments d’inquiétantes
étrangetés liées à la montée de son désir et à sa violence.
L’enfermement ne concerne pas que l’espace, en se terrant
ou en errant l’adolescent refuse les changements, les séparations, il cherche aussi à immobiliser le temps, à bloquer
en lui l’instauration d’une temporalité psychique. Toutefois,
la maturation de son corps résiste à ce refus du temps et lui
rappelle que le temps implique séparation et rencontre.
Quel parcours de soins pour les adolescents présentant des troubles des conduites ?
Quelles seraient les conditions de soins pour que ses
adolescents enfermés dans un espace trop grand ou trop
restreint puissent accepter de s’engager dans un mouvement psychique progrédient qui lui permettra de passer au
temps de la génitalité où il faut pouvoir accepter cette
jouissance masochique du manque et de l’attente ?
Le temps de l’accueil
Le plus souvent l’adolescent errant ou claustré ne consulte
pas car cela supposerait qu’il ait dépassé sa crainte de la
dépendance particulièrement réactivée dans la demande
de soins.
Le premier contact se fait quelques fois à la demande
des parents ou des services sociaux mais le plus souvent en
urgence, dans un contexte de crise (violence familiale,
ivresse, intoxication ou autres mises en danger).
C’est un temps crucial car il ne peut être différé et il
faut pouvoir saisir cette occasion de rencontre. Cependant
on pourrait craindre qu’une réponse non différée soit une
réponse en miroir, un contre-agir. Mais l’expérience montre
qu’un accueil rapide peut permettre au contraire de sortir
de la confusion dans laquelle plonge la crise. Cet accueil
peut aider l’adolescent et sa famille à retrouver une capacité de penser.
Quel type de réponse peut être pertinente en urgence
pour ces adolescents ?
Pour les adolescents errants, une première évaluation
peut être faite à l’occasion de l’urgence en consultation
psychiatrique qui peut se prolonger sur 48 ou 72 heures
comme elle est pratiquée au CPOA à l’Hôpital Sainte-Anne.
Leur état général est souvent dégradé, si une hospitalisation s’impose pour pouvoir engager des soins, elle sera
d’autant mieux acceptée qu’elle s’étayera sur le corps
souffrant.
Dans les cas de claustration nous pensons qu’il est justifié de faire l’évaluation de l’urgence à domicile après un
travail avec les parents, particulièrement quand cette
demande émane du médecin scolaire ou d’un service social.
En collaboration avec le CPOA et le Dr Guedj sont organisé
des visites à domicile qui permettent de poser les bases
d’un projet de soins. Ces visites à domicile constituent
l’événement extérieur, l’imprévu qui permet de reprendre
les liens interrompus par la claustration.
Cet événement imprévu et le passage par le corps permettent d’éviter à l’adolescent de formuler une demande
qu’il est incapable d’élaborer.
Une hospitalisation souvent s’impose car elle permet
l’évaluation psychopathologique de l’adolescent et celle
de la dynamique familiale qui sous-tend le symptôme.
Le temps de l’hospitalisation
Qu’attendre de l’hospitalisation ?
L’hospitalisation dans le cadre de l’errance et la claustration est d’autant plus importante que le peu de spécificité de
ces conduites ne permet pas d’évaluer facilement les problèmes psychopathologiques sous-jacents. L’hospitalisation aura
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donc une valeur exploratoire et évaluative, occasion d’une
réflexion pluri-disciplinaire sur la stratégie thérapeutique à
adopter.
Nous retrouvons là une démarche psychiatrique classique qui va de l’exploration des symptômes, au fonctionnement psychique en y associant l’évaluation de la dynamique
familiale.
La particularité de cette hospitalisation, est de se dérouler dans une unité de psychiatrie générale d’adulte qui a
réservé environ un quart de ses lits pour des adolescents en
état aigu ; Cette proportion permet que les adolescents
soient suffisamment nombreux pour former un groupe tout
en préservant l’originalité de l’accueil en milieu adulte et
d’éviter les phénomènes de contagion symptomatique rencontrés dans les services d’adolescents.
En quoi cette unité est-elle utile
dans le parcours de soins des troubles
des conduites ?
Une même équipe a choisi de soigner des adultes et des
adolescents, elle croise son savoir faire d’une équipe habituée à repérer l’émergence de pathologie adulte avec sa
formation à la clinique particulière de l’adolescent qui
nécessite également la mise en perspective avec l’infantile. Cette double compétence est particulièrement précieuse pour ces adolescents qui nécessitent, par exemple
en début de traitement, des soins corporels proches des
techniques utilisées chez certains catatoniques ou chez des
patients agités. Ils bénéficient également du dispositif de
soins contenant du service pour éviter qu’ils ne fuguent dès
leur arrivée sans qu’ils aient l’impression que cette contenance leur est spécifiquement destinée. De même face à
l’impulsivité, le savoir faire acquis dans les passages à
l’acte violents en service d’adulte permet bien souvent de
l’endiguer sans trop de difficulté.
L’autre originalité de cette unité est l’hétérogénéité
des groupes auxquels les adolescents participent. Selon les
activités, certains groupes mêlent des patients adultes et
adolescents, d’autres leur sont exclusivement réservés.
Dans les groupes avec les patients adultes, ceux-ci sont
alors vécus par les adolescents tantôt du côté des soignants,
tantôt du côté des patients ouvrant à un jeu identificatoire
particulièrement complexe qui introduit l’adolescent aux
conflits psychiques, à l’ambivalence à l’atténuation des clivages et les positions paranoïaques face au monde des
adultes. Parallèlement, les groupes uniquement réservés
aux adolescents favorisent au milieu de cette hétérogénéité un sentiment d’appartenance à un groupe qu’ils n’ont
jusque-là guère connu.
Ainsi un lieu d’hospitalisation, où les adultes ne sont
pas que des soignants peut être un lieu plus contenant pour
ces patients. Ce mélange favorise la différenciation et
contribue à l’instauration d’un sentiment d’identité face à
un monde d’adultes perçu dans sa complexité.
Au terme de l’évaluation diagnostique et thérapeutique, un projet de soins s’est dessiné aux cours des entretiens avec l’adolescent et sa famille mais aussi avec les
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intervenants socio-éducatifs extérieurs et l’inter-secteur
infanto juvénile en charge des soins de l’adolescent. Cette
collaboration, se traduit par la présence une fois par mois
d’un de nos collègues pédopsychiatre du 14e à notre réunion institutionnelle au cours de laquelle nous débattons
des projets de soins.
Soins de suite : lieu et temps
de la médiation
Après le temps d’hospitalisation d’une moyenne de 3 à
4 semaines, nous proposons une poursuite des soins dans le
cadre d’un accueil de jour, dans un lieu différencié mais toujours dans le service. Une nouvelle équipe, en étroite collaboration avec l’équipe d’hospitalisation, entre en jeu.
Pourquoi des soins de suite ?
Pour ces adolescents la parole est encore
laborieuse voire impossible
En effet, la parole n’est pas encore investie de ses potentialités symboliques. La mise en mot des conflits et des
affects est encore impossible. Attendre qu’un tel adolescent dise ce qui lui vient se solderait par un « je ne sais
pas », ou un silence hostile et toutes propositions de liens
par un cinglant « mais c’est du n’importe quoi ! »
Plus la parole est inquiétante, plus il importe de la
contourner en recherchant d’autres médiations.
C. Baldacci
Pour que l’adolescent (re-) trouve un groupe
L’errance, la claustration, nous l’avons constaté, isolent de
soi-même mais aussi des autres, du groupe de ses pairs et
des adultes.
Ils ne peuvent, la plupart du temps, retourner sur les
lieux de scolarisation ou d’apprentissage habituels car ils
les ont quittés depuis longtemps. Ils ont ainsi perdu non
seulement les groupes d’adolescents auxquels ils participaient mais aussi ceux des adultes qui s’occupaient d’eux
(professeur, éducateur, parents de copains) qui pouvaient
constituer d’autres pôles identificatoires et les aidaient à
desserrer ainsi le lien aux parents.
La constitution d’un groupe relativement stable d’adolescents et de soignants adultes sur une durée limitée mais
pouvant aller de plusieurs semaines à quelques mois autour
d’un projet de soins et de resocialisation permet d’offrir un
cadre de soins groupal qui favorise la prise de distance avec
les images parentales et l’étayage narcissique en atténuant
le sentiment de dépendance et de confusion identitaire.
Ces trois temps du parcours de soins (accueil, hospitalisation et soins de suite) s’entrecroisent souvent et s’arti­culent
avec d’autres structures sanitaires, éducatives ou pédagogiques qui nécessitent avec eux un travail en réseau.
Travail en réseau
Il importe de chercher avec eux un terrain commun : que
ce soit un objet culturel, un projet sportif ou de voyage,
des activités pédagogiques ou toutes formes de remédiations cognitives.
L’objectif sera d’utiliser au fur et à mesure de leur surgissement les éléments susceptibles de faire l’objet d’un
travail élaboratif mais à « l’insu de leur plein gré » selon
une formule qui a fait florès. En effet, il faut respecter leur
peur de la dépendance et de l’intrusion en leur donnant
l’illusion qu’ils peuvent se passer de l’objet pour comprendre, pour savoir. On atténue ainsi leur crainte de la passivité en leur donnant le sentiment d’un rôle actif.
Avant leur arrivée, les adolescents souffrant d’un trouble
des conduites ont mobilisé bon nombre de structures socioéducatives et judiciaires, services de soins généraux ou
foyer d’hébergement dont les interventions n’ont pu bien
souvent, être coordonnées entre elles. La crise qui motive
la demande de soins est l’occasion de la reprise éventuelle
d’un travail en réseau qui permet d’articuler les initiatives
des différents intervenants et d’éviter les redondances. La
mobilisation d’un tel réseau peut non seulement soutenir
l’action thérapeutique mais aussi en garantir le sens car
l’important est que l’adolescent se représente que nul ne
détient une réponse globalisante et satisfaisante à tous ses
problèmes.
Il s’agit de garantir par ce travail la limite de chacun qui
ainsi reconnue et explicitée permet d’organiser une fonction
tierce susceptible d’empêcher l’établissement d’une relation d’emprise ou de séduction suivi d’un abandon brutal.
Pour aménager la distance avec la famille
Travail institutionnel
Cette unité s’est imposée car il nous fallait aussi tenir
compte de la situation paradoxale dans laquelle se trouvent
adolescents et parents. Ph. Jeammet résume ce paradoxe
par : « ce dont les adolescents ont le plus besoin, sousentendu les parents, est aussi ce qui les menace le plus. »
Or quand les adolescents sortent du temps de l’hospitalisation ils retrouvent une maison vide, parents et fratrie
vaquent à leurs occupations. Double peine, ils sont seuls et
marginalisés ; Il n’est alors pas rare de voir certains parents se
mettent en congé de maladie pour « surveiller » leur enfant
aggravant le lien de dépendance et mobilisant une forte
agressivité de part et d’autre. Le cercle infernal de l’errance
et de claustration se réenclenche alors rapidement.
L’intérêt d’un parcours de soins pour ces adolescents réside
dans le fil rouge donné par le travail institutionnel qui tire
sa cohérence d’un cadre de soins. Il permettra à chaque
étape du parcours de soins de délimiter un espace de négociation, un entre deux où l’adulte soignant et l’adolescent
peuvent se rencontrer.
Ce cadre sera également un des éléments du diagnostic, en permettant d’évaluer la façon dont l’adolescent, sa
famille, et les soignants, le mettent à l’épreuve et le font
travailler. Un cadre de soins défini est particulièrement
indispensable pour les adolescents qui sont dans le passage
à l’acte, car il permet d’objectiver la trace de ces agirs qui
peuvent ainsi dans la confrontation avec le cadre prendre
Pour leur permettre de trouver des activités
de médiation
Quel parcours de soins pour les adolescents présentant des troubles des conduites ?
un sens alors qu’auparavant ils se perdaient dans un espace
sans limite et dépeuplé. Mais quel cadre, pour des adolescents qui, par définition, vont l’attaquer ? Un cadre qui
puisse contenir, limiter la pulsionnalité, mais pas trop rigide,
suffisamment souple, car il faut pouvoir tenir le cadre. La
fiabilité de la parole de l’adulte est en jeu, il ne doit pas être
synonyme d’emprise et d’arbitraire. Ce cadre devra en permanence être explicité, clarifié pour favoriser, à travers les
conflits, les occasions d’échange, la possibilité d’empathie
pour permettre l’appropriation de son contenu.
Les projections et les attaques, dont le cadre est l’objet, permettent, à partir d’une réalité partagée, un travail
d’élaboration, début d’un contenu et d’un espace psychique. Il introduit à la notion de conflit, de dissymétrie
nécessaire dans la relation adulte-adolescent car cette dissymétrie est garante de la différence des générations et de
la protection des adultes vis-à-vis d’eux. Le travail, autour
des conflits suscités par le cadre, délimite un dedans et un
dehors, une absence et une présence et décondense fantasme et réalité. Le cadre, en mêlant à la fois personnalisation des rencontres et « impersonnalisation » des règles,
favorise le déplacement des conflits sur les règles et non
sur les personnes.
L’articulation personnalisation/impersonnalisation passe
nécessairement par l’échange entre soignants et les différents partenaires des soins, condition pour que puisse s’élaborer un projet de soins qui s’imposera comme une fonction
tierce permettant le départ et la séparation.
Une vignette clinique
Ariane est depuis quelques semaines aux soins de suite,
elle a du mal à se poser mais commence cependant à
s’apaiser. Elle parvient à faire les allers et retour entre le
domicile de sa mère et les soins de suite sans faire trop de
détour. À un retour de week-end qu’elle a passé chez sa
mère, on la sent à nouveau agitée, fuyante, elle redevient
provocante. L’équipe s’inquiète, comment s’est passé le
week-end ? « Pas de problème, dit-elle, je suis allée avec
ma mère et ma sœur au Mc Do ». Puis au milieu de semaine,
elle vient se confier à une infirmière, non s’en avoir préciser « faut pas en parler au médecin et à mon père ». Ce
week-end, elle a fugué de chez sa mère, elle n’a pu résister, elle est partie errer dans les rues, elle raconte que des
garçons l’ont faite monter de force dans une voiture puis
plus rien, jusqu’à son réveil dans une chambre d’hôtel. Que
faire devant cette information ?
D’abord, ne pas répéter la connivence avec la mère qui,
on l’apprend, était au courant des événements, l’infirmière
en parle en équipe. Ensuite viennent les mesures médicales, la pilule du lendemain, car jusqu’à présent malgré le
travail d’information fait par les infirmières, elle n’avait
pas voulu de contraception, inconsciemment la grossesse
restait le retour possible à une relation fusionnelle perdue.
Mais il est déjà trop tard pour la pilule du lendemain,
comme il est trop tard pour instaurer un traitement préventif pour le VIH. Elle accepte, cependant d’aller en
consultation gynécologique pour se faire examiner et évaluer les mesures à prendre.
S51
L’équipe se clive autour de la conduite à tenir sur le plan
juridique, car Ariane refuse d’aller porter plainte au commissariat, refusant vraisemblablement de répéter ce qui
s’était passé quelques mois auparavant où ses parents
avaient porté plainte contre un jeune homme qui aurait
abusé d’elle, elle s’était rétractée au moment de l’audition.
Faut-il faire immédiatement un signalement au procureur,
finalement il est décidé de différer toute prise de décision,
le temps de pouvoir élaborer avec Ariane sa possibilité d’en
parler en entretien. Elle en informe son père qui dans un
premier temps veut un descriptif du garçon pour aller lui
faire la peau. Au fil des entretiens familiaux, il apparaît
toute la dimension provocatrice incestueuse d’Ariane à
l’égard de son père, et le désir de maintenir la connivence
avec sa mère, l’une et l’autre ne supportant pas la moindre
prise de distance. La version des faits se modifie, on est loin
de la version du viol. Dans ce travail elle a pu bénéficier par
l’externalisation du conflit, de l’élaboration de l’équipe,
élaboration qu’elle a pu en partie s’approprier, ses parents
quand à eux parvenant à modifier leur réaction face aux provocations sexuelles d’Ariane.
On retrouve dans cette séquence clinique la notion de
Ph. Jeammet [8] d’espace psychique élargi nécessaire dans
le traitement des adolescents.
Cependant, ces moments féconds alternent avec d’autres
où l’adolescent déploie une destructivité qui épuise les lieux
de soins. Il est alors souhaitable qu’il puisse quitter un lieu
pour éprouver la séparation et lui donner l’illusion d’une
prise sur la réalité tout en maintenant une continuité du
soin. Nous favorisons une circulation entre les différents
lieux car elle permet de diffracter les projections violentes
de ces patients. Il est fréquent que l’adolescent soit réhospitalisé brièvement ou qu’il retourne consulter au CPOA en
urgence alors qu’il est tous les jours aux soins de suite.
Cette circulation entre différents lieux de soins :
urgence, hospitalisation soins de suite, lieu de médiation,
CMP garantit le besoin d’agir la séparation dans l’attente
de la constitution d’une vie psychique, tout en leur donnant un fil rouge.
Les soins se conçoivent alors, comme un parcours au
sens physique du terme, où des lieux, des espaces se constituent dans lesquels ils peuvent accepter un certain degré
de dépendance et de passivité avant d’entreprendre un
parcours de soin plus symbolique où l’investissement de la
parole sera central.
Alors seulement, ils pourront entreprendre des entretiens psychothérapiques et prendre le risque d’une relation
transférentielle.
Travail avec la famille
Le travail avec les familles se développe autour de deux
axes, un axe d’entretiens familiaux avec l’adolescent, un
axe autour d’un groupe de parents d’adolescents en soin
dans le service.
Les entretiens familiaux avec l’adolescent conduisent,
rapidement, à travailler la notion de distance dans la relation et la capacité de chacun à supporter le conflit car la
nécessité de signer pour les parents une autorisation d’hos-
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pitalisation, les mettent d’emblé en position de partenaire
des soins de leur enfant. Tout au long des soins, nous serons
amenés à soutenir cette capacité à assumer le conflit car à
chaque étape se réactive l’effet de résonance entre les
problèmes de l’adolescent et les conflits non élaborés de
ses parents.
Lors des entretiens, les parents expriment leur culpabilité, auto-accusation parentale ou culpabilité projetée sur
l’adolescent (« c’est de sa faute, si tout va mal à la maison ») ou sur l’équipe soignante sous forme de réaction
paranoïaque à l’égard de l’équipe qui les jugerait. Ces
réactions doivent faire l’objet d’un travail attentif car il
touche leur questionnement sur l’origine du trouble (hérédité, traumatisme, génétique, éducation). La recherche
d’une causalité revient à chercher un coupable oblitérant
le travail d’élaboration psychique et de différenciation
nécessaire entre parent et enfant.
Le travail en entretien familial consiste d’abord à faire
accepter à des familles éprouvées qu’il n’y a pas de réponse
univoque qui pourrait les soulager. L’absence de réponse
simple à ce problème de l’étiologie, introduit au doute, à
la recherche, à l’immaîtrisable et permet de modifier progressivement le tout ou rien dans lequel l’adolescent et sa
famille se sont enfermés. Dans le meilleur des cas, ils
découvrent un plaisir à parler, à penser entre enfant et
parents. La distance pouvant alors s’instaurer par le biais
de la parole, la distance spatiale pouvant être ainsi mieux
négociée.
Par ailleurs, l’entrecroisement des histoires maternelles et paternelles avec l’histoire actuelle de l’adolescent
favorise les identifications réciproques, le repositionnement de chacun et introduit à l’ordre des générations.
L’ensemble de ce travail, qui s’apparente à de la guidance parentale tel qu’on peut le faire en pédopsychiatrie,
aide l’adolescent et sa famille à trouver un contenant psychique à l’angoisse, là où l’adolescent essayait d’y échapper par une distance spatiale soit en s’enfermant soit en se
diluant dans un espace sans limite.
Parallèlement, aux entretiens familiaux on propose aux
parents un lieu d’échange au sein d’un groupe de parents
d’adolescent présentant diverses pathologies à des stades
de soins différents. Ce groupe a pour but d’offrir un espace
de réflexion à des parents en recherche de solutions pour
survivre à la tourmente et au sentiment d’impasse qu’ils
éprouvent. Là aussi, on retrouve les thèmes de la culpabilité, l’absence de réponse toute faite, (« Faut-il attendre
que ça lui passe ou faut-il réagir ? ») l’évocation d’un sentiment de haine, de vœux de mort qui circulent entre
enfants et parents (« il finira par me tuer, par avoir ma
peau »), le problème de la bonne distance (« si je m’occupe de lui, il ne le supporte pas, si je lui fous la paix, alors
il a l’impression que je le laisse tomber ») et celui de la
sexualité de leur enfant. Toute cette recherche parlée
devient errance, tâtonnement, elle amène les parents en
s’appuyant sur le groupe à pouvoir se sentir moins en
marge, moins coupable, plus capable de redéfinir un espace
entre eux et leurs enfants, un entre deux, capable de redécouvrir ou de découvrir une compétence parentale.
Certaines portes ont pu se refermer et d’autres s’ouvrir.
C. Baldacci
Conclusion
Le parcours de soin d’adolescent que nous proposons pour
des adolescents souffrant de trouble des conduites tient
compte de la dimension de l’agir dans leur pathologie et de
leur difficulté à la symbolisation.
Il intègre la nécessité d’une réponse non différée aux situations de crise, crise qui est l’événement imprévu qu’il faut
saisir pour espérer les faire entrer dans un parcours de soins.
L’hospitalisation, est utile comme outil d’apaisement de
la crise, car une séparation physique des protagonistes peut
être nécessaire devant l’exacerbation du trouble des conduites. Elle a une fonction protectrice et permet à chacun de
souffler. Elle permet une évaluation clinique et thérapeutique attentive de troubles peu spécifiques à l’adolescence
qui peuvent s’intégrer dans divers tableaux psychopathologiques. La banalité des conduites peut contraster avec la sévérité du pronostic.
L’hospitalisation en milieu adulte, où des lits sont réservés
aux adolescents et des soins dispensés par une équipe motivée et formée à la prise en charge des adolescents a toute sa
pertinence en raison de sa capacité de contenance et du travail institutionnel original que favorise l’hétérogénéité des
groupes. De plus elle comporte l’avantage de pouvoir proposer des lieux de soins de proximité pour les adolescents en
s’appuyant sur le réseau de soins déjà existant grâce à l’organisation en secteur des soins psychiatrique en France.
Les soins de suite permettent, quant à eux de poursuivre
sur une durée suffisamment longue, dans des conditions compatibles avec les impératifs sociaux et familiaux l’élaboration
d’un projet de vie, incluant la dimension pédagogique et
éducative en collaboration avec un réseau de partenaires.
Dans ce parcours de soin, il manque un temps d’hébergement qui reste un problème crucial car le manque d’internat, la réduction d’accueil dans les structures socio-éducative
et judiciaire compliquent la prise en charge de ces adolescents qui ne peuvent bénéficier de structure « soins et études » en raison de leur parcours scolaire chaotique, alors
même que la prise de distance avec la famille est au cœur
de leur symptôme. La création d’un hébergement pour des
adolescents en soin serait non seulement utile dans la prise
en charge de ces patients mais permettrait de faire des économies en écourtant bon nombre de séjour hospitalier qui ne
se justifie que par manque d’hébergement.
Au cours de cet exposé, j’ai insisté sur le double parcours de soins nécessaire, pour venir en aide à ces adolescents, celui de l’adolescent mais aussi celui des parents qui
est aussi indispensable car l’expérience nous enseigne que
les soins apportés aux adolescents sont d’autant efficaces
que leurs parents tiennent face à lui et à la maladie.
Pour ces adolescents l’inscription dans ce parcours de
soins leur permettra de circuler physiquement entre lieux de
soins (urgence, hospitalisation, soins de suite, dispensaire
mais aussi lieux socio-éducatifs et pédagogiques). Il devra être
souple et coordonné, cette coordination se fera non seulement par une communication accrue et l’habitude d’un travail
en commun mais aussi grâce à des références théorico- clinique partagées qui garantissent la cohérence des soins.
Quel parcours de soins pour les adolescents présentant des troubles des conduites ?
Références
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