
L’encéphale, 1928: 501-507  L’Encéphale, 2010; 36
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mais à cela nous trouvons un inconvénient fondamental, et qui m’a déterminé pré-
cisément à soumettre ces cas à l’attention des médecins. Il faudrait fermer les yeux 
à la réalité et, aux dépens d’un symptôme capital, l’autisme, que l’on trouve comme 
base de la schizophrénie, il faudrait tolérer la présence gênante de l’affectivité, dont 
 l’absence est une autre des bases caractéristiques de la schizophrénie typique.
Comment concilier donc ces deux concepts contradictoires ?
Je sais bien que dans les vastes cadres de la schizophrénie – si vastes que l’on peut 
y faire entrer pas mal de cas syntones – il y a des formes atténuées, simples, latentes, 
qui peuvent régresser vers l’état normal, mais qui peuvent aussi bien être vouées à la 
démence. Mais c’est cette doctrine que je ne pourrais accepter pour les observations 
que je rapporte sans une rectication pathogénique qui risquerait de dénaturer gran-
dement la conception de la schizophrénie en tant que synonyme de tout processus 
mental ayant l’autisme comme symptôme prédominant, quelle qu’en soit l’évolution.
En clinique, il ne doit pas y avoir de place pour le lit de Procuste. Je crois qu’il faut 
réserver les mots signicatifs pour les cas clairs, et je ne crois pas convenable de donner 
un seul et même nom à des faits aussi divers que la conservation ou la disparition de 
l’affectivité, l’allure rapide ou l’allure très lente, la curabilité ou l’incurabilité.
Quand le professeur Claude décrivit sa schizomanie, qui a introduit tant de clarté 
dans l’étude de ces processus mentaux relevant de la constitution schizoïde, j’ai cru 
éclairci le problème nosologique et pathogénique de ces états, que je commençais 
à dénommer « syndrome schizothymique », tout en les considérant comme faisant 
partie de la psychose maniaque dépressive. Il me semblait parfait de joindre cette 
terminaison manie, qui signie processus aigu, bruyant, presque fugace, au préxe 
schizo, qui signie division, séparation, enn « autisme ». Mais en lisant avec plus 
 d’attention les descriptions de M. Claude et de ses élèves, je crains de n’avoir pas le 
droit non plus de classer ces états dans la schizomanie. En effet, si je n’ai pas mal com-
pris le très distingué maître de Sainte-Anne, la schizomanie établirait une différence 
seulement de degré, de quantité et non de qualité, avec la schizophrénie typique ; elle 
serait une sorte de chaînon entre le schizoïde prédisposé et le processus démentiel du 
schizophrénique, quoique l’évolution totale ne se réalise pas toujours.
Et encore, il y aurait, si j’ai bien compris, la possibilité de trouver des schizomanes 
avec ou sans conservation de l’affectivité, élément que je crois précisément comme 
de nature sufsant à distinguer les processus schizo des autres qui ne sont pas schizo, 
par exemple les dysthymiques. Or, je crois qu’il faut voir une différence essentielle et 
non de degré, de qualité et non de quantité si l’on peut dire, une différence de patho-
génie entre les états aigus, curables, avec conservation de l’affectivité que nous observons 
assez souvent, et ces autres états véritablement schizophréniques, et que la différence 
doit consister en quelque chose dont la traduction clinique est précisément, chez les 
 premiers, l’installation rapide, la conservation de l’affectivité et la curabilité.
Ce quelque chose, enn, doit être en relation avec le mécanisme intime du proces-
sus, comme si les uns – les cas aigus – n’affectaient par exemple que les enveloppes 
du tissu cérébral, déclanchant des syndromes mentaux seulement par réactions de 
voisinage, et si les autres – les cas chroniques – relevaient de lésions primitivement 
neuro-épithéliales, des mêmes systèmes neuronaux.
On dirait que parmi ces cadres qui peuvent se ressembler à première vue au point 
de vue clinique, mais qui se différencient par des nuances importantes dans les