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L’Encéphale (2010) 36, 294—301
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MÉTHODOLOGIE
Validation de la version française de l’échelle
abrégée d’appréciation psychiatrique
étendue avec ancrage, BPRS-E(A)
Validation of the French version of the expanded Brief Psychiatric
Rating Scale with anchor BPRS-E(A)
F. Mouaffak a,b, Y. Morvan a,b, S. Bannour a,b, M. Chayet a,b, M.-C. Bourdel a,b,
G. Thepaut c, M. Kazes a,b, J.-D. Guelfi d, B. Millet c,
J.-P. Olié a,b, M.-O. Krebs a,b,∗
a
Inserm U894, laboratoire physiopathologie de maladies psychiatriques (LPMP), centre de psychiatrie et neuroscience, France
Service hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique, faculté de médecine Paris-Descartes,
université Paris-Descartes, centre hospitalier Sainte-Anne, 7, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France
c
Université de Rennes 1, centre hospitalier Guillaume-Régnier, 35703 Rennes cedex 7, France
d
CMME, faculté de médecine Paris-Descartes, université Paris-Descartes, centre hospitalier Sainte-Anne, France
b
Reçu le 27 novembre 2008 ; accepté le 28 avril 2009
Disponible sur Internet le 25 septembre 2009
MOTS CLÉS
Version française de
la Brief Psychiatric
Rating Scale (BPRS) ;
Validation ;
Analyse en
composantes
principales ;
Psychopathologie ;
Trouble psychotique
aigu ;
BPRS 24
∗
Résumé L’échelle abrégée d’appréciation psychiatrique était destinée initialement à la
mesure du changement symptomatique chez des patients hospitalisés en psychiatrie pour
différentes pathologies. La version originale a été étendue à 18 items, puis à 24 items dans le
but d’accroitre sa sensibilité aux symptômes psychotiques et affectifs. La dernière version de
la BPRS 24 ou BPRS-E(A) est pourvue de points d’ancrages qui définissent les degrés de cotation.
Huit études ont été menées sur la structure factorielle de la BPRS-E(A). Malgré les nombreux
points en commun, des divergences existent qui peuvent s’expliquer par l’hétérogénité des
échantillons et les différences méthodologiques. L’objet de notre travail a été la traduction
et validation d’une version française de cette échelle sur une population cliniquement variée
de 111 sujets. Nous avons mené une analyse en composantes principales suivie d’une rotation
oblique sur les données de cette population qui nous ont permis d’extraire une solution à
trois facteurs : symptômes positifs-désorganisation, anxiété-dépression et symptômes négatifs,
superposables aux données de la littérature. Nous avons également retrouvé un bon niveau de
consistance interne et de fidélité intercotateurs qui confirment les qualités psychométriques
de cette échelle. Les points en commun et les divergences entre nos résultats et les données
de la littérature sont discutés.
© L’Encéphale, Paris, 2009.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (M.-O. Krebs).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2009.
doi:10.1016/j.encep.2009.04.003
Validation de la version française de la BPRS-E(A) 24 items
KEYWORDS
French translation of
the Brief Psychiatric
Rating Scale (BPRS);
Validation;
Principal component
analysis;
Rating scale;
Psychosis;
BPRS 24
295
Summary
Introduction. — The Brief Psychiatric Rating Scale was initially developed as a rapid method to
assess symptom change in psychiatric inpatients of various diagnoses. The original version was
expanded to an 18-item version and thereafter to a 24-item version to increase sensitivity to a
broader range of psychotic and affective symptoms. The latest version of the expanded 24- item
BPRS provides probe questions and detailed anchor points for the ratings for each item.
Literature findings. — Studies have shown the expanded and anchored 24-item BPRS to be a
sensitive and effective measure of psychiatric symptoms with good interrater reliability that
can be maintained over time. To our knowledge, there are eight published papers including
factor analyses of the BPRS-E(A). While many similarities are evident between these studies,
inconsistencies are apparent that may have been due to sample size, characteristics and /
or methodological differences in the factor analysis computation. Among these studies, six
provided a four-factor solution. There was no French version of this scale available.
Methods. — After its translation into French and back translation, we investigated the validity of the French BPRS-E(A) version. We carried out a component analysis on the data of
111 participants of various diagnoses, mostly hospitalised for a first psychotic episode, yielding to a three-factor solution (positive symptoms — disorganisation; depression-anxiety and
negative symptoms).
Results. — A good internal consistency and interrater reliability were found. These results
confirm the psychometric value of the BPRS-E(A) in its French version. We compared those
findings to earlier reports; similarities and differences are discussed.
© L’Encéphale, Paris, 2009.
Introduction
L’échelle abrégée d’appréciation psychiatrique (Brief Psychiatric Rating Scale ou BPRS) décrite en 1962 par John
E. Overall et D. R. Gorham [21], disponible en version
française depuis 1967 [22], est l’instrument de ce type le
plus utilisé dans le monde. La forme originale de 1962, à
16 items, était destinée à la mesure du changement symptomatique [9]. À cette forme, succèdera une deuxième à
18 items [19] qui sera largement utilisée dans la recherche
pharmacologique[20] et psychosociale pour l’évaluation du
changement symptomatique dans le temps [29]. De nombreuses tentatives d’extension ou de réduction de la BPRS
suivront, dont la BPRS expanded (étendue) ou BPRS-E
[15]. Destinée spécifiquement à l’étude de la réhabilitation des patients souffrant de schizophrénie [17], cette
version contient six items supplémentaires concernant la
bizarrerie du comportement, la négligence de soi, la suicidalité, l’humeur expansive, l’hyperactivité motrice et
la distractibilité. La BPRS-E conserve les sept niveaux de
cotations, de la forme originale, mais qui sont désormais
définis par quelques phrases précisant les comportements
qui permettent de considérer un niveau de cotation comme
atteint. Ces phrases sont généralement désignées comme
« descripteurs » ou « points d’ancrage ». La BPRS ainsi modifiée a été dénommée BPRS-E(A) pour BPRS étendue avec
ancrage [31] ou BPRS 24. L’introduction de ces modifications, extension et ancrage, vise à élargir la couverture de
la BPRS à d’autres domaines de la psychopathologie notamment les domaines psychotique et affectif, à optimiser les
qualités métrologiques de l’outil [6,25], à opérationnaliser
les concepts de rechute et/ou d’exacerbation symptomatique [18].
Huit travaux publiés ont étudié les propriétés psychométriques et la structure factorielle de la BPRS-E
et de la BPRS-E(A) [1,8,14,26,27,28,29,32] (Tableau 1). Les
échantillons utilisés dans ces études sont hétérogènes à
plusieurs égards. Au niveau diagnostique, en dehors de
Ruggeri et al. [26] et Van der Does et al. [28] qui ont
mené leurs études sur des populations de patients souffrant de schizophrénie, tous les autres auteurs ont aussi
inclus des patients présentant des troubles de l’humeur,
des troubles anxieux, des troubles de la personnalité ou
des troubles mentaux non spécifiés. La taille des échantillons est trés variable d’une étude à une autre (de 65 sujets
pour Van der Does et al. [28], à 1440 sujets pour Ruggeri et al., [26]). La méthodologie statistique utilisée est
également variable. Les méthodes d’extraction (analyse
en composante principale ou maximum de vraisemblance)
et de rotation (varimax, oblique ou oblimin) ont permis
de retrouver des solutions à quatre facteurs pour six des
huit auteurs : anxiété/dépression, psychose/trouble de la
pensée, symptômes négatifs ou retrait/ralentissement et
activation/manie. Ces solutions s’alignent sur les solutions
quadri-factorielles les plus retrouvées dans la littérature
pour la BPRS-18 items [10,12]. Seuls deux auteurs, Burger et al. [2] et Dingemans et al. [8], individualisent un
cinquième facteur, hostilité/suspicion pour Burger et al.
[2] qui y regroupe trois items (hostilité, suspicion et noncoopération) et désorientation pour Dingemans et al. [8],
facteur à deux items (désorientation et maniérisme-trouble
de la posture). Van der Does et al. [28], aprés avoir extrait
deux solutions de trois et de quatre facteurs retiennent la
dernière. Ces solutions expliquent selon les études 50 à 92 %
de la variance. Globalement, la BPRS-E est considérée par
les différents auteurs comme une échelle fiable, quelles que
soient les populations psychiatriques explorées.
Si la BPRS-E, dans sa version originale, a été validée
par plusieurs études, il n’existait pas à ce jour de version française validée. L’objet de notre travail a été la
296
Tableau 1
Revue des études de validation et de structure de la BPRS 24 items.
Extraction
Rotation
Facteurs
Variance
Dépression/Anxiété/Affect
Dépression
Anxiété
Culpabilité
Préoccupations somatiques
Hostilité
Suicidalité
Psychose/Trouble de la pensée
Contenu inhabituel de la pensée
Hallucinations
Désorganisation conceptuelle
Suspicion
Idées de grandeur
Comportement bizarre
Désorientation
Van der Does et
al., 1993
Dingemans
et al., 1995
Burger et
al., 1997
Ventura et al.,
2000
Thomas et al,
2004
Velligan et
al, 2005
Kopelowicz
et al, 2007
n = 65
n = 150
n = 165
n = 107
n = 280
n = 1440
n = 565
Composante
principale
Oblique
F=4
55,9 %
Composante
principale
Varimax
F=5
51,9 %
Composante
principale
Oblique
F=5
92 %
Composante
principale
Varimax et oblique
F=4
NP
Maximum de
vraisemblance
Oblimin
F=4
41,7 %
Analyse
principale
Oblique
F=4
51,67 %
Composante
principale
Varimax
F=4
50 %
0,61
0,69
0,41
0,86
0,75
0,64
0,58
0,79
0,77
0,71
0,03
0,75
0,62
0,58
0,85
0,65
0,66
0,52
0,79
0,78
0,70
0,78
0,67
0,62
0,73
0,71
0,57
0,56
0,678
0,64
0,85
0,65
0,54
0,86
0,79
0,61
0,53
0,72
0,61
0,66
0,88
0,73
0,34
0,36
0,85
0,47
0,65
0,51
0,82
0,86
0,88
0,43
0,47
0,85
0,76
0,84
0,77
0,70
0,66
0,38
0,37
0,22
0,40
0,59
0,57
0,70
0,79
0,70
0,81
0,81
0,77
0,77
0,77
0,35
0,81
0,56
0,76
0,60
0,73
0,67
0,41
0,25
Symptômes négatifs ou retrait/Ralentissement
Émoussement des affects
0,70
Ralentissement moteur
0,85
Retrait affectif
0,85
Non-coopération
Maniérisme et trouble de la posture
Désorientaion
0,43
Négligence corporelle
0,79
0,52
0,61
0,58
0,66
0,65
0,76
0,71
0,63
0,41
0,78
0,77
0,79
0,48
0,24
0,67
0,52
0,55
0,11
0,34
0,77
0,99
0,44
0,42
0,57
0,58
0,85
0,75
0,57
0,61
0,53
0,419
0,819
0,66
0,62
0,69
0,62
0,449
F. Mouaffak et al.
Activation
Excitation
Tension
Maniérisme et trouble de la posture
Désorganisation conceptuelle
Comportement bizarre
Élévation de l’humeur
0,44
0,68
traduction et la validation de la version française de cet
outil, l’étude de ses caractéristiques psychométriques et
de sa structure factorielle sur une population clinique
variée de patients hospitalisés pour un premier épisode
psychotique et de consultants dans une unité d’évaluation
et de recherche clinique.
0,57
0,78
n = 565
297
0,80
Traduction et rétrotraduction de l’échelle
L’échelle originale de la BPRS-E(A) étendue avec ancrage
s’accompagne d’un livret élaboré par Lukoff et al. [16]
indiquant les principales règles générales de cotation, proposant un entretien semi-structuré, des définitions des
items précisant les informations à prendre en compte et
des points « d’ancrage » pour chaque niveau de cotation
[16,30]. L’échelle a été traduite à partir de cette version
originale ainsi que le livret d’entretien/cotation puis « rétrotraduite » de façon indépendante. Les deux versions ont été
comparées et les différences jugées minimes.
n = 107
0,69
0,87
0,45
0,41
n = 165
0,37
0,66
0,82
Ventura et al.,
2000
Burger et
al., 1997
n = 280
n = 1440
Matériel et méthode
Dingemans
et al., 1995
n = 150
0,42
0,71
Van der Does et
al., 1993
n = 65
0,74
0,76
0,65
Cent onze sujets ont été inclus dans cette étude : 68 probants et 43 apparentés. Parmi les probants, 52 participent
à l’étude « Primepi », enquête longitudinale incluant des
patients remplissant les critères d’un premier épisode psychotique, le reste de l’échantillon provient d’une deuxième
étude : « Refapsy » dont la population est composée de
familles probants atteints et apparentés de premier degré.
Tous les participants ont reçu une information et donné leur
consentement écrit.
0,76
0,76
0,88
0,50
0,72
Sujets
Désorientation
Désorientation
Maniérisme et trouble de la posture
Désorientation
Hostilité/Suspicion
Hostilité
Suspicion
Non-coopération
0,76
Les procédures d’évaluation
Distractibilité
Hyperactivité motrice
Hostilité
Idées de grandeur
Tableau 1 (Suite )
Thomas et al,
2004
Velligan et
al, 2005
Kopelowicz
et al, 2007
Validation de la version française de la BPRS-E(A) 24 items
Pour tous les participants, le diagnostic était établi à l’issue
d’un entretien semi-structuré avec un clinicien (psychiatre
ou psychologue) au moyen de la Diagnostic Interview for
Genetic Studies (DIGS) dans sa version 3.0 (version française)
[4].
La passation de la BPRS-E a été effectuée par des cliniciens, psychiatres ou psychologues (FM, SB, DW) [25], formés
par un évaluateur expérimenté en entretiens conjoints ou
lors de sessions de cotation sur un support audiovisuel.
Les sujets ont également été évalués par la Clinical Global
Impression (CGI).
Analyses statistiques
L’analyse descriptive a permis de déterminer les caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, niveau d’étude)
et cliniques (répartition des diagnostics, âge de début de la
maladie, scores moyens aux différentes échelles utilisées).
Le cœfficient kappa de corrélation intercotateurs entre
les deux principaux investigateurs (FM et SB) a été mesuré
lors de sessions de cotations conjointes sur un échantillon
indépendant de 20 patients.
Une analyse exploratoire en composantes principales
(ACP) a été réalisée sur la matrice de corrélation des 24
298
Tableau 2
F. Mouaffak et al.
Structure trifactorielle de la version française de la BPRS-E(A) après rotation oblique.
Symptômes positifs- désorganisation
Items
Comportement bizarre
Contenu inhabituel de la pensée
Méfiance
Comportement hallucinatoire
Désorganisation conceptuelle
Mégalomanie
Distractibilité
Hostilité
Non-coopération
Excitation
Maniérisme
Tension
Négligence personnelle
Euphorie
Désorientation
Préoccupations somatiques
Dépression
Tendance suicidaire
Sentiment de culpabilité
Anxiété
Ralentissement moteur
Émoussement affectif
Retrait affectif
Hyperactivité
Alpha de Cronbach
0,897
0,861
0,809
0,780
0,778
0,777
0,774
0,740
0,739
0,728
0,690
0,635
0,631
0,590
0,538
0,496
−0,116
−0,006
−0,125
0,351
0,019
0,343
0,364
0,519
0,94
Anxiété- dépression
−0,048
0,057
−0,095
−0,031
−0,027
−0,307
0,196
−0,036
−0,003
−0,139
−0,116
0,341
0,122
−0,282
0,131
0,162
0,865
0,821
0,800
0,690
0,579
0,100
0,131
−0,28
0,83
Symptômes négatifs
−0,121
−0,177
−0,167
−0,018
−0,277
0,183
0,228
−0,009
0,076
0,536
−0,324
0,199
−0,238
0,345
0,215
−0,149
0,021
0,008
0,004
0,089
−0,324
−0,802
−0,757
0,644
0,92
Seules les saturations supérieures à 0,38 ont été considérées comme significatives et présentées. Elles figurent en gras dans le tableau.
items de la BPRS-E(A). Plusieurs techniques ont été utilisées pour choisir le nombre de facteurs à retenir : le
critère de Kaiser[13] ou valeurs propres supérieures à un
puis le Scree Test de Cattell [3] ou point d’inflexion de la
courbe des valeurs propres. Ensuite, deux méthodes ont été
conduites afin d’optimiser la saturation des variables sur
les facteurs : une rotation varimax et une rotation oblique
(Oblimin directe). La détermination des facteurs a été faite
conjointement par MCB, ingénieur et GT psychiatre.
Le cœfficient ␣ de Cronbach a été calculé pour valider
la distribution des items dans les facteurs. La corrélation de
chaque item avec l’ensemble de l’échelle a été mesurée,
ainsi que leur cœfficient d’extraction.
Le logiciel utilisé est la 12e version du Statistical Package
for the Social Sciences (SPSS v12).
Résultats
psychotiques, cinq un trouble schizo-affectif, trois, un
trouble anxieux et trois autres troubles. Parmi les participants, 20 ne présentaient aucun trouble au jour de
l’évaluation. Le score moyen à la BPRS-E est de 53,1 (ET :
23,1). À la CGI, la moyenne est de 4,79 (ET :1,4). L’âge
du premier épisode psychopathologique est à 25,9 (ET :
11,4).
Le cœfficient de corrélation ␣ entre les deux principaux
cotateurs (FM et SB) est de 0,94.
Il existe une bonne corrélation entre la moyenne des
scores totaux à la BPRS-E(A) et les stades de la CGI. Les
49 sujets évalués par la CGI sont tous cotés aux degrés 4, 5 ou
6. Pour le degré 4 : quatre sujets, score total moyen de 56,75
(ET = 2,87). Pour le degré 5 : 22 sujets, score total moyen de
65,59 (ET = 11,47). Pour le degré 6 : 23 sujets, score total
moyen de 78,91 (ET = 17,86). Une différence significative des
degrés de cotation à la BPRS est retrouvée entre ces trois
degrés (F[2,46] = 6,8 ; p = 0,003).
Description de la population
Consistance interne de l’échelle
L’âge moyen des participants, dont 55 % sont des femmes
est de 37,9 (ET : 17,1) ans. Le nombre d’années d’études
est en moyenne de 14 années (ET : 3,25). Sur l’ensemble
des 111 sujets, les diagnostics retenus sont : 44 sujets souffrant de trouble psychotique (SZ : schizophrénie, psychoses
non spécifiées et troubles schizophréniformes). Onze sujets
présentant un trouble bipolaire de l’humeur, 23 un trouble
dépressif, deux un trouble dépressif avec caractéristiques
La plupart des items ont une bonne corrélation à l’ensemble
de l’échelle en dehors des items dépression, tendances
suicidaires, culpabilité, euphorie, ralentissement moteur et
hyperactivité qui ont un cœfficient de corrélation inférieur
à 0,5. Les items ayant le score moyen le plus élevé sont
anxiété (3,75), contenu inhabituel de la pensée (3,01) et
méfiance (2,82). Ceux ayant le score moyen le plus faible
Validation de la version française de la BPRS-E(A) 24 items
299
Discussion
Figure 1
Graphique des valeurs propres.
sont : désorientation (1,43), euphorie (1,5), hyperactivité
(1,68) et tendances suicidaires (1,71).
Analyse factorielle
En utilisant le critère de Kaiser [13], une solution à quatre
facteurs a été extraite représentant 68,5 % de la variance.
La méthode des Scree Plot de Cattell [3] trouve un point
d’inflexion de la courbe des valeurs propres entre le troisième et le quatrième facteur. Afin d’optimiser les données,
deux techniques de rotation sont employées : varimax et
oblique.
La solution retenue a été la rotation oblique à trois facteurs, solution qui a la meilleure consistance interne et
qui permet la meilleure interprétation psychopathologique.
Cette solution explique 63,4 % de la variance.
Le premier facteur de cette solution porte 38 % de la
variance avant rotation. Il regroupe 17 items et représente à
la fois les dimensions positives, excitation et désorganisation
de la symptomatologie.
Le deuxième facteur correspond à 17 % de la variance.
Il est constitué de cinq items représentant la dimension
anxiodépressive de la symptomatologie.
Le troisième facteur correspond à 8,4 % de la variance et
est constitué par deux items ayant une saturation négative
représentant la dimension négative de la symptomatologie et un item avec une saturation positive, l’hyperactivité
qui est également bien représenté sur le premier facteur
(Tableau 2) (Fig. 1).
En comparant la structure factorielle de la BPRS, 24 items
avec celle de la BPRS 18 items issue de 24 items, les trois
facteurs sont retrouvés avec la même répartition des items.
Le cœfficient ␣ de Cronbach a été calculé pour les trois
facteurs ␣1 égal à 0,94 ; ␣2 égal à 0,83 et ␣3 égal à 0,92.
Pour l’ensemble : ␣ total égal à 0,915. Les résultats de ces
calculs permettent ainsi de valider la consistance interne de
l’échelle.
Les résultats présentés ici sont les premiers concernant l’étude de la version française de la BPRS-E(A). Ils
confirment la validité de cet outil quant à sa capacité à évaluer la sévérité symptomatique. Ils permettent, par ailleurs,
d’en apprécier la fidélité intercotateurs. La structure factorielle obtenue de façon exploratoire sur une population
clinique variée consiste en une solution en trois principaux
facteurs.
Nous avons retrouvé une bonne corrélation entre la
moyenne des scores totaux de la BPRS- E(A) et les degrés
de la CGI, ce qui peut aussi être considéré comme un critère de référence. Les scores totaux à la BPRS-E(A) version
française semblent donc offrir une bonne représentation de
l’état global du patient.
Les items sont tous significativement corrélés au score
total de l’étude, soulignant la cohérence des items. Au-delà
de cette cohérence, l’étude de la structure factorielle permet d’évaluer le poids respectif de différentes dimensions
symptomatiques. L’étude réalisée ici retient une structure en trois facteurs, alors que les études antérieures
concluaient à quatre ou cinq facteurs. Cette divergence
peut être liée et à des différences dans les populations étudiées (quantitativement et qualitativement) et à certaines
différences dans la méthodologie statistique utilisée.
Une règle générale, communément admise dans les
études de structure, requiert un rapport nombre de participants à item d’au moins 10 [7]. Ce ratio a été revu à la baisse
par certains auteurs dont Comrey et Lee [5] qui estiment
qu’un ratio de 5 est suffisant. En moyenne, le ratio calculé
pour les études antérieures est de 16,5. Il est considérablement accru dans les études de Velligan et al. (1440 sujets
et ratio à 60) [29] de Kopelowicz et al. (566 sujets et ratio
à 23,6) [14] et de Ruggeri et al. (404 sujets et ratio à 16,9)
[26] ; les autres études explorant des échantillons de taille
réduite (65 à 165 sujets soit un ratio de 2,8 à 6,9) [2,8,28,32]
ou moyenne (280 sujets soit un ratio à 11,6) [27]. Dans notre
étude, le ratio est de 4,6, ce qui peut être considéré comme
une limitation de la validité de notre solution factorielle.
Dans notre étude, le choix d’une population hétérogène, comprenant patients et apparentés, s’explique
par la volonté d’obtenir une validation généralisable à
une population « tout venant ». Les sujets apparentés,
sans avoir une pathologie exprimée présentent, probablement, un poids génétique et une symptomatologie modérée
qui pourrait être superposée à celle présentée par des
patients en fin d’essai thérapeutique. En termes statistiques, l’hétérogéneité de l’échantillon peut influer la
structure factorielle et limiter la stabilité de celle-ci. Une
analyse factorielle confirmatoire multisample permettrait
de tester cette stabilité mais notre échantillon est trop petit
pour que nous puissions l’effectuer.
La moitié des études antérieures ont utilisé la rotation varimax qui suppose des dimensions orthogonales.
L’autre moitié a eu recours à la rotation oblique qui permet l’examen des corrélations entre les facteurs. Peralta
et Cuesta estiment que la rotation oblique est conceptuellement plus adaptée dans l’étude de la symptomatologie
psychiatrique [23]. Nous nous sommes appuyés sur ces recomandations ainsi que celles de Preacher et MacCallum qui
suggèrent le recours à plusieurs analyses complètes en
300
modifiant le nombre de facteurs extraits et en s’appuyant
ultimement sur le critère le plus subjectif, lié à la facilité à
interpréter la solution [24].
La première solution à quatre facteurs obtenue, malgré
sa proximité avec les données de la littérature, est portée par une faible consistance interne et est difficilement
interprétable. La deuxième à trois facteurs, obtenue après
rotation oblique, correspond plus à la réalité clinique de la
sous-population dominante de notre échantillon et bénéficie
d’une meilleure consistance interne.
Si l’on compare les items de nos trois facteurs avec
ceux des études antérieures, on constate que la répartition
des items dans notre étude est proche en considérant que
la dimension « symptômes positifs-désorganisation » correspond aux deux dimensions « psychose » et « activité ». Ce
regroupement reflète le poids dans notre échantillon de
patients hospitalisés dans un tableau psychotique aigu. Ce
poids n’est pas équilibré par le reste de la population dont
20 sujets sont des apparentés sains.
Le deuxième facteur est superposable au facteur dépression retrouvé dans la plupart des études. Deux items,
préoccupation somatique et ralentissement moteur, font
la différence. Le premier appartient au facteur dépression
dans la moitié des études et le deuxième est habituellement
associé à la dimension déficitaire. Dans notre étude, l’item
préoccupation corporelle rejoint la dimension des symptômes positifs et l’item ralentissement intègre la dimension
dépressive. Cette différence s’explique par la composition
de l’échantillon et correspond plus à la réalité clinique du
premier épisode psychotique où le ralentissement est plus
en lien avec la symptomatologie dépressive et les préoccupations somatiques sont plus souvent délirantes.
Le troisième facteur, symptômes négatifs, regroupe principalement deux items : émoussement affectif et retrait
affectif, saturés négativement. Cette dimension inclut dans
les études antérieures le ralentissement moteur, la négligence corporelle, le maniérisme et la désorientation. Ces
items ont rejoint, dans notre travail, la dimension psychotique et de désorganisation.
La consistance interne de notre version 0.91, et de ces
trois facteurs est supérieure à la consistance interne mesurée dans les études antérieures. La fidélité interjuges (0,94)
confirme, par ailleurs, l’opinion de Roncone et al. [25]
qui estiment que la BPRS-E permet, lorsque la formation
des cotateurs et les conditions de cotation sont optimales,
d’obtenir un bon niveau de fidélité.
Une comparaison entre la structure factorielle de la
BPRS-E et la BPRS 18 items issue des 24 items montre des
résultats comparables avec la même répartition des 18 items
dans les trois facteurs. On pourrait donc se demander, à
l’instar d’Hafkenscheid [11], si les six items additionnels ne
s’avèrent pas redondants. Une étude comparant deux populations, la première homogène de patients schizophrènes et
la seconde, de patients psychiatriques hétérogènes permettra sans doute de répondre à cette interrogation.
Conclusion
La BPRS est l’échelle de psychopathologie encore
aujourd’hui la plus utilisée dans le monde. Elle a subi
plusieurs modifications depuis sa création visant à améliorer
F. Mouaffak et al.
la fidélité interjuges et à élargir le spectre de la psychopathologie étudiée. La plus récente est la BPRS-E(A). Notre
étude est la première à évaluer les caractéristiques métrologiques et la structure factorielle de sa version française.
Les résultats vont dans le sens de qualités métrologiques
satisfaisantes. Les facteurs retrouvés sont au nombre de
trois : « symptômes positifs- désorganisation », « anxiétédépression », « symptomatologie négative ». Il conviendra
d’étudier dans le futur la stabilité de la solution à trois
facteurs obtenue, chez un même sujet ou d’une catégorie
diagnostique à une autre, d’étudier la validité discriminante de ce nouvel outil d’évaluation et de vérifier si sa
sensibilité au changement s’avère supérieure à la forme
à 18 items.
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