S26 A. Pelissolo
Sévérité de la maladie au long cours
Sur un axe longitudinal, les critères de sévérité sont la chro-
nicité, l’ancienneté de la maladie, un niveau de récurrence
élevé, une résistance aux traitements de consolidation ou de
maintenance, une bipolarité, des troubles de la personnalité
associés, et la plupart des comorbidités psychiatriques.
Facteurs contextuels
D’autres facteurs contribuent à la gravité de la dépression : la
présence de stress psycho-sociaux intenses et durables, l’exis-
tence de comorbidités somatiques, le grand âge, les formes
de l’enfant, l’existence de contre-indications aux traitements.
Comment formaliser la sévérité/gravité
de la dépression
Les deux approches habituelles en psychiatrie – l’approche
dimensionnelle et l’approche catégorielle – peuvent être envisa-
gées pour formaliser, et rendre opérationnelle pour le choix de
la thérapeutique, l’évaluation de la sévérité de la dépression.
Approche dimensionnelle
L’approche dimensionnelle, résultant de scores aux échelles
d’évaluation symptomatique, fournit un continuum de
sévérité, et permet de défi nir un continuum de l’intérêt
du traitement antidépresseur, puisqu’il est établi que la
différence d’effet entre le placebo et l’antidépresseur est
de plus en plus marquée au fur et à mesure que la sévérité
de la dépression augmente.
Approche catégorielle
L’approche catégorielle envisage des typologies, qualitatives,
de dépressions, avec comme objectif de déterminer si un
type particulier de dépression répond spécifi quement mieux
à un traitement particulier.
Les diverses classifi cations, et en particulier la plus uti-
lisée, le DSM IV, proposent plusieurs marqueurs de sévérité,
mais pas de catégorisation stricte qui considèrerait certains
types de dépressions comme plus sévères que d’autres, la
description de l’épisode dépressif majeur étant commune à
tous les niveaux de sévérité.
Dans la description de l’épisode dépressif majeur,
certains critères sous entendent une certaine sévérité,
comme la durée d’au moins deux semaines de l’épisode,
le changement important par rapport à l’état antérieur,
la souffrance cliniquement signifi cative ou l’altération du
fonctionnement, mais le DSM défi nit la dépression sévère
avant tout par un plus grand nombre de symptômes, et un
retentissement plus net.
Néanmoins, la forme de dépression avec caractéristique
psychotique est décrite comme une forme très sévère, avec
des critères qualitatifs (présence d’idées délirantes ou d’hal-
lucinations congruentes à l’humeur), et d’autres marqueurs
de sévérité, qualifi ant les épisodes dépressifs majeurs,
sont souvent corrélés avec l’intensité de la dépression : les
épisodes dépressifs avec caractéristiques catatoniques, avec
caractéristiques mélancoliques, avec symptômes somatiques.
Les propositions du DSM-V
en matière de sévérité
Le futur DSM-V propose des caractéristiques supplémentaires
pour défi nir la sévérité de la dépression : la présence d’une
anxiété – légère à sévère- et la présence d’un risque suici-
daire. Cette nouvelle version du DSM propose également une
cotation plus précise de la sévérité, à travers deux outils :
la CGI (clinical global impression), et le PHQ-9, question-
naire patient qui permet une évaluation quantitative des
neuf critères diagnostiques de l’épisode dépressif majeur,
et du retentissement de la symptomatologie dépressive sur
la vie quotidienne (Fig. 1).
Le score obtenu au PHQ-9 permet de classer la dépression
en 3 catégories : partiellement, moyennement, ou très
sévère.
Cette opérationnalisation de la sévérité de la dépression
par le PHQ-9 correspond à ce qui est fait jusqu’à présent avec
les échelles symptomatiques de dépression : une dépression
est défi nie comme sévère si le score à la MADRS est supérieur
à 30, ou si le score à l’échelle de Hamilton-17 items est
supérieur à 25.
D’autres mesures psychométriques peuvent aussi contri-
buer à évaluer la sévérité ou la gravité de la dépression,
comme les échelles d’adaptation sociale, les échelles de
qualité de vie, ou encore l’échelle de fonctionnement global
(ou GAF) du DSM-IV, où un score inférieur à 40 rend compte
d’une altération du sens de la réalité ou de la communi-
cation, ou d’un handicap majeur dans plusieurs domaines
de fonctionnement (scolaire, professionnel, familial, etc.).
Limites de l’approche scalaire
Si les échelles sont des outils utiles pour défi nir une gravité ou
une sévérité de la dépression, leur utilisation dans ce but se
heurte à diverses limites : l’absence de validité diagnostique
de cette démarche, l’absence de croisement validé avec une
dimension syndromique, l’absence de validation spécifi que dans
les formes sévères, une structure factorielle contestée alors que
le score total n’est pas toujours représentatif de la sévérité.
Certains auteurs ont donc fait des propositions alterna-
tives, en développant des outils centrés spécifi quement sur
certains tableaux cliniques, comme les échelles de mélanco-
lie (Bech et Rafaelsen, 2002), de ralentissement (Widlocher,
1983), ou l’échelle CORE (Parker, 1994) (Tableau 2).
L’exemple de la stimulation cérébrale
profonde
La stimulation cérébrale profonde étant une technique
encore très innovante et non dénuée de risque, le choix
des critères retenus dans les protocoles de recherche sur
cette modalité thérapeutique implique de manière centrale
la défi nition de ce qu’est une dépression sévère ou grave.
Ce choix de critère, par exemple dans le protocole fran-
çais STIM, souligne bien la diffi culté à défi nir une dépression
sévère et résistante, puisque cette défi nition doit prendre
en compte à la fois le tableau actuel et l’allure évolutive
(chronicité et récurrence) ; la résistance thérapeutique y
est défi nie comme la persistance, malgré le traitement, de
différents critères de sévérité symptomatique, comme un
score d’au moins 21 à la HDRS-17 items, un score inférieur
à 50 à la GAF, et un score d’au moins 4 à la CGI-S.