souvent surestimée par les données
de la littérature, en particulier dans le
cas de la maladie d’Alzheimer.
Sur le plan cognitif
Les modifications de l’activité sont
associées à des troubles cognitifs
dans la démence alors qu’elles sont la
conséquence du trouble de l’humeur
dans la dépression. Dans un cas, le
déficit cognitif est au premier plan
alors que dans l’autre la dysphorie
domine. Dans la maladie d’Alzhei-
mer, on retrouve plus souvent une
perte de la motivation (apathie), une
absence d’intérêt du sujet pour lui-
même, sa santé et ses activités, ainsi
qu’une minimisation des difficultés.
Dans le cadre de la dépression, la
personne s’inquiète pour sa santé,
présente des plaintes somatiques, se
dévalorise et résiste aux stimulations.
Sur le plan affectif
Le sujet déprimé éprouve un senti-
ment pénible de tristesse, de solitu-
de, d’abandon, une douleur morale,
un dégoût de soi et des autres. Il est
indifférent aux affects positifs, mais
très sensible aux émotions négatives.
La dysphorie est permanente avec
une prédominance matinale.
Le sujet souffrant d’une maladie
d’Alzheimer présente souvent en dé-
but de maladie une apathie avec un
affect émoussé et de faibles réactions
aux émotions (positives ou néga-
tives). On note une labilité de l’hu-
meur, une fluctuation transitoire
entre émoussement affectif et incon-
tinence émotionnelle (moments
anxieux, dépressifs). Le début de la
maladie démentielle est souvent diffi-
cile à préciser en raison d’une évolu-
tion lente sur plus d’un an. Si le début
récent est mentionné par la famille
rapporté à un événement marquant,
l’interrogatoire permet généralement
de mettre en évidence des troubles
beaucoup plus anciens qui n’avaient
pas inquiété l’entourage et qui ne
prennent leur signification qu’à l’oc-
casion de l’épisode récent. La présen-
ce d’antécédents psychiatriques ne
doit pas faire écarter le diagnostic de
maladie d’Alzheimer. Dans la dépres-
sion, le début des troubles est plus
net, parfois secondaire à une situa-
tion affective, souvent remontant à
moins de six mois. On retrouve sou-
vent des antécédents psychiatriques
notamment d’épisodes antérieurs de
dépression. Cependant la dépression
peut être à début tardif : l’absence
d’antécédents n’élimine donc pas ce
diagnostic. À l’entretien, le sujet
s’exprime lentement avec une voix
monotone et des gestes ralentis (ra-
lentissement psychomoteur).
Sur le plan mnésique
Les troubles mnésiques sont un élé-
ment de différenciation fondamental
entre dépression et démence. Ils sont
présents dès le début de la maladie
d’Alzheimer. Il s’agit de l’élément le
plus caractéristique pour tous (entou-
rage, patient et médecin). Le patient
dément est initialement conscient de
ses difficultés même s’il a tendance à
les minimiser ou les rapporter à l’âge,
à l’exagération ou à l’angoisse de son
entourage. Le patient nie volontiers
que ses troubles sont à l’origine d’une
diminution de son activité.
La plainte mnésique du sujet déprimé
est rarement isolée. Elle s’intègre
dans un contexte de plaintes soma-
tiques, d’inhibition intellectuelle, de
défaut de concentration.
Les difficultés mnésiques présentes
dans la maladie d’Alzheimer et la dé-
pression ont des mécanismes tout à
fait différents. Dans la maladie d’Alz-
heimer, le patient a des difficultés à
mémoriser les informations nouvelles
en « mémoire épisodique » en raison
d’une atteinte du circuit hippocam-
pique. Le trouble ne porte que sur
des événements du passé récent. Le
sujet a tendance à répéter les ques-
tions posées ou à poser une question
alors que l’information vient de lui
être donnée. Les oublis portent sur
un événement entier survenu au
cours des heures, jours ou semaines
précédents (amnésie antérograde).
Les souvenirs du passé ancien sont
longtemps conservés.
Dans la dépression, les difficultés
mnésiques sont liées à une perturba-
tion des mécanismes de rappel. Elles
portent autant sur le passé ancien
que récent. Elles concernent plus vo-
lontiers les souvenirs dont la restitu-
tion nécessite une recherche active
(noms propres, détails d’événe-
ments…) et sur les souvenirs auto-
biographiques à connotation affective
positive. À l’inverse ceux à connota-
tion négative sont mis en avant.
La mise en évidence par l’examen de
ces troubles mnésiques est aidée par le
test des 5 mots. Le patient doit enre-
gistrer une liste de 5 mots et les asso-
cier à des indices. Ensuite une inhibi-
tion de la répétition mentale est
réalisée. Le rappel libre immédiat et
différé ainsi que le rappel indicé sont
par la suite testés. Dans les deux
troubles, le rappel libre est altéré. Mais
le rappel indicé est profitable au pa-
tient déprimé. La non-restitution d’un
seul mot en rappel indicé ou une intru-
sion sont très suspectes d’une patholo-
gie démentielle. Il faut dans ce cas faire
des investigations supplémentaires.
CONCLUSION
La dépression du sujet âgé est insuf-
fisamment reconnue. Son dépistage
doit être amélioré. Elle peut prendre
différents masques. Elle nécessite un
traitement par antidépresseur qui
doit être poursuivi longtemps. Le
risque, lorsqu’elle est mal traitée,
d’évoluer vers une démence ne doit
pas être sous-estimé.
L’Encéphale (2009) Hors-série 3, S31-S33 Questionnements sur la dépression chez le sujet âgé
S 33
La dépression : des pratiques aux théories 11