Peu de publications concernent les
spécificités de la dépression masculi-
ne contrairement à la dépression fé-
minine. La prévalence de la dépres-
sion est plus importante chez la
femme que chez l’homme avec un
sex-ratio de 2/1, sauf dans le cadre
du trouble bipolaire.
CONSTATS
Plusieurs interrogations ont été for-
mulées :
– les particularités sémiologiques de
la dépression masculine ne sont-elles
pas un obstacle à la pertinence des
critères DSM ?
– L’existence de comorbidités rend-
elle le diagnostic plus difficile ?
– La paranoïa peut-elle être un mode
d’expression de la dépression ?
– La dépression peut-elle être un
symptôme de conversion ?
– La fonction sociale masculine pro-
tège-t-elle l’homme de la
dépression ?
– Les modalités de traitement sont-
elles les mêmes pour les femmes et
les hommes ?
Il est important de distinguer le sexe
biologique du genre qui désigne les
caractères sexuels acquis. La deman-
de de consultation émanant
d’hommes serait actuellement plus
fréquente qu’autrefois, et plutôt
dans le cadre d’un recrutement pri-
maire. Le motif de consultation est
souvent une plainte sexuelle ou
l’existence de difficultés profession-
nelles.
En ce qui concerne le risque suicidai-
re, les hommes réalisent plus de pas-
sages à l’acte violents que les
femmes, particulièrement en milieu
pénitentiaire.
PRÉSENTATION CLINIQUE
DE LA DÉPRESSION MASCULINE
La présentation clinique de l’homme
déprimé est poly-symptomatique :
– forte prévalence d’abus de sub-
stances, de troubles de la personnali-
té et de troubles somatiques ;
– comportements sexuels à risque
avec risque accru de primo-infec-
tions VIH ;
– comportements violents voire cri-
minels ;
– niveau de fonctionnement socio-
familial de mauvaise qualité ;
– adhérence et réponse thérapeu-
tique de moins bonne qualité ;
– risque accru de rechutes et d’hos-
pitalisations.
Abus/dépendance d’alcool
La consommation excessive d’alcool
est plus fréquente en population
masculine que féminine : 24 % des
hommes souffrant d’alcoolisme sont
déprimés ; 34 % des hommes souf-
frant de dépression présentent un al-
coolisme comorbide.
Généralement, la maladie dépressive
précède l’abus d’alcool. Or l’alcool
est un facteur aggravant de la dé-
pression et perturbe sa prise en
charge. Les symptômes dépressifs
persistent lors des périodes d’absti-
nence.
Il n’existe pas de corrélation entre
l’intensité de la dépression et la sévé-
rité de l’abus d’alcool. Des antécé-
dents familiaux de dépression sont
plus fréquemment retrouvés chez
ces patients comorbides.
La sphère professionnelle
Le travail est un repère identitaire
important pour l’homme. Un tiers
des patients refusent un arrêt de tra-
vail proposé par le médecin généralis-
te ou psychiatre. L’atteinte de la ca-
pacité de travail incite l’homme à
consulter. Lors d’épisodes mélanco-
liques, les hommes expriment plus
d’idées de ruine que les femmes.
© L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés.
L’auteur n’a pas déclaré de conflits d’intérêt.
La dépression : des pratiques aux théories 11
Paris
L’homme déprimé
F. Raffaitin
Les troubles de la sexualité
Les troubles sexuels sont un motif
important de consultation chez
l’homme. Il existe un lien direct entre
l’intensité de la dépression et la pré-
valence des troubles de l’érection :
plus la dépression est sévère, plus les
troubles de l’érection sont fréquents.
Dans 90 % des cas, le désir sexuel est
altéré (figure 1).
Les troubles de la sexualité peuvent
aussi être un effet secondaire des
traitements antidépresseurs, notam-
ment les ISRS, souvent sous estimé.
La survenue de tels effets indési-
rables réduit la qualité de l’observan-
ce thérapeutique. Ils sont à l’origine
d’un arrêt thérapeutique dans
50,8 % des cas (3).
Les psychiatres femmes interroge-
raient plus facilement les patients sur
leurs troubles sexuels que les méde-
cins hommes.
Selon une étude de Clayton et al.
(2), 37 % des hommes sous antidé-
presseurs souffrent d’un dysfonc-
tionnement sexuel ; 14,2 % des
hommes rapportent spontanément
ces troubles, et 58,1 % via un ques-
tionnaire (figure 2).
L’expression de la dépression
chez l’adolescent
Les adolescents présentent plus sou-
vent des comportements agressifs et
une symptomatologie atypique :
troubles du sommeil et de l’alimenta-
tion, repli social.
Les demandes de consultation éma-
nent généralement du personnel
d’encadrement scolaire.
Le cannabis est un facteur précipi-
tant la survenue d’une dépression
chez l’adolescent.
Les psychothérapies comporte-
mentales seraient plus efficaces
chez les garçons, alors que les filles
répondraient plus à des thérapies
personnelles d’inspiration psycha-
nalytique.
Repérage et prise en charge
de la dépression masculine
Le diagnostic de dépression est plus
rapidement porté chez la femme que
chez l’homme. Au niveau somatique,
les femmes rapportent plus de cé-
phalées alors que les hommes se plai-
gnent plutôt de myalgies. La dépres-
sion post-infarctus augmente le
risque de décès chez l’homme si
l’épisode dépressif n’est pas traité.
Le sexe masculin et l’anxiété sont
des facteurs de risque cardiovascu-
laires.
Les hommes déprimés sont plus ra-
lentis sur le plan psychomoteur avec
des troubles cognitifs associés alors
que les femmes déprimées mettent
en avant des symptômes émotion-
nels comme la tristesse. Les hommes
sont plus souvent victimes d’acci-
dents du travail pouvant être la
conséquence de ce ralentissement
psychomoteur marqué.
La prescription d’antidépresseurs
chez l’homme doit prendre en comp-
te la notion de réactivité émotionnel-
le en début de traitement. En effet,
les hommes se suicident plus que les
femmes qui font plus de tentatives
de suicide.
Les antidépresseurs inhibiteurs de la
recapture de la sérotonine (ISRS)
semblent plus efficaces chez les
femmes jeunes alors que les antidé-
presseurs imipraminiques et mixtes
ISRSNa semblent plus efficaces chez
les hommes.
L’observance thérapeutique tendrait
à être meilleure chez les femmes.
Les hommes sont moins demandeurs
mais plus intéressés par les psycho-
thérapies une fois mises en place. Les
femmes sont plus assidues aux
groupes de psychoéducation et les
thérapies interpersonnelles.
F. Raffaitin L’Encéphale (2009) Hors-série 3, S13-S15
S 14
La dépression : des pratiques aux théories 11
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Prévalence des troubles
de l’érection (%)
Dépression
légère
Dépression
modérée
Dépression
sévère
25 %
59 %
90 %
FIG. 1. — Lien entre dépression
et prévalence des troubles
de l’érection (4).
0 75 15,0 22,5 30,0
Citalopram n = 83 30
Venlafaxine n = 70 30
Sertraline n = 161 29
Paroxétine n = 159 29
Tout traitement
confondu n = 798 28
Fluoxétine n = 245 28
Bupropion n = 45 8
Pourcentage de patients traités présentant des troubles sexuels
FIG. 2. Impact des traitements antidépresseurs sur la fonction sexuelle
selon Clayton et al. (1).
Références
1. Clayton AH
et al.
Prevalence of sexual dysfunction
among newer antidepressants. J Clin Psychiatry
2002 ; 63 (4) : 357-66.
2. Clayton AH. Recognition and assessment of sexual
dysfunction associated with depression. J Clin Psy-
chiatry 2001 ; 62 (Suppl 3) : 5-9.
3. Montejo AL
et al.
Incidence of sexual dysfunction
associated with antidepressant agents : a prospecti-
ve multicenter study of 1022 outpatients. Spanish
Working Group for the Study of Psychotropic-Rela-
ted Sexual Dysfunction. J Clin Psychiatry 2001 ;
62 (Suppl 3) : 10-21.
4. Stahl 2002 « Psychopharmacologie Essentielle »
Flammarion Ed, Paris 2002 : 539-69.
L’Encéphale (2009) Hors-série 3, S13-S15 L’homme déprimé
S 15
La dépression : des pratiques aux théories 11
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