La place des antipsychotiques dans la prise en charge

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L’Encéphale (2008) Supplément 6, S242–S248
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Les troubles du comportement
de la personne âgée soulèvent
systématiquement la question
de leur cadre nosographique
Le champ nosographique des troubles du comportement de
la PA est vaste : démences, pathologies psychiatriques de
novo ou vieillies, troubles adaptatifs liés au vieillissement.
Sa connaissance approfondie est un pré-requis aux bonnes
pratiques thérapeutiques. Une coopération interdiscipli-
naire s’impose entre psychiatres et gériatres, pour une
coordination optimale des soins.
La place des évaluations standardisées demeure encore
assez mal dé nie dans notre pays. Une évaluation standar-
disée utile est l’inventaire de neuropsychiatrie (NPI)
(Neuro-Psychiatric Inventory). Le NPI trouve surtout son
intérêt dans la maladie d’Alzheimer et les démences appa-
rentées en offrant une « photographie générale » des modi-
cations comportementales mais son utilisation dans le
champ des troubles psychotiques de la personne âgée est
beaucoup plus questionnable. Douze domaines sont évalués
en fréquence et en sévérité : idées délirantes, apathie,
hallucinations, agitation, irritabilité, comportement
moteur aberrant, dépression, anxiété, euphorie, compor-
tement pendant la nuit, modi cation des comportements
La place des antipsychotiques dans la prise en charge
des troubles du comportement de la personne âgée
C. Dufresne*(a), T. Gallarda(b)
(a) Unité de psycho-gériatrie secteur 15, Dr Massé, CH Sainte-Anne
(b) Centre d’évaluation des troubles psychiques et du vieillissement SHU, CH Sainte-Anne
Dans le contexte actuel démographique, épidémiologique
et médico-économique, le psychiatre se trouve fréquem-
ment en situation de prendre en charge des troubles du
comportement chez la personne âgée (PA). Ces troubles du
comportement surviennent au cours de différentes situa-
tions pathologiques, mais également au cours du vieillisse-
ment normal, en particulier dans le grand âge, au-delà de
85 ans.
Le repérage du contexte étiologique est essentiel car il
guide la thérapeutique. Ainsi, la prise en charge de trou-
bles du comportement survenant à la phase inaugurale ou
au cours de l’évolution d’une démence vasculaire ou dégé-
nérative n’est aucunement extrapolable à celle préconisée
dans le traitement des anomalies comportementales des
schizophrénies ou des psychoses paranoïaques vieillies.
L’expertise psychopharmacologique est essentielle,
conjuguée à de solides connaissances en sémiologie psy-
chiatrique de la personne âgée. Certaines réactions psy-
chotiques, persécutives en particulier pourront également
béné cier d’approches psychologiques.
Quelque soit leur cadre étiologique, les troubles du
comportement « font problème », au sein du couple, avec
le voisinage, parfois en institution. Au cours des démences,
ils sont les principaux moteurs des demandes de placement
en institution et la principale cause d’épuisement physique
et psychique des familles.
* Auteur correspondant.
Les auteurs n’ont pas signalé de con its d’intérêts.
La place des antipsychotiques dans la prise en charge des troubles du comportement de la personne âgée S243
alimentaires. L’utilisation d’autres instruments plus ciblés,
par exemple, sur l’évaluation des symptômes psychotiques
(échelle de l’école de Columbia) ou l’agitation (échelle
mise au point par Cohen-Man eld) demeure marginale en
France contrairement aux pays anglo-saxons. Ces instru-
ments permettraient pourtant une appréhension plus pré-
cise des symptômes psychotiques cibles et de l’impact des
thérapeutiques.
Vieillissement normal et émergence de symptômes
psychotiques
L’avance en âge favorise l’émergence de symptômes psy-
chotiques. Les traits dysfonctionnels de personnalité sous
le seuil (paranoïaque, schizoïde, shcizotypique…), les han-
dicaps sensoriels (auditifs et visuels), les stress existentiels
mais aussi la stigmatisation sociale vis-à-vis des personnes
âgées sont des facteurs qui confèrent une vulnérabilité
accrue à l’émergence de ces symptômes. Une étude pros-
pective sur 3 années [14] estime à 10,1 % la prévalence de
symptômes psychotiques et d’idées persécutives au sein
d’une population de 347 sujets non déments de plus de
85 ans vivant en communauté et en institution à Göteborg.
Il s’agit d’hallucinations pour 6,9 % des sujets, d’idées déli-
rantes pour 5,5 %, et de la combinaison des deux pour
2,3 %. Les symptômes psychotiques sont associés à une
humeur dépressive, à de l’anxiété, à une idéation suici-
daire. Dans cette étude, les sujets hallucinés présentent
une fréquence accrue d’humeur dépressive, d’anxiété,
d’irritabilité, d’idéations suicidaires et de traits de person-
nalité paranoïaque : les hallucinations sont souvent asso-
ciées à un syndrome dépressif majeur (OR : 3,9), un
handicap dans les activités de la vie quotidienne (OR : 5,2),
un handicap visuel (OR : 3,4). Les sujets délirants (théma-
tique persécutive) présentent une fréquence accrue d’hu-
meur dépressive, d’émoussement des affects et de traits
de personnalité paranoïaque. L’idéation persécutive est
particulièrement fréquente en cas de handicap visuel. Les
idées délirantes compliquent le handicap dans les activités
de la vie quotidienne (OR : 4,9).
Ainsi des troubles du comportement s’observent chez
des sujets âgés non déments, indemnes de trouble mental
caractérisé.
Démences et symptômes psychologiques
et comportementaux (SPCD)
Toutes les démences peuvent être émaillées de troubles du
comportement : maladie d’Alzheimer (50 à 70 % des démen-
ces) ; démences vasculaires ; atrophies focales ; démences
fronto-temporales ; démences Parkinsoniennes ; démences
à corps de Lewy ; démences à agents transmissibles ;
démences secondaires…
Ces troubles peuvent survenir à des stades évolutifs dif-
férents et/ou orienter vers une étiologie spéci que. Par
exemple, les hallucinations visuelles sont un des critères
diagnostiques de la démence à corps de Lewy et s’instal-
lent assez tôt au cours de l’évolution de cette maladie.
Dans la maladie d’Alzheimer, les comportements accusa-
teurs, les idées de préjudice, l’agressivité verbale peuvent
s’exprimer très précocement, avant même que le diagnos-
tic soit établi et se poursuivre tout au long de l’évolution
mais les hallucinations auditives ou visuelles sont beaucoup
plus tardives que celles qui sont observées dans la maladie
à corps de Lewy. De même, la désinhibition sexuelle précé-
dera volontiers un diagnostic de démence fronto-temporale
alors qu’elle mettra en dif culté une équipe soignante chez
un patient atteint d’une maladie d’Alzheimer déjà diagnos-
tiquée, souvent après de longues années d’évolution. La
prévalence des troubles psychocomportementaux les plus
fréquents est représentée dans la gure 1, en fonction du
moment du diagnostic.
Les symptômes comportementaux et psychologiques de
la démence (SCPD) générant le plus de prescriptions médi-
camenteuses sont l’agitation, l’agressivité, les comporte-
ments d’errance ou de fugue, l’opposition, les idées
délirantes et les hallucinations, l’anxiété, la dépression,
les troubles du sommeil. En fonction de leur persistance et
de leur intensité, le handicap fonctionnel est majeur et
génère plus ou moins de souffrance et de stress chez le
malade et son aidant [10].
Troubles du comportement s’intégrant dans
des pathologies psychiatriques autres que
les démences : pathologies chroniques
(schizophrénies et troubles bipolaires)
et troubles psychotiques d’apparition récente
Le psychiatre est plus familier de la gestion de ces troubles,
surtout lorsqu’il s’agit de patients souffrant de pathologies
vieillies, bien connus des équipes de secteur. Les axes thé-
rapeutiques sont alors similaires à ceux des pathologies psy-
chotiques jeunes sous réserve de la prise en compte des
modi cations pharmacodynamiques et pharmacocinétiques
liées à l’âge et de l’éventuelle existence de comorbidités
somatiques (notamment cardiovasculaires). Les schizophré-
nies d’installation très tardive (very late-onset schizophre-
nia) soulèvent des questions plus spéci ques qui rejoignent
les questions nosographiques (entité spéci que ? expression
d’une affection démentielle ?…). Néanmoins, les données
pharmacologiques d’ef cacité et de tolérance demeurent
insuf santes sur ces terrains familiers…
Figure 1 Prévalence des symptômes
psychocomportementaux selon le moment évolutif de la
démence (d’après [7]).
100
Prevalence (% of Patients)
Months Before Diagnosis
Diurnal
Rhythm
Depression
Social
Withdrawal
Paranoia
Anxiety Mood
Change
Irritability
Agitation
Aggression
Hallucinations
Socially Unacceptable Behavior
Delusions
Inappropriate Sexual Behavior
Wandering
Suicidal
Ideation
Accusatory
Behavior
Months After Diagnosis
80
60
40
20
0
– 40 – 30 – 20 – 10 0 10 20 30
C. Dufresne, T. GallardaS244
Pour une utilisation raisonnée des
antipsychotiques chez les personnes âgées
De nombreuses données convergent vers un constat d’excès
d’utilisation des antipsychotiques chez les personnes âgées,
en particulier dans les institutions. Ces dérives tendent à
diaboliser ces prescriptions qui s’avèrent pourtant indispen-
sables dans certaines situations pathologiques. L’utilisation
raisonnée des antipsychotiques chez la personne âgée fait
débat et a donné lieu à un certain nombre de consensus
d’experts.
En 2004, Alexopoulos et coll. [2] ont tenté de préciser
les situations dans lesquelles ces prescriptions peuvent être
envisagées : ce sont la schizophrénie et les troubles déli-
rants persistants, la manie avec symptômes psychotiques,
la démence avec agitation (lorsqu’elle est une réaction
comportementale à des idéations délirantes), la dépression
majeure avec symptômes psychotiques.
Les antipsychotiques pourront également être prescrits
en cas de manie sans symptôme psychotique (en cas d’ef -
cacité insuf sante des régulateurs de l’humeur), lors d’une
confusion (avec une prédominance des symptômes psychi-
ques et comportementaux), au cours d’un état d’agitation
majeur dans un contexte de démence, même si celle-ci
survient en l’absence d’idéation délirante évidente.
De même, certaines dépressions agitées sans symptôme
psychotique ou des mélancolies anxieuses seront fréquem-
ment soulagées par l’adjonction d’antipsychotiques aux
effets angolytiques.
En revanche, ces molécules ne sont pas indiquées dans
de multiples situations où leur utilisation a pu néanmoins
être classique et est devenue désormais obsolète et délé-
tère : irritabilité et hostilité en l’absence de trouble men-
tal caractérisé (réactions caractérielles), trouble anxieux
généralisé et trouble panique, douleurs neurologiques,
plaintes hypocondriaques d’origine névrotique, labilité
émotionnelle, insomnie…
Antipsychotiques et troubles mentaux autres
que la maladie d’Alzheimer et les démences
apparentées
Quels antipsychotiques en première intention ?
Les antipsychotiques de deuxième génération sont indiqués
en première intention, en raison de leur meilleure tolé-
rance neurologique. Ils ne nécessitent pas une coprescrip-
tion d’anticholinergiques et comportent un risque moindre
de dyskinésies tardives. Ces antipsychotiques interfèrent
moins que les neuroleptiques classiques sur les fonctions
cognitives en raison d’effets moins marqués sur le système
cholinergique.
Divers pro ls de tolérance caractérisent ces molécules,
liés à des différences de risque de survenue d’effets secon-
daires gênants : certains liés à leur activité anticholinergi-
que, d’autres au risque métabolique, d’autres encore à une
action hypotensive.
Différentes précautions d’emploi sont évoquées dans
les RCP de chacune des molécules : par exemple, le RCP de
la rispéridone évoque une nécessaire précaution d’emploi
du fait d’une expérience limitée, et préconise des posolo-
gies faibles ; celle de l’olanzapine indique qu’une dose ini-
tiale plus faible que chez l’adulte n’est pas indiquée
systématiquement mais qu’elle doit être envisagée chez
les sujets de plus de 65 ans ; le RCP de l’aripiprazole
informe que l’ef cacité chez le sujet âgé n’a pas été éta-
blie et qu’en raison d’une sensibilité plus importante dans
cette population, une dose plus faible doit être envisagée
lorsque des raisons cliniques justi ent une prescription ;
pour l’amisulpride, seule la pharmacocinétique fait l’objet
d’un avertissement : une augmentation de 10 à 30 % du
C. Max et de la demi-vie ; pour la clozapine, il est préco-
nisé de commencer à 12,5 mg… Les posologies recomman-
dées chez les personnes âgées apparaissent globalement
basses, avec un début à faibles doses et une augmentation
dans une fourchette posologique étroite :
Tableau 1 Posologies recommandées chez le sujet âgé
Dose initiale
(mg/j)
Dose d’entretien
(mg/j)
Rispéridone 0,25 - 0,5 0,5 - 2
Olanzapine 2,5 - 5 5 - 10
Aripiprazole 2,5 - 5 7,5 - 12,5
Les antipsychotiques à libération prolongée tels que la
rispéridone par microsphères semblent avoir un intérêt chez
la personne âgée mais l’expérience reste à développer.
Concernant les antipsychotiques de première généra-
tion, dans des études naturalistiques, le tiapride est large-
ment utilisé, notamment en urgence, à des doses inférieures
à 300 mg.
Certaines formes galéniques ont un intérêt particulier
chez la personne âgée : ce sont notamment les solutions
buvables et les formes oro-dispersibles.
Les effets indésirables des antipsychotiques sont réper-
toriés dans les tableaux suivants [9].
Les antipsychotiques chez les sujets âgés atteints
de démence : risque cérébrovasculaire et mortalité,
les signaux d’alerte de la FDA
En 2003, la FDA a mentionné le risque d’accident cérébro-
vasculaire chez des patients âgés atteints de démence à
partir de trois études contrôlées en double aveugle concer-
nant la rispéridone. [8, 13, 5, 18] : 12 patients sur 744 trai-
tés par rispéridone versus 4 sur 562 recevant du placebo
ont présenté des accidents cérébrovasculaires sérieux :
4 décès ont été dénombrés sous rispéridone et 2 sous pla-
cebo. La FDA n’établissait pas de lien formel de causalité
mais précisait que celui-ci ne pouvait être éliminé. Par la
suite, un avertissement similaire a été appliqué à l’olanza-
pine et à l’aripiprazole.
En mars 2004, l’AFSSAPS, précisait à propos de l’utilisa-
tion des antipsychotiques chez les sujets déments que
l’olanzapine est déconseillée, le risque d’AVC étant multi-
La place des antipsychotiques dans la prise en charge des troubles du comportement de la personne âgée S245
plié par 3 et le risque de décès par 2. L’AFSSAPS précisait
également qu’il n’existait pas de corrélation entre le ris-
que et la dose ou la durée de traitement. Les facteurs de
risques étaient les suivants : âge supérieur à 65 ans, séda-
tion, malnutrition, déshydratation, pathologies pulmonai-
res, utilisation concomitante de benzodiazépines. L’AFSSAPS
mentionnait que le béné ce/risque de l’utilisation de
l’olanzapine doit être soigneusement évalué. Par exten-
sion, l’AFSSAPS conseillait les mêmes précautions avec la
rispéridone et les autres neuroleptiques [1].
Les neuroleptiques conventionnels sont également
incriminés
En 2005, Wang souligne qu’il n’existe pas plus de sécurité
avec les antipsychotiques de première génération et
préconise de ne pas substituer un antipsychotique de
deuxième génération par un antipsychotique de première
génération.
En 2007, les antipsychotiques de première génération
sont inclus dans les précautions d’emploi de la FDA [19].
Tableau 2 Synthèse des effets indésirables observés avec les APA, d’après [9]
Adverse effect Amisulpride Clozapine Risperidone Olanzapine Quietiapine Ziprasidone Zotepine Aripiprazole Sertindole
Extrapyramidal
syndrome
-/+ - -/++ - - -/+ -/+ -/+ -/+
Tardive dyskinesia + - ? -/+ -/+ ? -/+ -/+ -/+
Seizures - +++ ? -/+ -/+ ? -/+ -/+ ?
Sedation ++ +++ + + + -/+ + -/+ -/+
? indicates no data ; + indicates mild effect ; ++ indicates moderate effect ; +++ indicates severe effect ; - indicates no effect ;
-/+ indicates uncertain effect ; -/++ indicates range frome no effect to a moderate effect.
Autonomic
and systemic
Adverse effects
Amisulpride Clozapine Risperidone Olanzapine Quietiapine Ziprasidone Zotepine Aripiprazole Sertindole
Neuroleptic
malignant
syndrome
+++ ? ? ??? ?
Hypotension + -/+++ + + +++ -/+ + -/+ -/+
Prolongation of
corrected
QT interval
-/+ – -/+ - +++ -/+ + - +++
Gastrointestinal
(nausea, Vomiting,
constipation
-/+ -/+ -/+ - + -/+ -/++ - -/+
Anticholinergic - +++ - + + -/+ - - -
Haematological - +++ - - - - - - -
Allergic dermatitis + - - - - - - - -
Other effects -/+ -/+ a -/+ -/+ -/+ -/+ -/+ -/+ -/+
a Possible onset of myocarditis.
? indicates no data ; + indicates mild effect ; +++ indicates severe effect ; - indicates no effect ; -/+ indicates uncertain effect ;
-/++ indicates range from no effect to a moderate effect ; -/+++ indicates range from no effect to a severe effect in case of drug
interactions.
Metabollic
and endocrine
Adverse effects
Amisulpride Clozapine Risperidone Olanzapine Quietiapine Ziprasidone Zotepine Aripiprazole Sertindole
Diabetes mellitus - + -/+ +? - - - - -
Hyper-
triglyceridaemia
- + -/+ + - - -/+ - -
Hepatic -/+ -/+ -/+ -/+ -/+ -/+ -/++ - -
Prolactin increase + - -/++a- - - - -/+ -/++
Weight gain -/+ +++ + ++ ++ -/+ -/+ - ++
a Dose-dependent effect.
+? Indicates possible mild effect ; + indicates mild effect ; ++ indicates moderate effect ; +++ indicates severe effect ; - indicates no
effect ; -/+ indicates uncertain effect ; -/++ indicates range from no effect to a moderate effect.
C. Dufresne, T. GallardaS246
En fait, tous les psychotropes seraient associés à une
surmortalité chez le sujet âgé, mais celle associée aux
antipsychotiques serait plus importante [12].
Une augmentation de la mortalité est signalée chez les
patients souffrant de démence traitée par antipsychotiques
[16], même pour les traitements de courte durée.
Chez les patients vivant à leur domicile, une prescrip-
tion brève d’antipsychotiques de première ou de deuxième
génération multiplie de manière signi cative (respective-
ment par un facteur de 3,8 et de 3,2) le risque d’événe-
ments graves pouvant conduire à une hospitalisation ou à
un décès dans les 30 jours suivant la prescription.
En institution, le risque est multiplié respectivement
par 2,4 et par 1,9, soit plus fréquent avec les antipsychoti-
ques de première génération qu’avec les APA.
Quels sont les mécanismes invoqués dans
l’élévation du risque de mortalité ?
Les mécanismes invoqués dans l’élévation du risque de
mortalité et de survenue d’AVC sont multiples, probable-
ment différents selon les produits [11].
Ces facteurs sont : des facteurs cardiologiques qui impli-
quent une hypotension orthostatique (par blocage des
récepteurs alpha 1) et/ou une tachycardie (par blocage des
récepteurs alpha1 et des récepteurs muscariniques M2) ;
métaboliques avec résistance à l’insuline, prise de poids et
dyslipidémie (blocage des récepteurs histaminiques H1,
muscariniques M3, et sérotoninergiques 5HT2) ; des facteurs
neurologiques, en rapport avec l’obtention d’une sédation
marquée (par blocage des récepteurs H1, D2, 5HT2) et des
effets extrapyramidaux (par blocage des récepteurs D2) qui
conduisent à une stase veineuse et à l’activation de fac-
teurs de coagulation. D’autres mécanismes ont pu être évo-
qués : hyperprolactinémie (par blocage des récepteurs
dopaminergiques D2) associée à une altération de la fonc-
tion endothéliale, diminution de la sensibilité à l’insuline et
accroissement de l’agrégation plaquettaire.
Existe-t-il un effet dose ? Quelle est la place des interac-
tions avec d’autres drogues ? Ces questions restent ouvertes.
La létalité est expliquée par la conjonction des anoma-
lies métaboliques, de troubles sévères de la conduction
cardiaque, d’une sédation excessive, source d’inhalation et
de surinfection bronchique et en n par les mécanismes
évoqués pour les AVC.
Les antipsychotiques chez les sujets âgés atteints
de démence : Quelles sont les recommandations
disponibles ?
Recommandations de l’American College of
Neuropsychopharamcology
En 2007, l’American College of Neuropsychopharmacology
a fait le point à propos de l’utilisation des antipsychotiques
chez les patients âgés atteints de démence.
Il précise des données établies :
aucun psychotrope ne possède d’indication of cielle dans
le traitement des symptômes psychotiques et dans l’agi-
tation des patients atteints de démence, alors que leur
utilisation est répandue ;
le nombre d’essais randomisés contre placebo avec les
antipsychotiques atypiques (aripiprazole, olanzapine, qué-
tiapine et rispéridone) et l’halopéridol est supérieur à celui
concernant les autres neuroleptiques conventionnels et
d’autres familles de psychotropes. Les patients inclus dans
la majorité de ces essais souffraient de la maladie d’Alzhei-
mer et d’autres démences d’étiologies non spéci ées ;
l’ef cacité des antipsychotiques atypiques et de l’halopé-
ridol est modeste en comparaison avec le placebo. Un
certain nombre d’essais ont échoué à mettre en évidence
une différence d’effets entre le produit actif et le pla-
cebo. Les résultats de l’étude CATIE semblent suggérer
que l’impact des effets secondaires entraverait l’ef -
cience de ces agents.
L’American College of Neuro-Psychopharmacology pré-
cise aussi la nature des données manquantes :
le nombre des essais contrôlés randomisés comparant
l’ef cacité et la tolérance des antipsychotiques atypiques
à celle des neuroleptiques conventionnels demeure très
limité. Les spéci cités liées à l’action symptomatique et
au pro l des effets indésirables de ces produits sont insuf-
samment documentées (incluant le risque d’accidents
cérébrovasculaires et de décès) ;
les essais comparant deux antipsychotiques atypiques aux
pro ls d’effets secondaires contrastés sont très rares ;
le risque d’AVC et de décès au-delà de 8 semaines demeure
inconnu, de même les effets béné ques éventuels du trai-
tement à plus long terme (brièveté des essais) ;
les facteurs de risque ou de protection spéci ques impli-
qués dans la survenue des AVC et des décès demeurent
inconnus. Un certain nombre de facteurs intermédiaires
(comorbidités somatiques, étiologies ou stade évolutif de
la démence, médications concomitantes, posologie, fac-
teurs génétiques) modulent vraisemblablement le risque
individuel. Le même raisonnement prévaut pour les effets
thérapeutiques ;
l’ef cacité et la tolérance des alternatives thérapeutiques
aux antipsychotiques sont mal documentées. Aucun psycho-
trope n’a démontré un bon rapport ef cacité/tolérance
chez les patients atteints de démence avec symptômes psy-
chotiques ou comportements d’agitation. Le même constat
peut être fait pour les interventions psychosociales ;
les effets comportementaux des traitements inhibiteurs
de l’acétylcholinestérase et de la mémantine seraient au
mieux modestes. Les données existantes ne permettent
pas de conclure ;
des progrès ont été réalisés dans la compréhension phy-
siopathologique (neurobiologique) des symptômes psy-
chiatriques des démences mais ces données ne permettent
pas d’établir les causes directes de l’émergence des
symptômes. Ainsi, les cibles pharmacologiques qui per-
mettraient d’agir ef cacement sur les symptômes psy-
chotiques et l’agitation dans les démences ne sont pas
nies. Les stratégies thérapeutiques actuelles ne
constituent qu’une extrapolation de celles qui sont pré-
conisées dans d’autres situations syndromiques, en parti-
culier schizophréniques.
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