
C. Dufresne, T. GallardaS246
En fait, tous les psychotropes seraient associés à une
surmortalité chez le sujet âgé, mais celle associée aux
antipsychotiques serait plus importante [12].
Une augmentation de la mortalité est signalée chez les
patients souffrant de démence traitée par antipsychotiques
[16], même pour les traitements de courte durée.
Chez les patients vivant à leur domicile, une prescrip-
tion brève d’antipsychotiques de première ou de deuxième
génération multiplie de manière signifi cative (respective-
ment par un facteur de 3,8 et de 3,2) le risque d’événe-
ments graves pouvant conduire à une hospitalisation ou à
un décès dans les 30 jours suivant la prescription.
En institution, le risque est multiplié respectivement
par 2,4 et par 1,9, soit plus fréquent avec les antipsychoti-
ques de première génération qu’avec les APA.
Quels sont les mécanismes invoqués dans
l’élévation du risque de mortalité ?
Les mécanismes invoqués dans l’élévation du risque de
mortalité et de survenue d’AVC sont multiples, probable-
ment différents selon les produits [11].
Ces facteurs sont : des facteurs cardiologiques qui impli-
quent une hypotension orthostatique (par blocage des
récepteurs alpha 1) et/ou une tachycardie (par blocage des
récepteurs alpha1 et des récepteurs muscariniques M2) ;
métaboliques avec résistance à l’insuline, prise de poids et
dyslipidémie (blocage des récepteurs histaminiques H1,
muscariniques M3, et sérotoninergiques 5HT2) ; des facteurs
neurologiques, en rapport avec l’obtention d’une sédation
marquée (par blocage des récepteurs H1, D2, 5HT2) et des
effets extrapyramidaux (par blocage des récepteurs D2) qui
conduisent à une stase veineuse et à l’activation de fac-
teurs de coagulation. D’autres mécanismes ont pu être évo-
qués : hyperprolactinémie (par blocage des récepteurs
dopaminergiques D2) associée à une altération de la fonc-
tion endothéliale, diminution de la sensibilité à l’insuline et
accroissement de l’agrégation plaquettaire.
Existe-t-il un effet dose ? Quelle est la place des interac-
tions avec d’autres drogues ? Ces questions restent ouvertes.
La létalité est expliquée par la conjonction des anoma-
lies métaboliques, de troubles sévères de la conduction
cardiaque, d’une sédation excessive, source d’inhalation et
de surinfection bronchique et enfi n par les mécanismes
évoqués pour les AVC.
Les antipsychotiques chez les sujets âgés atteints
de démence : Quelles sont les recommandations
disponibles ?
Recommandations de l’American College of
Neuropsychopharamcology
En 2007, l’American College of Neuropsychopharmacology
a fait le point à propos de l’utilisation des antipsychotiques
chez les patients âgés atteints de démence.
Il précise des données établies :
aucun psychotrope ne possède d’indication offi cielle dans
le traitement des symptômes psychotiques et dans l’agi-
tation des patients atteints de démence, alors que leur
utilisation est répandue ;
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le nombre d’essais randomisés contre placebo avec les
antipsychotiques atypiques (aripiprazole, olanzapine, qué-
tiapine et rispéridone) et l’halopéridol est supérieur à celui
concernant les autres neuroleptiques conventionnels et
d’autres familles de psychotropes. Les patients inclus dans
la majorité de ces essais souffraient de la maladie d’Alzhei-
mer et d’autres démences d’étiologies non spécifi ées ;
l’effi cacité des antipsychotiques atypiques et de l’halopé-
ridol est modeste en comparaison avec le placebo. Un
certain nombre d’essais ont échoué à mettre en évidence
une différence d’effets entre le produit actif et le pla-
cebo. Les résultats de l’étude CATIE semblent suggérer
que l’impact des effets secondaires entraverait l’effi -
cience de ces agents.
L’American College of Neuro-Psychopharmacology pré-
cise aussi la nature des données manquantes :
le nombre des essais contrôlés randomisés comparant
l’effi cacité et la tolérance des antipsychotiques atypiques
à celle des neuroleptiques conventionnels demeure très
limité. Les spécifi cités liées à l’action symptomatique et
au profi l des effets indésirables de ces produits sont insuf-
fi samment documentées (incluant le risque d’accidents
cérébrovasculaires et de décès) ;
les essais comparant deux antipsychotiques atypiques aux
profi ls d’effets secondaires contrastés sont très rares ;
le risque d’AVC et de décès au-delà de 8 semaines demeure
inconnu, de même les effets bénéfi ques éventuels du trai-
tement à plus long terme (brièveté des essais) ;
les facteurs de risque ou de protection spécifi ques impli-
qués dans la survenue des AVC et des décès demeurent
inconnus. Un certain nombre de facteurs intermédiaires
(comorbidités somatiques, étiologies ou stade évolutif de
la démence, médications concomitantes, posologie, fac-
teurs génétiques) modulent vraisemblablement le risque
individuel. Le même raisonnement prévaut pour les effets
thérapeutiques ;
l’effi cacité et la tolérance des alternatives thérapeutiques
aux antipsychotiques sont mal documentées. Aucun psycho-
trope n’a démontré un bon rapport effi cacité/tolérance
chez les patients atteints de démence avec symptômes psy-
chotiques ou comportements d’agitation. Le même constat
peut être fait pour les interventions psychosociales ;
les effets comportementaux des traitements inhibiteurs
de l’acétylcholinestérase et de la mémantine seraient au
mieux modestes. Les données existantes ne permettent
pas de conclure ;
des progrès ont été réalisés dans la compréhension phy-
siopathologique (neurobiologique) des symptômes psy-
chiatriques des démences mais ces données ne permettent
pas d’établir les causes directes de l’émergence des
symptômes. Ainsi, les cibles pharmacologiques qui per-
mettraient d’agir effi cacement sur les symptômes psy-
chotiques et l’agitation dans les démences ne sont pas
défi nies. Les stratégies thérapeutiques actuelles ne
constituent qu’une extrapolation de celles qui sont pré-
conisées dans d’autres situations syndromiques, en parti-
culier schizophréniques.
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