Madame B est vue pour la première
fois en consultation de psychiatrie
adressée par son généraliste pour
avis et prise en charge à la suite
d’une mammectomie droite pour
carcinome canalaire infiltrant.
Elle est âgée de cinquante ans, aînée
d’une fratrie de deux ; elle a une
bonne entente avec sa sœur âgée de
quarante-huit ans qui vit en province.
Elle est mariée, son mari ingénieur
informaticien dans une société pétro-
chimique voyage régulièrement ; il
existe une très bonne relation conju-
gale. Elle a deux filles de vingt-trois
et dix-neuf ans qui font des études
supérieures. Les parents retraités
âgés de quatre-vingts ans vivent au-
tonomes en province et entretien-
nent avec elle de très bons rapports.
BIOGRAPHIE
Elle naît en province. Après le bacca-
lauréat, comme elle le désirait, elle
passe un concours pour être secrétai-
re médicale à l’hôpital public,
concours qu’elle réussit et commen-
ce à travailler ; elle se marie à vingt-
cinq ans, a deux enfants ; à la nais-
sance du second elle a alors trente et
un ans, elle arrête de travailler ; la si-
tuation professionnelle de son mari
l’oblige à quitter la province pour Pa-
ris ; elle dit elle-même avoir bien sur-
monté cette période d’adaptation
malgré l’éloignement de ses proches
et les absences de plus en plus fré-
quentes de son mari pour causes pro-
fessionnelles ; elle s’investit alors
dans différentes associations (parents
d’élèves, artisanat, sports). À trente-
neuf ans elle reprend un travail de se-
crétariat médical à l’Assistance pu-
blique ; elle est en médecine avec une
charge de travail importante au sein
d’une équipe qu’elle apprécie.
ATCD médicaux personnels
Elle est ménopausée sans traitement
substitutif du fait du cancer du sein.
ATCD psychiatriques personnels
On ne retrouve aucun antécédent ni
de trait de personnalité pathologique.
ATCD familiaux
Néant.
HISTOIRE DE LA MALADIE
À cinquante ans suite à un écoule-
ment mammaire droit un bilan est
fait qui conclut à un carcinome cana-
laire infiltrant.
Un mois après elle subit une mam-
mectomie droite avec curage
axillaire ; l’analyse anatomopatholo-
gique ganglionnaire ne retrouvant
pas de cellules cancéreuses, il n’y a
pas d’indication de traitement chi-
miothérapique ni radiothérapique ;
une surveillance est prévue tous les
six mois ; une reprise de travail à mi-
temps thérapeutique, avec son ac-
cord, est envisagé deux mois après
l’intervention.
C’est alors, sur l’insistance de son
généraliste, que la patiente consulte
en psychiatrie ; elle a un discours ba-
nalisant concernant une asthénie,
une fatigabilité, le fait qu’elle n’a pas
repris comme prévu ses loisirs habi-
tuels (peinture sur soie, encadre-
ment, sports), des obsessions idéa-
tives sur la véracité du bon pronostic
de son cancer du sein et les idées
noires qu’elles engendrent ; les trois
milligrammes de bromazépam au
coucher prescrits par le généraliste
corrigent des réveils nocturnes fré-
quents ; tout l’entretien est marqué
par l’incompréhension qu’elle expri-
me à plusieurs reprises quand à la
survenue de ces symptômes alors
qu’elle ne doute pas en réalité du bon
pronostic de la maladie cancéreuse.
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
Conflit d’intérêt : aucun.
La dépression : des pratiques aux théories 10
94250 Gentilly
Cas clinique
J. Amic