La composition licterogène du grou-
pe de réflexion reflète la diversité des
types de prise en charge gérontopsy-
chiatrique sur le territoire national.
La réflexion a porté sur plusieurs di-
mensions de ces pratiques.
QUELS SONT LES MOTIFS
DE CONSULTATION ?
Le motif de consultation a été discuté.
Concernant la dépression, il existe peu
de demandes spontanées émanant du
sujet âgé lui-même. Cette population
semble plus réticente à évoquer une
tristesse de l’humeur, et à consulter un
psychiatre (profession dont la stigma-
tisation est plus marquée au sein des
anciennes générations). Le psychiatre
intervient volontiers à la demande de
l’entourage, ou du médecin traitant.
En revanche, la plainte mnésique
constitue un motif de consultation
fréquent. Cette symptomatologie
semble plus « acceptable » aux yeux
du sujet âgé.
LA CLINIQUE DÉPRESSIVE
CHEZ LE SUJET ÂGÉ
Comment caractériser la dépression
du sujet âgé versus celle du sujet jeu-
ne ? Le tableau est souvent aty-
pique, la symptomatologie poly-
morphe. Les définitions critégo-
rielles de la CIM-10 et du DSM-IV
correspondent à la dépression chez
le sujet adulte jeune.
Encore plus dans cette population
que chez l’adulte, il est essentiel de
porter un regard anthropologique sur
la représentation de la vieillesse – et
son impact dans la présentation cli-
nique – à la fois chez le sujet âgé et
dans son entourage.
« Il ne fait plus rien » est une plainte
fréquente de l’entourage vis-à-vis du
sujet âgé. Cette assertion en cache
d’autres. Chacune amène un point
de vue particulier :
« Il ne sait plus rien faire », ce qui
évoque un trouble détérioratif.
« Il ne peut plus rien faire », évo-
quant plus volontiers la dimension af-
fective.
« Il ne veut plus rien faire », ame-
nant à s’intéresser au fonctionne-
ment systémique.
Il s’agira également de rechercher le
mode d’installation :
Il peut être brutal, par exemple à
la suite d’une chute, événement si-
gnifiant au sujet son vieillissement.
Une dépression réactionnelle peut
alors apparaître.
Il peut aussi être insidieux.
Le mode d’installation ne permet pas
d’orienter ou non vers une patholo-
gie neurodégénérative.
La modification du caractère est sou-
vent retrouvée au cours de la dépres-
sion du sujet âgé comme le montre la
fréquence des dépressions irritables
au sein de cette population.
Les éléments auto dépréciation sont
fréquemment retrouvés avec des in-
tensités variées, notamment les idées
de ruine, la culpabilité, le sentiment
d’inutilité, d’inadéquation, la convic-
tion d’incurabilité. La dépression
semble plus souvent s’exprimer avec
une tonalité mélancoliforme chez le
sujet âgé qu’à d’autres âges de la vie.
Le patient vieillissant et son entourage
estiment le sentiment d’inutilité nor-
mal, adapté à l’âge, et sont loin de lui
attribuer son caractère pathologique,
dépressif, comme ils le feraient s’il ap-
paraissait chez un sujet plus jeune.
La souffrance morale est à recher-
cher avec beaucoup d’attention, en
raison de son importance pour le dia-
gnostic et devant la difficulté qu’ont
la plupart des sujets âgés « d’avouer »
leur tristesse et d’accepter l’idée
qu’ils souffriraient de dépression.
Le groupe de travail ne reconnaît pas
de symptômes spécifiques à la dé-
pression du sujet âgé. Tous les symp-
tômes sont retrouvés dans cette po-
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
Conflit d’intérêt : aucun.
La dépression : des pratiques aux théories 10
Toulouse
Synthèse
C. Arbus
pulation. Elle n’apparaît pas comme
une maladie différente de celle du su-
jet adulte. Seule l’organisation de la
symptomatologie, son mode d’ex-
pression diffèrent.
QUELS INDICES POUR
LE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
DÉPRESSION DU SUJET ÂGÉ
VERSUS
PATHOLOGIE
NEURODÉGÉNÉRATIVE ?
QUELS LIENS ENTRE
CES DEUX TROUBLES ?
Le cas clinique relaté pendant l’atelier
retrace l’histoire d’une patiente qui
présente un trouble dépressif récur-
rent et qui, à un âge avancé manifes-
te une dépression de tonalité diffé-
rente qui résiste aux thérapeutiques,
se chronicise, ce qui fait alors évo-
quer un trouble neuro-dégénératif.
Ce cas clinique illustre une difficulté
à laquelle le psychiatre est souvent
confronté : celle du temps de l’éva-
luation neurocognitive chez le sujet
âgé déprimé. La dépression fait théo-
riquement surseoir cette évaluation,
difficile à mettre en œuvre une fois le
tableau devenu chronique. Ou alors
si elle est faite, l’évaluateur répond
qu’elle n’est pas interprétable du fait
de la sévérité des symptômes dé-
pressifs. La sismothérapie plus fré-
quemment indiquée dans la dépres-
sion du sujet âgé oblige aussi à
différer l’évaluation neurocognitive
plusieurs mois après la dernière séan-
ce. Il semble pourtant y avoir intérêt
à pratiquer cette évaluation au cours
d’un épisode dépressif, ce qui permet
de suivre son évolution et d’orienter
ainsi le diagnostic, les performances
cognitives s’améliorant avec la symp-
tomatologie dépressive au cours des
EDM caractérisés.
Il existe une dissociation entre la
« dépression maladie » et la dépres-
sion à début tardif, se rapprochant du
concept de dépression vasculaire. Ce
type de dépression se distingue des
pathologies affectives récurrentes et
doit faire rechercher avec soin la pis-
te démentielle même devant des
troubles cognitifs légers, l’évolution
vers une pathologie démentielle
étant plus fréquente.
Il semble capital :
d’une part d’envisager un proces-
sus démentiel devant toute dépres-
sion accompagnée de troubles cogni-
tifs cliniquement observables,
et d’autre part de continuer à trai-
ter ces patients comme des sujets en
souffrance morale, c’est-à-dire, ne
pas ignorer la dimension dépressive
dès qu’apparaissent les troubles co-
gnitifs et la suspicion de trouble neu-
rodégénératif.
La dépression peut être un prodrome,
mais aussi un facteur de risque de
démence.
La dépression quel que soit l’âge de
survenue apparaît comme un facteur
de risque de la démence. Une des hy-
pothèses est celle selon laquelle la dé-
pression est un facteur de risque in-
dépendant des autres facteurs de
risque de démence par son effet neu-
rotoxique dû à l’hyperactivation de
l’axe gluco-corticoïde, principale-
ment dans les régions hippocam-
piques. Par ailleurs, quelle est la place
du repli dépressif, de la diminution
des interactions sociales de la dépres-
sion dans la genèse de la démence ?
Une autre hypothèse est celle des
facteurs étiopathogéniques com-
muns à la dépression et à la démen-
ce. La dépression peut apparaître
comme un prodrome de la démence.
Les circuits cortico-limbiques sont
altérés dans les deux pathologies :
existe-t-il des facteurs génétiques
communs ? On pourrait par exemple
rechercher la place de l’Apo-E dans
la genèse de la dépression.
À propos du concept de la dépres-
sion pseudo-démentielle : au cours
de ces dépressions tardives les symp-
tômes cognitifs peuvent être amélio-
rés par le traitement antidépresseur,
le sujet reste pourtant à risque d’une
évolution neurodégénérative.
LE TRAITEMENT
DE LA DÉPRESSION
DU SUJET ÂGÉ ?
Quelques idées majeures émanent de
cet atelier à propos de la thérapeu-
tique de la dépression du sujet âgé :
il faut chercher la rémission com-
plète sinon l’impact fonctionnel
risque d’être majeur dans cette po-
pulation fragile en cas de rémission
partielle ;
les ECT sont le traitement de réfé-
rence de la dépression sévère, de la
dépression résistante, et ce d’autant
plus que l’efficacité et la tolérance de
la chimiothérapie antidépressive
semble moindre chez l’âgé comparati-
vement aux populations plus jeunes.
Même en cas de doute diagnostic
entre dépression et processus dé-
mentiel, le traitement de la dépres-
sion garde toute sa place.
C. Arbus L’Encéphale (2008) Hors-série 3, S23-S24
S 24
La dépression : des pratiques aux théories 10
Dépression à début tardif > 60 ans Dépression débutant avant 60 ans
Handicap physique.
Ralentissement psychomoteur.
Déficits cognitifs et anomalies cérébrales.
Antécédents familiaux de trouble de l’humeur.
Trouble de la personnalité.
Conflits interpersonnels.
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