Prévention : économie ou surcoût S177
cool est estimé à 1 431 euros par sujet [14]. Ces coûts sont
deux à trois fois inférieurs au coût direct de la schizophré-
nie estimé à 11 871 euros/sujet [9].
Dans une étude menée en Angleterre, le coût global de
la schizophrénie a été estimé à 6,7 billions de livres en
2004/2005 (9,9 billions d’euros) qui se répartit en coût
direct (2 billions) et indirect (4,7 billions). Les coûts indi-
rects, nettement plus élevés, sont représentés par la prise
en charge médicale et sociale, les dépenses des familles
(615 millions), les soins informels, la baisse de la producti-
vité (3,4 billions), le coût des services judiciaires (1 mil-
lion), la diminution de la productivité des aidants
(32 millions) et les autres dépenses publiques [7].
L’Expérience de Gotland [10-14]
Cette expérience menée dans l’île de Gotland (Suède) dans
les années 1983-1984, constitue un bon exemple de pré-
vention de la dépression. Elle part d’un constat : la dépres-
sion est une pathologie fréquente, sous-diagnostiquée,
souvent traitée de manière inadéquate.
Un programme de formation continue des médecins
généralistes de l’île sur le diagnostic et le traitement de la
dépression a été mis en place. Ce programme se déroulait
sur deux journées et les thèmes abordés en conférence ou
discussion de cas étaient assez classiques : sémiologie et
classifi cation, étiologie, traitement aigu et préventif, sui-
cide, facteurs psychosociaux et famille.
Le but de ce programme était d’évaluer l’impact de la
formation médicale continue sur les indicateurs de santé
publique en les mesurant à trois reprises en 1982 (une
année avant l’instauration du programme), en 1985 et en
1988.
Les bénéfi ces étaient une diminution très marquée des
arrêts de travail pour dépression, une diminution de la fré-
quence des hospitalisations pour dépression (– 70 % en
1985, – 23 % en 1988), une augmentation des prescriptions
d’antidépresseurs associée à une régression des prescrip-
tions d’anxiolytiques (– 23 %) de sédatifs (– 8 %) et d’hypno-
tiques ainsi qu’une diminution de la morbidité et de la
mortalité notamment par suicide (incidence divisée par
trois en 1985). Ce programme représentait une économie
de 26 millions de dollars pour la société et son coût ne
représentait que 0,5 % des bénéfi ces engrangés. Cependant,
les chiffres mesurés en 1988 montraient clairement une
régression des résultats d’où la nécessité de répéter ce
programme tous les deux ans.
Programmes de dépistage précoce
des troubles psychotiques :
Beaucoup plus controversés, les programmes de dépistage
précoce des troubles psychotiques partent d’un constat :
un long délai d’accès aux soins est associé à un pronostic
péjoratif. La majorité de ces programmes est fondée sur
des critères symptomatiques et non diagnostiques et se
situe en phase préclinique c’est-à-dire qu’ils ciblent des
sujets présentant un trouble psychotique débutant mais
n’ayant pas encore reçu de diagnostic. Ces programmes
partent du constat qu’une longue durée de psychose non
traitée est associée à un pronostic péjoratif. Leur hypo-
thèse est donc qu’un traitement précoce permettrait
d’améliorer le pronostic.
Early Psychosis Prevention
and Intervention Centre (EPPIC) [4]
C’est le premier programme de ce type mis en place à
Melbourne (Australie). Il ciblait des patients âgés de 16 à
30 ans ayant reçu le diagnostic de psychose débutante. Les
objectifs étaient l’identifi cation précoce de ces patients et
leur traitement intensif pendant 2 ans. Ce programme dis-
posait de moyens considérables : des campagnes médiati-
ques de sensibilisation, la formation de médecins
généralistes, d’enseignants et d’agents sociaux à la patho-
logie psychotique. Il disposait également de trois équipes :
une équipe mobile d’évaluation travaillant 24 h/24 h, un
centre de soins ambulatoires et une unité d’hospitalisation
de 14 lits. Cependant, l’étude de l’impact de cette étude
n’a pas permis de démontrer une diminution de la durée de
la psychose non traitée.
Early Treatment and Intervention of Psychosis
(TIPS) [5]
Ce deuxième programme a été conduit en Norvège. Il s’agit
d’une étude quasi expérimentale comparant un site appli-
quant le programme TIPS en Norvège à deux sites au
Danemark et en Norvège n’ayant pas modifi é leur organisa-
tion des soins. Les objectifs étaient un diagnostic précoce
des troubles psychotiques débutants et l’initiation d’un
traitement antipsychotique à faible dose assorti d’un
module de psychoéducation.
Les moyens déployés étaient une campagne d’informa-
tion de la communauté, l’éducation des professionnels de
santé et de l’enseignement et enfi n une équipe médicale
opérationnelle formée au diagnostic et au traitement des
psychoses débutantes. La conduite de ce programme a per-
mis une réduction de la durée de la psychose non traitée
mais le doute persiste quant à l’amélioration du pronostic
des patients.
Intérêts de ces programmes
L’intérêt de ces programmes est indéniable : ils permettent
d’améliorer l’accès aux soins des sujets souffrant d’un
trouble psychotique avéré et acceptant de s’engager dans
une démarche thérapeutique. La sensibilisation du public
et la formation des médecins généralistes permettent de
corriger les préjugés, de diminuer la stigmatisation des
personnes souffrant de troubles psychiatriques et d’en faci-
liter ainsi le repérage.
Questions en suspens
Un certain nombre d’incertitudes persistent, notamment le
fait qu’une diminution de la durée de psychose non traitée
pourrait infl uencer l’histoire naturelle de la maladie et
améliorer le pronostic. Cette assertion, n’est pas vérifi ée
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