Un cas de trouble envahissant du développement CLINIQUE

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CLINIQUE
Un cas de trouble envahissant du développement
avec translocation chromosomique (X ; 4) (p11 ; q13)
A. AZZONI (1), M. RAJA
A case of pervasive developmental disorder with chromosomal translocation (X ; 4) (p11 ; q13)
Summary. Introduction. Chromosomal aberrations, with or without congenital physical abnormalities, have been frequently found associated with neuropsychiatric disorders, including mental retardation, psychosis, autism, and criminal
behaviour. The meaning of the association frequently remains unclear. However, consistent findings of association
between specific chromosomal abnormalities and clinical phenotype may provide evidence of a causal relationship and
shed light on the pathogenesis of obscure disorders. Case-report. Here, we present the case of a 28 year-old, Caucasian
male affected by pervasive developmental disorder, associated with chromosomal translocation 46, XY, t (X ; 4) (p11 ;
q13), and abnormal facial features. A few days after birth, the patient was taken away from his parents and adopted for
unknown reasons. No information is available about his biological relatives. Mild delay in the development of spoken
language was reported. Since early childhood, the patient’s behaviour was characterized by troublesome relationship
with his parents and his fellows, and persistent violation of norms and rules at home and at school. Consequently, social
and school functioning was poor. When he was eight, verbal and motor stereotypy appeared for the first time. As an
adolescent, he was more and more aggressive. He exhibited countless episodes of rage and verbal and physical aggressiveness. After he had completed secondary school, his way of life was chaotic. He got into the habit of staying away
from home, sleeping in the day and vagabonding at night. He began to abuse alcohol. Grandiosity and persecutory delusions became evident. He claimed to hate the Vatican, the Pope, and the Polish people and to be the Devil, the Antichrist.
He feared that his food was poisoned by his mother and refused to eat at home any more. He loved to remain in a cage
with two wild dogs, accumulating and keeping bottles full of his urine. He often engaged in violent fights in the street with
tramps and foreigners. Finally, he was involuntary admitted to a psychiatric intensive care unit. He was hostile, uncooperative, and violent. Magnetic resonance imaging of brain was normal, Wechsler Adult Intelligence Scale IQ score was
96 (total), 108 (verbal), 80 (non verbal), and Standard Progressive Matrices score was 44/60, chromosomal examination
[banding R (RBG)] revealed an apparently balanced translocation 46, XY, t (X ; 4) (p11 ; q13). The patient was treated
with risperidone (8 mg/day) and valproate (1500-2000 mg/day) with improvement. Psychotic symptoms, hostility and violence vanished. Amazingly, his behaviour and attitude became normal. Very early onset of symptoms, absence of negative
signs, and dysmorphic features suggesting an underlying medical disease do not support the diagnosis of schizophrenia.
Discussion. The diagnosis of pervasive developmental disorder, not otherwise specified, could be made, considering
the delay in the development of spoken language, the large discordance between verbal and non verbal WAIS IQ score,
the presence of stereotypy, abnormal facial features, and motor clumsiness. The late onset of symptoms precludes the
diagnosis of autism, while the delay in language does not permit the diagnosis of Asperger’s disorder. The lack of information on his biological relatives did not permit us to assess the presence of genetic, physical or mental abnormalities
in his family. Therefore, the causal relationship between the chromosomal translocation and the psychiatric disorder is
uncertain in this patient. Similar genetic abnormalities found in patients affected by neuropsychiatric disorders could confirm an etiological link.
Key words : Chromosome ; Pervasive developmental disorder ; Translocation.
(1) Service Psychiatrique, Hôpital S. Spirito in Sassia, Rome, Italie.
Travail reçu le 18 juin 2004 et accepté le 15 avril 2005.
Tirés à part : A. Azzoni (à l’adresse ci-dessus).
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 325-7, cahier 1
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A. Azzoni, M. Raja
Résumé. On rapporte ici un cas de trouble envahissant du
développement avec translocation chromosomique réciproque et apparemment balancée 46, XY t (X ; 4) (p11 ; q13). Il
s’agit d’un sujet masculin de 28 ans, fils adoptif, dont les
parents naturels sont inconnus. Dès son enfance il a présenté
des stéréotypies du langage et du comportement et des difficultés d’adaptation sociale et scolaire. À l’adolescence, il a
commencé à présenter des comportements agressifs puis
des idées délirantes de grandeur et de persécution, un abus
de boissons alcooliques, et des conduites bizarres. L’IRM
cérébrale était normale. Le niveau intellectuel était moyen
avec une grande discordance entre le QI verbal et le QI non
verbal. On remarque une dysmorphie faciale et une maladresse motrice.
Mots clés : Chromosome ; Translocation ; Trouble envahissant du
développement.
CAS CLINIQUE
Un sujet masculin, 28 ans, caucasien, très violent et
incapable de collaborer, a été hospitalisé après avoir
agressé ses parents. Il était fils adoptif, adopté vingt jours
après sa naissance. On ne savait rien de ses parents naturels. Son développement a été normal, à l’exception d’un
léger retard du langage. Pendant l’école maternelle, il est
décrit comme un enfant « rebelle », avec beaucoup de difficultés relationnelles avec ses parents et ses camarades,
incapable de se conformer aux règles familiales et scolaires. À l’âge de 8-9 ans sont apparues des stéréotypies verbales et du comportement. Au début de l’adolescence, il
est devenu de plus en plus agressif envers ses parents,
avec des épisodes de rage intense et de menaces. Il a terminé l’école secondaire, mais il a abandonné dès l’école
supérieure. Progressivement, il s’est de plus en plus renfermé chez lui, dormant le jour et vagabondant la nuit. Il a
commencé à abuser de boissons alcoolisées et à présenter des idées délirantes et des comportements bizarres (« il
hait le Vatican, le Pape, et tous les Polonais… il soutient
être le diable, l’Antichrist… il ne mange plus à la maison
craignant d’être empoisonné »). En outre, il vivait dans une
grande cage avec deux gros chiens, qu’il excitait contre ses
parents et tous les visiteurs, tandis que sa chambre était
encombrée par des bouteilles remplies de son urine, qu’il
accumulait et conservait. Pendant les semaines précédant
son hospitalisation il a eu plusieurs disputes et bagarres
dans la rue avec des vagabonds et des étrangers. Il montrait des idées de grandeur, et il paraissait bizarre, incohérent, avec une importante désorganisation conceptuelle.
L’examen physique était normal, sauf qu’il existait une
dysmorphie faciale (front proéminent, visage allongé,
mâchoire inférieure saillante, nez épaté) et une maladresse motrice.
Les examens suivants ont été effectués : IRM cérébrale
après injection de contraste : normale ; WAIS (Wechsler
Adult Intelligence Scale) : QI total 96, QI verbal 108, QI
non verbal 80, niveau d’intelligence moyen, avec une
grande discordance entre l’habileté verbale et celle de
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performance ; SPM (Standard Progressive Matrices) : 44
réponses exactes sur 60, niveau d’intelligence moyen ;
examen chromosomique : translocation réciproque apparemment balancée 46, XY, t (X ; 4) (p11 ; q13). Le caryotype a été confirmé par la technique de banding R (RBG).
Le patient a été traité par rispéridone jusqu’à 8 mg par
jour et valproate de sodium, 1 500-2 000 mg par jour. On
constate une réduction de la bizarrerie et de la désorganisation de la pensée, du langage et du comportement,
et une disparition de l’agressivité.
DISCUSSION
Un diagnostic de schizophrénie est exclu, sur la base
du début très précoce des stéréotypies verbales et motrices et des troubles du comportement, de l’absence d’hallucinations et de signes négatifs, de la dysmorphie faciale.
On pourrait suspecter un trouble envahissant du développement, sur le retard du langage, les difficultés de relation
et de communication, la discordance remarquable entre QI
verbal et QI non verbal, les stéréotypies verbales et du comportement, les anomalies physiques associées, la maladresse motrice, les intérêts limités, stéréotypés et anormaux
(3). Selon les critères du DSM IV-R on devrait formuler un
diagnostic de trouble envahissant du développement non
spécifié, puisque le début des symptômes est trop tardif pour
un diagnostic d’autisme, et la présence d’un retard du langage ne permet pas le diagnostic de syndrome d’Asperger.
En outre, on possède la donnée d’une translocation chromosomique réciproque et apparemment balancée entre les
chromosomes X et 4. La condition de fils adoptif et la complète absence d’informations sur les parents naturels n’ont
pas permis la recherche d’anomalies génétiques, physiques ou mentales, dans la famille d’origine. Il n’est même
pas possible de savoir s’il s’agit d’une translocation de novo.
CONCLUSION
Les troubles du développement ont une base génétique
indiscutable. L’étude des anomalies chromosomiques
dans ces troubles pourrait contribuer à l’identification de
régions chromosomiques spécifiques et de gènes candidats associés aux troubles du développement.
On a déjà décrit d’autres cas d’anomalies chromosomiques associées à un trouble du développement, qui
affectent le bras court (1,5) et long (2,4) du chromosome 4.
Cette observation semble être le premier cas d’association de trouble envahissant du développement avec le
caryotype 46, XY, t (X ; 4) (p11 ; q13).
Références
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susceptibility gene loci on chromosomes 1p, 4p, 6q, 7q, 13q, 15q,
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Un cas de trouble envahissant du développement avec translocation chromosomique
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