A. Azzoni, M. Raja L’Encéphale, 2006 ;
32 :
325-7, cahier 1
326
Résumé.
On rapporte ici un cas de trouble envahissant du
développement avec translocation chromosomique récipro-
que et apparemment balancée 46, XY t (X ; 4) (p11 ; q13). Il
s’agit d’un sujet masculin de 28 ans, fils adoptif, dont les
parents naturels sont inconnus. Dès son enfance il a présenté
des stéréotypies du langage et du comportement et des dif-
ficultés d’adaptation sociale et scolaire. À l’adolescence, il a
commencé à présenter des comportements agressifs puis
des idées délirantes de grandeur et de persécution, un abus
de boissons alcooliques, et des conduites bizarres. L’IRM
cérébrale était normale. Le niveau intellectuel était moyen
avec une grande discordance entre le QI verbal et le QI non
verbal. On remarque une dysmorphie faciale et une mala-
dresse motrice.
Mots clés :
Chromosome ; Translocation ; Trouble envahissant du
développement.
CAS CLINIQUE
Un sujet masculin, 28 ans, caucasien, très violent et
incapable de collaborer, a été hospitalisé après avoir
agressé ses parents. Il était fils adoptif, adopté vingt jours
après sa naissance. On ne savait rien de ses parents natu-
rels. Son développement a été normal, à l’exception d’un
léger retard du langage. Pendant l’école maternelle, il est
décrit comme un enfant « rebelle », avec beaucoup de dif-
ficultés relationnelles avec ses parents et ses camarades,
incapable de se conformer aux règles familiales et scolai-
res. À l’âge de 8-9 ans sont apparues des stéréotypies ver-
bales et du comportement. Au début de l’adolescence, il
est devenu de plus en plus agressif envers ses parents,
avec des épisodes de rage intense et de menaces. Il a ter-
miné l’école secondaire, mais il a abandonné dès l’école
supérieure. Progressivement, il s’est de plus en plus ren-
fermé chez lui, dormant le jour et vagabondant la nuit. Il a
commencé à abuser de boissons alcoolisées et à présen-
ter des idées délirantes et des comportements bizarres (« il
hait le Vatican, le Pape, et tous les Polonais… il soutient
être le diable, l’Antichrist… il ne mange plus à la maison
craignant d’être empoisonné »). En outre, il vivait dans une
grande cage avec deux gros chiens, qu’il excitait contre ses
parents et tous les visiteurs, tandis que sa chambre était
encombrée par des bouteilles remplies de son urine, qu’il
accumulait et conservait. Pendant les semaines précédant
son hospitalisation il a eu plusieurs disputes et bagarres
dans la rue avec des vagabonds et des étrangers. Il mon-
trait des idées de grandeur, et il paraissait bizarre, incohé-
rent, avec une importante désorganisation conceptuelle.
L’examen physique était normal, sauf qu’il existait une
dysmorphie faciale (front proéminent, visage allongé,
mâchoire inférieure saillante, nez épaté) et une mala-
dresse motrice.
Les examens suivants ont été effectués : IRM cérébrale
après injection de contraste : normale ; WAIS
(Wechsler
Adult Intelligence Scale)
: QI total 96, QI verbal 108, QI
non verbal 80, niveau d’intelligence moyen, avec une
grande discordance entre l’habileté verbale et celle de
performance ; SPM
(Standard Progressive Matrices)
: 44
réponses exactes sur 60, niveau d’intelligence moyen ;
examen chromosomique : translocation réciproque appa-
remment balancée 46, XY, t (X ; 4) (p11 ; q13). Le caryo-
type a été confirmé par la technique de banding R (RBG).
Le patient a été traité par rispéridone jusqu’à 8 mg par
jour et valproate de sodium, 1 500-2 000 mg par jour. On
constate une réduction de la bizarrerie et de la désorga-
nisation de la pensée, du langage et du comportement,
et une disparition de l’agressivité.
DISCUSSION
Un diagnostic de schizophrénie est exclu, sur la base
du début très précoce des stéréotypies verbales et motri-
ces et des troubles du comportement, de l’absence d’hal-
lucinations et de signes négatifs, de la dysmorphie faciale.
On pourrait suspecter un trouble envahissant du déve-
loppement, sur le retard du langage, les difficultés de relation
et de communication, la discordance remarquable entre QI
verbal et QI non verbal, les stéréotypies verbales et du com-
portement, les anomalies physiques associées, la mala-
dresse motrice, les intérêts limités, stéréotypés et anormaux
(3). Selon les critères du DSM IV-R on devrait formuler un
diagnostic de trouble envahissant du développement non
spécifié, puisque le début des symptômes est trop tardif pour
un diagnostic d’autisme, et la présence d’un retard du lan-
gage ne permet pas le diagnostic de syndrome d’Asperger.
En outre, on possède la donnée d’une translocation chro-
mosomique réciproque et apparemment balancée entre les
chromosomes X et 4. La condition de fils adoptif et la com-
plète absence d’informations sur les parents naturels n’ont
pas permis la recherche d’anomalies génétiques, physi-
ques ou mentales, dans la famille d’origine. Il n’est même
pas possible de savoir s’il s’agit d’une translocation
de novo.
CONCLUSION
Les troubles du développement ont une base génétique
indiscutable. L’étude des anomalies chromosomiques
dans ces troubles pourrait contribuer à l’identification de
régions chromosomiques spécifiques et de gènes candi-
dats associés aux troubles du développement.
On a déjà décrit d’autres cas d’anomalies chromoso-
miques associées à un trouble du développement, qui
affectent le bras court (1,5) et long (2,4) du chromosome 4.
Cette observation semble être le premier cas d’asso-
ciation de trouble envahissant du développement avec le
caryotype 46, XY, t (X ; 4) (p11 ; q13).
Références
1. AURANEN M, NIEMINEN T, MAJURI S.
et al.
Analysis of autism
susceptibility gene loci on chromosomes 1p, 4p, 6q, 7q, 13q, 15q,