
Modèles physiopathologiques des états mixtes S169
États mixtes comme forme sévère 
d’épisode maniaque ou d’épisode 
dépressif majeur
En effet, suivant une intuition clinique assez commune, 
plusieurs arguments cliniques et épidémiologiques permettent 
d’envisager les états mixtes comme des formes sévères de 
dépression ou de manie [5]. Cette hypothèse s’appuie sur le 
fait qu’il existerait, chez les patients présentant des épisodes 
mixtes, plus d’épisodes chroniques et un moins bon fonc-
tionnement inter- critique. De même, dans une classiÀ cation 
des manies, Carlson et coll. notent les critères de mixité 
(dysphorie nette, désespoir) dans le stade le plus sévère de 
manie [10]. EnÀ n, les travaux sur la polarité prédominante 
des troubles bipolaires montrent une association plus forte 
des épisodes mixtes avec la polarité dépressive du trouble et 
une forte association avec le risque suicidaire, suggérant donc 
également que l’épisode mixte puisse être une forme sévère 
de dépression [11]. Ce modèle physiopathologique n’a pas 
donné lieu à notre connaissance à des travaux physiopatho-
logiques concluants et il reste cependant très hypothétique, 
la littérature apportant également des arguments invalidant 
l’hypothèse d’une sévérité accrue des épisodes mixtes par 
rapport aux autres types d’épisode thymique [5].
États mixtes comme l’association 
d’un épisode thymique à des facteurs 
de personnalité ou de tempérament
On doit à Akiskal l’idée que les états mixtes pourraient être 
des épisodes maniaques survenant sur un tempérament 
dépressif ou cyclothymique ou des épisodes dépressifs sur-
venant sur un tempérament hyperthymique [5], autrement 
dit un épisode de polarité opposée à celle du tempérament 
prédominant. Par ailleurs, une étude a pu montrer que c’était 
le facteur « consciencieux » du modèle « Big À ve » de la 
personnalité qui était le plus lié au nombre d’hospitalisations 
pour état mixte chez des patients souffrant d’un trouble 
bipolaire de type I [12]. Par extension, une autre hypothèse 
séduisante caractérisant la vulnérabilité à la mixité est 
l’existence d’une instabilité thymique intrinsèque chez le 
sujet comme on la décrit par exemple dans le tempérament 
cyclothymique, qui se manifesterait également au cours des 
épisodes [5]. Suivant la même hypothèse, il est possible que 
le trouble de la personnalité borderline soit un facteur de 
vulnérabilité à la mixité, du fait par exemple de l’existence 
permanente d’une forte réactivité de l’humeur [13].
L’impulsivité est également une dimension clinique 
souvent associée aux états mixtes [3]. Elle est sans doute 
à l’origine d’une plus grande vulnérabilité au suicide des 
patients souffrant d’état mixtes, même si des travaux 
doivent mieux explorer cette dimension.
pour modéliser la symptomatologie mixte plutôt dans un 
contexte de symptomatologie dépressive prédominante ou 
de dépression mixte. Ce modèle fait l’hypothèse qu’une 
déplétion rapide en dopamine peut- être responsable, dans 
sa phase initiale, de symptômes moteurs et psychiques 
qui ressemblent à des signes de mixité [7]. Cette hypo-
thèse s’appuie en particulier sur la description, chez des 
patients comme chez des témoins sains, du syndrome 
dysphorique lié aux neuroleptiques classiques, connus 
pour être des inhibiteurs des récepteurs dopaminergiques 
D2. Ce syndrome est caractérisé par l’apparition, dès 
l’ingestion d’une dose sufÀ sante de neuroleptique ou 
d’inducteur pharmacologique de déplétion en dopamine, 
de signes cliniques tels qu’une agitation psychomotrice, 
des impatiences, de l’anxiété, de l’hostilité, une aug-
mentation de l’impulsivité et des variations rapides de 
l’humeur. Ces signes cliniques pourraient être la résul-
tante de la réaction biologique immédiate et transitoire 
d’autorégulation induite par la déplétion ou le blocage 
dopaminergique. Ce tableau clinique évolue en général 
vers des signes plus classiques de dépression tels que 
le ralentissement psychomoteur, l’apathie et l’humeur 
dépressive. Si cette hypothèse pourrait rendre compte 
des fréquentes transitions manie – dépression avec une 
période mixte intermédiaire, en permettant d’intégrer la 
déplétion dopaminergique faisant suite à l’hyperactivité 
dopaminergique de l’épisode maniaque, les observations 
préliminaires qui fondent son rationnel restent fragiles. 
Le syndrome dysphorique lié aux neuroleptiques n’est 
peut- être pas fondamentalement de nature thymique, 
et les symptômes psychiques évoqués dans un contexte 
d’akathisie sont à interpréter avec précaution.
Ce type de modèle questionne d’ailleurs directement 
l’effet des traitements sur les transitions d’une forme à 
l’autre d’épisode thymique. Les antidépresseurs sont sou-
vent cités comme un facteur de précipitation d’un épisode 
dépressif à un épisode mixte et/ou hypomane ou maniaque, 
en particulier en présence de symptômes maniaques même 
discrets au cours d’un épisode dépressif majeur, autrement 
dit dès lors que le tableau clinique est évocateur d’un état 
mixte qu’il soit caractérisé ou non [8]. Pour autant, il semble 
que les facteurs cliniques prédictifs de la transition de la 
dépression vers un autre type d’épisode ne soient pas spéci-
À ques aux patients bipolaires traités par antidépresseurs par 
rapport aux patients n’ayant pas ce type de traitement [9].
Mais ce modèle déÀ nissant l’état mixte comme état 
transitoire est remis en cause d’une part par l’existence 
d’épisode mixte isolé de tout autre épisode thymique et 
« spontané », en particulier sans cause iatrogène, et d’autre 
part par la sévérité observée de certains épisodes mixtes, 
qui, d’ailleurs, a amené à discuter d’autres modèles, dont 
celui déÀ nissant les états mixtes comme des formes plus 
sévères d’épisodes maniaques ou dépressifs.