L’Encéphale (2012) 38, S98-S102 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep Schizophrénie et/ou trouble bipolaire : les endophénotypes neurobiologiques Schizophrenia and/or bipolar disorder: neurobiological endophenotypes M. Adidaa*, J.-M. Azorina, E. Fakraa, R. Belzeauxa, A. Kaladjianb, P. Pomiettoa, N. Corréarda aSHU bPôle Psychiatrie Adultes – Pavillon Solaris, Hôpital Sainte-Marguerite, 13274 Marseille cedex 9, France de Psychiatrie des Adultes, CHU Robert Debré, Avenue du Général Koenig, Reims cedex, France MOTS CLÉS Schizophrénie ; Trouble bipolaire ; Endophénotype ; Neurobiologique ; Apparentés KEYWORDS Schizophrenia; Bipolar disorder; Endophenotype; Neurobiological; Relatives Résumé Les anomalies endophénotypiques, non apparentes cliniquement, ou phénotypes intermédiaires, sont l’expression simplifiée de variants génétiques simples, c’est-à-dire idéalement liés au polymorphisme d’un seul gène. Une maladie psychiatrique serait ainsi constituée par l’assemblage de différents phénotypes simplifiés. Les endophénotypes sont des traits neuropathologiques, neurocognitifs, émotionnels, neurophysiologiques et neurobiologiques associés à l’expression de facteurs génétiques de vulnérabilité d’une maladie. Ils témoignent de la susceptibilité de sujets non malades, avec des apparentés atteints, à développer la maladie. L’objectif de ce travail est de passer en revue la littérature scientifique et d’identifier les endophénotypes neurobiologiques associés à la schizophrénie d’une part, et au trouble bipolaire d’autre part. Ce travail de revue de la littérature nous a permis d’identifier des endophénotypes neurobiologiques associés à la schizophrénie : l’augmentation du volume des ventricules latéraux, la diminution du volume de la substance grise au niveau du lobe frontal et de l’insula, la diminution du taux de N-acetyl-aspartate dans les régions hippocampiques et enfin une réaction positive au test à la niacine. Ce travail de revue de la littérature nous a permis d’identifier les endophénotypes neurobiologiques associés au trouble bipolaire : l’altération des capacités de planification, suite à une réduction de la disponibilité du tryptophane, le dysfonctionnement du système punition-récompense présent dans le trouble bipolaire, les modifications comportementales observées chez des patients bipolaires après la prise de psychostimulants, l’hypersensibilité à l’induction du sommeil REM par des agents cholinergiques et enfin des anomalies du système immunitaire et de l’axe hypothalamo-hypophyso-adrénergique. La détection précoce d’endophénotypes chez des individus sains apparentés de patients souffrant de trouble bipolaire ou de schizophrénie devrait permettre l’élaboration et la mise en place de stratégies de prévention de la maladie. © L’Encéphale, Paris, 2012 Summary Background. – The term endophenotype was used by Gottesman (1991) to describe a trait that may be intermediate on the chain of causality from genes to diseases. Some family relatives of affected patients also carry the endophenotype, although not the disease phenotype. The increased penetrance of the endophenotype, and its closer relationship to the gene than that of the phenotype proper, are expected to help genetic studies. An endophenotype may be neuropathological, neurocognitive, emotional, neurophysiological or neurobiological in nature. *Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (M. Adida) © L’Encéphale, Paris, 2012. Tous droits réservés. Schizophrénie et/ou trouble bipolaire : les endophénotypes neurobiologiques S99 Objective. – We aim at identifying neurobiological endophenotypes for schizophrenia and bipolar disorder. Methods. – We used a survey of neurobiological studies to select and evaluate endophenotype candidates for schizophrenia and for bipolar disorder. Results. – Neurobiological endophenotype candidates for schizophrenia include lateral ventricles enlargement, grey matter atrophy in frontal lobe and insula, decreased levels of N-acetyl-aspartate in the hippocampus and niacin-induced flushing. Neurobiological endophenotype candidates for bipolar disorder include tryptophan depletion-induced planning impairment, abnormalities of reward system, psychostimulants-induced behavioural differences, hypersensitivity to cholinergic REM induction test and abnormalities of immune and hypothalamus-pituitary-adrenergic system. Conclusions. – More studies to evaluate endophenotype candidates with respect to specificity, heritability, temporal stability, and prevalence in unaffected relatives are encouraged in schizophrenia and bipolar disorder. © L’Encéphale, Paris, 2012 Introduction Le modèle de vulnérabilité postule que les déterminants génétiques seraient responsables de la transmission d’une vulnérabilité prédisposant à un risque accru de souffrir d’un trouble psychiatrique. La transmission de ce risque se traduirait par la présence d’anomalies appelées marqueurs de vulnérabilité. Un terrain vulnérable, évoluerait ou n’évoluerait pas vers un trouble, en fonction de la possible existence de facteurs génétiques et/ou environnementaux. Ces marqueurs ont été étudiés en population générale, permettant d’identifier certains facteurs de risque de survenue d’une schizophrénie ou d’un trouble bipolaire, chez des apparentés du premier degré et chez des sujets à haut risque, comme les enfants d’individus malades. La schizophrénie serait associée à la présence de marqueurs de vulnérabilité, comprenant des troubles neurologiques, des dysfonctionnements cognitifs et des marqueurs électrophysiologiques (anomalies de la motricité fine, du langage, des capacités attentionnelles et diminution de la modulation du réflexe de sursaut). La plupart de ces anomalies seraient retrouvées chez des sujets apparentés, y compris ceux apparemment indemnes de pathologie psychiatrique [1-4]. Ce modèle, construit principalement pour rendre compte de la physiopathologie de la schizophrénie ou du trouble bipolaire, reste valide pour traduire celle de la majorité des troubles psychiatriques, incluant les troubles anxieux, les addictions et le trouble déficit de l’attention avec ou non hyperactivité. Le modèle de vulnérabilité ne préjuge pas de l’origine environnementale ou génétique des troubles, ni d’une éventuelle interaction génétique-environnement. Avec ce modèle comme base, la recherche de nouveaux outils permettant de disséquer les phénotypes complexes que représentent les maladies psychiatriques, a révélé le concept d’endophénotype [2]. Le postulat stipule clairement que les anomalies endophénotypiques, non apparentes cliniquement, les phénotypes intermédiaires, sont l’expression simplifiée de variants génétiques simples, c’est-à-dire idéalement liés au polymorphisme d’un seul gène. Une maladie psychiatrique serait ainsi constituée par l’assemblage de différents phénotypes simplifiés. Au-delà d’une modélisation schématique, les marqueurs endophénotypiques, qui recouvrent de facto les marqueurs de vulnérabilité, sont des phénotypes complexes soumis aux influences de l’environnement. Les différents phénotypes sont susceptibles d’interagir entre eux : si un individu montre un degré d’impulsivité élevé alors qu’il est déprimé, le risque d’un passage à l’acte suicidaire sera supérieur à celui d’un individu avec un degré d’impulsivité faible. Les endophénotypes sont des traits neuropathologiques, neurocognitifs, émotionnels, neurophysiologiques et neurobiologiques associés à l’expression de facteurs génétiques de vulnérabilité d’une maladie. Ils témoignent de la susceptibilité de sujets non malades, avec des apparentés atteints, à développer la maladie. La plupart des maladies psychiatriques sont caractérisées par une pénétrance incomplète, c’est-à-dire que des sujets peuvent être porteurs de facteurs génétiques de vulnérabilité et ne pas exprimer cliniquement la maladie. Les stratégies d’identification et d’étude d’endophénotypes chez les sujets sains à haut risque de développer une maladie, comme par exemple les apparentés de sujets malades, devraient enrichir l’état des connaissances scientifiques sur les maladies psychiatriques et leur transmission. Pour être qualifié de marqueur-trait, un endophénotype doit répondre aux critères suivants : il doit être présent avant le début de la maladie, être associé à la maladie dans la population générale, être héritable, être état-indépendant c’est-à-dire être présent chez les sujets non malades, présenter une co-ségrégation avec la maladie au sein des familles et être retrouvé chez les membres non atteints de la famille, à une fréquence plus élevée que celle rapportée dans la population générale [2]. L’association d’un ou plusieurs endophénotypes à un ou plusieurs gènes pourrait en partie expliquer la vulnérabilité d’un sujet à un ou plusieurs troubles. L’approche endophénotypique a rendu possible l’émergence de résultats nouveaux et probants. Parmi les études pionnières, l’identification d’endophénotypes électrophysiologiques comme le défaut de modulation de l’onde P50, enregistré lors de potentiels évoqués auditifs, a permis, par exemple, la mise en évidence d’une liaison avec un gène codant pour une sous-unité du récepteur à la nicotine [3]. Le choix de ce gène candidat est en accord avec les données pharmacologiques qui montrent que la nicotine est une des molécules modulant l’onde P50. Il a été mis en évidence une association entre le polymorphisme fonctionnel du gène de la Cathécol-O-Methyl-Transférase (COMT, à l’origine d’une variation de l’activité de l’enzyme dégradant les monoamines) et, d’une part, les performances S100 de mémoire de travail de patients schizophrènes et de leurs apparentés, et d’autre part, l’intensité des activations en imagerie fonctionnelle [2,3]. Cette étude a permis de corréler les performances des patients, apparentés et sujets sains, aux variants génétiques, mais elle n’a pas permis de rendre compte des différences de performance entre les sujets patients et témoins. C’est la régulation génétique d’une fonction altérée dans une maladie qui est étudiée, et non les anomalies génétiques à l’origine de cette maladie. Le présent travail passera en revue les endophénotypes neurobiologiques, et plus précisément les endophénotypes neurobiologiques associés à la schizophrénie puis les endophénotypes neurobiologiques associés au trouble bipolaire. Endophénotypes neurobiologiques associés à la schizophrénie L’élargissement ventriculaire et l’atrophie corticale sont les anomalies les plus fréquemment retrouvées chez les patients souffrant de schizophrénie [5]. Les chercheurs ont tenté de montrer que ces anomalies pouvaient constituer des endophénotypes neurobiologiques associés à la schizophrénie. Les premiers travaux ont montré l’existence d’un élargissement ventriculaire chez des apparentés sains de patients souffrant de schizophrénie. Cannon et al. ont montré que le volume du liquide céphalo-rachidien (LCR) des patients, et de leurs apparentés sains, était supérieur à celui des sujets contrôles, alors que le volume des espaces ventriculaires était uniquement augmenté chez les patients [6]. D’autres études ont confirmé ces résultats [7-10]. Le volume des ventricules latéraux représenterait un endophénotype neurobiologique associé à la schizophrénie : en effet, le volume des ventricules latéraux des apparentés sains serait compris entre celui des patients et celui des sujets contrôles, avec une différence plus importante pour les sujets porteurs obligatoires, c’està-dire les sujets avec un ascendant et un descendant atteint, et présentant donc une forte charge génétique. Parallèlement, d’autres travaux de recherche ont montré l’existence de diminutions du volume de la substance grise, de patients schizophrènes et de leurs apparentés sains, en comparaison au volume de la substance grise de sujets contrôles [6,11]. Les chercheurs ont par la suite mis en évidence des associations entre une diminution du volume de substance grise dans certaines régions du cerveau et des anomalies de fonctions neurocognitives : par exemple, une diminution du volume de la substance grise au niveau du lobe frontal (endophénotype neurobiologique candidat) a été associée à une altération de la mémoire de travail (autre endophénotype candidat, neurocognitif) [12]. En 2005, Makris et al. ont montré, de façon similaire, qu’une réduction du volume de l’insula représentait un endophénotype neurobiologique associé à la schizophrénie, résultat confirmé 2 ans plus tard par Saze et al. [13,14]. Une étude en spectroscopie par résonnance magnétique de Callicott et al. a montré l’existence d’une diminution du taux de N-Acétyl Aspartate, un marqueur du turn-over neuronal, dans les régions hippocampiques, chez des patients schizophrènes et leurs apparentés sains [15]. Ces auteurs ont vivement recommandé la mise en place de nouvelles investigations pour confirmer, d’une part, l’héritabilité de ces anomalies, et d’autre part, leur association avec la maladie : ils ont proposé de définir la diminution du taux de N-Acétyl Aspartate hippocampique comme un endophénotype neurobiologique possible associé à la schizophrénie. M. Adida et al. Smesny et al. ont utilisé, en 2003, le test cutané à la niacine (acide nicotinique ou vitamine B3) pour distinguer les sujets expérimentant un premier épisode psychotique des sujets contrôles, avec l’apparition d’un flush et d’une réaction œdémateuse médiés par un afflux de prostaglandines [16]. La mise en évidence d’un profil de sensibilité à la niacine chez ces sujets a conduit les auteurs à recommander de nouvelles études afin de confirmer l’augmentation de la sensibilité à la niacine chez des sujets à haut risque. Ainsi, une réaction positive au test à la niacine pourrait constituer un possible endophénotype neurobiologique associé à la schizophrénie. Tarbox et al., en 2006, ont essayé de montrer l’existence d’une association entre la présence de dyskinésies spontanées et la vulnérabilité à la schizophrénie. Toutes les études ultérieures ont infirmé que l’existence de mouvements involontaires soit un endophénotype neurobiologique associé à la schizophrénie [17]. Endophénotypes neurobiologiques associés au trouble bipolaire Le degré de sensibilité d’un sujet à la privation de tryptophane, un acide aminé essentiel, mesurée par l’importance de la diminution du taux de sérotonine, de l’affaissement de l’humeur et de l’apparition de troubles cognitifs, serait un endophénotype neurobiologique candidat associé au trouble bipolaire [18]. L’augmentation de l’impulsivité d’un sujet, suite à un régime déplété en tryptophane, serait plus importante chez des individus sains apparentés de patients bipolaires, que chez des sujets contrôles [19]. Sobczak et al. ont montré que le traitement rapide de l’information, lors de la passation de la Tour de Londres, un test évaluant les capacités de planification, était altéré chez les individus sains apparentés de patients bipolaires, après avoir suivi un régime déplété en tryptophane [20]. Quintin et al. ont montré que les individus sains apparentés de patients bipolaires, en comparaison à des sujets contrôles, présentaient en condition basale des concentrations en sérotonine plaquettaire plus faibles, avec une affinité du récepteur à l’imipramine du transporteur de la sérotonine, moindre, et un nombre de récepteurs à l’imipramine réduit, ces mesures ne variant pas après une déplétion en tryptophane [21]. Hasler et al., dans une revue de la littérature sur les endophénotypes, ont suggéré qu’une altération des capacités de planification, suite à une réduction de la disponibilité du tryptophane, représente un endophénotype biologique associé au trouble bipolaire [4]. Certains auteurs ont cherché à mettre en évidence les endophénotypes neurobiologiques associés au dysfonctionnement du système punition-récompense, incluant des anomalies du cortex préfrontal et du striatum. La réduction du volume de substance grise dans ces régions a été associée à une augmentation de la vulnérabilité d’un sujet au trouble bipolaire [22]. Les symptômes perte d’intérêt et anhédonie, retrouvés lors de phases dépressives, et les symptômes hypermotivation et comportements compulsifs, retrouvés lors de phases maniaques, ont permis d’émettre l’hypothèse selon laquelle les dysfonctionnements du système punitionrécompense seraient associés aux perturbations cliniques anhédonie et exagération de la réponse comportementale en réponse à un stimulus habituellement récompensé. Différentes expériences utilisant des psychostimulants ou la déplétion en dopamine ont permis de montrer que le Schizophrénie et/ou trouble bipolaire : les endophénotypes neurobiologiques dysfonctionnement du système punition-récompense participait à la physiopathologie du trouble bipolaire. Ainsi, Hasler et al. ont proposé que le dysfonctionnement du système punition-récompense soit un endophénotype neurobiologique associé au trouble bipolaire [4]. Mattay et al. ont montré que le polymorphisme fonctionnel de la COMT était associé aux variations individuelles de réponse cérébrale à la dopamine, et ont ainsi révélé l’héritabilité du dysfonctionnement du système punition-récompense [23]. Néanmoins, le développement de modèles animaux du dysfonctionnement du système punition-récompense et la mise en place de nouvelles études sont nécessaires pour mieux caractériser le dysfonctionnement du système punition-récompense présent dans le trouble bipolaire et proposer ce dysfonctionnement comme un endophénotype neurobiologique associé au trouble bipolaire. Les psychostimulants comme les amphétamines ou la cocaïne peuvent induire une élévation de l’humeur chez des sujets non bipolaires et déclencher un épisode maniaque chez des patients souffrant de trouble bipolaire. Tremblay et al. ont montré que les patients souffrant de trouble de l’humeur présentaient une sensibilité à la récompense augmentée en comparaison à celle de sujets contrôles [24]. L’euphorie induite par les psychostimulants serait liée à la libération de dopamine dans le striatum ventral de l’homme. Or, les variations individuelles de réponse cérébrale aux psychostimulants seraient en partie dues au polymorphisme fonctionnel de la COMT, une enzyme impliquée dans le fonctionnement du système punition-récompense [23]. Ainsi, les modifications comportementales observées chez des patients bipolaires après la prise de psychostimulants pourraient être des marqueurs du trouble bipolaire. Les études animales, chez le rat notamment, ont confirmé l’importante part génétique de la réponse comportementale observée après l’administration de psychostimulants. Le lithium, les antipsychotiques et les anticonvulsivants seraient efficaces pour atténuer ces réponses à type de manie. Quelques études ont permis de montrer des résultats similaires chez l’homme [4]. L’héritabilité de la réponse comportementale aux amphétamines a été mise en évidence par des études de jumeaux [25,26]. Barrett et al. ont montré que le polymorphisme du promoteur d’un gène codant pour une protéine nécessaire au bon équilibre de la balance dopamine/amphétamine était associé à une vulnérabilité au trouble bipolaire [27]. Pour que la réponse comportementale aux psychostimulants soit validée comme un endophénotype neurobiologique associé au trouble bipolaire, les travaux de recherche devront évaluer la spécificité au trouble bipolaire de la sensibilité aux psychostimulants, en comparaison à la schizophrénie, et développer des modèles animaux, afin de mieux comprendre les substrats neurobiologiques impliqués dans la réponse comportementale aux psychostimulants, et identifier les gènes associés. Ainsi, d’autres études semblent nécessaires pour confirmer l’existence d’une association entre la réponse comportementale aux psychostimulants et la vulnérabilité au trouble bipolaire. Un dérèglement de la balance entre les systèmes parasympathiques cholinergique et adrénergique serait impliqué dans la physiopathologie du trouble bipolaire. En effet, il existerait une diminution de l’activité cholinergique lors d’une phase de manie et une hypersensibilité cholinergique lors d’une phase de dépression. De nombreuses expériences ont permis de mettre en évidence l’apparition d’un syndrome anergieanhédonie après l’administration d’un agoniste cholinergique ou d’un inhibiteur de l’acétylcholinestérase. À l’opposé, les S101 drogues anticholinergiques, comme la scopolamine, qui agissent sur le récepteur muscarinique de la nicotine, induisent une élévation de l’humeur avec une symptomatologie maniforme. De nombreuses études ont confirmé les associations, d’une part, entre un épisode dépressif et une hyperréactivité cholinergique, et d’autre part, entre un épisode de manie et un état d’hypocholinergie [4]. Le système cholinergique est impliqué dans le cycle veille-sommeil, dans l’apprentissage, la mémorisation, l’attention, la motivation, la sensibilité à la récompense. Ces résultats concernant la sensibilité cholinergique ont conduit certaines équipes de recherche à montrer l’existence d’un endophénotype, l’hypersensibilité à l’induction du sommeil REM (Rapid Eye Movement) par des agents cholinergiques. La sensibilité, à l’induction de cette phase de sommeil REM par des agents cholinergiques, de patients souffrant de trouble bipolaire, serait supérieure à celle de sujets contrôles. Ce trait serait héritable. D’autres études sont à mettre en place pour confirmer ces résultats, montrer que ce trait est bien indépendant de l’état d’humeur du patient et confirmer la cotransmission de ce trait avec la maladie au sein des familles. L’hypersensibilité à l’induction du sommeil REM (Rapid Eye Movement) par des agents cholinergiques est un endophénotype neurobiologique candidat pour être associé au trouble bipolaire. Duffy et al. ont passé en revue les données scientifiques sur les différents indicateurs biologiques du risque qu’un individu sain, apparenté à un ou des patients souffrant de trouble bipolaire, a de développer la maladie [28]. Les données issues des études cliniques et des études à haut risque ont révélé l’association au trouble bipolaire d’anomalies de l’axe hypothalamo-hypophyso-adrénergique (HHA) et du système immunitaire. Ces anomalies représenteraient des vulnérabilités héritées et seraient déterminantes dans la survenue d’un premier épisode. Conclusion Nous avons précisé que les anomalies endophénotypiques, non apparentes cliniquement, les phénotypes intermédiaires, étaient l’expression simplifiée de variants génétiques simples, c’est-à-dire idéalement liés au polymorphisme d’un seul gène. Une maladie psychiatrique serait ainsi constituée par l’assemblage de différents phénotypes simplifiés. Les endophénotypes sont des traits neuropathologiques, neurocognitifs, émotionnels, neurophysiologiques et neurobiologiques associés à l’expression de facteurs génétiques de vulnérabilité d’une maladie. Ils témoignent de la susceptibilité de sujets non malades, avec des apparentés atteints, à développer la maladie. Ce travail de revue de la littérature nous a permis d’identifier les endophénotypes neurobiologiques associé à la schizophrénie. L’élargissement ventriculaire et l’atrophie corticale sont les anomalies les plus fréquemment retrouvées chez les patients souffrant de schizophrénie [5]. Plus précisément, l’augmentation du volume des ventricules latéraux et la diminution du volume de la substance grise au niveau du lobe frontal et de l’insula représenteraient des endophénotypes neurobiologiques associés à la schizophrénie. La diminution du taux de NAA dans les régions hippocampiques représenterait un endophénotype neurobiologique associé à la maladie, et la réaction positive au test à la niacine aussi. Ce travail de revue de la littérature nous a permis d’identifier les endophénotypes neurobiologiques associés au trouble bipolaire : une altération des capacités de planification, S102 suite à une réduction de la disponibilité du tryptophane [4], le dysfonctionnement du système punition-récompense, présent dans le trouble bipolaire, les modifications comportementales observées chez des patients bipolaires après la prise de psychostimulants, l’hypersensibilité à l’induction du sommeil REM par des agents cholinergiques et enfin des anomalies de l’axe HHA et du système immunitaire. La détection précoce d’endophénotypes chez des individus sains apparentés de patients souffrant de trouble bipolaire ou de schizophrénie devrait permettre aux psychiatres de soigner de façon optimale, c’est-à-dire de prévenir l’apparition d’un trouble, en apprenant au sujet comment contrôler les facteurs de stress dans son environnement et peut-être, en mettant en place un traitement pharmacologique neuroprotecteur. Déclaration d’intérêt Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec cet article. Références [1] Tamminga CA, Holcomb HH. Phenotype of schizophrenia: a review and formulation. Mol Psychiatry 2005;10:27-39. [2] Gottesman, II, Gould TD. The endophenotype concept in psychiatry: etymology and strategic intentions. Am J Psychiatry 2003;160:636-45. [3] Braff DL, Freedman R, Schork NJ, Gottesman, II. Deconstructing schizophrenia: an overview of the use of endophenotypes in order to understand a complex disorder. Schizophr Bull 2007;33:21-32. 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