Histoire de l’hydrothérapie Actualités sur le thermalisme J.-C. Dubois L’hydrothérapie en psychiatrie

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L’Encéphale (2011) Hors-série 3, 3-5
Actualités sur le thermalisme
Histoire de l’hydrothérapie
J.-C. Dubois
Clinique psychiatrique et Établissement thermal, 17600 Saujon, France
L’hydrothérapie en psychiatrie
L’hydrothérapie est le traitement le plus constant de la
médecine et le plus ancien de la psychiatrie puisqu’elle
trouve son origine dans une utilisation à visée thérapeutique dès le VIIIe siècle avant JC.
À peu près à toutes les époques de la médecine, l’hydrothérapie fut utilisée dans une visée thérapeutique.
Hippocrate, puis Galien utilisèrent en pratique médicale
courante cette technique thérapeutique.
La baignoire était ainsi un des éléments du cabinet
médical décrit par Hippocrate.
De tout temps, l’hydrothérapie a été considérée comme
une thérapeutique à part entière en médecine.
À l’époque romaine, l’hydrothérapie fut davantage utilisée dans une recherche de bien-être et pour une clientèle
aristocratique.
L’écossais Cullen classa en 1776 les maladies en quatre
groupes. L’un des quatre était consacré aux maladies nerveuses ou névroses. Cullen est ainsi l’inventeur du néologisme des névroses. Dans son traité, il considère que
l’hydrothérapie est la thérapeutique la mieux indiquée
pour ce groupe de pathologies.
Après la révolution, dès le début du XIXe siècle, le thermalisme va prendre un caractère davantage médical. La
plupart des centres de soins psychiatriques publics ou privés furent dotés de services d’hydrothérapie.
Correspondance.
Adresse e-mail : [email protected] (J.-C. Dubois)
© L’Encéphale, Paris, 2011. Tous droits réservés.
L’autrichien Priessnitz utilisa les douches d’eau froide,
afin de stimuler les asthéniques et « renforcer » leur système nerveux considéré comme déficient.
Au début du XXe siècle, sous l’impulsion de Freud, la
névrose d’angoisse remplaça la neurasthénie, concept créé
aux États-Unis par Beard en 1868, comme élément fondamental des névroses. Dès lors, le but était non de stimuler un
asthénique mais d’apaiser un anxieux d’où l’emploi de plus en
plus répandu de l’eau tiède au détriment de l’eau froide.
Le Professeur Draper de la Columbia University, considérait que l’hydrothérapie était « plus efficace qu’aucune
médication chimique pour stimuler les centres nerveux et
rétablir l’équilibre et la circulation ». Il la conseillait particulièrement dans la neurasthénie et l’hypocondrie et vantait son mérite pour stimuler les asthéniques.
C’est pour ses fonctions sédatives que l’hydrothérapie
fut ensuite utilisée.
C’est surtout en Allemagne qu’elle connut un succès
considérable, notamment sous l’impulsion de Kraepelin.
En 1904, lors de son rapport annuel dans le cadre de sa
thérapie moderne, il décrivait les soins hydrothérapiques
de la façon suivante, « soins indispensables qui ont permis
de traiter les cas les plus sévères, généralement soumis à
l’isolement ». Il conseille vivement « l’hydrothérapie
moderne » pour le traitement des aliénés.
Son élève, Aloïs Alzheimer, confirmait ces propos :
« grâce aux bains prolongés, nous avons réussi à garder de
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nombreux malades dépressifs, maniaques, catatoniques ou
paralytiques, le jour dans un bain, la nuit dans leur lit et
dans une chambre particulière, porte ouverte, sans avoir
recours aux narcotiques ».
Aux États-Unis, cette technique fut grandement utilisée
au début du XXe siècle, en particulier dans les institutions
asilaires. Elle était considérée comme une thérapeutique à
part entière, essentiellement sous forme de bains prolongés ou de packs humides. Elle a permis dans de nombreux
cas d’éviter l’utilisation de la contention et des traitements pharmacologiques de l’époque. On utilisait des bains
tièdes sur de longues durées (deux à trois heures) ou l’enveloppement par un drap pour favoriser la sédation. Les
principales indications étaient les états de nervosité, d’excitation, d’agitation, d’agressivité voire de violence.
En Europe, l’utilisation de l’hydrothérapie fut importante dans de nombreux centres hospitaliers et ce, jusqu’à
la première guerre mondiale. Le développement des psychothérapies et des techniques thérapeutiques biologiques
se sont accompagnés d’un certain déclin de l’hydrothérapie en institution.
Elle se développa alors dans des centres thermaux grâce
à l’essor du thermalisme médical et social.
Progressivement le thermalisme en psychiatrie s’est
ouvert non plus aux psychotiques asilaires, mais plutôt aux
anxieux. Ce développement s’est fait à côté des thérapeutiques médicamenteuses et psychothérapiques qui ont permis de résoudre un certain nombre de troubles. Cependant,
les situations médicales pour lesquelles les thérapeutiques
actuelles sont les plus limitées, sont peut-être les troubles
anxieux dont le développement vers la chronicité est fréquent.
Ces thérapeutiques ne peuvent à elles seules gérer
toutes les situations d’anxiété chronique. Le thermalisme
psychiatrique représente une indication spécifique ou tout
au moins une alternative thérapeutique lorsque les thérapeutiques classiques sont peu efficaces, inefficaces ou mal
tolérées.
150 ans de thermalisme à Saujon
Saujon est une ville d’un peu plus de 6000 habitants, située
à 10 km de Royan en Charente Maritime.
Dans cette ville se trouve une clinique psychiatrique qui
présente la spécificité d’intégrer dans son enceinte un établissement thermal spécifique des affections psychiatriques.
L’histoire thermale du centre débute en 1860. Le fondateur, le Docteur Louis Dubois y exerce la médecine générale. Esprit curieux, il va en Allemagne et rencontre le
fondateur de l’homéopathie, Heidenheim. Il rencontre
quelques années plus tard à Paris, Duchenne de Boulogne
qui expérimentait l’électrothérapie médicale. De ce
voyage, il rapporte un des propres appareils de Duchenne,
le seul personnel actuellement connu qui est exposé à
J.-C. Dubois
l’établissement thermal de Saujon et qui fut exposé à Paris
lors de l’exposition Universelle de 1937 et à Chicago en
1994 lors de l’assemblée générale de la Neurologic
American Society.
Il retourne à Paris voir le professeur Fleury qui pratiquait un traitement à base de douches froides mis au point
par Priessnitz dans l’actuelle Moravie. De retour à Saujon,
Louis Dubois aménagea un modeste établissement hydrothérapique pour y appliquer cette nouvelle thérapeutique à
sa clientèle.
En 1880 son fils Stanislas, conscient que ces traitements
conviennent principalement aux sujets souffrant de
« troubles nerveux », se forma dans le service du professeur Raymond à Paris.
Il en résulta un accroissement appréciable de sa clientèle qui l’amena à agrandir dans des proportions importantes en 1888 l’établissement construit par son père et à
aménager en 1901 une pension de famille pour y loger ceux
des curistes qui venaient de loin. Ainsi fut créé ce qu’il
appela une « villégiature médicale », centre de soins où les
patients sont accueillis avec de grands égards pour y bénéficier de repos et détente auquel il ajoute les soins nécessités par leur état : hydrothérapie, massages,
électrothérapie telle qu’elle se faisait à l’époque dans une
perspective sédative avec psychothérapie de soutien et
empathique, à visée anxiolytique.
Il acquit des terrains, aménagea un parc avec des salles
de réunion et une salle de spectacle où ont joué de nombreux artistes dont notamment Maurice Chevalier qui en a
fait état dans plusieurs de ses interviews.
La guerre de 1940 fut une grande épreuve pour ce
centre qui dut cesser son activité quand, en 1942, les allemands décrétèrent Saujon en zone côtière interdite ce qui
bloqua l’activité. Quand en 1944 ces restrictions furent
supprimées et les bâtiments, réquisitionnés, remis à la
famille Dubois, il fallut reconstituer la clientèle et remettre
les bâtiments, qui étaient inexploitables, en état. Cet
effort demanda une vingtaine d’années au terme desquelles le centre avait repris une activité supérieure à celle
d’avant la guerre. Mais contrairement à cette époque où il
fonctionnait sous la seule rubrique du thermalisme, il se
développa, à partir de 1946, également sous l’angle de
l’hospitalisation en clinique psychiatrique (cliniques Villa
du Parc et Hippocrate).
Cette dernière modalité supplanta l’activité thermale.
En 1965 les deux acquirent une capacité de 108 chambres.
Puis sous l’impulsion de deux des fils du docteur JeanClaude Dubois qui dirigeait le centre, le thermalisme reprit
un dynamisme important au point que des cinq stations
thermales à orientation psychosomatique elle connut ces
dernières décennies la plus importante progression et
qu’en 2008 et 2009, elle fut la station thermale française
qui eut la plus forte augmentation d’activité.
C’est en outre, celle de ces cinq stations qui participe
le plus activement à la recherche médicale sur le thermalisme psychiatrique. De nombreuses études y ont été
Histoire de l’hydrothérapie
réalisées dont une fut encadrée par l’unité INSERM de l’hôpital Sainte-Anne et, au plan méthodologique, par l’ISPED
de Bordeaux II. Cette étude multicentrique comprenant
237 patients a validé l’efficacité thérapeutique de la cure
thermale comparativement à un traitement de référence,
la paroxétine dans le TAG.
Ainsi se développent la connaissance et la reconnaissance progressives des indications du thermalisme psychiatrique (trouble anxiété généralisée, sevrage de
psychotropes, états douloureux chroniques, troubles du
sommeil, fatigue chronique, états dépressifs modérés réactionnels…).
Saujon est un centre spécifique par le fait qu’il propose
une alternative à l’hospitalisation et aux prises en charge
ambulatoire par le biais de la crénothérapie.
Le thermalisme s’inscrit, si l’on peut dire, à équidistance des méthodes ambulatoires et hospitalières permettant un encadrement peu contraignant et une autonomie
du patient.
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La crénothérapie s’adresse à des pathologies modérées,
souvent réactionnelles, mais durables et résistantes. Elle
peut éviter un passage vers une chronicité ou permettre
l’accélération d’une convalescence suite à une dépression
sévère ou une décompensation psychotique passagère.
Elle est le lieu idéal pour le sevrage d’addiction modérée
et pour réaliser des programmes d’éducation thérapeutique,
notamment dans le cadre des pathologies liées au stress.
Le centre psychiatrique de Saujon présente une deuxième spécificité : il s’agit d’un établissement qui est géré
depuis 150 ans de pères en fils par une même famille.
Conflits d’intérêt
J.-C. Dubois : intérêts financiers dans une entreprise (SA les
thermes de Saujon) ; propriétaire, dirigeant, employé, participation à un organe décisionnel d’une entreprise (SA les
thermes de Saujon).
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