LA PRATIQUE
ABSTRACTRHUMATOLOGIE
N°17 FÉVRIER 2007
LES DOSSIERS SCIENTIFIQUES DU
THERMALISME
Si dans un contexte d’anxiété pathologique ou de
dépression sévère, il faut prescrire en 1re inten-
tion des traitements chimiques et proposer une
thérapie psychocomportementale, on peut envi-
sager des alternatives ou des complémentarités
comme la crénothérapie face à des troubles anxio-
dépressifs légers ou modérés, voire chroniques ou
chez des patients résistants ou opposés aux solu-
tions chimiques. « Les effets biologiques des eaux
thermales sont connus, résume le Dr Olivier Dubois,
psychiatre hospitalier et médecin thermal à Saujon.
La crénothérapie a des effets hydrocinétiques ou
d’immersion, antispasmodique, de vasodilatation
périphérique, de normalisation de la pression intra-
musculaire, de sédation, d’antalgie ». Des études
ont apporté des résultats significatifs. L’étude de
Constant et coll (Divonne, 1 995) sur 109 patients
présentant un épisode dépressif (DSM III R) obtient
à 6 mois une amélioration de 54,5 % à la MADRS
et une réduction de la consommation d’antidépres-
seur de 14 % comparativement à un groupe dit
de « cure différée » réalisée après 6 mois retrou-
vent une augmentation de 25 % à la MADRS et de
25 % de la consommation d’antidépresseur. Dans
un contexte de surconsommation médicamenteuse,
l’intérêt médico-économique de la cure est donc
aussi à souligner.
L’EAU AU SENS PROPRE
Le thermalisme peut être proposé comme trai-
tement du trouble actuel ou en prévention d’une
aggravation. « C’est l’action corporelle des soins
thermaux qui est passive, naturelle et psychique-
ment peu investissante ainsi que l’institution ther-
male en elle-même lieu d’encadrement et de suivi
psychiatrique qui, combinées, offre de remarqua-
bles résultats aux patients », explique encore le
Dr Dubois. La cure apporte des bénéfices à trois
niveaux : biologique par l’hydrothérapie, psycho-
logique grâce à la psychothérapie et socialisant
au sein de l’institution. Trois ou quatre modalités
de soins sont proposées dans le cadre du traite-
ment conventionné par l’Assurance Maladie**. La
douche thermale pratiquée tous les matins, d’une
durée de trois minutes favorise la myorelaxation,
la détente puis la stimulation. Les bains bouillon-
nants sont remarquables par leur effet sédatif. ils
sont prescrits pour une durée de 10 minutes quoti-
dienne. Ils favorisent la détente musculaire. Ils peu-
vent s’associer à la douche ventrale dont l’action sur
les troubles fonctionnels digestifs est particuliè-
rement intéressante. Enfin les massages, réalisés
trois fois par semaine par un kinésithérapeute favo-
risent le contact corporel et renforcent la détente.
Un bassin d’eau thermale est aussi mis à la dispo-
sition des curistes, complétant la prise en charge
hydrothérapique.
**La prescription d’une cure thermale se fait sur un
imprimé délivré par l’assurance maladie. Il faut y pré-
ciser l’orientation thérapeutique (psychosomati-
que) et le nom d’une station ayant cette orientation :
Bagnères de Bigorre, Divonne les Bains, Néris les
Bains, Saujon, Ussat les Bains.
Certains patients se trouvent amélio-
rés par la crénothérapie. Une alterna-
tive qui a sa place.
Î
> Prochain numéro :Les sinusites
En quoi la cure thermale peut-être
une réponse pour ces patients ?
On a constaté que l’eau thermale
présentait une certaine efficacité,
en tant que facteur physique. L’eau
est aussi un élément qui a un impact
sur certains aspects physiologiques
et neurobiologiques de l’individu.
Par ailleurs, la durée d’une cure per-
met l’éducation thérapeutique du
patient, et l’aide à retrouver des
règles d’hygiène de vie favorables.
Les professionnels de santé en éta-
blissement thermal peuvent ainsi
informer sur la maladie et ses trai-
tements, et conseiller, sensibiliser
accompagner les patients à une
meilleure hygiène de vie.
Par ailleurs, la cure thermale est l’oc-
casion de mettre en œuvre tous les
moyens thérapeutiques : médica-
menteux, psychothérapiques, hydro-
thérapiques et environnementaux
pour soulager le malade.
Enfin, la réunion de groupes homo-
gènes de patients au sein des éta-
blissements thermaux est un facteur
aidant pour le malade qui peut ainsi
mieux conceptualiser et analyser ce
qui lui arrive.
Quand vaut-il mieux proposer la
cure ?
Les frontières troubles anxieux, trou-
bles dépressifs ne sont pas toujours
faciles à marquer. Dans 1/3 des cas,
le trouble anxieux est préalable au
trouble dépressif, dans 1/3 des cas le
trouble anxieux surgit dans la foulée
du trouble dépressif et dans 1/3 des
cas les deux symptômes surgissent
de concert. Une proposition théra-
peutique doit être offerte au malade
dès que les symptômes deviennent
suffisamment durables et intenses
pour entraver la vie quotidienne. Le
thermalisme s’inscrit comme un outil
de prévention et d’action précoce à
l’accès à une meilleure hygiène et un
meilleur équilibre. La crénothérapie
peut aussi participer à une meilleure
résilience face aux conditions de vie.
Elle a toute sa place pour renforcer
les capacités d’adaptation de l’indi-
vidu et de réponse et traiter certai-
nes pathologies à symptomatologie
anxieuse ou dépressive.
4 Troubles anxieux/troubles dépressifs
penser les soins autrement
Questions au Pr Jean-Pierre Olié
(SHU Ste Anne, Paris)