
Prise en charge des suicidants. Quel apport d’une démarche d’audit clinique ciblé ? S29
l’origine de 33 % de l’ensemble des suicides en France
[23].
Huit pour cent de la population métropolitaine adulte
déclare avoir fait une tentative de suicide (TS) au cours de
sa vie et 2 % sont considérés comme à risque suicidaire élevé.
Le taux de récidive est évalué à 22 % pour les hommes et 35 %
pour les femmes [13] : 30 à 40 % des suicidants récidivent
généralement dans l’année qui suit l’épisode index ; la mor-
talité est importante car 10 % décèdent par suicide dans les
dix ans (1 % par an) [4,36].
Depuis le début des années 2000, 195 000 TS donne-
raient lieu chaque année à un contact avec le système de
soins : 30 % seraient vues par un médecin généraliste, 80 %
viendraient aux urgences, et 30 % seraient hospitalisées en
psychiatrie [13].
La Picardie est au cinquième rang des régions franc¸aises
pour le taux de suicide (418 décès en 2005) [10]. Selon
les données du PMSI 2005, ilya15hospitalisations par
jour en Picardie pour une TS soit 306 hospitalisations pour
100 000 habitants [27]. Des troubles mentaux sont diagnos-
tiqués chez 93 à 95 % des suicidés [6] avec au premier
rang les troubles de l’humeur et les troubles anxieux [32].
Le risque suicidaire est élevé en cas de dépression, de
troubles anxieux (attaques de panique, syndrome de stress
post-traumatique [34], phobie sociale [30]), de névrose
hystérique et de psychopathie [36]. Enfin, la personnalité
borderline, une situation très fréquente, est à très haut
risque de suicide : 50 à 80 % des patients borderline ont
des comportements d’automutilation — que certains auteurs
considèrent comme une forme atténuée de suicide — et
10 % se suicident [29]. La prévalence de la personnalité
borderline chez les suicidants est élevée : 10 à 55 % [9].
Chez les schizophrènes, le risque de mortalité est 12 fois
supérieur à celui de la population générale [24] avec un
taux de mortalité absolu par suicide de 7 % [25] :10à
13 % des schizophrènes se suicident ; 20 à 50 % font des TS
[7].
La Conférence de consensus de la Fédération franc¸aise de
psychiatrie sur la crise suicidaire a souligné que les données
de la littérature sur la prévention du suicide sont abondantes
pour la prévention primaire et tertiaire mais sont pauvres
pour la prévention secondaire (récidive) [17]. La crise sui-
cidaire est caractérisée par une période de déséquilibre
intense, mais temporaire et réversible, et la TS ne repré-
sente qu’une des sorties possibles de la crise [36]. La crise
suicidaire est d’expression très variable, les troubles sont
souvent inapparents ou peu spécifiques et ont une valeur
prédictive faible pour prévoir si la crise va évoluer vers une
rémission spontanée, une TS ou d’autres passages à l’acte
[17]. Il est cependant essentiel de repérer la crise suicidaire
car elle justifie en elle-même une prise en charge médicale
et constitue par ailleurs un moment fécond pour une action
thérapeutique.
La gravité et la complexité de la situation contrastent
avec la pauvreté des données, aussi les recommandations
professionnelles sur la prise en charge correspondent plus à
«l’état de l’art »qu’à «l’état de la science »[17]. De même,
les outils disponibles (échelles de Beck, de Hamilton et RSD),
utiles pour définir des populations à risque suicidaire dans
le cadre des recherches biomédicales, ne sont pas adaptés
pour évaluer le risque suicidaire imminent ou à court terme
en pratique clinique [5,15,16,36].
En Picardie, la prise en charge du suicide est une priorité
du Plan régional de santé publique [12]. Nous avons voulu y
répondre avec la méthode de l’audit clinique ciblé (ACC) qui
est la méthode de référence développée par l’Anaes dans le
cadre de l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP)
dans le contexte d’une action nationale multidisciplinaire
[20]. Il n’existe malheureusement pas d’étude nationale
ayant mesuré l’impact de l’ACC sur l’amélioration des pra-
tiques. Par ailleurs, les études réalisées dans d’autres pays
ne sont pas transposables puisque l’organisation des soins
est différente [18].
L’objectif principal de ce travail est d’analyser l’impact
de l’ACC sur l’amélioration des pratiques ; les objectifs
secondaires sont la faisabilité de la méthode et l’état
des lieux de la prise en charge des suicidants dans
12 établissements picards.
Matériel et méthodes
L’audit
«L’audit clinique est une méthode classique d’évaluation
qui permet à l’aide de critères déterminés de comparer les
pratiques de soins à des références admises, en vue de mesu-
rer la qualité de ces pratiques et des résultats de soins,
avec l’objectif de les améliorer »[1]. C’est une méthode
«diagnostique »orientée vers l’amélioration de la qualité
des soins. L’ACC a pour modèle princeps l’audit clinique.
C’est une méthode de première intention d’amélioration de
la démarche qualité [2] qui comporte six étapes :
•choix du thème ;
•choix des critères ;
•choix de la méthode de mesure ;
•recueil des données ;
•analyse des résultats ;
•plan d’actions d’amélioration et réévaluation [2].
L’analyse des écarts entre la pratique et les références
issues des recommandations doit conduire à élaborer des
plans d’amélioration qui peuvent porter sur les pratiques,
l’organisation ou les moyens.
La mise en place de l’audit
Cet audit limité à 16 critères ciblait les ressources et les
processus de la prise en charge du suicidant :
•l’organisation de la prise en charge pendant le séjour (les
dix premiers critères)
•les contacts avec l’environnement du patient (deux cri-
tères)
•la préparation de la sortie (les quatre derniers critères)
(Annexe 1).
Ces critères étaient issus des recommandations de 1998,
essentiellement basées sur des accords professionnels :
aucun de ces 16 critères n’est de grade A (preuve scienti-
fique établie par des études de fort niveau de preuve) ; les
critères no2, 3 et 15 sont issus de recommandations de grade
BouC[4].